CA Paris, 5e ch. A, 5 avril 2006, n° 03-21569
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Gadchaux, Massiani (ès qual.), Spibat (SNC)
Défendeur :
Pompes Funèbres et Marbrerie du Bassin Parisien (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Riffault-Silk
Conseillers :
MM. Roche, Byk
Avoués :
Mes Cordeau, Pamart
Avocats :
Mes Hestin, Cahen
Le 1er novembre 1994 la société PFMBP a conclu avec M. Gadchaux un contrat dit de "franchise" d'une durée de cinq ans, tacitement renouvelable, par lequel était concédé à ce dernier le droit d'exploiter un magasin sis à Cannes (06400), sans autre précision d'adresse, à l'enseigne de la marque Roc'Eclerc.
Par ce même acte le franchiseur accordait au franchisé le droit d'usage de l'enseigne sus- mentionnée et lui garantissait la jouissance paisible de la marque tout en s'engageant expressément à ne pas accorder d'autre franchise sur le territoire de la commune de Cannes et des communes limitrophes.
S'il est constant que M. Gadchaux n'a jamais exploité la franchise ainsi consentie, l'intéressé en impute la responsabilité au franchiseur, lui reprochant d'avoir installé un tiers en ses lieu et place dès février 1995 et de n'avoir agi que contre un des trois usurpateurs de sa marque Roc'Eclerc installés sur le territoire de la commune de Cannes.
C'est dans ces conditions que, par acte du 17 février 1998, M. Gadchaux a assigné la société PFMBP devant le Tribunal de commerce de Cannes en remboursement du prix de la franchise ainsi qu'en réparation des pertes d'exploitation et pertes de salaires qu'il déclare avoir subies.
Par jugement du 6 mai 1999 le tribunal saisi s'est déclaré incompétent au profit du Tribunal de grande instance de Paris eu égard à la clause attributive de compétence stipulée au contrat de franchise liant les parties.
L'instance a été ainsi renvoyée au Tribunal de grande instance de Paris et, en cours de procédure, Me Massiani est intervenu volontairement à l'instance en sa qualité de liquidateur de la SNC Spibat dont l'un des gérants était M. Gadchaux.
Ce dernier et Me Massiani, ès qualités, ont alors développé une argumentation identique, reprenant les demandes de condamnations formulées par le seul M. Gadchaux devant le Tribunal de commerce de Cannes.
Par le jugement présentement déféré du 11 septembre 2003 le Tribunal de grande instance de Paris a :
- déclaré résolu le contrat de franchise pour défaut d'exécution de la part de M. Gadchaux,
- débouté ce dernier et Me Massiani, ès qualités, de l'ensemble de leurs prétentions,
- rejeté la demande reconventionnelle en dommages-intérêts pour procédure abusive formée par la société PFMBP.
Régulièrement appelant M. Gadchaux a, par conclusions enregistrées le 21 février 2006, prié la cour de :
- réformer le jugement entrepris,
- débouter la société PFMBP de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
- prononcer la résiliation du contrat de franchise du 1er novembre 1994 pour inexécution de ses obligations par le franchiseur,
- condamner la société PFMBP à lui verser la somme de 15 074,16 euro TTC avec intérêts de droit à compter de l'assignation du 17 février 1998 ainsi que celle de 114 337 euro à titre de dommages et intérêts,
- condamner la société intimée aux dépens et au versement de la somme de 3 048 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Par conclusions enregistrées le 20 février 2006 la société PFMBP a sollicité de la cour de:
- confirmer le jugement,
- débouter M. Gadchaux et Me Massiani, ès qualités, de l'ensemble de leurs prétentions,
- les condamner solidairement ou, à défaut in solidum, aux dépens et au paiement de la somme de 5 000 euro en réparation de leur procédure abusive outre 3 500 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Me Massiani, ès qualités, bien qu'intimé, n'a pas constitué avoué.
