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Décisions

CA Paris, 13e ch. B, 9 mars 1995, n° 94-03200

PARIS

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Castillo, Henry, Jouanneau, Lusson, Nafii, Richard (Epoux), Rochat, UFC de la Seine-Saint-Denis

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bertolini

Conseillers :

Mmes Magnet, Marie

Avocats :

SCP Soulie-Coste-Floret, Mes Jeanclos, Treille

TGI Bobigny, du 24 févr. 1994

24 février 1994

RAPPEL DE LA PROCEDURE.

LE JUGEMENT:

Le tribunal, par jugement contradictoire, a déclaré X Dominique coupable de:

- publicité mensongère ou de nature a induire en erreur, courant 1992, à Bagnolet (93), infraction prévue par les articles L. 121-1, L. 121-5, L. 121-6 al. 1 du Code de la consommation et réprimée par lés articles L.121-6, L.213-1 du Code de la consommation,

- demande de contrepartie pour participer à l'attribution d'un gain par tirage au sort, publicité, courant 1992, à Bagnolet (93), infraction prévue par les articles L.121-41,L.121-36 al. 1 du Code de la consommation et réprimée par l'article L. 121-41 du Code de la consommation,

- perception par un prêteur d'un paiement avant expiration du délai de rétractation - crédit, courant 1992, à Bagnolet (93), infraction prévue par les articles 25 al. 1, 7 al.3, 2, 3 loi 78-22 du 10/01/78, 1 décret 88-293 du 25/03/88 et réprimée par l'article 25 al. 1 loi 78-22 du 10/01/78,

Et par application de ces articles, a condamné X Dominique à 30 000 F d'amende avec sursis,

a ordonné la publication du jugement par extraits dans Le Parisien Libéré, et France Soir aux frais du condamné sans que le coût de chaque insertion puisse excéder la somme de 5 000 F.

a déclaré la SARL "Y." représentée par Maître Giffard mandataire-liquidateur, civilement responsable.

a assujetti la décision à un droit fixe de procédure de 600 F;

Sur l'action civile

le tribunal a reçu L'Union Fédérale des Consommateurs de la Saine Saint Denis, les époux Richard, Laurence Lusson, Nadine Jouanneau, Mohamed Nafii, Frédéric Henry, José Castillo et Daniel Rochat en leur constitutions de parties civiles,

a condamné solidairement Dominique X et la SARL Y à payer:

- à L'UEC de Seine Saint Denis la somme de 1 F à titre de dommages-intérêts et celle de 1 500 F sur le fondement de l'article 475-1 du Code de procédure pénale;

- aux époux Richard la somme de 7 000 F à titre de dommages intérêts et celle de 1 500 F sur le fondement de l'article 475-1 du Code de procédure pénale;

- à Laurence Lusson la somme de 3 000 F à titre de dommages-intérêts;

- à Nadine Jouanneau la somme de 3000 F à titre de dommages-intérêts;

- à Mohanied Nafii la somme de 3000 F à titre de dommages-intérêts;

- à José Castillo la somme de 3 000 F à titre de dommages-intérêts;

- à Daniel Rochat les somme de 1 000 F et 989 F à titre de dommages- intérêts;

LES APPELS:

Appel a été interjeté par:

Union Fédérale Des Consommateurs De La Seine Saint Denis, le 1er mars 1994 contre SARL Y représenté par son liquidateur : Me Giffard, Monsieur X Dominique,

Monsieur X Dominique, le 3 mars 1994 sur les dispositions pénales et civiles,

M. le Procureur de la République, le 4 Mars 1994 contre Monsieur X Dominique,

DÉCISION:

Rendue après en avoir délibéré conformément à la loi,

Statuant sur les appels régulièrement interjetés par le prévenu Dominique X, l'UFC 93, partie civile, et le Ministère Public à l'encontre du jugement déféré auquel il est fait référence pour l'exposé de la prévention et des faits.

RAPPEL DES FAITS

Il est expressément fait référence à l'exposé des faits des premiers juges, étant rappelé que:

La société Y (Y), sis à BAGNOLET, 78-80 avenue du Général de Gaule, dont le gérant était Dominique X et qui avait commencé à l'exploiter le 2 mars 1991, a été déclarée en redressement judiciaire, puis, en liquidation judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Bobigny en date du 3 novembre 1992, Monsieur Giffard étant désigné en qualité de mandataire liquidateur.

