CA Bordeaux, 1re ch. B, 13 janvier 2003, n° 00-04681
BORDEAUX
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Vazeille
Défendeur :
Grandjean (Epoux)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Montamat
Conseiller :
M. Crabol
Avoués :
SCP Fonrouge-Gautier, SCP Arsene-Henry-Lancon
Avocats :
Mes Lempereur, Auberger
* LA COUR est saisie d'un appel régulièrement déclaré le 25 juillet 2000 par Madame Marie Thérèse Pedrazzini épouse Vazeille à l'encontre d'un jugement contradictoire rendu le 5 juillet 2000 par le Tribunal de grande instance de Bordeaux dans le contexte de faits suivants : Le 19 novembre 1999, Monsieur et Madame Grandjean ont signé par l'intermédiaire de l'Agence "Axel Immobilier" une offre d'achat d'un bien immobilier portant sur un appartement T4 situé Résidence Ronceval 3, rue Francisco Goya à Cenon, propriété de Madame Vazeille, moyennant le prix de 41 923,48 euro, ladite offre devant être acceptée par la venderesse le 27 novembre 1999. Cependant le 25 novembre 1999 les parties signaient sous l'égide d'Axel Immobilier un compromis de vente, moyennant le prix de 36 587,76 euro outre provision pour frais d'acte de 3 811,23 euro et frais de négociation (à la charge de l'acquéreur) de 5 335,72 euro. En outre, l'acquéreur versait, lors de sa signature, un dépôt de garantie de 4 192,35 euro devant s'imputer sur le prix convenu de la vente. Enfin cet acte stipulait au titre "Conditions" 1. "Jouissance" une clause de non garantie, selon laquelle l'acquéreur prendra les biens vendus dans l'état où ils se trouveront le jour de l'entrée en jouissance, sans garantie de la part du vendeur en raison du bon ou mauvais état du sol, du sous- sol ou des bâtiments, vices de toute nature apparents ou cachés"... L'acte authentique, sous réserve de la condition suspensive d'obtention du prêt, devait être passé en l'étude de Maître Duplantier notaire à Cenon le 31 décembre 1999. Le notaire Duplantier ayant reçu du Crédit Lyonnais, Agence de Toulouse les fonds par courrier du 24 janvier 2000, l'acte authentique devait alors être signé le 26 janvier 2000, mais à la demande des époux Grandjean cette formalité était reportée au 3 février 2000. Une sommation de comparaître en l'étude de Maître Duplantier le 15 février 2000 était délivrée à l'encontre des époux Grandjean et un procès-verbal de difficultés était dressé par le notaire le 15 février 2000. Invoquant l'existence de nuisances sonores - qu'ils ont découvertes dans l'appartement qu'ils se proposaient d'acquérir, qu'ils ont occupé à compter du 26 janvier 2000, suivant autorisation écrite de leur venderesse en date du 25 janvier précédent, et dans lequel ils ont passé la nuit précédant le 3 février, date de la signature de l'acte notarié - provenant d'installations situées en sous-sol dans les parties communes de la Résidence Ronceval, les époux Grandjean assignaient Madame Vazeille devant le tribunal aux fins de voir prononcer la résolution de la vente à raison de ces bruits anormaux et obtenir paiement de diverses sommes. Ils fondaient leur action au principal sur les articles 1184 et 1603 du Code civil et subsidiairement sur le fondement des articles "1641 et 1603 du Code civil".
Le tribunal a statué en ces termes :
- Condamne Madame Marie-Thérèse Vazeille à payer aux époux Grandjean les sommes suivantes:
- 4 192,35 euro en remboursement de l'acompte versé,
- 12 195,92 euro en dommages et intérêts,
- 1 067,14 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,
- Ordonne l'exécution provisoire du jugement,
- Condamne Madame Vazeille aux dépens.
Par écritures déposées au Greffe le 18 octobre 2002, Madame Vazeille appelante principale demande à la cour de réformer le jugement déféré et de condamner les époux Grandjean à lui payer diverses sommes (4 192,35 euro à titre de dommages et intérêts correspondant au montant du séquestre, 4 573,47 euro en application de la clause pénale insérée au compromis de vente, 3 375,00 euro correspondant à l'indemnité d'occupation de l'immeuble du 20 décembre 1999 à fin février 2000, 2 286,74 euro pour procédure abusive et 2 286,74 euro par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile). Par écritures signifiées le 25 avril 2001 les époux Grandjean sollicitent la confirmation du jugement querellé, sauf à élever à 15 244,90 euro le montant des dommages et intérêts. Ils réclament également en cause d'appel une indemnité de procédure de 2 286,74 euro.
La cour se réfère en ce qui concerne les faits, la procédure, les moyens et prétentions des parties au jugement et aux conclusions d'appel.
