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Décisions

CA Paris, 5e ch. A, 7 juin 2006, n° 04-03891

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Atelier Diffusion Bois (Sté)

Défendeur :

Sentry Safe Europe Sprl (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Riffault-Silk

Conseillers :

MM. Roche, Byk

Avoués :

Mes Buret, Teytaud

Avocats :

Mes Briant, Normand

T. com. Paris, du 5 nov. 2003

5 novembre 2003

Par contrat du 6 décembre 1995, la société Sentry USA a confié à la société RME, agissant à titre d'agent commercial et dont M J. Reille était le dirigeant, le soin d'assurer la distribution et la vente des coffres-forts de sa marque. Le 19 février 2001 un second contrat était signé entre Sentry USA, aux droits de laquelle est venue Sentry Sprl, et la société ADB, dont M J. Reille est également le dirigeant. Ce dernier contrat ayant été résilié par Sentry le 27 juin 2002, ADB, insatisfaite des offres d'indemnisation qui lui étaient faites, assignait, par actes des 8 et 13 novembre 2002, les sociétés Sentry Group USA et Sentry Europe Sprl devant le Tribunal de commerce de Paris afin d'obtenir réparation de son préjudice du fait de la résiliation. Par jugement du 5 novembre 2003, cette juridiction mettait hors de cause la société Sentry Group USA et déboutait la société ADB de sa demande à l'encontre de la société Sentry Europe Sprl, ainsi que cette dernière société de sa demande reconventionnelle pour procédure abusive, ADB étant condamnée à payer à Sentry Europe 7 000 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Par déclaration du 30 décembre 2003, ADB a fait appel de cette décision et conclut le 23 juin 2005 à l'infirmation, Sentry Europe Sprl devant être condamnée à lui verser 297 504,54 euro pour résiliation abusive et fautive, outre 15 225,40 euro au titre des commissions du quatrième trimestre 2002, 24 000 euro au titre du paiement des indemnités de rupture dues aux sous-agents et 5 000 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Par conclusions du 24 janvier 2006, Sentry Europe Sprl réplique en demandant la confirmation du jugement querellé, 20 000 euro pour procédure abusive et 15 000 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Sur ce

Sur la demande d'indemnité pour rupture abusive

Considérant que pour soutenir son appel, ADB fait valoir que la résiliation des relations entre les parties à l'initiative de Sentry serait abusive et fautive, les motifs invoqués, à savoir la non-réalisation des objectifs pour les exercices 2001 et 2002, étant purement fallacieux;

Considérant que pour s'opposer à cet argument la société Sentry réplique qu'elle était libre de mettre fin à tout moment au mandat, que la rupture du contrat d'agent commercial n'est pas intervenue de façon brutale, le préavis légal ayant été respecté, et que l'indemnité, qui a été payée, correspond au préjudice réellement subi;

Considérant qu'il résulte de l'article L. 134-11 du Code de commerce que " lorsque le contrat d'agence est à durée indéterminée, chacune des parties peut y mettre fin moyennant un préavis";

Considérant qu'il n'est pas contesté que le contrat conclu entre les parties avait une durée indéterminée pour avoir été renouvelé par tacite reconduction le 31 décembre 2001 ;

Considérant que Sentry avait dès lors toute liberté de le résilier sans avoir à justifier d'une faute commise par son co-contractant dès lors que cette résiliation respectait le délai de préavis fixé à l'article L. 134-11 alinéa 3 dudit Code, à savoir trois mois pour la troisième année commencée du contrat et les années suivantes;

Considérant que tel est bien le cas d'une résiliation signifiée le 27 juin 2002 avec date de prise d'effet au 30 septembre de la même année, soit avec un préavis de 3 mois, alors que le contrat entre Sentry et ADB avait été signé en février 2001 et qu'à supposer que ce contrat venait continuer les premières relations entre Sentry et RME conclues en 1995, le délai maximum légal de préavis a été parfaitement respecté;