Le registre du commerce révèle que cette société était inscrite pour les activités suivantes :

- marchand de biens,

- marchands de fonds,

- expertise immobilière,

- gestion d'immeuble,

Au cours de sa vie sociale, elle a procédé à la commercialisation d'un "droit de vacances" dans une résidence se nommant "Tropical Park" située à Ténériffe, dans les îles Canaries.

Pour approcher la clientèle, la société Y utilisait la méthode du "mailing."

Elle achetait des fichiers à une société à laquelle elle demandait d'effectuer un tri selon des critères de revenus, d'âge, de situation etc., et adressait aux personnes ainsi sélectionnées un document type, comportant un "numéro de participation" permettant l'identification.

Le destinataire apprenait que, s'il remplissait les critères indiqués au verso dudit document parmi lesquels figurait la nécessité d'assister en couple, dans ses locaux, "à la présentation d'un nouveau concept de vacances à travers le monde, il avait "définitivement gagné "l'un des ces 4 superbes cadeaux"

* lot A1 : un chèque de 50 000 F,

* lot A2 une croisière fabuleuse d'une semaine pour 2 personnes d'une valeur de 30 000 F,

* lot A3 7 nuits d'hébergement pour 4 personnes dans une résidence 4 étoiles luxe à Ténériffe d'une valeur de 5 000 F,

* lot A4; un téléviseur à télécommande d'une valeur de 2 250, étant précisé qu'il y avait 100 téléviseurs à gagner.

Le règlement du jeu, qui devait se dérouler du 1er au 31 décembre 1992, déposé chez Maître Denis, huissier de justice associé à Paris, indique :

- le destinataire du bulletin n° 325637 gagne 50 000 F en chèque;

- le destinataire du bulletin n° 638239 gagne une croisière d'une semaine de deux personnes pendant l'été 1993, pension complète, vol PARIS GRECE inclus, d'une valeur de 30 000 F ;

- les personnes n'ayant pas les lots numérotés indiqués dans ces prix gagnent sept nuits d'hébergement à la Résidence hôtel Castel Arbour, d'une valeur de 5 000 F ;

- les lots se terminant par 211 à compter de 10 211 gagnent un téléviseur d'une valeur de 2 250 F.

Les 19 et 20 août 1992, Claudine Suchet contrôleur et Jean-Pierre Martin inspecteur principal des services extérieurs de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), ont procédé à un contrôle;

Il s'est révélé que le lot le plus fréquemment attribué et en réalité le seul servi était le lot A3.

Il était relevé, en outre, par les inspecteurs de la DGCCRF que la présentation de la lettre en ne précisant pas le nombre de lots de cette catégorie A3 laissait croire au destinataire qu'il avait beaucoup plus de chance de gagner les trois autres lots, ceux-ci n'engageant aucune dépense supplémentaire.

Les inspecteurs de la DGCCRF notaient également qu'en haut du document type, un "chèque cadeau", figurant sur fond de couleur rose, permettant de bien le distinguer du reste de l'imprimé, est représenté. Son montant est de 2 250 F et a, lui aussi une durée de validité de 72 heures.

Enfin, il a été découvert, que deux personnes qui avaient gagné le lot "7 nuits d'hébergement". n'ont pu bénéficier de leur lot, la société Y se révélant incapable de leur confirmer les dates de séjour qui leur avaient été attribuées, ce qui ne permettait pas aux intéressés d'acheter les billets d'avion nécessaires pour se rendre aux Canaries, lieu du séjour.

Les inspecteurs de la DGCCRF estimaient donc que le délit de publicité mensongère était caractérisé.

Les inspecteurs de la DGCCRF relevaient, par ailleurs, que les participants ne se voyaient offrir que l'hébergement dans l'hôtel situé aux Canaries, saris prise en charge des frais de voyage indispensable pour pouvoir bénéficier du cadeau, alors que l'article 5 de la loi n° 89-421 de 23 juin 1989,devenu l'article L. 121-36 du Code de la consommation, prévoit que les opérations publicitaires réalisées par voie d'écrit qui tendent à faire naître l'espérance d'un gain attribué à chacun des participants, quelles que soient les modalités de tirage au sort, ne peuvent imposer aux participants aucune contrepartie financière, ni dépense sous quelque forme que ce soit.

