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Décisions

CA Colmar, 1re ch. civ. A, 7 mars 2006, n° 04-01285

COLMAR

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Hypromat France (SA)

Défendeur :

Lav'Auto (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président de chambre :

M. Hoffbeck

Conseillers :

MM. Cuenot, Allard

Avocats :

Mes Litou-Wolff, Levy, Frick, Pinto

TGI Strasbourg, prés., du 24 févr. 2004

24 février 2004

Suivant contrat de franchise en date du 20 janvier 1994, la société Hypromat France a concédé à la société Lav'Auto le droit d'exploiter, selon ses méthodes et savoir-faire et sous l'enseigne " L'Eléphant bleu ", un centre de lavage de véhicules à Villeneuve-d'Ascq, pour une durée de neuf ans à compter de la signature de l'acte,

Suivant contrat de franchise en date du 7 juillet 1994, la société Hypromat France a concédé à la société Lav'Auto le droit d'exploiter, selon ses méthodes et savoir-faire et sous l'enseigne "L'Eléphant bleu", un centre de lavage de véhicules à Capinghem, pour une durée de neuf ans à compter de la signature de l'acte.

Par deux courriers recommandés datés du 12 février 2003, la société Hypromat France a fait savoir à la société Lav'Auto que les contrats de franchise ne seraient pas renouvelés.

Reprochant à l'ancien franchisé d'exploiter le centre de lavage de Villeneuve-d'Ascq, en continuant à utiliser les couleurs spécifiques de la franchise "Eléphant bleu" dans le dessein de bénéficier de la notoriété de ce réseau, au mépris des prescriptions du contrat de franchise, la société Hypromat France a attrait la société Lav'Auto devant le juge des référés du Tribunal de grande instance de Strasbourg pour obtenir sa condamnation à modifier l'aspect extérieur du centre et le versement d'une provision.

Parallèlement, la société Hypromat France a saisi le juge des référés d'une demande identique en ce qui concerne le centre de lavage de Capinghem, en reprenant les mêmes griefs.

Par ordonnance du 24 février 2004, le juge des référés de Strasbourg a:

- ordonné la jonction des deux instances ;

- débouté la société Hypromat France de l'ensemble de ses prétentions;

- condamné la société Hypromat France aux dépens,

- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Le premier juge a principalement retenu :

- que la pertinence des demandes de la société Hypromat France devait s'apprécier au regard des stipulations des contrats de franchise;

- que la protection que l'article 15 des contrats conférait à la société Hypromat France quant aux couleurs n'équivalait pas à une interdiction d'utiliser ou de conserver ces couleurs;

- que le risque de confusion entre les centres litigieux et ceux du réseau de la demanderesse, " même pour un consommateur moyennement averti (était) devenu quasiment inexistant ";

- que la société Lav'Auto avait respecté ses obligations contractuelles ;

- que la demande de provision se heurtait à une contestation sérieuse dès lors qu'il n'appartenait pas à la juridiction saisie de rechercher si la société Lav'Auto avait engagé sa responsabilité contractuelle et que les conditions de la rupture des contrats étaient " fort discutées ".

Par déclaration reçue le 4 mars 2004, la société Hypromat France a interjeté appel de cette décision.

Aux termes de ses conclusions déposées le 1er mars 2005, la société Hypromat France demande à la cour de:

- dire son appel recevable et fondé;

- infirmer l'ordonnance entreprise;

- condamner la société Lav'Auto à modifier l'aspect extérieur de ses stations de lavage en remplaçant les couleurs spécifiques de la franchise "Eléphant Bleu" (bleu et blanc) par toute autre couleur de son choix, mais qui ne rappellerait pas ledit réseau de franchise, sous astreinte de 2 000 euro par jour à compter du 8e jour qui suivra la signification de l'arrêt à intervenir;

- condamner la société Lav'Auto à lui payer, à titre de provision sur indemnité contractuelle, la somme de 300 000 euro pour le centre de Capinghem;

- condamner la société Lav'Auto à lui payer, à titre de provision sur indemnité contractuelle, la somme de 50 000 euro pour le centre de Villeneuve-d'Ascq;

- réserver les droits de la société Hypromat France d'obtenir indemnisation de l'ensemble de son préjudice lorsqu'elle sera en mesure de chiffrer celui-ci définitivement, soit lorsque les infractions auront cessé;

- condamner la société Lav'Auto à payer à la société Hypromat France la somme de 5 000 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;

- débouter la société Lav'Auto de l'intégralité de ses demandes;

- condamner la société Lav'Auto aux dépens de première instance et d'appel.

Au soutien de son appel, elle fait valoir en substance;

- que l'article 15 des contrats de franchise oblige le franchisé à modifier la peinture de son centre non seulement pour prévenir un risque de confusion mais également pour prévenir toute association ou ressemblance avec le réseau "Eléphant bleu";

- que la société Lav'Auto a failli à ses obligations post-contractuelles dès lors que ses centres de lavage sont restés aux couleurs de la franchise "Eléphant bleu" et que ces couleurs entretiennent délibérément la confusion ou tout au moins une association et ressemblance avec le réseau de l'appelante;

- qu'il importe peu que des centres de lavage concurrents utilisent les mêmes couleurs;

- que l'appelante n'a commis aucun abus de droit en refusant de renouveler les contrats de franchise.

