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Décisions

CA Paris, 5e ch. B, 4 mai 2006, n° 03-13714

PARIS

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

C-Mendes (SA)

Défendeur :

Nini 2000 Srl (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Pimoulle

Conseillers :

MM. Faucher, Remenieras

Avoués :

SCP Bernabe-Chardin-Chevillier, SCP Grappotte-Benetreau

Avocats :

MMichot, Benelli

T. com. Paris, du 7 mai 2003

7 mai 2003

LA COUR statue sur l'appel interjeté par la société C-Mendes du jugement du Tribunal de commerce de Paris du 7 mai 2003 :

- qui a dît que le contrat conclu avec la société Nini 2000 avait une durée limitée qui s'est achevée à l'issue de la collection hiver/printemps 2000

- qui l'a condamnée à payer à cette société la somme de 100 000 euro à titre d'indemnité pour violation du contrat d'exclusivité et "comportement négligent à l'échéance du contrat",

- qui l'a condamnée à lui verser la somme de 3 000 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et qui l'a condamnée aux dépens.

La société Nini 2000, qui exploite une boutique de prêt-à-porter à Turin, a assigné la société C-Mendes, avec qui elle avait conclu un accord d'approvisionnement assorti d'une clause d'exclusivité, afin de prononcer la résolution de cet accord en raison de la violation de cette clause et afin d'obtenir sa condamnation au paiement de dommages et intérêts correspondant, d'une part, au montant des investissements effectués pour son compte et, d'autre part, au paiement " de la marge bénéficiaire brute perdue ".

Vu les dernières conclusions, signifiées le 16 février 2006, par lesquelles la société C-Mendes, appelante, demande à la cour:

- d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il l'a condamnée à payer à la société Nini 2000 la somme de 100 000 euro à titre de dommages et intérêts,

- de débouter cette société de toutes ses demandes,

- de la condamner à lui verser une somme de 15 000 euro au titre de ses frais irrépétibles et de la condamner aux dépens;

Vu les ultimes écritures, signifiées le 31 janvier 2006, par lesquelles la société Nini 2000, intimée et incidemment appelante, prie la cour:

- d'infirmer le jugement déféré,

- de condamner la société C-Mendes à lui payer, à titre de dommages et intérêts, les sommes initialement réclamées en première instance,

- de la condamner à lui verser une somme de 15 000 euro au titre de ses frais irrépétibles et de la condamner aux dépens;

La société Nini 2000 a transmis le 17 mars 2006 à la cour une note en délibéré accompagnée d'annexes. Cette note, qui ne lui pas été demandée, sera déclarée irrecevable en application de l'article 445 du nouveau Code de procédure civile.

Sur ce,

Considérant que la société Yves Saint-Lattrent Rive Gauche, aux droits de qui vient désormais la société C-Mendes, a adressé le 17 mai 1999 à Mme Garosci, dirigeante de la société Nini 2000, un courrier ainsi libellé:

"Nous vous confirmons bien volontiers les points suivants :

- nous sommes prêts à vous approvisionner en articles de prêt-à-porter féminin Yves Saint-Laurent Rive Gauche pour, au moins les trois saisons à venir, à savoir automne hiver 99, printemps été 2000, et automne hiver 2000, étant précisé que chaque Saison comprend deux collections,

- vous bénéficierez pendant cette même période de l'exclusivité de la ligne Yves Saint-Laurent Rive Gauche sur la région du Piémont";

Que cette proposition était soumise à l'approbation d'un projet définitif d'aménagement de sa boutique puis à la réalisation des travaux correspondants ainsi qu'au respect d'un minimum de commandes de 200 000 F hors taxes par collection, soit 400 000 F par saison;

Considérant qu'après réalisation de ces travaux et après livraison des premières commandes, Mme Garosci a adressé à sa partenaire un courrier daté du 22 mars 2000 aux termes duquel, après lui avoir fait part de son intention "de continuer les rapports commerciaux" entretenus par les deux entreprises, elle lui demandait de bien vouloir prolonger d'au moins trois ans les accords conclus le 17 mai 1999, évoquant notamment l'aménagement de sa boutique conformément à ses instructions et concluant ainsi : "Dans l'attente de pouvoir définir avec vous notre futur rapport";