Les inspecteurs de la DGCCRF ont également examiné les "contrats de promesse d'achat de jouissance en temps partagé d'appartements dans le Tropical Park Club" conclus au jour de leur contrôle.

Il leur est apparu que sur certains de Ces documents, le paiement de la prestation de service, en l'occurrence l'acquisition du droit de vacances, était échelonné sur une période supérieure à trois mois et que la société Y demandait aux souscripteurs de verser systématiquement un acompte s'élevant en règle générale à 10 % du montant de la facture, au moment de La signature du contrat et avant l'acceptation de l'offre préalable de crédit auprès de l'organisme de crédit. Les inspecteurs précisaient que c'est seulement après avoir versé cet acompte que l'acquéreur se rendait dans les locaux de l'établissement de crédit pour souscrire une offre préalable.

Les inspecteurs de la DGCCRF ont estimé que le délit de perception d'un paiement par le vendeur avant que l'opération de crédit ne soit définitivement conclue, prévu et réprimé par les article 11 et 13 de la loi n° 78-22 du 10 janvier 1978, devenu respectivement les articles L. 31 1-27 et L. 31 1-35 10 du Code de la consommation était caractérisé.

L'Union Fédérale Des Consommateurs représentée par un avocat, demande par voie de conclusions :

- la confirmation du jugement quant à la culpabilité de Monsieur X,

- l'infirmation du jugement quant aux intérêts civils,

En conséquence, elle réclame la somme de 50 000 F à titre de dommage-intérêts, ainsi que celle de 10 000 F sur le fondement de l'article 475-1 du Code de procédure pénale;

La société Y étant déclarée civilement responsable des agissements de Monsieur X.

Sur l'action publique, elle a fait observer oralement, que la société Y bénéficiait pour son activité de marchand de biens d'une garantie financière, ce qui n'était pas le cas lorsqu'elle concluait tes contrats ponant sur un "droit de vacances " ;

Sur l'action civile, elle expose, dans ses écritures, que c'est à son initiative qu'une enquête fût ouverte sur les agissements de Monsieur X et que~ par ses interventions, elle a pu obtenir la restitution de l'acompte versé par certains consommateurs à la société Y,

Toujours oralement, elle a fait valoir que le montant des dommages intérêts tel qu'il a été fixé par le tribunal ne lui permet pas de remplir sa mission.

Monsieur et Madame Richard, représentés par leur avocat, demandent la confirmation du jugement sur le montant des dommages intérêts qui leur ont été alloués et qu'il soit décidé que les sommes allouées porteront intérêts à compter du prononcé du jugement de première instance.

Monsieur Nafii s'est présenté à l'audience, il réclame outre la confirmation du jugement, la somme de 500 F sur le fondement de l'article 475-1 du Code de procédure pénale.

Madame Jouanneau s'est présentée à l'audience, elle réclame outre la confirmation du jugement, la somme de 500 F sur le fondement de l'article 475-1 du Code de procédure pénale;

Monsieur Castillo cité à Parquet n'a pas comparu à l'audience, il sera statué par défaut à son égard.

Monsieur Rochat cité à personne n'a pas comparu à l'audience, il sera statué par défaut à son égard

Mademoiselle Lusson citée à personne n'a pas comparu à l'audience, il sera statué par défaut à son égard

Madame Henry citée à personne n'a pas comparu à l'audience, il sera statué par défaut à son égard, la lettre de représentation qu'elle a donné à Monsieur Nafii n'étant pas valable, dés lors qu'elle n'a pas été donnée à un avocat, qui seul peut représenter. dans les cas où la loi le permet, une partie ;

Monsieur Giffard, cité à personne, es qualité de mandataire liquidateur de la société Y civilement responsable de Monsieur X n'a pas comparu à l'audience, il sera statué contradictoirement à son égard ;

Monsieur X s'est présenté à l'audience assisté d'un avocat, par voie de conclusions il fait valoir :

1°) Sur le délit de publicité de nature à induire en erreur

Que dans le cadre de la promotion de ses ventes la société Y adressait aux clients potentiels, sous forme de "mailing", une lettre les informant des lots qu'ils pouvaient gagner et des conditions dans lesquelles ils pouvaient les recevoir, étant précisé que le règlement était conforme à celui habituellement pratiqué par toutes les sociétés commerciales faisant appel à cette forme de publicité,