Selon conclusions récapitulatives remises le 16 septembre 2005, la société Lav'Auto rétorque:

- que la société Hypromat France ne justifie pas avoir des droits de propriété intellectuelle sur les couleurs bleue et blanche;

- que ses centres de lavage ont fait l'objet de modifications substantielles afin d'éviter tout risque de confusion avec le réseau "Eléphant bleu", conformément à l'esprit et à la lettre de l'article des contrats de franchise;

- que la demande de provision nécessite de porter une appréciation sur les conditions de validité, d'exécution et de résiliation des contrats de franchise, qui excède les pouvoirs du juge des référés;

- que la société Hypromat France qui ne pouvait invoquer une atteinte à l'image de sa marque, a abusivement rompu les contrats de franchise.

En conséquence, elle prie la cour de:

- confirmer l'ordonnance déférée:

- débouter la société Hypromat France de l'intégralité de ses fins et conclusions;

- condamner la société Hypromat France à lui payer la somme de 6 500 euro au titre de dommages et intérêts pour procédure abusive;

- condamner la société Hypromat France à lui payer la somme de 6 500 euro en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;

- condamner la société Hypromat France aux dépens de première instance et d'appel,

L'ordonnance de clôture est intervenue le 9 décembre 2005.

Sur ce, LA COUR

Vu les pièces et les écrits des parties auxquels il est renvoyé pour l'exposé du détail de leur argumentation,

Attendu que la recevabilité de l'appel en la forme n'est pas discutée;

Attendu que les deux contrats de franchise signés par la société Lav'Auto contiennent un article 15 ("Obligations à la cessation du contrat") qui dispose notamment : "Dès sa cessation ... le franchisé cessera immédiatement toute utilisation à quelque titre que ce soit de la marque Hypromat, ainsi que de tous emblèmes, posters, affiches, et de tous éléments publicitaires ou promotionnels distinctifs liés à la franchise et en particulier tous matériels, documents ou articles portant la marque Hypromat. Le franchisé devra immédiatement procéder à la dépose de ou des enseignes Hypromat et de " L'Eléphant Bleu ".

Le franchisé procédera à toute modification complémentaire spécifique des locaux, de leur agencement ou décoration qui seraient nécessaires pour prévenir toute association, confusion ou ressemblance avec le réseau, et notamment modifier les couleurs spécifiques (bleu et blanc)."

Attendu que si ces dispositions contraignent clairement l'ancien franchisé à renoncer à la combinaison des couleurs bleue et blanche dans l'agencement extérieur du centre de lavage, il ne peut être inféré de cette obligation une interdiction d'utiliser la couleur bleue;

Attendu que la société Hypromat France ne démontre pas que la société Lav'Auto utiliserait la combinaison interdite pour peindre et décorer ses bâtiments d'exploitation ; que l'intimée utilise les couleurs jaune et bleue sur ses deux sites, étant observé que le bleu mis en œuvre est d'une nuance totalement distincte du bleu marine vers lequel semble incliner l'appelante;

Attendu qu'en l'absence de toute violation caractérisée des obligations pesant sur son ancien franchisé, la société Hypromat France doit être déboutée de sa demande tendant au remplacement des peintures;

Attendu que l'article 15 précité dispose également que " dans le cas où le franchisé ne satisferait pas aux obligations de la présente clause, et après rappel de cette obligation faite par le franchiseur par lettre recommandée avec accusé de réception, une indemnité contractuelle de 10 000 F par jour de retard et par infraction, sera acquise au franchiseur à compter de la réception de la mise en demeure" ;

Attendu que la société Hypromat France justifie que tous les emblèmes et autres signes distinctifs liés à la franchise "Eléphant bleu" n'avaient pas encore été retirés le 1er août 2003 du centre de lavage de Villeneuve-d'Ascq, en dépit de la mise en demeure reçue le 16 juillet 2003 (procès-verbal de constat de Me Leleu, huissier de justice associé à Lille) ; qu'elle justifie également que tous les panneaux liés à la franchise n'avaient pas été retirés le 4 septembre 2003 du centre de lavage de Capinghem, en dépit de la mise en demeure reçue le 30 juillet 2003 (procès-verbal de constat de Me Leleu) ; que des infractions aux prescriptions de l'article 15 ont ainsi été commises;

Attendu que la société Lav'Auto ne développant aucune argumentation permettant de penser que les contrats de franchise seraient nuls, la clause pénale susvisée a incontestablement vocation à s'appliquer ; que la peine étant susceptible d'être réduite par les juges du fond, la provision à valoir sur l'indemnité due en exécution de l'article 15 des contrats de franchise sera limitée à une somme de 4 500 euro ;

Attendu que l'action introduite par la société Hypromat France s'étant avérée partiellement fondée, les dépens seront compensés en première instance et en appel, chaque partie conservant la charge entière de ses frais non répétibles ;

Par ces motifs, LA COUR, Déclare la société Hypromat France recevable en son appel; Confirme l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a débouté la société Hypromat France de sa demande en modification de l'aspect extérieur des stations de lavage exploitées par la société Lav'Auto; L'infirme pour le surplus; Statuant à nouveau, condamne la société Lav'Auto à payer à la société Hypromat France une provision de quatre mille cinq cents euro (4 500 euro) ; Déboute les parties de leurs demandes présentées sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile; Laisse à chaque partie la charge de ses frais de procédure tant en première instance qu'en cause d'appel.