Conseil Conc., 21 juillet 2006, n° 06-D-22
CONSEIL DE LA CONCURRENCE
Décision
Pratiques mises en œuvre par la société NGK Spark Plugs France sur le marché des bougies pour deux roues
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Délibéré sur le rapport oral de M. Antoine Darodes de Tailly, par Anne Perrot, vice-présidente, présidant la séance, Mme Aubert, vice-présidente, Mme Behar-Touchais, membre.
Le Conseil de la concurrence (section II),
Vu la lettre enregistrée le 5 juin 2001, sous le numéro F 1316, par laquelle le ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie a saisi le Conseil de la concurrence de pratiques mises en œuvre dans le secteur de la distribution des bougies d'allumage pour motocyclettes et cyclomoteurs ; Vu le livre IV du Code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence, le décret n° 86-1309 du 29 décembre 1986 modifié et le décret n° 2002-689 du 30 avril 2002 fixant les conditions d'application du livre IV du Code de commerce ; Vu les observations présentées par la société NGK Spark Plugs France et par le commissaire du Gouvernement ; Vu les autres pièces du dossier ; Le rapporteur, la rapporteure générale adjointe, le commissaire du Gouvernement et la société NGK Spark Plugs France entendus lors de la séance du 20 juin 2006 ; Adopte la décision suivante :
I. Constatations
A. LE SECTEUR DES BOUGIES D'ALLUMAGE DEUX ROUES
1. Une bougie d'allumage est une pièce d'un moteur à explosion. Sa fonction est de provoquer une étincelle qui fait exploser le mélange air-essence dans la chambre de combustion. Cette explosion crée un souffle qui va mettre en mouvement le piston. Les bougies d'allumage sont distinctes des bougies de préchauffage en ce que ces dernières permettent une chauffe de la chambre à explosion des moteurs diesels avant l'allumage.
2. Tous les moteurs à explosion comportent une ou plusieurs bougies d'allumage. Toutefois, la très grande diversité des moteurs à explosion explique l'existence de bougies spécifiques en fonction des types de moteurs considérés. En ce qui concerne les véhicules deux roues, les bougies d'allumage adéquates se distinguent de celles utilisées pour les autres véhicules et notamment les automobiles. Cette distinction se fonde sur des facteurs techniques tels que l'existence de moteurs compacts et de régimes de rotation plus élevés pour les deux roues (généralement moteurs sans soupape, à "2 temps").
3. On distingue le marché des bougies de "première monte", qui correspond aux bougies qui sont initialement installées sur les véhicules par les constructeurs, du marché de "seconde monte", qui correspond aux bougies de rechange. Lorsque la bougie est usagée, l'utilisateur du véhicule peut changer celle-ci lui-même ou s'adresser à un garage pour effectuer l'opération.
L'offre
4. Sur la période 1997-2000, quatre principaux fabricants et importateurs approvisionnaient le marché métropolitain français en bougies d'allumage deux roues, tant pour la première monte que pour le rechange : NGK Spark Plugs France, Nippon Denso, Champion et Bosch.
5. NGK Spark Plugs France est une filiale à 100 % de NGK Japon. Nippon Denso est une filiale du fabricant automobile Toyota. A l'époque des faits, les bougies Nippon Denso étaient importées et distribuées en France par Afam seule, puis à partir de l'année 2000, également par la société Moraco. La société Sifam est le distributeur exclusif de la marque Champion en France. Quant au groupe Bosch, celui-ci intervient sous les marques Bosch, Blaupunkt, Junkers, Motor-Meter et ELM Blanc.
La demande
6. Les demandeurs de bougies deux roues première monte sont des constructeurs de motos japonais (Honda, Yamaha, Kawasaki et Suzuki), européens (Piaggio France, Ducati France SA, Triumph, BMW France, Voxan) et américain (Harley Davidson).
7. Pour les bougies pour deux roues de seconde monte, on distingue différents niveaux de commercialisation : le fabricant ou importateur vend ses bougies à des distributeurs indépendants (grossistes ou centrales d'achat) ainsi qu'aux constructeurs (pour les pièces détachées). Ces bougies sont ensuite vendues aux détaillants spécialisés, aux garages, à des centres auto, à des hypermarchés. Ce sont ensuite ces divers types de détaillants qui alimentent le marché à destination des utilisateurs finals de bougies de rechange.
8. Il existe ainsi entre le fabricant et le consommateur final deux marchés intermédiaires. Le marché situé le plus en amont est celui où NGK vend ses produits aux distributeurs. Le marché situé le plus en aval est celui où les distributeurs vendent aux détaillants.
B. LA SOCIÉTÉ NGK SPARK PLUGS FRANCE
9. La société NGK Spark Plugs France est une filiale à 100 % de la société NGK Japon. A l'époque des faits (1997-2000), NGK Japon disposait notamment de trois autres filiales en Europe (en Allemagne, en Italie et au Royaume-Uni).
10. NGK Spark Plugs France est chargée de commercialiser les produits de la marque NGK en France. NGK Japon dispose d'une autre filiale en France, NGK Spark Plugs Industries Europe SAS, en charge de l'assemblage des produits NGK pour l'ensemble de l'Europe (production).
11. Alors que la marque NGK était encore inconnue, la société Yvan Béal, entreprise familiale de la région de Clermont-Ferrand, a commencé la distribution des bougies d'allumage NGK pour automobiles et deux roues. A partir de 1989, NGK a souhaité s'établir et développer ses activités dans le secteur de l'automobile. La société Yvan Béal, principalement spécialisée dans la motoculture de plaisance (matériels pour l'entretien des espaces verts) a alors abandonné sa position de distributeur unique des bougies NGK, tout en conservant l'exclusivité pour la deuxième monte dans les secteurs de la motoculture de plaisance et des deux roues. A la fin de l'année 1995, l'accord de distribution exclusive avec la société Yvan Béal n'a pas été reconduit. Néanmoins jusqu'au printemps 1997 et l'instauration d'un véritable réseau de distribution sélective, la société Yvan Béal exerçait toujours, de facto, une activité de distributeur exclusif de bougies d'allumage de rechange destinées aux secteurs de la motoculture de plaisance et de véhicules deux roues. Au printemps 1997, NGK Spark Plugs France a mis en place un réseau de distribution sélective pour les bougies des véhicules deux roues, notamment pour accroître les services offerts à ses clients face à une multiplication des références et la technicité croissante des produits.
C. LES FAITS CONSTATÉS
L'accord-cadre de distribution sélective
12. A partir de 1997, NGK Spark Plugs France a mis en place un système de distribution sélective s'appuyant sur un contrat-cadre de distribution, modifié durant l'été 2000. Si le nouveau contrat-cadre a été proposé aux nouveaux distributeurs, l'ancien est resté en vigueur jusqu'en 2005 pour les distributeurs déjà membres du réseau. Ce contrat-cadre de distribution sélective comportait dix-huit points et a été signé par les distributeurs agréés NGK Spark Plugs France, répartis à l'échelon national (Mad, Moraco, Iac, Bumodis, France Equipement, Sacim et CGN notamment) et régional (une vingtaine). Ce système de distribution sélective recouvre les trois quarts des ventes de NGK Spark Plugs France sur le territoire national.
13. Le distributeur historique Yvan Béal n'a pas signé ce contrat bien qu'il ait été considéré comme distributeur agréé de bougies NGK pour deux roues durant la période examinée, du fait qu'il respectait les dix-huit clauses requises par le contrat.
14. Cet "accord de distribution" prévoyait dans son article premier que "NGK donne par la présente au Distributeur le titre de "Distributeur NGK Agréé" pour les produits de la marque NGK, détaillés sur la liste de l'Annexe 1 et le Distributeur accepte une telle nomination qui l'engage à n'acheter les produits NGK qu'auprès de NGK Spark Plugs France SA. Le Distributeur aura un droit non exclusif de vendre les produits en France [...]". L'article 5 du contrat de distribution stipulait que "Le Distributeur sera autorisé à distribuer des produits similaires d'autres fabricants, à condition qu'il respecte les termes et conditions du contrat [...]".
15. L'article 13 du contrat de distribution stipulait qu'en cas de violation d'une des obligations du contrat, "NGK aura le droit de résilier ce contrat sans préavis [...] Aucune indemnité ne sera due par l'une des parties à l'autre [...] étant entendu que chaque partie réservera tous ses droits à l'encontre de l'autre partie, du fait de tout non respect par cette dernière de ses obligations définies au contrat".
16. Les déclarations des distributeurs agréés soulignent la portée de la clause d'approvisionnement exclusif, notamment en ce qu'elle interdisait les importations en provenance d'autres pays européens. Ainsi, M. X... (société MAD) a précisé : "je me suis approvisionné en Suisse pour des bougies NGK en 1994-1995. Depuis, je ne me suis jamais approvisionné à l'étranger en bougies NGK". M. Y... (société France Equipement) a, quant à lui, déclaré : "D'après l'accord de distribution signé avec NGK Spark Plugs France SA, nous devons nous approvisionner en bougies seulement auprès d'eux. Nous ne pouvons pas nous approvisionner ailleurs". M. Z... (société IAC) a expliqué aux enquêteurs : "Nous avons conclu un accord de distribution avec NGK fin janvier 1997. Auparavant, nous commercialisions déjà les bougies NGK en les achetant dans des pays étrangers, où les prix étaient les plus bas" ; "en vertu du contrat conclu avec NGK France, nous ne pouvons pas nous approvisionner ailleurs que chez eux en bougies d'allumage". M. A... (Bumodis) a ainsi décrit les pratiques de sa société : "Avant 1997, nous nous approvisionnions en bougies NGK auprès de la société Schuh en Allemagne. C'est la société NGK France qui nous a contactés pour que nous travaillions avec eux, pour que nous soyons un de leurs distributeurs. La société NGK France voulait récupérer le chiffre d'affaires qui leur échappait, du fait que nous nous fournissions en Allemagne".