Que si le hasard qui préside à ce genre d'opération a fait que le seul loti qui a été servi à l'exclusion des trois autres, le lot n° 3, à savoir 7 nuits d'hébergement pour 4 personnes dans une résidence 4 étoiles à Ténériffe, on ne peut en conclure, selon ses termes qu'il a réalisé une publicité comportant des allégations fausses ou de nature à induire en erreur ses destinataires sur les engagements de Y, alors que 750 personnes ont bénéficié du lot A3,

2°) Sur la demande de contrepartie

Qu'on ne peut qualifier de sacrifice financier la dépense (voyage, absence de son travail) faite par le bénéficiaire d'un lot en vue d'entrer en possession de ce qu'il a gagne.

3°)Sur la perception par un prêteur d'un paiement avant l'expiratioh du délai de rétractation

Que le tribunal l'a condamné sur le fondement de l'article 25 de la loi du 10 janvier 1978, alors que la loi applicable en l'espèce est la loi n0 70-9 du 2 janvier 1970, relative à l'activité d'agent immobilier, Qu'en effet le contrat intitulé promesse d'achat en temps partagé, à Tropical Park club, rédigé en la forme anglo-saxonne donne pouvoir à Y de faire une demande d'inscription en tant que membre du Tropical Park, en vue de se voir conférer la jouissance dans le temps d'un bien immobilier,

Que Y avait le statut d'agent immobilier et que c'est, en cette qualité, qu'il percevait au titre de dépôt de garantie, et non d'acompte, une somme représentant 10 % de la valeur d'achat, celle-ci étant versée sur un compte spécial à la Compagnie Bancaire, où elle était séquestrée conformément à l'article 55 du décret d'application de la loi susvisées,

Monsieur X fait observer que la Cour n'a été saisie d'aucune demande de restitution des acomptes versées, ceux-ci étant automatiquement restitués à l'acheteur ;

4°) Sur les demandes des parties civiles

Monsieur X soutient,

Que les bulletins indiquant les conditions à remplir pour participer au concours, il convient de vérifier si les parties civiles remplissaient ces conditions'.

Il fait observer que Monsieur Castillon a donné au tribunal une adresse où il n'a jamais habité;

Que Monsieur Nafii ne justifie pas du montant de ses frais, et il estime que la demande de paiement de la somme de 50 000 F correspondant au lot le plus important, est révélatrice de l'état d'esprit dans lequel il s'est constitué partie civile, à savoir obtenir de la justice ce que la chance ne lui avait pas donné;

Monsieur X ajoute, que les époux Richard ont attendu plus de six mois pour rétracter leur offre d'achat et que les délais prévus tant par la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 que par la loi du 10 janvier 1978 étaient expirés, ce qui justifie le refus de Y de leur restituer leur acompte ;

Enfin Monsieur X prétend que la constitution de partie civile de l'Union fédérale des consommateurs de la Seine-Saint-Denis, à supposer qu'elle soit recevable, doit être examinée en fonction du rapport existant entre les 750 personnes qui ont profité de l'occasion qu'elles avaient pour se rendre aux Canaries et bénéficier d'un hébergement gratuit de 7 jours et le nombre de plaignants qui ne sont que 8.

Monsieur X estime qu'en toute hypothèse la nature de l'affaire n'exige pas une mesure de publication dans la presse;

SUR L'ACTION PUBLIQUE

* Sur le délit consistant à avoir imposé aux participants à une opération publicitaire une participation financière ou une dépense

Considérant que, selon l'article 5, alinéas 1 et 20 de la loi du 23 juin 1989, devenu l'article L. 121-36 du Code de la consommation, les opérations publicitaires réalisées par voie d'écrit qui tendent à faire naître l'espérance d'un gain attribué à chacun des participants, quelles que soient les modalités de tirage au sort, ne peuvent être pratiquées que si elles n'imposent aux participants aucune contrepartie financière ni dépense sous quelque forme que ce soit;

Considérant que, toutefois les dépenses exposées pour entrer en possession de ce qui n'était qu'une libéralité n'entrent pas dans le champs d'application de ce texte, dés lors qu'elle n'étaient pas exigées pour participer au tirage, mais déboursées volontairement et postérieurement au tirage; qu'au surplus, les inspecteurs de la DGCCRF n'avaient pas relevé ce genre de débours que le tribunal a retenu à tort;