Ceci étant, la cour:
Attendu que la cour est saisie d'une action en résolution de vente engagée par les époux Grandjean fondée sur les dispositions des articles 1184 et 1603 du Code civil, motif pris de ce que les nuisances sonores créées par des appareils à usage collectif de la copropriété, implantés en sous-sol, aux droits de leur appartenant, génèrent un taux de décibels, enregistré par le Service Communal d'Hygiène et de la Santé de la Mairie de Bordeaux, entre 22 heures et 7 heures du matin, de 35,6 décibels, alors que l'arrêté du 14 juin 1969, dans sa rédaction antérieure à celui du 22 décembre 1975, précisait que le niveau de pression acoustique du bruit, engendré dans les pièces principales d'un logement par un équipement quelconque du bâtiment ne devait pas dépasser, s'il s'agit d'un équipement collectif, 35 décibels A;
Qu'ils estiment dès lors que Madame Vazeille n'avait pas délivré une chose conforme à l'usage auquel elle était destinée
Que subsidiairement, les demandeurs invoquent les dispositions de l'article 1641 du Code civil soutenant, qu'au vu du procès-verbal de constat dressé par Maître Lamy huissier de justice à Bordeaux les 11 et 12 février 2000, ils rapportent la preuve du vice rédhibitoire dont était affecté la chose vendue et que la venderesse ne pouvait ignorer, rendant ainsi caduque la clause de non garantie stipulée au profit de dame Vazeille;
Mais attendu qu'il est constant que la non conformité de la chose vendue à sa destination normale relève de la garantie des vices cachés définis par l'article 1641 du Code civil qui ne peut dès lors être que le seul fondement possible de l'action en résolution intentée par les époux Grandjean;
Attendu par ailleurs que le vice caché doit être nécessairement inhérent à la chose vendue, et ne saurait résulter d'un trouble ayant son origine dans un élément d'équipement de l'immeuble, extérieur à l'appartement vendu et pour lequel dame Vazeille ne doit pas garantie;
Attendu qu'il s'ensuit que la demande de résolution de vente, sur le fondement juridique choisi par les époux Grandjean ne saurait prospérer et que le jugement sera par voie de conséquence réformé notamment quant aux diverses condamnations en paiement de sommes mises à la charge de Madame Vazeille au profit des époux Grandjean;
Attendu cependant qu'il ressort des écritures des parties que Monsieur et Madame Grandjean n'occupent plus l'appartement qu'ils se disposaient d'acquérir, manifestant ainsi leur intention de ne plus donner suite au compromis de vente signé le 25 novembre 1999;
Qu'il échet en conséquence de prononcer la résolution de la vente aux torts exclusifs desdits époux Grandjean, demande implicitement formulée par Madame Vazeille en sollicitant l'octroi de dommages et intérêts pour la non réitération du compromis de vente en la forme authentique, l'application de la clause pénale et le paiement par les intimés d'une indemnité d'occupation ;
Qu'il y a lieu dès lors d'allouer à l'appelante la somme de 4 192,35 euro à titre de dommages et intérêts pour non réitération de la vente, et de réduire à 762,25 euro la clause pénale figurant au compromis;
Que par ailleurs s'il résulte de l'attestation de la venderesse qu'elle avait autorisé les acquéreurs à occuper l'appartement, dès le 26 janvier 2000, Madame Vazeille n avait pas assorti son accord du paiement d'une indemnité, pas plus qu'elle n'avait formellement accepté que les époux Grandjean entreprennent des travaux dans l'appartenant litigieux ; qu'ensuite la cour ne dispose pas d'éléments pour déterminer la date à laquelle les époux Grandjean ont quitté les lieux, des indications différentes figurant dans les écritures de l'appelante : en février 2000 ou 4 mai 2000 période à laquelle ils auraient remis les clés à Maître Duplantier, mais aucun écrit ne justifiant cette allégation, cette demande d'une indemnité d'occupation sera donc rejetée;
Attendu que les époux Grandjean seront en conséquence condamnés à payer à Madame Vazeille une somme de 4 954,60 euro, constatation étant faite que l'appartement dont elle reste finalement propriétaire a fait l'objet de réparation de remise en état d'habitation convenable, travaux exécutés, au risque des acquéreurs mais trouvant leur cause dans le compromis qui valait vente parfaite entre les parties ;
Attendu enfin que la demande incidente formée par Madame Vazeille en paiement de dommages et intérêts pour procédure abusive sera rejetée, faute par cette dernière de démontrer que les époux Grandjean ont agi dans une intention de nuire;
Que toutefois en équité une indemnité de procédure sera octroyée à Madame Vazeille;
Par ces motifs, LA COUR, Réforme le jugement déféré, Statuant à nouveau : Prononce la résolution de la vente du 5 novembre 1999 aux torts exclusifs des époux Grandjean, Condamne solidairement Monsieur et Madame Grandjean à payer à Madame Vazeille la somme de 4.954,60 euro, Dit que cette somme portera intérêts de droit à compter du présent arrêt, Déboute Madame Vazeille de ses demandes relatives au bénéfice d'une indemnité d'occupation et à l'allocation de dommages et intérêts pour procédure abusive, Condamne les époux Grandjean à payer à Madame Vazeille la somme de 1 500 euro par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, Condamne les époux Grandjean aux entiers dépens, dont distraction pour ceux d'appel au profit de la SCP Marguerite Fonrouge - Marc Jean Gautier et Pierre Fonrouge, avoués associés à la cour, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.