Considérant qu'en tout état de cause, l'article L. 134-12 du Code de commerce dispose qu'"en cas de cessation de ses relations avec le mandant l'agent commercial a droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi";

Considérant qu'en application de cette disposition légale, ADB a reçu de Sentry la somme de 252 495,81 euro;

Considérant que pour estimer non satisfactoire cette demande, la société ADB évalue son préjudice à quatre années de commissions, soit la somme de 583 000 euro;

Considérant cependant qu'au vu des éléments produits concernant le montant annuel des commissions perçues, la somme de 252 495,81 euro payée par Sentry à ADB calculée sur la base de deux années de commissions, correspond bien, au vu de la durée et de la nature des relations ayant existé entre les parties, au montant du préjudice réellement subi par l'agent commercial du fait de la rupture;

Considérant dès lors qu'il convient de débouter de ce chef la société ADB ;

Sur la demande d'indemnisation résultant de la rupture des contrats des sous-agents de la société ADB

Considérant que pour réclamer de ce chef une somme de 24 000 euro, la société ADB avance qu'elle a dû, suite à la rupture des relations avec Sentry, résilier le 26 juillet 2002, avec effet au 30 septembre de la même année, les contrats la liant à ses sous-agents;

Considérant que pour s'opposer à cette demande, Sentry estime que n'ayant pas incité ADB à recruter lesdits sous-agents, cette société doit faire son affaire des relations avec ceux-ci et se comporter en mandant à leur égard;

Considérant que l'indemnisation du préjudice subi par l'agent tel que prévu par l'article L. 134-12 du Code de commerce inclut nécessairement les conséquences de la cessation des contrats des sous-agents, le contrat de sous-agence étant accessoire au contrat principal;

Considérant en conséquence qu'ADB, qui ne démontre d'ailleurs pas la réalité particulière de son préjudice sur ce point, ne saurait prétendre voir indemniser celui-ci d'une façon spécifique, la somme de 252 495,81 versée comprenant d'ores et déjà la réparation de celui-ci;

Considérant qu'il convient également de débouter ADB de ce chef;

Sur les commissions du 4e trimestre 2002 réclamées par ADB

Considérant qu'ADB réclame à ce titre une somme de 15 225,40 euro;

Considérant que Sentry s'y oppose en faisant valoir qu'elle a déjà versé les commissions correspondant à ce trimestre;

Considérant, en effet, que si ADB estime que les commissions ainsi versées correspondent uniquement à ce qui lui était dû pour le troisième trimestre 2002, il se déduit des dispositions de l'artic1e 3.1 du contrat d'agent commercial que le mandant s'engage à verser à l'agent "une commission s'élevant à 10 % du montant nominal des factures reçues par (le mandant) ayant été mises et réglées par les distributeurs situés sur le territoire", que cette clause contenant une double exigence d'émission et de règlement des factures au cours du même trimestre, il ne saurait être reproché à Sentry, en réglant pour le quatrième trimestre 2002 la somme de 38 581,06 euro, de ne pas avoir respecté ces dispositions contractuelles et ce d'autant que l'article 3.2 dudit contrat a bien prévu que le paiement de la commission serait effectué par versements trimestriels le dernier jour ouvrable de chaque trimestre au titre duquel la commission est due;

Considérant en conséquence qu'ADB sera déboutée de sa demande de ce chef;

Considérant que Sentry ne démontrant pas l'existence d'un préjudice distinct sera déboutée de sa demande reconventionnelle en dommages-intérêts;

Considérant que l'équité commande de condamner ADB à payer 4 000 euro à la société Sentry au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;

Par ces motifs, Déboute la société ADB de l'ensemble de ses demandes, Déboute la société Sentry de sa demande reconventionnelle, Confirme le jugement entrepris, Condamne la société ADB à payer 4 000 euro à la société Sentry au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, La condamne aux dépens, avec droit de recouvrement direct au profit de Me Teytaud, avoué.