Qu'ainsi, il ne leur était pas réclamé un sacrifice financier prohibé par l'article 5 de la loi du 23 janvier 1989, devenu l'article L. 121-36 du Code de la consommation;

Que le jugement doit donc être infirmé, en ce qu'il a condamné Monsieur X pour avoir réalisé une opération publicitaire par voie d'écrit tendant à faire naître l'espérance d'un gain, alors que celle-ci imposait au bénéficiaire désirant recevoir son lot une participation financière, Qu'il convient en conséquence de le relaxer des fins de la poursuite de ce chef;

* Sur le délit de publicité mensongère

Considérant que, le bulletin de participation qui était adressé aux concurrents, précisait que ceux-ci avaient définitivement gagné l'un des quatre lots;

Que, comme l'a relevé le tribunal M. Dominique X, n'avait pas été en mesure de fournir l'identité d'une personne ayant gagné un téléviseur, dont le nombre à la date de l'intervention du service de la répression des fraudes aurait dû être de 35 au regard des numéros des bulletins de participation distribués

Que les numéros correspondant aux lots A1 et A2 n'avaient même pas été mis en circulation ;

Que la publicité était ainsi mensongère, Monsieur X ayant reconnu que tous les lots n'avaient pas été attribués ,

Que l'infraction est constituée dans tous ses éléments

* Sur le délit avant consisté à avoir perçu à l'occasion du financement d'un achat à l'aide d'un crédit, le paiement d'un acompte par le client, avant l'acceptation de l'offre préalable du prêteur ;

Considérant que, selon l'article 18 de la loi du 10 janvier 1978 devenu l'article L. 311-17 du Code de la consommation tant que l'opération de crédit n'est pas définitivement conclue, aucun paiement sous quelque forme et à quelque titre que ce soit, ne peut être fait par le préteur à l'emprunteur ou pour le compte de celui-ci, ni par l'emprunteur au prêteur. Pendant ce même délai de sept jours, l'emprunteur ne peut non plus faire, au titre de l'opération en cause, aucun dépôt au profit du prêteur ou pour le compte de celui-ci ;

Considérant que, selon ce même article 18 de la loi du 10 janvier l978, devenu l'article L. 311-3 4" du Code de la consommation , sont exclus du champ d'application de ce texte, les opérations de crédit portant sur des immeub1es, notamment les opérations de crédit-bail immobilier et celles qui sont liées à l'acquisition d'un immeuble en propriété ou en jouissance Considérant que bien que la loi qualifie les parties de "préteurs" et d'"emprunteurs", elle s'applique non seulement à des prêts mais aussi à tous les contrats qui comportent octroi de crédit;

Considérant que Monsieur X soutient qu'il a la qualité d'agent immobilier, mais que cette qualité n'a aucune incidence sur la nature du contrat conclu avec les adhérents à Central Park Club,

Qu'en effet, la loi régit aussi bien les professionnels du crédit, que ceux qui consentent du crédit dans le cadre d'une activité professionnelle quelconque

Considérant qu'il résulte du texte ci-dessus visé, que l'interdiction de recevoir un paiement ne concerne pas l'acquisition directe ou indirecte (par le biais de parts sociales) d'un immeuble en propriété ou en jouissance ;

Qu'il convient donc de rechercher, si les droits acquis étaient des droits immobiliers pour décider si Monsieur X est coupable du délit qui lui est reproché;

Considérant que, dans ses conclusions Monsieur X, fait valoir que la promesse d'achat était rédigée en la forme anglo-saxonne, sans en tirer la conclusion que la loi de l'Ile de Man, indiquée dans l'acte comme étant la loi à laquelle le contrat était soumis, était applicable.