17. La clause a contribué à un système de cloisonnement des différents marchés nationaux européens voulu par la maison mère de NGK Spark Plugs France. Ainsi, M. B..., directeur commercial de NGK Spark Plugs France a-t-il précisé aux enquêteurs : "lorsque je reçois une demande d'achat de la part d'une société située à l'étranger, je retransmets automatiquement cette demande auprès de la filiale NGK compétente : NGK Spark Plugs Company Limited quand il s'agit d'une demande britannique ; à la société italienne quand il s'agit d'une demande italienne. La société NGK Spark Plugs (Europe) GMBH est compétente pour tous les autres pays européens". Il a, par ailleurs, précisé que "NGK Spark Plugs France SA ne s'occupe que des clients français. Quand nous recevons une demande émanant d'un client étranger, nous lui renvoyons sa demande en lui indiquant à qui s'adresser".
18. Le cloisonnement du marché communautaire constitue une stratégie de la maison mère, NGK Japon. Ainsi, M. C... de la société Ré'action (grossiste non agréé), a-t-il expliqué aux enquêteurs, au sujet du grossiste belge chez qui il s'approvisionnait : "en principe, NGK Japon leur interdit de vendre hors de leur territoire, c'est-à-dire la Belgique". NGK Spark Plugs France a souhaité intégrer les grossistes agréés les plus importants afin de limiter ces importations parallèles. M. B... a déclaré : "dans la mesure où nous souhaitons développer notre activité en France nous préférons qu'il n'y ait pas d'importations parallèles".
Les pratiques de prix et remises conseillés
19. Durant la période appréhendée par l'instruction (1997-2000), le réseau de distribution sélective de NGK Spark Plugs France reposait sur un premier niveau de distributeurs agréés nationaux ou régionaux spécialisés dans la distribution d'accessoires et de pièces détachées deux roues qui commercialisaient les bougies NGK à des détaillants ou à des garages. NGK Spark Plugs France organisait régulièrement des réunions avec les distributeurs agréés pour s'assurer de la bonne mise en place de son nouveau réseau de distribution et de la qualité des services offerts par les distributeurs agréés. Par ailleurs, NGK Spark Plugs France communiquait régulièrement aux distributeurs agréés des informations sur la commercialisation de ses bougies, et notamment des listes de prix de détail conseillés ainsi que des barèmes de remises préconisées. En effet, les distributeurs élaboraient leurs prix de revente aux détaillants ou aux garages en appliquant un taux de remise sur les prix de détail conseillés.
20. Ainsi, NGK Spark Plugs France diffusait auprès de ses distributeurs des listes de prix de détails conseillés pour chaque référence de bougies de rechange pour deux roues ainsi qu'un barème des remises conseillées aux distributeurs en fonction du volume commandé par le détaillant.
Année 1998
21. Barème de remises préconisées (sur le prix détail) pour le prix de vente des grossistes aux détaillants diffusé par NGK Spark Plugs France :
- Remise de 48 % pour une quantité comprise entre 10 et 50 ;
- Remise de 51 % pour une quantité comprise entre 60 et 200 ;
- Remise de 55 % pour une quantité comprise entre 210 et 400 ;
- Remise de 56,5 % pour une quantité égale ou supérieure à 410.
22. Remises affichées par les distributeurs aux détaillants :
<emplacement tableau>
Année 1999
23. Barème de remises préconisées (sur le prix détail) pour le prix de vente des grossistes aux détaillants diffusé par NGK Spark Plugs France :
- Remise de 48 % pour une quantité comprise entre 10 et 50 ;
- Remise de 51 % pour une quantité comprise entre 60 et 200 ;
- Remise de 55 % pour une quantité comprise entre 210 et 400 ;
- Remise de 56,5 % pour une quantité égale ou supérieure à 410.
24. Remises affichées par les distributeurs aux détaillants :
<emplacement tableau>
Année 2000
25. Barème de remises préconisées (sur le prix détail) pour le prix de vente des grossistes aux détaillants diffusé par NGK Spark Plugs France :
- Remise de 48 % pour une quantité comprise entre 10 et 90 ;
- Remise de 54 % pour une quantité égale ou supérieure à 100 ;
- Remise de 58 % pour une quantité égale ou supérieure à 200 ;
- Remise de 62 % pour une quantité égale ou supérieure à 400.
26. Remises affichées par les distributeurs aux détaillants :
<emplacement tableau>
27. M. B... (directeur commercial de NGK Spark Plugs France) a déclaré aux enquêteurs, :
"j'ai pour habitude de demander à mes distributeurs de me fournir leurs tarifs de vente auprès de leur clientèle. Nous souhaitons savoir à quel niveau de prix nos produits sont commercialisés par les distributeurs. Nous sommes une entreprise responsable et voulons être au courant de ce qui se passe au niveau de la distribution de nos produits".
28. NGK a, à plusieurs reprises, rappelé à ses distributeurs agréés l'existence de barèmes de remises préconisées. M. B..., directeur commercial de NGK Spark Plugs France reconnaît lui-même cette pratique, en précisant : "nous ne pouvons imposer une politique tarifaire à nos distributeurs, mais nous leur rappelons l'existence de barèmes de remises conseillées mis à leur disposition pour arrêter leur politique tarifaire".
La situation de la société Yvan Béal
29. La société Yvan Béal distribue les bougies NGK (tous modèles) depuis 1968. A partir de 1989, "NGK a souhaité s'établir et développer ses activités dans le secteur de l'automobile. Yvan Béal a alors accepté d'abandonner sa position de distributeur unique des bougies NGK, tout en conservant l'exclusivité pour la deuxième monte [rechange] dans les secteurs de la motoculture de plaisance et des deux roues. [...] Le 1er décembre 1995, l'accord de distribution exclusive avec Yvan Béal n'a pas été renouvelé. Néanmoins, jusqu'au printemps 1997, Yvan Béal exerça une activité de distributeur exclusif de facto de bougies d'allumage de rechange destinées aux secteurs de la motoculture de plaisance et de véhicules deux roues". "Yvan Béal disposait, préalablement à la mise en place du réseau de distribution sélective, de sept agents indépendants spécialisés en deux roues. En 1997, Yvan Béal a supprimé ce système et a confié la distribution de bougies d'allumage pour véhicules deux roues à son équipe d'une soixantaine de représentants salariés" (observations de NGK Spark Plugs France).
30. La société NGK Spark Plugs France a souhaité développer son activité sur le marché des bougies de rechange pour deux roues en confiant sa distribution à des distributeurs spécialisés au détriment de la société Yvan Béal dont le secteur principal d'activité était le négoce de matériel d'espace vert, la vente et la réparation de matériel agricole et industriel. Ce changement de stratégie s'explique par le fait que la marque NGK était très peu connue et développée sur les marchés automobiles et deux roues. Ce n'est qu'à la fin des années 1980 que NGK a fait le choix stratégique de pénétrer ces marchés dans un premier temps, pour la première monte (fournisseur des constructeurs motos et automobiles) puis dans un second temps, pour le marché de la seconde monte (marché de la bougie de rechange). C'est donc la volonté de se développer sur les marchés auto et deux roues qui a conduit la société NGK Spark Plugs France à retirer à Yvan Béal la distribution exclusive des bougies, notamment des bougies deux roues. La société Yvan Béal a pu ainsi se concentrer sur son activité principale, qui était la motoculture.
31. La proportion des achats de la société Yvan Béal dans les ventes totales de NGK Spark Plugs France de bougies deux roues et motoculture souligne bien cette évolution :
<emplacement tableau>
32. Cette société aurait bénéficié du régime des distributeurs agréés de NGK Spark Plugs France, sans que pour autant le contrat d'agrément ait été signé. Par ailleurs, NGK Spark Plugs France aurait refusé l'agrément à deux entreprises, les sociétés Europ'acc et Ré'action. Ces pratiques auraient constitué une application discriminatoire des conditions d'accès au réseau de distribution sélective au profit de la société Yvan Béal.
D. LES GRIEFS NOTIFIÉS
33. Sur la base des éléments qui précèdent, une première notification de griefs a été adressée à la société NGK Spark Plugs France en date du 2 février 2004, reprochant à cette dernière :
a) "d'avoir diffusé entre 1997 et 2000 à ses distributeurs agréés des barèmes de prix de gros et de prix de détail revêtant le caractère de prix minimum imposés, ainsi que des taux de remises imposés maximum. Cette pratique a eu pour objet et pour effet de faire obstacle au jeu de la concurrence sur le marché national des bougies. Elle a pu notamment avoir un effet sur le niveau des prix nets pratiqués aux grossistes et aux détaillants. Cette pratique est contraire à l'article L. 420-1 du Code de commerce" (grief n° 1);
b) "d'avoir agréé la société Yvan Béal sans appliquer à cette dernière la procédure de sélection prévue au contrat de distribution sélective ou exiger que cette dernière soit liée par les dispositions de ce contrat. Ces applications discriminatoires du contrat de distribution sélective de NGK Spark Plugs France sont de nature à fausser le jeu de la concurrence et à limiter l'accès au marché et sont de ce fait contraires aux dispositions de l'article L. 420-1 du Code de commerce" (grief n° 2).