Qu'après lui avoir demandé, dans un nouveau courrier du 3 juin 2000, de lui garantir une durée minimum de trois nouvelles années puis l'avoir informée de ce qu'un de ses concurrents s'apprêtait à ouvrir un nouveau commerce en devenant son distributeur exclusif, son conseil l'a alors mise en demeure le 10 octobre 2000 de respecter l'exclusivité consentie;

Considérant que la convention conclue par les parties, dont Nini 2000 persiste, dans ses écritures d'appel, à soutenir le caractère indéterminé, comporte, d'une part, une clause d'approvisionnement pour trois saisons, précisément définies, et, d'autre part, une clause d'exclusivité d'une durée identique, à laquelle elle est étroitement liée;

Considérant que cet accord, qui est assorti d'un terme fixé avec précision constitué par la fin de la saison de prêt-à-porter automne/hiver 2000 et qui ne comporte pas la distinction mise en exergue par l'intimée entre la "durée minimum garantie", d'une part, et la "durée propre du contrat", d'autre part, constitue bien, comme l'a exactement jugé le tribunal, un contrat à durée déterminée, les termes " au moins " signifiant, tout au plus, qu'il était éventuellement renouvelable en ce qui concerne les approvisionnements;

Qu'au surplus, en sollicitant de sa partenaire la prolongation de l'accord ou la définition de leurs futurs rapports, la représentante de Nini 2000 l'interprétait bien elle-même, sans pouvoir désormais utilement invoquer à ce sujet une erreur de droit, comme pourvu d'une durée déterminée;

Considérant que la société Nini 2000, qui, à titre subsidiaire, incrimine le comportement estimé déloyal de sa cocontractante à l'occasion de leur rupture, ne met cependant en exergue aucun acte positif pouvant être regardé comme entretenant une illusion sur la poursuite de leurs accords initiaux, sa seule absence de réponse écrite à ses courriers ne pouvant à cet égard constituer un élément probant;

Que force est également de constater que les parties sont de toute façon restées en contact étroit, en particulier à l'occasion d'une commande ponctuelle passée en septembre 2000 et que C-Mendes est fondée à opposer à son adversaire qu'elle ne lui a en effet à aucun moment imposé des investissements à l'approche du ternie de leur accord;

Considérant que l'intimée maintient, enfin, que la violation par sa partenaire de l'exclusivité qui s'imposait à elle est également à l'origine d'un préjudice dont le tribunal n'a pas exactement évalué l'ampleur;

Considérant qu'il est vrai que C-Mendes a reconnu avoir, pendant la période d'exécution du contrat, par suite d'une erreur matérielle, approvisionné au titre de la saison automne/hiver 2000 deux boutiques situées dans la zone d'exclusivité attribuée à sa partenaire;

Que celle ci ne produit cependant aucune pièce, notamment de nature comptable, permettant de caractériser un quelconque préjudice commercia1 résultant de ces ventes ponctuelles qui n'ont pas dépassé la somme, non contestée, de 2 332 euro et qui, au demeurant, ont été effectuées dans des points de vente situés dans des villes situées à une centaine de kilomètres de Turin;

Considérant, enfin, qu'il ne peut être fait grief à l'appelante d'avoir, après le terme fixé par leur accord, approvisionné une autre boutique de vêtements correspondant à la saison printemps/été 2001;

Considérant que la cour, réformant le jugement entrepris, déboutera en conséquence la société Nini 2000 de ses demandes de dommages et intérêts;

Par ces motifs, Déclare irrecevable la note en délibéré de la société Nini 2000, Confirme le jugement déféré en ses dispositions non contraires au présent arrêt, L'infirme pour le surplus et, statuant à nouveau, Déboute la société Nini 2000 de toutes ses demandes, Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, Déboute la société C-Mendes de sa demande au titre de ses frais irrépétibles, Condamne la société Nini 2000 aux dépens de première instance et d'appel et admet la SCP Bernabé Chardin Cheviller, avoué, au bénéfice de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.