Qu'il convient, par ailleurs d'observer, qu'il appartient à la partie qui invoque l'application d'une loi étrangère d'apporter la preuve de sa teneur;

Qu'il convient donc d'apprécier les droits souscrits selon la loi du for:

Considérant que, Monsieur X soutient que le contrat intitulé promesse d'achat en temps partagé à Tropical Park Club donne pouvoir à Y en faire une demande d'inscription en tant que membre du Tropical Park, en vue de se voir conférer la jouissance dans le temps d'un bien immobilier;

Considérant que la société Y. proposait en qualité de société de commercialisation, un contrat dit "de promesse d'achat en temps partagé à Tropical Park Club" Que selon les termes de l'acte, il était donné mandat à cette société, de faire au nom du souscripteur une demande d'inscription an tant que membre du Tropical Park;

Que pour certains contrats, il était versé une somme à litre d'acompte sur le prix total étant précisé que le solde du prix serait financé par un crédit;

Considérant que, selon l'acte appelé constitution du Club, la propriété des appartements appartenait à des sociétés dont la liste figure à une annexe du présent acte ;

Considérant que, selon la " constitution " du Tropical Park Club les membres s'engageaient à participer aux dépenses de gestion, comprenant notamment l'entretien et la réparation des appartements, ainsi que les frais d'assurance afférents à ces ditsappartements;

Qu'ils devaient conserver et maintenir l'intérieur des appartements correspondant au certificat de membre ainsi que tout leur contenu, en bon état et condition pendant toute sa période d'occupation, et de payer ou indemniser le Club pour tout dégât détérioration ou dilapidation. , ni apporter aucune modification à l'appartement ou à son contenu, selon les termes employés par l'acte ;

Considérant que, ces obligations ne sont pas celles d'un propriétaire ou même du titulaire d'un droit réel de propriété démembrée, portant sur un immeuble, mais bien plutôt celles d'un utilisateur d'un service hôtelier ;

Considérant que l'associé bénéficiaire d'un droit de jouissance, pouvait certes sous-louer ou accorder à des tiers des droits d'occupation léguer, vendre ou transférer de toute autre façon, les droits qu'il tient en vertu de sa qualité de membre ;

Mais que le certificat ne pouvait faire que l'objet d'un nantissement et non d'une hypothèque ;

Qu'il convient d'observer que l'associé bénéficie d'un droit de jouissance sur le local pendant la période où celui-ci lui est attribué, mais qu'exercé chaque année pendant une période déterminée, ce droit de séjour est à exécution successive ;

Considérant qu'en outre chaque membre du Club était titulaire d'un droit temporaire lié à la vie du Club dont le terme était fixé" à l'année 2071 ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède, que le contractant était créancier d'une société qui restait propriétaire de l'immeuble, et que le contrat n'était en réalité qu~une adhésion au Tropical Park Club;

Qu'il s'agissait donc d'un droit mobilier;

Qu'en conséquence, le crédit sollicité était un crédit mobilier et qu'il ne pouvait être demandé aucun paiement immédiat au contractant ;

Considérant que le délit est donc caractérisé ;

Qu'il convient donc de confirmer le jugement sur la déclaration de culpabilité pour ces deux délits ;

Considérant que bien que le prévenu ait été relaxé du premier chef de culpabilité, la gravité de ses agissements et le retentissement des faits sur l'ordre public, justifie qu'il soit prononcé à son encontre une sanction plus significative, mais toutefois assortie du sursis

Qu'il convient donc de prononcer une peine de 60 000 F d'amende en répression de ces deux délits ;

Considérant qu'il y a un intérêt évident à ce que de telles pratiques soient portées à la connaissance des consommateurs, et qu'il convient d'ordonner la publication par extraits du présent arrêt dans les journaux suivants Le Parisien Libéré Edition nationale et France Soir aux frais du condamné, sans que le coût de chaque insertion puisse excéder 5 000 F ;

SUR L'ACTION CIVILE

1°) Sur la demande de L'Union Fédérale Des Consommateurs De La Seine Saint Denis

* Sur la recevabilité de l'action de l'association

Considérant que, L'UFC qui a été créée pour défendre les consommateurs et qui justifie de son agrément par la Préfecture, subit un préjudice personnel et direct du fait de l'infraction;

Qu'elle est donc recevable à en demander réparation;

* Sur l'évaluation du préjudice subi par l'association

Considérant que, le délit a causé à l'UFC un préjudice dont elle est bien fondée à demander réparation ;

Considérant que, la Cour puise dans les circonstances de l'espèce les éléments suffisants pour fixer à I F, le montant total du préjudice résultant directement pour la partie civile des agissements délictueux retenus à la charge du prévenu

Qu'en effet, l'UFC ne saurait faire état des frais irrépétibles des procédures qu'elle engage et qui sont susceptibles d'être remboursés sur le fondement de l'article 475-1 du Code de procédure pénale;

Que les frais de fonctionnement d'une association doivent normalement être couverts par Les cotisations de ses adhérents ;

Considérant que la demande d'une somme de 10 000 F, formulée par l'UFC, partie civile, au titre des frais irrépétibles est justifiée dans son principe, mais doit être limitée à 2 000 F.