34. Une notification de griefs complémentaire a été adressée le 8 septembre 2005 à la société NGK Spark Plugs France reprochant à cette dernière :
c) "un grief d'entente anticoncurrentielle à la société NGK Spark Plugs France sur le fondement des articles L. 420-1 du Code de commerce et 81 du TCE considérant que la participation au contrat de distribution (en vigueur du début 1997 à la fin du premier semestre 2000) contenant une clause d'approvisionnement national exclusif avait eu un objet et des effets anticoncurrentiels sur le marché des bougies d'allumage de deux roues de deuxième monte" (grief n° 3);
d) "un grief d'abus de position dominante à la société NGK SPARK PLUGS FRANCE sur le fondement des articles L.420-2 du Code de commerce et 82 du TCE considérant que l'insertion dans son contrat de distribution (1997-2000) d'une clause d'approvisionnement national exclusif, alors même qu'elle se trouvait en position largement dominante, avait eu pour effet de cloisonner le marché intérieur et de limiter la concurrence au sein de son réseau de distribution" (grief n° 4).
II. Discussion
A. SUR L'AFFECTATION DU COMMERCE INTRACOMMUNAUTAIRE
35. L'accord de distribution sélective signé entre la société NGK Spark Plugs France et ses distributeurs est un accord vertical qui ne concerne que les distributeurs français et qui ne couvre que le territoire français.
36. Mais les systèmes de distribution sélective sont susceptibles en eux-mêmes d'affecter le commerce intracommunautaire, compte tenu de leur nature restrictive de concurrence ainsi que l'a souligné la Commission européenne dans sa décision du 24 juillet 1992 (société Parfums Givenchy SA - 92-428-CEE).
37. En outre, en application des paragraphes 86 et suivants des lignes directrices de la Commission relatives à l'affectation du commerce figurant aux articles 81 et 82 du traité, la limitation du nombre de distributeurs inhérente au système de distribution sélective, les obligations d'achat exclusif imposées par les fournisseurs à leurs distributeurs dans la majorité des contrats et les pratiques de prix imposés, surtout lorsqu'elles sont répandues sur l'ensemble du territoire national, affectent nécessairement les courants d'échanges entre la France et les autres Etats membres : "les accords verticaux couvrant l'ensemble d'un Etat membre sont notamment susceptibles d'affecter les courants d'échanges entre Etats membres lorsqu'ils rendent plus difficile aux entreprises d'autres Etats membres la pénétration du marché national en cause, soit au moyen d'exportations, soit au moyen de l'établissement (effet d'éviction). Lorsque des accords verticaux produisent ce genre d'effet d'éviction, ils contribuent à un cloisonnement de caractère national, entravant ainsi l'interpénétration économique voulue par le traité" (§ 86). "Ainsi, il peut y avoir éviction lorsque des fournisseurs imposent aux acheteurs des obligations d'achat exclusif (...)" (§ 87).
38. Par ailleurs, "Lorsqu'une entreprise qui occupe une position dominante couvrant l'ensemble d'un État membre constitue une entrave abusive à l'entrée, le commerce entre États membres peut normalement être affecté. En général, ce comportement abusif rendra plus difficile aux concurrents d'autres Etats membres la pénétration sur le marché, auquel cas les courants d'échanges sont susceptibles d'être affectés. (...)" (§ 93).
39. La clause d'achat national exclusif contenue dans le contrat-cadre de distribution sélective de NGK Spark Plugs France imposait aux distributeurs français de s'approvisionner en bougies NGK en exclusivité auprès de NGK Spark Plugs France et leur interdisait de s'approvisionner auprès des autres filiales européennes de la sociétés NGK Japon, notamment allemande et italienne ou encore auprès d'autres distributeurs européens, susceptibles de proposer des prix moins élevés que NGK Spark Plugs France. Ainsi, M. B... (directeur commercial NGK Spark Plugs France) a-t-il précisé aux enquêteurs :"NGK Spark Plugs France SA ne s'occupe que des clients français. Quand nous recevons une demande émanant d'un client étranger, nous lui renvoyons sa demande en lui indiquant à qui s'adresser". Cette clause aboutissait donc à un cloisonnement national des sources d'approvisionnement et affectait en elle-même le commerce entre Etats membres au sens des lignes directrices de la Commission européenne mentionnées plus haut (griefs 3 et 4).
40. Ainsi que le Conseil l'a rappelé dans une décision 06-D-09 du 11 avril 2006, l'appréciation du caractère sensible de l'affectation du commerce dépend des circonstances de chaque espèce, et notamment de la nature de l'accord ou de la pratique, de la nature des produits concernés et de la position de marché des entreprises en cause (§ 45 des lignes directrices).
41. Toutefois, dans les lignes directrices citées plus haut, la Commission a posé le principe selon lequel un accord ne peut affecter sensiblement le commerce entre États membres si la part de marché totale des parties sur le marché communautaire affecté par l'accord n'excède pas 5 % et si le chiffre d'affaires annuel total réalisé dans la Communauté par le fournisseur avec les produits concernés par l'accord n'excède pas 40 millions d'euro. A contrario, les accords affectant plus de 5 % du marché communautaire en cause ou sur lequel le fournisseur réalise au moins 40 millions d'euro de chiffre d'affaires sont présumés affecter sensiblement, sauf preuve contraire à rapporter par les parties, le commerce intra-communautaire.
42. En l'espèce, les pratiques en cause couvrent la totalité du territoire français, partie substantielle du marché communautaire. Sur ce marché, la société NGK Spark Plugs France représente plus de 5 %.
43. En outre, le chiffre d'affaires réalisé au 31 décembre 2004 par la société NGK Spark Plugs France sur le marché communautaire s'établissait à 56,9 millions d'euro, soit plus de 40 millions d'euro.
44. Il résulte de ce qui précède que les pratiques en cause sont susceptibles d'avoir affecté sensiblement le commerce intra-communautaire et peuvent donc être qualifiées au regard des articles 81 et 82 du traité.
B. SUR LE MARCHÉ PERTINENT
45. Ainsi que le rappelle le Conseil dans son rapport pour l'année 1997, "le marché, au sens où l'entend le droit de la concurrence est défini comme le lieu sur lequel se rencontrent l'offre et la demande pour un produit ou un service spécifique. (...). Une substituabilité parfaite entre produits ou services s'observant rarement, le Conseil regarde comme substituables les produits et services dont on peut raisonnablement penser que les demandeurs les regardent comme des moyens alternatifs entre lesquels ils peuvent arbitrer pour satisfaire une même demande".
46. Il résulte des constatations opérées aux paragraphes 2 et 3 que les bougies d'allumage pour les moteurs de deux roues ne sont pas substituables aux bougies conçues pour d'autres moteurs compte tenu de leur spécificité technique, les moteurs de deux roues se différenciant des autres moteurs par leur taille réduite et leur régime de rotation élevé.
47. Bien que physiquement identiques, les bougies d'allumage de rechange pour deux roues ne sont pas substituables aux bougies d'allumage de première monte, car les utilisateurs s'adressent à des circuits de distribution différents, et empruntent des voies de négociation différentes.
48. Les marchés pertinents affectés par les pratiques examinées sont le marché de gros des bougies d'allumage de rechange pour deux roues sur lequel les fabricants offrent les bougies à des entreprises intermédiaires (grossistes, distributeurs), et celui où les distributeurs les commercialisent aux détaillants.
49. La société NGK Spark Plugs France conteste cette délimitation du marché pertinent, en alléguant que l'analyse de la substituabilité de l'offre révèlerait un marché pertinent beaucoup plus vaste que celui retenu, à savoir un marché rassemblant toutes les bougies d'allumage.
50. Mais si l'on admet que l'appareil de production des fournisseurs puisse produire indifféremment des bougies deux roues et des bougies pour les moteurs à soupapes à "4 temps" (généralement utilisées pour les quatre roues), cela ne signifie pas qu'un producteur de bougies quatre roues puisse rapidement pénétrer le marché des bougies deux roues, en l'absence de maîtrise des canaux de distribution des bougies deux roues, bien distincts de ceux des bougies quatre roues. Dès lors, l'analyse de la substituabilité du côté de l'offre ne permet pas d'infléchir l'analyse de la substituabilité du côté de la demande et ce moyen doit être écarté.
C. SUR LE GRIEF DE PRIX IMPOSÉS
51. Ainsi que le Conseil l'a rappelé dans une décision 04-D-67 du 1er décembre 2004 (point 47) : "plusieurs éléments doivent être réunis afin d'établir l'existence d'une entente entre un fournisseur et ses distributeurs visant à empêcher la fixation des prix aux consommateurs par le libre jeu de la concurrence : en premier lieu, des indices permettant de penser que les prix de vente au détail ont été évoqués au cours de négociations commerciales entre fournisseurs et distributeurs, en second lieu, le fait que les prix ainsi déterminés auraient été effectivement pratiqués par ces distributeurs, révélant l'existence d'un accord de volonté, et donc d'une entente, en troisième lieu, des éléments montrant qu'un système de contrôle des prix aurait été mis en place, un tel système étant, en général, nécessaire au fonctionnement durable d'une entente sur les prix".