Sur ce
Considérant que si, à l'appui de ses demandes susvisées, M. Gadchaux reproche à la société PFMBP l'absence de défense des droits exclusifs qu'elle lui avait elle-même consentis dans la mesure où des tiers, non franchisés de la marque Roc'Eclerc, auraient abusivement utilisé cette enseigne, empêchant de la sorte toute possibilité d'exploitation de la franchise qui lui avait été concédée, il convient, tout d'abord, de relever qu'il n'est nullement démontré qu'un tiers eût été franchisé par la société intimée sur le territoire mentionné par le contrat litigieux avant le 26 octobre 1995, date de la signature par cette dernière d'un nouveau contrat de franchise avec M. Prince ; que si celui-ci avait antérieurement illicitement utilisé la marque Roc'Eclerc il ressort des termes mêmes d'une ordonnance de référé du 31 juillet 1995 qu'une procédure avait alors été vainement introduite à son encontre par la société PFMBP devant le Tribunal de commerce d'Antibes ; que cette dernière verse aux débats différentes décisions de justice et plusieurs procès-verbaux de constat d'huissier démonstratifs de l'effectivité des actions contentieuses engagées par ses soins afin de remédier aux agissements parasitaires d'entreprises non franchisées sous l'enseigne Roc'Eclerc mais s'arrogeant le droit d'utiliser cette enseigne ; qu'ainsi aucune inaction ou passivité ne saurait utilement être imputée à faute à la société PFMBP ; que, bien au contraire, l'existence même desdites procédures révèle que les défendeurs assignés n'avaient, en aucune façon, bénéficié de la part du franchiseur d'une quelconque autorisation d'ouverture en violation des droits revendiqués par M. Gadchaux; que, par ailleurs, celui-ci, qui ne justifie, bien que plusieurs mois se soient écoulés, d'aucune mise en demeure adressée à son franchiseur pour un observation d'une des clauses contractuelles les liant et, en particulier, de l'exclusivité alléguée, n'excipe pas de la moindre démarche concrète afin de pouvoir ouvrir une boutique à l'enseigne Roc'Eclerc ; que, notamment, il ne rapporte la preuve ni de la signature d'un contrat de bail ni de l'achat de matériel et véhicule funéraires ni d'une immatriculation au registre du commerce et des sociétés ni, surtout, de l'obtention ou même de la recherche de l'agrément préfectoral nécessaire à l'exercice de l'activité d'entrepreneur de pompes funèbres ; qu'enfin le montant du droit d'entrée de la franchise dont l'appelant sollicite également le remboursement et qu'il déclare avoir réglé n'a jamais été versé à la société PFMBP, la facture dont l'intéressé fait état émanant non pas de cette dernière mais d'une tierce entité dénommée "Pompes Funèbres Européennes", personne morale distincte de l'intimée et non partie au présent litige; que, dans ces conditions, M. Gadchaux, qui était salarié d'une autre entreprise de pompes funèbres sise à Toulon entre les 3 décembre 1993 et 27 janvier 1997, doit être regardé comme ne rapportant la preuve d'aucune faute imputable à la société PFMBP et susceptible de fonder sa décision de ne pas donner suite au contrat conclu et de solliciter, de ce fait, l'octroi de dommages-intérêts au titre de sa prétendue perte de gains ainsi que le remboursement d'un droit d'entrée dont il n'est pas démontré qu'il eût été perçu par l'intimée ; qu'en revanche, l'inaction prolongée de M. Gadchaux, à l'origine directe de la décision de cette dernière de conclure, près d'un an plus tard, un nouveau contrat au profit d'un tiers, justifie que soit prononcée, sur le fondement de l'article 1184 du Code civil, la résolution du contrat initial pour absence complète d'exécution de celui-ci de la part de l'appelant;
Considérant, enfin, que si, ainsi qu'il a été ci-dessus démontré, l'action engagée par M. Gadchaux est dépourvue de tout fondement juridique sérieux elle ne revêt, néanmoins, aucun caractère abusif de nature à fonder la demande en dommages-intérêts pour " procédure abusive " formée par la société intimée à l'encontre de l'intéressé et de Me Massiani, ès qualités, lequel n'est, au demeurant, qu'intimé dans la présente instance ; que la société PFMBP sera, dès lors, déboutée de sa prétention indemnitaire présentée à ce titre;
Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède qu'il y a lieu de confirmer le jugement en toutes ses dispositions et de débouter les parties du surplus de leurs conclusions respectives;
Sur l'application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile
Considérant que l'équité commande, dans les circonstances de l'espèce, de ne pas faire droit aux demandes présentées par les parties au titre de l'article susvisé;
Par ces motifs, Reçoit l'appel jugé régulier en la forme, Au fond, confirme le jugement, Déboute les parties du surplus de leurs conclusions respectives, Condamne M. Gadchaux aux dépens d'appel avec droit de recouvrement direct au profit de Me Pamart, avoué. Rejette les demandes formées par les parties au titre des frais hors dépens.