* Sur la demande des époux Richard;

Considérant que, les époux Richard ont souscrit un contrat ayant pour objet la jouissance en temps partagé d'un appartement par adhésion au Tropical Park Club;

Qu'ils ont versé une somme de 7 000 F, que toutefois, il était stipulé que [e paiement aurait lieu au comptant plus tard ;

Considérant que, pour qu'il y ait crédit au sens du Code de la consommation, il faut que le paiement soit différé intervienne après la mise à la disposition de l'objet ou l'exécution de la prestation ;

Que tel n'est pas le cas de l'espèce ;

Considérant qu'en réalité les époux Richard poursuivent l'annulation du contrat, ainsi conclu, pour des motifs tenant au licenciement de Monsieur Richard, qui ne lui permet plus de poursuivre son projet d'acquisition d'un droit de jouissance à temps partagé ;

Considérant que, le préjudice invoqué par les époux Richard ne découle pas des infractions poursuivies;

Considérant que, sauf exception prévue par la loi, le juge répressif ne peut accorder de réparation que pour les chefs de dommage découlant d'une infraction dont il a constaté l'existence;

Qu'il appartient aux époux Richard de poursuivre la résiliation du contrat devant les juridictions civiles et qu'ils doivent être déboutés de leur demande formée à tort devant la juridiction pénale;

Qu'il convient donc de réformer le jugement en ce qu'il a alloué des dommages intérêts aux époux Richard;

* Sur ta demande de Monsieur Nafii:

Considérant que, Monsieur Nafii ne justifie pas avoir rempli les conditions pour participer à la loterie ;

Qu'il n'est pas fondé à réclamer réparation du préjudice qu'il prétend avoir subi, alors qu'il n'établit même pas que le bon de participation à la loterie qu'il a reçu lui aurait donné vocation à recevoir le chèque de 50 000 F, qui fonde selon lui sa demande de réparation ;

Que le jugement doit donc être réformé en ce qu'il lui a été alloué des dommages intérêts pour le préjudice qu'il prétendait avoir subi

Que Monsieur Nafii qui succombe dans ses prétentions doit être débouté de sa demande sur le fondement de l'article 475-1 du Code de procédure pénale

* Sur la demande de Madame Jouanneau;

Considérant que. Madame Jouanneau ne justifie pas avoir rempli les conditions pour participer à la loterie; Qu'elle n'est pas fondée à réclamer réparation du préjudice qu'elle prétend avoir subi ;

Que le jugement doit clone être réformé en ce qu'il lui a été alloué des dommages intérêts pour le préjudice qu'elle prétendait avoir subis ;

Que Madame Jouanneau qui succombe dans ses prétentions doit être débouté de sa demande sur le fondement de l'article 475-1 du Code de procédure pénale;

* Sur la demande de Monsieur Castillo:

Considérant que, Monsieur Castillo n'a justifié pas avoir rempli les conditions pour participer à la loterie ;

Que le jugement doit donc être réformé en ce qu'il lui a été alloué des dommages intérêts pour le préjudice qu'il prétendait avoir subi

* Sur la demande de Monsieur Rochat;

Considérant que, Monsieur Rochat n'a pas justifié pas avoir rempli les conditions pour participer à la loterie ;

Que le jugement doit donc être réformé en ce qu'il lui a été alloué des dommages intérêts pour le préjudice qu'il prétendait avoir subi ;

* Sur la demande de Madame Henry:

Considérant que, Madame Henry n'a justifié pas avoir rempli les conditions pour participer à la loterie ;

Que le jugement doit donc être réformé en ce qu'il lui a été alloué des dommages intérêts pour le préjudice qu'elle prétendait avoir subi ;

* Sur la demande de Mademoiselle Lusson:

Considérant qu'elle avait exposé au tribunal par lettre qu'à la suite de la réception du bon de participation à la loterie, elle avait téléphoné à la société Y et qu'un rendez-vous lui avait été fixé après qu'elle eût indiqué qu'elle remplissait les conditions pour participer à la loterie;

Qu'elle ajoutait qu'elle avait été reçue en compagnie de son ami et qu'il lui avait été remis son cadeau, un bon pour 7 nuits d'hébergement;

Que dans ces conditions, il avait nécessairement été vérifié qu'elle avait vocation à prétendre participer à la loterie;

Que cependant, la société Y ne lui a donné aucune date pour effectuer ce séjour, qu'il lui a été proposé une autre destination, sans que l'engagement de lui fournir le séjour ne devienne effectif;

Considérant que, le tribunal a fait une exacte appréciant de son préjudice en lui allouant la somme de 3 000 F à titre de dommages intérêts

Que dés lors, il convient de confirmer, sur ce point le jugement attaque.

Considérant que, c'est à bon droit que la société Y représentée par son mandataire liquidateur, a été déclarée civilement responsable de son gérant Monsieur X;

Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement et contradictoirement à l'égard de Dominique X, de l'UFC 93, des époux Richard, de Monsieur Nafii, de Madame Jouanneau, contradictoirement en application de l'article 410 du Code de procédure pénale à l'égard de Me Giffard, es-qualité de mandataire liquidateur de la société Y, par défaut à l'égard de Monsieur Castillo, de Monsieur Rochat, de Mademoiselle Lusson, de Madame Henry ; Reçoit les appels du prévenu, du Ministère public,et de l'UFC 93, Sur l'action publique : Infirme le jugement en ce qu'il a déclaré Dominique X coupable du délit de réalisation d'une opération publicitaire par voie d'écrits tendant à faire naître l'espérance d'un gain, alors que celle-ci imposait au bénéficiaire désirant recevoir son lot une participation financière, Le relaxe de ce chef, Confirme le jugement en ce qu'il l'a déclaré coupable du délit de publicité mensongère, et du délit de perception à l'occasion du financement d'un achat à l'aide d'un crédit, le paiement d'un acompte avant l'acceptation de l'offre préalable de prêt par le client, Le réformant en répression, condamne Dominique X à 60 000 F d'amende avec sursis, Confirme le jugement en ce qu'il a ordonné la publication de la décision à intervenir, dans les journaux Le Parisien Libéré Edition nationale et France Soir, aux frais du condamné sans que le coût de chaque insertion puisse excéder 5 000 F, Sur l'action civile : Confirme le jugement en ce qu'il a condamné Dominique X à payer la somme de I franc de dommages-intérêts à l'UFC 93, Y ajoutant, condamne le prévenu à payer à l'UFC 93 la somme de 2 000 F sur le fondement de l'article 475-1 du Code de procédure pénale, Confirme également le jugement en ce qu'il a alloué des dommages-intérêts à Mademoiselle Lusson et qu'il les a fixés à la somme de 3 000 F, Confirme le jugement en ce qu'il a déclaré la société Y civilement responsable de Dominique X, la société étant représentée par Monsieur Giffard, mandataire liquidateur, Infirme le jugement en ce qu'il a condamné Monsieur X à payer des dommages intérêts à Monsieur Nafii, Madame Jouanneau, Madame Henry, Monsieur Castillo, Monsieur Rochat, Monsieur et Madame Richard. Déboute les parties civiles susvisées de leurs demandes, Dit inopérants, mal fondés ou extérieurs à la cause tous autres moyens, fins et conclusions contraires ou plus amples, les rejette. Le tout en application des articles L. 121-36 du Code de la consommation qui a repris l'article 5 alinéas 1 et 20 de la loi du 23 juin 1989, L. 121-1 du Code de la consommation qui a repris l'article 44-1 der la loi du 17 décembre 1973, L. 121-6 du Code de la consommation qui a repris l'article 44-11, alinéas et 10 de la loi du 27 décembre 1973, 231-1 du Code de la consommation qui a repris l'article 1 de la loi du 1er août 1905, 311-Ï7 du Code de la consommation qui a repris l'article 18 de la loi du 8 janvier 1978, 512,547,549 du Code de procédure pénale. La présente décision est assujettie à un droit fixe de procédure de 800 F dont est redevable le condamné.