1. Sur la diffusion des prix conseillés
52. NGK Spark Plugs France soutient que, dans un réseau de distribution sélective, il est normal qu'un grossiste diffuse des informations à ses distributeurs et organise régulièrement des réunions avec ces derniers. NGK Spark Plugs France expose que si les ordres du jour de deux réunions (17 février 1997 et 12 janvier 2000) envisageaient une discussion sur les prix, il s'agissait des prix qu'elle-même pratiquait à destination de ses distributeurs et non des barèmes de remises ou des prix de détail. La société NGK Spark Plugs France reconnaît avoir diffusé auprès de ses distributeurs des barèmes de remises recommandées ainsi que des prix publics conseillés, mais conteste les avoir conçus comme des prix imposés.
53. Il ressort de l'enquête et de l'instruction que la société NGK Spark Plugs France communiquait habituellement trois types de prix :
- les prix de vente de ses bougies aux distributeurs (avec des remises linéaires de volume) ;
- des barèmes de remises conseillées (par rapport au prix consommateur) sur les prix de vente des distributeurs vers les détaillants (ci-après "barèmes de remises") ;
- des prix publics de vente conseillés des détaillants vers les consommateurs finaux (ci-après "prix publics").
54. Le grief notifié à la société NGK Spark Plugs France concerne les deux dernières catégories de prix (prix publics de détail, barèmes de remises de gros).
55. Bien que les ordres du jour des deux réunions précitées ne permettent pas en eux-mêmes de conclure à une discussion sur les prix et barèmes (l'expression "politique prix" pouvant désigner la politique des prix d'achat), les notes et déclarations de certains distributeurs établissent que les discussions ont aussi porté sur ces sujets.
56. Ainsi, les notes manuscrites de M. D... de la société Moraco (distributeur), prises lors de la réunion du 17 février 1997, sont explicites : "prix : anarchie"; "prix : nouvelle conception de la vente - vendre mieux - vendre un produit, pas un prix - la marge doit devenir un argument de vente - positionnement prix cohérent avec l'offre technique". De telles notes ne peuvent concerner les prix d'achat ("anarchie"), car elles évoquent un positionnement commercial aval, soit au niveau des détaillants (marges), soit au niveau des consommateurs finaux.
57. Concernant la réunion du 12 janvier 2000, M. Z..., directeur commercial de la société IAC Distribution (distributeur), a déclaré aux enquêteurs que "lors de la réunion du début de l'année 2000, NGK avait fait une proposition de prix publics conseillés. Cette proposition a été discutée lors de la réunion et finalement abandonnée. C'est un autre tarif qui nous a été par la suite confirmé par NGK par courrier : tarif adopté par l'ensemble des distributeurs suite à des discussions". M. B..., directeur commercial NGK Spark Plugs France, a, pour sa part, souligné :"Nous avons donc baissé le prix consommateur conseillé des bougies racing car les distributeurs se plaignaient du placement anormalement cher de ces bougies sur le marché".
58. Ces déclarations indiquent que NGK Spark Plugs France discutait avec ses distributeurs des prix publics conseillés.
59. De telles discussions entre un fournisseur et ses distributeurs ne sont pas en elles-mêmes anticoncurrentielles. Elles peuvent, dans certains cas, permettre au fournisseur de bénéficier d'informations de la part de ses distributeurs sur le positionnement des prix de ses produits, et sur la demande des consommateurs de nature à améliorer l'efficacité de son réseau de distribution.
60. En revanche, lorsque de tels échanges entre le fournisseur et ses distributeurs sur les niveaux de prix conseillés aboutissent au respect effectif de ces prix, perçus comme imposés, et que le fournisseur veille à ce que les pratiques tarifaires de ses distributeurs ne dévient pas de ces prix conseillés, alors ils entrent dans les éléments constitutifs d'une entente sur les prix, prohibée par les articles 81 du traité et L. 420-1 du Code de commerce.
61. Il convient donc de vérifier si les autres éléments constitutifs dégagés par la jurisprudence sont établis.
2. Sur le respect des prix conseillés par les distributeurs
62. NGK Spark Plugs France estime que ses distributeurs pratiquent des taux de remises aux détaillants très différents les uns des autres, ce qui serait la preuve d'une réelle concurrence tarifaire entre eux. A ce titre, pour l'année 2000, des distributeurs agréés nationaux ont accordé, dans plus de 94 % des cas, des remises différentes (souvent supérieures) de celles recommandées par NGK Spark Plugs France dans ses barèmes de remises conseillées.
63. S'agissant en premier lieu des prix de détail, qui constituent la référence à laquelle les remises sont supposées s'appliquer, aucun élément de l'enquête et de l'instruction ne permet d'établir le respect effectif des prix publics conseillés par les détaillants. Au contraire, le rapport d'enquête conclut à l'"absence d'uniformité de prix au niveau de la vente au consommateur". Dès lors, la pratique de prix publics (prix de détail) minima imposés n'est pas établie.
64. Concernant en second lieu les prix pratiqués par les distributeurs aux détaillants (prix de gros), il convient de rappeler que le prix de vente des distributeurs aux détaillants est obtenu par l'application d'un taux de remise aux prix publics. Pour constituer leurs prix, les distributeurs utilisaient, dans la quasi-totalité des cas observés, les prix publics conseillés comme base sur laquelle s'appliquaient les remises. Il convient, dès lors, de vérifier si les grossistes appliquaient effectivement les remises préconisées par NGK Spark Plugs France.
65. Une analyse des remises effectivement accordées par les grossistes aux détaillants doit prendre en compte l'ensemble des remises. Ainsi, certains distributeurs octroyaient, outre une remise principale, différentes remises complémentaires. M. Z... (de la société IAC) a indiqué aux enquêteurs : "il y a un bonus de pré-stockage de 5 %" en ajoutant que "en fonction des objectifs d'achat atteints par le client, nous leur offrons des remises supplémentaires : remises de 1,35 % ainsi qu'une remise de 2 %". Le gérant de la société SIGMA, qui se fournissait principalement auprès des sociétés Yvan Beal et France Equipement, a indiqué au sujet de ces deux distributeurs : "elles pratiquent toutes les deux une remise de 66 % sur le prix public HT. Mais la société France Equipement me rajoute une remise de 4 % sur l'achat des bougies d'allumage". En outre, M. Z... a affirmé offrir les frais de port pour la plupart des commandes que lui passaient les détaillants : "Par rapport à nos concurrents, nous faisons un service complémentaire, il n'y a pas de quantité minimale pour obtenir le franco de port pour les bougies NGK Spark Plugs France, à condition que l'achat de bougies soit associé à un autre produit".
66. Il ressort par ailleurs des pièces du dossier que le montant de ces remises faisait, dans certains cas, l'objet de négociations entre les grossistes et les acheteurs. Ainsi plusieurs déclarations attestent que les remises effectivement pratiquées par les distributeurs agréés ne résultaient pas de l'application mécanique d'une grille de remises, mais étaient le résultat d'une négociation avec les clients, qui pouvaient notamment dépendre des offres concurrentes. Ainsi, M. Z... de la société IAC (distributeur) a indiqué aux enquêteurs : "nous reprenons toujours les tarifs conseillés par NGK. Il s'agit d'une base de travail, mais après lors des discussions entre les représentants et les clients, les tarifs peuvent évoluer". M. X..., de la société Mad, a, pour sa part, précisé que "NGK préconise un barème de remise, variant de 48 à 56 %. Ces prix ne sont respectés par personne dans la profession. Aujourd'hui, nous faisons des remises de 50 %, qui peuvent aller jusqu'à +20. [...] Les autres distributeurs ne respectent pas non plus les prix préconisés par NGK. Si je fais 58 % de remise sur les bougies, Bumodis ou IAC vont immédiatement faire 60 % de remise".
67. Le marché concerné est un marché de gros où les prix annoncés peuvent faire l'objet de négociations de gré à gré. Dès lors, pour rechercher si les taux de remises préconisées par NGK Spark Plugs France à ses grossistes ont été suivis, il convient de ne pas se limiter aux seuls taux de remise annoncés mais à ceux effectivement accordés. Cette prise en compte des taux de remises effectives est d'autant plus nécessaire que les détaillants qui achètent aux distributeurs agréés ont nécessairement connaissance de ces marges de négociation par rapport aux remises affichées.
68. 246 factures de grossistes à des détaillants figurent au dossier, à partir desquelles il est possible de calculer les remises effectuées par rapport aux prix publics conseillés. La très grande majorité d'entre elles sont relatives à l'année 2000, seule une vingtaine de factures étant disponible pour les années 1998 et 1999.
69. Comme l'a précédemment rappelé le Conseil, dans une décision 06-D-04 du 13 mars 2006, lorsque, à partir d'un échantillon représentatif de prix relevés, il peut être constaté un taux de respect des prix conseillés significatif, l'indice d'alignement des prix est constitué. En deçà d'une telle proportion, il est nécessaire de procéder à une analyse plus fine, notamment en recherchant la dispersion effective des prix relevés pour observer la concentration des prix relevés à proximité des prix conseillés.
Pour l'année 2000
<emplacement tableau>
70. Pour l'année 2000, l'analyse des factures versées au dossier ne permet pas de mettre en évidence un alignement des remises effectivement pratiquées par les distributeurs agréés sur les remises préconisées dans les barèmes de NGK Spark Plugs France. Au contraire, l'importance de l'écart moyen des remises effectivement pratiquées par rapport aux remises préconisées et la variabilité de cet écart selon les tranches considérées est telle qu'elle permet de conclure qu'en 2000, les distributeurs agréés n'ont pas suivi les recommandations de barèmes de remises proposés par NGK Spark Plugs France.
Pour l'année 1999
<emplacement tableau>
71. Compte tenu de la faiblesse de l'échantillon (moins de 20 factures), il est impossible, pour l'année 1999, d'apporter la preuve que les grossistes ont effectivement appliqué les remises proposées par NGK Spark Plugs France. En effet, seules 3 factures sur 19 correspondent aux taux recommandés, ce qui signifie, a contrario, que 16 factures contiennent des taux de remise différents de ceux recommandés par NGK Spark Plugs France.
Pour l'année 1998
<emplacement tableau>
72. La même remarque vaut pour l'année 1998. Il est impossible de qualifier les pratiques des distributeurs agréés à partir d'une quinzaine de factures, d'autant que les résultats obtenus n'autorisent pas une conclusion univoque.
Pour l'année 1997
73. Le rapport d'enquête ne relève de barèmes de remises préconisées que pour les années 1998, 1999 et 2000. Pourtant, M. B... (directeur commercial de NGK Spark Plugs France) a déclaré aux enquêteurs : "nous éditons chaque année depuis 1997 un barème de remises quantitatives préconisées". Néanmoins, le réseau de distribution sélective de NGK Spark Plugs France s'est progressivement mis en place dans le courant du second semestre de l'année 1997. Par ailleurs, l'enquête n'a pas permis de relever d'indices durant cette phase de lancement, notamment en l'absence de tout relevé de prix ou facture au dossier.
74. En conclusion, il n'est pas établi que les barèmes de remises préconisées par NGK Spark Plugs France ont été effectivement appliqués par ses distributeurs agréés pour les années 1997, 1998, 1999 et 2000.
3. Sur l'existence d'une police des prix
75. NGK Spark Plugs France soutient que plusieurs pièces du dossier d'enquête montrent qu'elle n'a jamais menacé ni sanctionné un de ses distributeurs, en raison du non-respect de ses prix ou remises conseillés. Les distributeurs auraient ainsi bénéficié de l'entière liberté d'offrir aux détaillants des remises différentes de celles contenues dans les barèmes recommandés.
76. Aucun élément du dossier ne permet en effet d'établir l'existence d'une police des prix pratiqués par les détaillants. Ainsi, le rapport d'enquête conclut-il à l'"absence de police exercée" sur les prix de détail.
77. Si la société NGK Spark Plugs France s'est intéressée aux pratiques tarifaires mises en œuvre par ses distributeurs (constatations des paragraphes 20 et 21), et leur a, à plusieurs reprises, rappelé l'existence de barèmes de remises préconisées, il ne s'agissait que d'une simple surveillance des prix des distributeurs par le fournisseur et du rappel par celui-ci de l'existence de prix conseillés, pratiques qui, non suivies du respect effectif de ces prix par les distributeurs, ne sont pas en elles-mêmes suffisantes pour caractériser une pratique de prix imposés.
78. En l'espèce, différentes déclarations recueillies par les enquêteurs soulignent que si les distributeurs ont souhaité une plus grande police de prix de la part de NGK Spark Plugs France, celle-ci semble s'être abstenue de toute menace ou rétorsion. Ainsi, M. X..., de la société MAD, a déclaré "en fait, je souhaitais que ces réunions NGK soient davantage encadrées. J'aurais aimé que NGK soit plus actif, que les dérapages au niveau prix soient immédiatement sanctionnés. En réalité, NGK ne fait rien et les distributeurs ne s'en sortent malgré tout pas trop mal". M. Z... de la société IAC a précisé : "Nous expédions régulièrement des courriers à NGK France sur les pratiques tarifaires d'autres distributeurs, afin que NGK soit au courant et puisse réagir en conséquence. Nous n'avons pas constaté d'effet suite à nos courriers à NGK. Lorsqu'ils consentent à répondre, c'est pour nous dire que c'est normal, que c'est le marché".
79. Ces déclarations démontrent d'une part, qu'il existait une véritable concurrence et une réelle pression sur les prix à destination des détaillants, ce qui explique les plaintes de certains distributeurs auprès de NGK Spark Plugs France, et d'autre part que cette dernière n'a pas pris de mesures afin de faire respecter ses barèmes de remises conseillées.
80. Un tel constat est encore conforté par les déclarations de distributeurs relatives aux promotions tarifaires proposées par NGK Spark Plugs France. Ainsi, M. A... de la société Bumodis a déclaré : "Nous ne suivons aucune promotion organisée par NGK France sur les bougies. NGK nous propose des promotions, mais ne nous oblige pas à les faire". M. Z..., de la société IAC, a, pour sa part, indiqué : "Dans 90 % des cas, nous suivons les promotions grand public proposées par NGK. Parfois, nous ne les suivons pas car les promotions ne sont pas adaptées. NGK nous demande pourquoi nous ne suivons pas les promotions car ils nous disent qu'ils ont investi de l'argent. Mais il n'y a pas de mesure de rétorsion".
81. Même les distributeurs qui respectaient les prix minima conseillés de NGK ont indiqué le faire pour des raisons de rentabilité propre et non par crainte de mesures de rétorsion de la part de la société NGK Spark Plugs France. Ainsi, M. A... de la société Bumodis a précisé aux enquêteurs : "Nous ne descendons jamais en dessous des prix conseillés par NGK. [...] Je ne sais pas si des sanctions seraient pratiquées contre la société si je ne respectais pas les prix conseillés, mais de toute façon, il est de mon intérêt de respecter ces prix pour ne pas perdre d'argent".
82. Ainsi, les distributeurs demeuraient libres dans la fixation des taux de remises qu'ils accordaient aux détaillants, sans que NGK Spark Plugs France exerce une menace à leur encontre.
83. Au regard de ce qui précède, il n'est pas établi que la société NGK Spark Plugs France se soit entendue avec ses distributeurs pour fixer des prix, en violation de l'article L. 420-1 du Code de commerce (pratique visée sous le grief n° 1).
D. SUR LE GRIEF D'APPLICATION DISCRIMINATOIRE DES CRITÈRES DE SELECTION DU RÉSEAU DE DISTRIBUTION SÉLECTIVE
84. NGK Spark Plugs France ne conteste pas l'absence d'accord de distribution sélective signé avec la société Yvan Béal pour la vente de bougies d'allumages deux roues couvrant la période des faits visée par la notification de griefs (1997-2000). En revanche, NGK Spark Plugs France estime que la nature singulière des relations qu'elle entretient avec la société Yvan Béal justifie cette situation. Par ailleurs, NGK Spark Plugs France expose que la période 1997-2000 constitue une période de transition, puisque si jusqu'en 1997, la société Yvan Béal distribuait de manière exclusive les bougies NGK en France, elle ne représentait en 2000, à la suite de la mise en place de son réseau de distribution sélective, que 7 % des ventes de bougies NGK deux roues du marché français de la seconde monte, concentrant l'essentiel de son activité sur la motoculture et le nautisme.
85. Tout d'abord, il convient de constater que la société Yvan Béal, non signataire d'un contrat de distribution sélective avec NGK Spark Plugs France, n'a pas participé, ni même ne semble avoir été conviée, aux réunions organisées par NGK Spark Plugs France avec ses distributeurs agréés. Néanmoins, NGK Spark Plugs France a livré la société Yvan Béal durant toute la période considérée (1997-2000) dans des conditions similaires à celles réservées à ses distributeurs agréés deux roues. Ainsi, si la société Yvan Béal n'est pas, stricto sensu, un distributeur agréé faisant partie du réseau de distribution de NGK Spark Plugs France, elle doit être assimilée aux autres distributeurs agréés.
86. Il convient donc de vérifier si l'insertion de la société Yvan Béal dans le réseau de distribution de NGK Spark Plugs France s'est faite sur des bases discriminatoires, notamment par rapport à des sociétés qui se seraient vu refuser l'agrément mais aussi par rapport aux distributeurs agréés qui ont signé le contrat de distribution sélective.
87. Dans une décision 93-D-49 du 16 novembre 1993, le Conseil de la concurrence a estimé qu' "un système de vente visant à réserver la distribution des produits commercialisés à certains revendeurs ne peut être admissible, au regard des dispositions de l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, que s'il est justifié par les nécessités d'une distribution adéquate des produits en cause, s'il est fondé sur des critères objectifs de nature qualitative, s'il n'a pas pour objet ou pour effet d'exclure par nature une ou plusieurs formes de distribution, s'il n'est pas appliqué de façon discriminatoire et s'il n'entrave pas la liberté des revendeurs de déterminer leur politique commerciale" (c'est le Conseil qui souligne).
88. La pratique de discrimination consiste à traiter de manière différente des situations identiques ou de manière identique des situations différentes. La jurisprudence considère qu'un réseau de distribution sélective ne peut se fonder, dans le choix des distributeurs agréés, sur une discrimination négative ou positive. Alors que la discrimination négative consiste dans le refus du fournisseur d'agréer un distributeur qui répond aux exigences de sélection, la discrimination positive consiste à livrer des distributeurs qui ne satisfont pas aux critères de sélection. Le Conseil de la concurrence a ainsi pu décider (décision n° 89-D-43 du 5 décembre 1989) qu'un système de distribution sélective reposait sur une sélection discriminatoire dès lors qu'il était démontré que le fournisseur, producteur de chaussures de sport, qui exigeait la présence d'un personnel qualifié chez ses distributeurs, vendait également ses produits à des entreprises de vente par correspondance non dotées d'un personnel qualifié.
Une situation comparable aux distributeurs agréés
89. La société Yvan Béal remplissait les conditions d'agrément pour intégrer le réseau de distribution sélective de NGK Spark Plugs France. Spécialisée dans le secteur de la motoculture, et commercialisant des bougies depuis plus de trente ans, la société Yvan Béal possédait la compétence technique requise en matière de bougies de moteurs à explosion et constituait un partenaire fiable tant sur un plan financier que commercial. En outre, les volumes commandés annuellement par la société Yvan Béal, bien qu'en constante et très nette diminution, demeuraient très largement au dessus des niveaux de commandes minima requis par le contrat de distribution sélective. Enfin, les autres distributeurs agréés, connaissant la situation particulière de la société Yvan Béal, ne l'ont jamais considérée comme discriminatoire.
90. Ainsi, bien que n'ayant pas signé le contrat de distribution sélective avec NGK Spark Plugs France, la société Yvan Béal remplissant les conditions d'agrément et se trouvant dans une situation similaire aux distributeurs agréés ayant signé le contrat de distribution sélective, aucune pratique de discrimination positive en sa faveur n'a été commise par la société NGK Spark Plugs France.
Une situation différente des distributeurs non agréés, tels Europ'acc et Ré'action
91. Aucun élément du dossier ne démontre que la société Europ'acc aurait sollicité l'agrément de NGK Spark Plugs France. En effet, la gérante de la société Europ'acc a indiqué aux enquêteurs en octobre 2000 : "je n'ai pas encore envisagé de m'adresser à NGK France pour la distribution des bougies. Je préfère me spécialiser dans le domaine des vêtements" en précisant "nous avons décidé d'arrêter la commercialisation des bougies d'allumage, batteries, car ce sont des pièces très courantes". De tels propos confortent la déclaration de M. B..., directeur commercial de NGK Spark Plugs France au rapporteur : "S'agissant de Europ'acc, il convient de préciser que nous n'avons reçu aucune demande de cette société sollicitant son entrée dans notre réseau de distribution sélective".
92. Concernant la société Ré'action, s'il est établi que NGK Spark Plugs France a refusé dans un premier temps d'agréer cette société et de l'intégrer à son réseau de distribution, ce refus temporaire d'agrément était justifié par des raisons objectives. En effet, lors de l'instruction, M. B... (NGK Spark Plugs France) a précisé au rapporteur au sujet de la société Ré'action, "cette société nous a demandé d'intégrer notre réseau de distribution. [Je] me suis personnellement déplacé pour rendre visite à cette petite société. Néanmoins, cette société ne remplissait pas plusieurs critères retenus pour notre réseau. Notamment, Ré'action ne disposait pas de capacités de stockage suffisantes, ni des capacités commerciales pour atteindre les volumes minima de commercialisation, ni même la solidité financière permettant une coopération sereine. Suite à l'installation dans de nouveaux locaux et à une série d'investissements, Ré'action nous a formulé une nouvelle demande pour être intégrée à notre réseau de distribution. Nous avons alors accepté et envoyé un contrat cadre de distribution avec Ré'action (mars 2001). Ils ont mis six mois avant de le retourner et ce n'est qu'en novembre 2001 que Ré'action a effectivement intégré notre réseau de distribution. Depuis, cette société n'a jamais atteint le niveau minimal de commande et ne respecte ni les conditions ni les délais de paiement. Malgré ces multiples problèmes, Ré'action fait toujours partie, à ce jour, de notre réseau de distribution".
93. L'ensemble de ces affirmations est corroboré par les échanges de courriers et de fax entre les sociétés Ré'action et NGK Spark Plugs France entre 2001 et 2004. Ce n'est qu'à la suite de la rénovation et de l'agrandissement des locaux de Réaction que NGK Spark Plugs France lui a proposé de souscrire son contrat cadre de distribution sélective.
94. Enfin, la société Ré'action ne se trouvait pas dans la même situation que la société Yvan Béal, s'agissant d'une société nouvelle, avec un faible volume d'activité.
95. Il résulte de ce qui précède que la pratique d'application discriminatoire du contrat de distribution sélective n'est pas établie (pratique visée sous le grief n° 2).
E. SUR LA CLAUSE D'ACHAT NATIONAL EXCLUSIF DU CONTRAT DE DISTRIBUTION SÉLECTIVE
1. Sur la qualification d'entente
96. Il résulte des constatations opérées aux paragraphes 14 et suivants que la société NGK Spark Plugs France a signé avec ses distributeurs un contrat de distribution sélective comportant une clause d'approvisionnement national exclusif, empêchant ceux-ci de s'approvisionner en bougies NGK notamment auprès des filiales allemandes ou italiennes de NGK Japon ou auprès des distributeurs agréés situés dans les autres Etats-membres. Cette pratique qui met l'intégralité du réseau de distribution sélective français à l'abri des approvisionnements croisés, empêche les distributeurs français d'acheter les bougies là où elles sont moins chères, dans d'autres Etats-membres que la France, et les met dans l'incapacité de proposer des prix compétitifs aux consommateurs finals.
97. Les articles 81 du traité CE et L.420-1 du Code de commerce incriminent explicitement comme ententes anticoncurrentielles les accords qui consistent à : "répartir les marchés et les sources d'approvisionnement". En effet, comme le rappelle la Commission européenne dans sa communication portant Lignes directrices sur les restrictions verticales (2000/C 291/01), "le 'cloisonnement des marchés' regroupe les accords qui ont principalement pour effet de limiter les possibilités de l'acheteur de choisir sa source d'approvisionnement ou le marché sur lequel il écoulera un produit déterminé. Cette composante apparaît dans l'achat exclusif, lorsque, sous l'effet d'une obligation expresse ou d'un mécanisme incitatif convenu entre le fournisseur et l'acheteur, le second s'approvisionne exclusivement auprès du premier pour couvrir ses besoins commerciaux concernant un produit donné, par exemple en bière de la marque X, tout en conservant la possibilité d'acheter et de vendre des produits concurrents. [...] L'effet négatif principal sur la concurrence est une diminution de la concurrence intra-marque, qui, peut permettre au fournisseur de cloisonner le marché et, ce faisant, de faire échec à l'intégration des marchés".
98. Ces pratiques, sanctionnées selon une jurisprudence constante (Commission, 21 décembre 2000, JCB, 2002-190-CE ; confirmée par le Tribunal de première instance, 13 janvier 2004, T-67-01 ; § 111 à 118), sont considérées comme des clauses noires non exemptables par le règlement 2790-1999 du 22 décembre 1999, qui, même s'il ne s'applique pas aux pratiques visées dans la notification de griefs, antérieures au 1er juin 2000, peut servir de guide utile dans l'analyse des restrictions verticales.
99. Les interdictions de rétrocession à l'intérieur des systèmes de distribution sélective sont prohibées par le d) de l'article 4 du règlement 2790-1999 du 22 décembre 1999, qui dispose : "L'exemption prévue à l'article 2 ne s'applique pas aux accords verticaux qui, directement ou indirectement, isolément ou cumulés avec d'autres facteurs sous le contrôle des parties ont pour objet : (...) d) la restriction des livraisons croisées entre distributeurs à l'intérieur d'un système de distribution sélective, y compris entre les distributeurs opérant à des stades différents du commerce)". Cette disposition signifie que la distribution sélective ne peut être combinée avec des restrictions verticales visant à contraindre le distributeur à s'approvisionner exclusivement auprès d'un fournisseur donné. Il s'agit en l'espèce de préserver les échanges entre distributeurs agréés de plusieurs États membres.
100. Ainsi que l'énonce la communication de la Commission portant Lignes directrices sur les restrictions verticales (2000-C 291-01 ; § 55), "Les distributeurs sélectionnés doivent rester libres d'acheter les biens contractuels aux autres distributeurs désignés, membres du réseau, qui opèrent au même stade du commerce ou à un stade différent. Il en résulte que la distribution sélective ne peut être combinée avec des restrictions verticales visant à contraindre les distributeurs à s'approvisionner en biens contractuels exclusivement auprès d'un fournisseur déterminé (engagement d'achat exclusif, par exemple)".
101. Lors de la séance, NGK Spark Plugs France a reconnu que la clause d'approvisionnement exclusif contenu dans son contrat de distribution sélective constituait bien une clause noire au sens du règlement 2790-1999 du 22 décembre 1999, tout en contestant les effets réels de celle-ci. Elle soutient dans ses observations écrites qu'une telle clause ne viole ni l'article L. 420-1 du Code de commerce, ni l'article 81 du traité CE "dans la mesure où cette clause respecte l'esprit et l'objectif" du règlement d'exemption 1984-83.
Sur l'application du règlement n° 1984-83 de la Commission du 22 juin 1983
102. Le règlement d'exemption catégorielle n° 1984-83 de la Commission du 22 juin 1983 concernant l'application de l'article 85 paragraphe 3 du traité (actuel article 81) à des catégories d'accords d'achat exclusif exonère, selon les dispositions de son article 1, "les accords auxquels ne participent que deux entreprises et dans lesquels l'une, le revendeur, s'engage vis-à-vis de l'autre, le fournisseur, à n'acheter dans le but de la revente certains produits spécifiés dans l'accord qu'à celui-ci, à une entreprise liée à lui ou à une entreprise tierce qu'il a chargé de la distribution de ses produits".
103. Mais ce règlement ne vise pas les accords de distribution sélective, ne s'applique pas à eux et, notamment aux pratiques dans lesquelles les restrictions inhérentes à la distribution sélective se combinent avec des restrictions d'achat ou d'approvisionnement. Dans cette hypothèse, un examen individuel de la pratique au regard du paragraphe 3 de l'article 81 du traité s'avère nécessaire.
104. En toute hypothèse, l'article 3 sous d) du règlement 1984-83 exclut du bénéfice de l'exemption les accords conclus pour une durée indéterminée ou pour une durée dépassant cinq ans. Dans sa communication relative au règlement 1984-83, la Commission précise que "en vertu de l'article 3, sous d), les accords d'achat exclusif conclus pour une durée indéterminée ne sont pas couverts par l'exemption par catégorie. Les accords prévoyant une durée déterminée mais qui sont prorogés automatiquement à défaut de résiliation doivent être considérés comme conclus pour une durée indéterminée".
105. Or, l'article 13 de l'accord de distribution sélective proposé par NGK Spark Plugs France à ses distributeurs agréés dispose que "ce contrat entrera en vigueur le [...] et prendra fin le [...]. Il se prolongera ensuite par périodes successives de 12 mois, à moins qu'il ne soit dénoncé par l'une des parties avant la fin de la première période ou des périodes suivantes, avec préavis de trois mois par écrit".
106. Les présentes pratiques ne sont donc pas couvertes par le règlement n° 1984-83 du 22 juin 1983.
Sur l'objet
107. La clause imposant aux distributeurs agréés de s'approvisionner exclusivement auprès de NGK Spark Plugs France interdisait nécessairement à ceux-ci de s'approvisionner auprès de fournisseurs d'autres pays (notamment européens), qui auraient notamment pu proposer des prix inférieurs. Il convient de remarquer que le contrat de distribution sélective contient une clause de résiliation rigoureuse en cas de non-respect des stipulations contractuelles et notamment de cet engagement d'approvisionnement exclusif auprès de NGK Spark Plugs France (paragraphe 14).
108. La clause d'approvisionnement exclusif en cause a participé à une répartition des sources d'approvisionnement faisant obstacle à une libre concurrence sur le marché et entravant l'intégration des différents marchés nationaux au sein du marché unique.
109. Contrairement à ce que prétend NGK Spark Plugs France, les propos de M. B..., directeur commercial de NGK Spark Plugs France montrent bien que l'objectif d'une telle clause était de cloisonner les marchés nationaux. Si NGK Spark Plugs France a accordé une dérogation à deux de ses distributeurs, c'est précisément parce qu'ils étaient liés financièrement avec des entreprises non françaises (capitaux italiens notamment). Ainsi, M. B... a-t-il déclaré aux enquêteurs : "Aujourd'hui, parmi les distributeurs NGK, il y a deux sociétés qui appartiennent à des groupes étrangers : la société Bumodis a des relations financières avec Schuh et la société Moraco a fait appel à des capitaux d'une société italienne. Elles peuvent donc s'approvisionner où elles le souhaitent".
Sur les effets
110. Des clauses d'approvisionnement exclusif, appliquées dans chaque pays où est distribué un produit, peuvent servir à mettre en œuvre une politique de discrimination par les prix entre les différents pays.
111. Une telle politique n'est pas anticoncurrentielle en soi. Elle peut par exemple permettre d'adapter les prix à des consommateurs à plus faible niveau de revenu ou à plus faible disponibilité à payer le produit.
112. Dans le cas présent, c'est l'effet inverse qui est à l'œuvre puisque de nombreux distributeurs disent avoir dû renoncer à des achats dans des pays où les bougies étaient vendues à des prix inférieurs (Allemagne, Italie) lors de l'entrée en vigueur du contrat (voir paragraphes 16 et 17).
113. Il ressort des pièces du dossier que les distributeurs agréés ont pu, occasionnellement, procéder à des importations de bougies en s'approvisionnant en dehors de chez NGK Spark Plugs France, en violation de leur contrat de distribution. Ainsi, M. Z... (de la société IAC) a déclaré aux enquêteurs : "en pratique, nous nous approvisionnons parfois à l'étranger en bougies NGK lorsque les prix sont plus intéressants. Ainsi, notamment avec Honda en Suisse, nous les dépannons en bougies NGK quand ils en ont besoin et eux, peuvent également nous fournir en bougies NGK. C'est arrivé ponctuellement. Cela peut se passer avec n'importe quel pays du monde".
114. Néanmoins, ces approvisionnements alternatifs se sont révélés marginaux et problématiques. Ainsi, comme l'a souligné Monsieur C... de la société Ré'action (grossiste non agréé), "acheter de la bougie NGK Spark Plugs France à l'étranger est très difficile, car NGK Japon exerce une pression très importante sur les importateurs. Il faut être extrêmement confidentiel pour que l'achat de bougies à l'étranger soit envisageable et possible". M. C... poursuit en expliquant qu'il a souhaité rejoindre le circuit des distributeurs agréés car "j'en ai assez de devoir me procurer des bougies NGK à droite, à gauche, sous le manteau".
115. Enfin, ainsi que le souligne la communication de la Commission citée plus haut, plus la position du fournisseur sur son marché est importante, plus l'impact de la clause d'achat exclusif est sensible. Elle considère ainsi que "La 'position détenue sur la marché par le fournisseur et ses concurrents' est particulièrement importante pour apprécier les éventuels effets préjudiciables à la concurrence, car l'affaiblissement de la concurrence intra-marque ne constitue un problème que si la concurrence inter-marques est limitée. Plus la position du fournisseur est forte, plus l'affaiblissement de la concurrence intramarque pose problème".
116. Or, en l'espèce, il apparaît que la position de NGK Spark Plugs France sur le marché des bougies d'allumage de seconde monte pour deux roues était particulièrement forte durant la période appréhendée (1997-2000). En effet, selon les propres déclarations du directeur commercial de NGK Spark Plugs France, M. B..., "en France, il y a environ 2 millions de véhicules deux roues ; 80 à 85 % de ces véhicules sont équipés d'origine par la marque NGK. Le reste est partagé entre Nippon Denso, Champion et Bosh pour la première monte". A l'instar de nombreuses déclarations concordantes de différents distributeurs ou détaillants, M. B... a précisé que "les parts de marchés sur le marché de la première monte ont de sensibles influences sur le marché de la seconde monte. En effet, très souvent l'utilisateur (le motard notamment) va suivre les recommandations techniques du constructeur de son deux roues". Il ressort des déclarations de plusieurs distributeurs et détaillants que la marque NGK était "la" référence en matière de bougies d'allumage pour deux roues. Ainsi, Monsieur C..., PDG de la société Ré'action (grossiste) a indiqué aux enquêteurs que : "La bougie NGK est la bougie de référence". M. A..., gérante de la société Bumodis (distributeur national agréé) a précisé "les clients, les motards, ne veulent que de la bougie NGK Spark Plugs France, et cela même si les autres marques sont nettement moins chères que la marque NGK. [...] NGK Spark Plugs France a une réputation forte dans le milieu de la moto, pour tout ce qui est mécanique". M. X..., de la société MAD (grossiste), a confirmé, lors de son audition par les enquêteurs, que "la bougie NGK se différencie des autres, elle est de très bonne qualité". Il résulte de ces éléments que NGK Spark Plugs France détenait durant la période appréhendée (1997-2000) d'une position particulièrement forte, tant en termes de part de marché que de réputation, sur le marché des bougies d'allumage de seconde monte pour deux roues.
117. Dès lors, l'affaiblissement de la concurrence intra-marque liée à une source d'approvisionnement unique portant sur un produit essentiel pour les distributeurs, a nécessairement affecté le marché de la bougies de moto de seconde monte, notamment en raison de la force et de la puissance de la marque NGK sur ce marché. La clause d'approvisionnement exclusif uniformisait artificiellement les prix d'achat des bougies. Les distributeurs n'ont pas pu faire jouer la concurrence pour essayer de trouver des fournisseurs moins chers que NGK Spark Plugs France. Il ressort en effet de différents éléments du dossier que les prix d'approvisionnement en bougies NGK pouvaient être différents selon les Etats membres et que des arbitrages auraient pu permettre aux distributeurs d'obtenir de meilleurs prix.
118. Ainsi, M. Edgard C... (société Ré'action) a précisé aux enquêteurs, "les prix NGK sont fonction du marché. Ainsi, les bougies ne sont pas aux mêmes prix en France, en Belgique et en Italie. En Italie par exemple, où il y a beaucoup de scooters, les prix des bougies pour scooter sont faibles, bas". M. A... (société Bumodis) a indiqué : "Le tarif NGK en Allemagne est différent du tarif NGK en France. Sur certaines références, le prix en Allemagne est plus cher ; sur d'autres c'est moins cher".
119. Cet affaiblissement de l'intensité concurrentielle a constitué un frein à la baisse des tarifs des distributeurs aux détaillants, a interdit aux acteurs de s'approvisionner dans des pays où les prix étaient plus bas, et a facilité une certaine homogénéisation des prix au niveau des prix pratiqués par les distributeurs.
120. La société NGK Spark Plugs France n'a pas fait la démonstration que les conditions du paragraphe 3 de l'article 81 du traité ou de l'article L. 420-4 du Code de commerce étaient réunies.
121. M. B..., directeur des ventes de NGK Spark Plugs France a indiqué aux enquêteurs que "avec les importations parallèles, il y a un risque que les bougies commercialisées soient des contrefaçons, des copies".
122. Mais le Conseil de la concurrence a rejeté cet argument dans une décision 98-D-76 du 9 décembre 1998 (confirmée la Cour d'appel de Paris dans un arrêt du 19 octobre 1999), considérant que "la préoccupation légitime de lutter contre les contrefaçons ne peut justifier une clause d'approvisionnement exclusif, laquelle, [...] est de nature à dissuader et à empêcher les distributeurs de s'approvisionner au sein de l'Union européenne".
123. Il ressort de ce qui précède que la clause d'approvisionnement exclusif contenue dans les contrats de distribution sélective conclus entre NGK Spark Plugs France et ses distributeurs a bien eu un objet et a pu avoir des effets anticoncurrentiels et qu'ainsi, la société NGK Spark Plugs France a enfreint les dispositions des articles 81 du traité et L. 420-1 du Code de commerce (pratique visée sous le grief n° 3).
2. Sur la qualification d'abus de position dominante
124. NGK Spark Plugs France estime que la preuve de sa position dominante sur le marché ne peut être établie et que la clause d'achat exclusif contenue dans son contrat de distribution sélective ne saurait être qualifiée d'abusive, notamment parce que NGK Spark Plugs France n'a ni cherché à évincer ses concurrents en profitant de sa prétendue dominance (abus d'éviction ou d'exclusion) ni cherché à exploiter sa position dominante au détriment de ses partenaires (abus d'exploitation ou de discrimination).
125. Le Conseil de la concurrence a récemment rappelé (Décision 05-D-70 du 19 décembre 2005, paragraphe 250) que "la constitution de l'infraction d'abus de position dominante suppose que soit établi le lien de causalité entre le pouvoir de domination de l'entreprise et l'entrave apportée au libre jeu du marché. L'entrave doit, donc, résulter de l'utilisation du pouvoir de domination de l'entreprise".
126. Ainsi, dans l'hypothèse où NGK Spark Plugs France serait en position dominante sur le marché pertinent, la qualification d'abus de position dominante exigerait la preuve que cette société a utilisé cette position de domination pour insérer dans son contrat de distribution sélective une clause d'approvisionnement exclusif.
127. En l'espèce, il convient de constater qu'aucun élément du dossier ne permet d'affirmer que les distributeurs agréés ont signé le contrat de distribution contenant la clause litigieuse sous la pression de la position dominante acquise par NGK Spark Plugs France. En l'absence d'élément permettant d'établir et de caractériser un lien de causalité entre l'éventuelle position dominante de NGK Spark Plugs France et la stipulation de l'obligation d'approvisionnement exclusif, aucun abus de position dominante ne peut, en l'espèce, être constaté.
128. En outre, si la clause d'approvisionnement exclusif litigieuse a constitué un obstacle à l'intégration des marchés européens et restreint la concurrence dans le réseau de distribution sélective de NGK Spark Plugs France, elle n'a pas constitué une barrière à l'entrée ou au développement des produits concurrents, n'ayant porté atteinte qu'à la concurrence intra-marque et non à la concurrence inter-marques.
129. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de qualifier la position qu'occupe la société NGK Spark Plugs France sur le marché pertinent, il ne peut être établi que l'insertion, par NGK Spark Plugs France, d'une clause d'approvisionnement exclusif dans ses contrats de distribution sélective constitue un abus de position dominante (pratique visée sous le grief n° 4).
F. SUR LES SANCTIONS
130. Les infractions retenues ci-dessus ont été commises antérieurement à l'entrée en vigueur de la loi n° 2001-420 du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques. Par suite et en vertu de la non-rétroactivité des lois à caractère punitif, les dispositions introduites par cette loi à l'article L. 464-2 du Code de commerce, en ce qu'elles sont plus sévères que celles qui étaient en vigueur antérieurement, ne leur sont pas applicables.
131. Aux termes de l'article L. 464-2 du Code commerce dans sa rédaction applicable avant l'entrée en vigueur de la loi du 15 mai 2001 : "Le Conseil de la concurrence peut ordonner aux intéressés de mettre fin aux pratiques anticoncurrentielles dans un délai déterminé ou imposer des conditions particulières. Il peut infliger une sanction pécuniaire applicable soit immédiatement soit en cas de non exécution des injonctions. Les sanctions pécuniaires sont proportionnées à la gravité des faits reprochés, à l'importance du dommage causé à l'économie et à la situation de l'entreprise ou de l'organisme sanctionné et de façon motivée pour chaque sanction. Le montant maximum de la sanction est, pour une entreprise, de 5 % du chiffre d'affaires hors taxe réalisé en France au cours du dernier exercice clos".
1. Sur la gravité des pratiques
132. La clause d'achat exclusif de NGK Spark Plugs France a isolé le marché français et a constitué un obstacle à l'intégration du marché intérieur européen en limitant la concurrence entre les sources d'approvisionnement intra européenne en bougies de marque NGK pour deux roues. Cette pratique relève des restrictions les plus graves en matière d'entente verticale et est considérée comme une restriction caractérisée non exemptable au regard du règlement de 1999.
133. Enfin, le contrat litigieux a été maintenu en vigueur sur une période de quatre années, retenue par la notification de griefs complémentaire, à savoir de 1997 à 2000.
134. Les pratiques précédemment constatées n'ont affecté que la concurrence intra-marque et n'ont pas érigé d'obstacle à l'entrée ou au développement de marques concurrentes de NGK. Néanmoins, si l'affectation de la concurrence intra-marque est moins grave que l'affectation de la concurrence inter-marques, il convient de souligner que lorsque la concurrence intra-marque concerne un produit phare du marché, cette circonstance tend à intensifier la gravité intrinsèque de la pratique. Plus la position du fournisseur est forte, plus l'affaiblissement de la concurrence intra-marque a des effets importants sur le marché et les consommateurs. En l'espèce, la forte position de NGK Spark Plugs France sur le marché en cause et la très grande notoriété de la marque NGK, constituent des éléments aggravants de la pratique constatée.
2. Sur l'importance du dommage à l'économie
135. Il ressort du rapport d'enquête que le marché de la seconde monte de bougies deux roues correspond à un volume annuel de 4 millions d'unités en 1997, et de 3 millions d'unités en 2000. Sachant que le prix moyen de détail d'une bougies deux roues sur cette période est d'environ 30 francs, le chiffre d'affaires du marché de la seconde monte de bougies (marché de détail) deux roues peut être évalué à environ 100 millions de francs par an, soit 15 millions d'euro par an environ. La part de marché de NGK Spark Plugs France sur le marché pendant la période considérée varie entre 70 % et 80 % en moyenne et la part du réseau de distribution sélective dans les ventes totales de NGK Spark Plugs France correspond à un peu plus de 50 % du marché des bougies NGK de seconde monte (hors distribution par Yvan Béal, distribution constructeurs OES, nouvelle distribution, distribution non agréée).
136. Il ressort de différentes déclarations de détaillants et de grossistes que les consommateurs finaux sont relativement insensibles aux prix des bougies deux roues de rechange. Ainsi, Patrick E..., gérant du magasin Challenge 75 à Paris a précisé que "pour la bougie d'allumage, les variations de prix ont peu d'incidence sur les achats des clients" ; M. A... de la société Bumodis a indiqué que "pour tout ce qui est pièce technique, les motards ne sont pas sensibles au prix des produits, à leur variation" ; M. Alain F..., chef de rayon au BHV a déclaré : "les clients sont indifférents aux fluctuations du prix des bougies NGK pour moto. Ils sont déjà contents de les trouver ici, car nous n'avons pas toutes les références". M. Anthony G..., président de la SA Distrimoto a précisé : "les gens cherchent plutôt une marque fiable qu'un premier prix". Cette faible élasticité de la demande finale au prix des bougies NGK induit que la baisse d'intensité concurrentielle dans la chaîne de distribution liée à la clause d'approvisionnement exclusif a été essentiellement supportée par les consommateurs finals.
3. Sur la situation particulière des entreprises
137. L'entreprise NGK Spark Plugs France a réalisé, au cours de l'exercice clos au 31 décembre 2005, un chiffre d'affaires France de 47 708 556 euro. En fonction des éléments généraux et individuels précédemment exposés, il y a lieu de lui infliger une sanction pécuniaire d'un montant de 300 000 euro.
Décision
Article 1er : Il n'est pas établi que la société NGK Spark Plugs France a enfreint les dispositions de l'article L. 420-1 du Code de commerce en participant à une entente sur les prix ou en appliquant de façon discriminatoire les critères de sélection de ses distributeurs agréés.
Article 2 : Il n'est pas établi que la société NGK Spark Plugs France a enfreint les dispositions des articles 82 du traité CE et L. 420-2 du Code de commerce en insérant dans ses contrats de distribution sélective une clause d'approvisionnement exclusif à la charge de ses distributeurs.
Article 3 : Il est établi que la société NGK Spark Plugs France a enfreint les dispositions des articles 81 du traité CE et L. 420-1 du Code de commerce en insérant, dans ses contrats de distribution sélective, une clause d'approvisionnement exclusif à la charge de ses distributeurs.
Article 4 : Il est infligé à la société NGK Spark Plugs France une sanction pécuniaire de 300 000 euro.