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Décisions

CA Nancy, 2e ch. com., 8 février 2006, n° 03-02163

NANCY

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Mexx France (SA)

Défendeur :

CCV (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président de chambre :

M. Moureu

Conseillers :

Mme Desplan, M. Ruff

Avoués :

SCP Bonet-Leinster-Wisniewski, SCP Vasseur

Avocats :

Mes Amsellem, Joubert

T. com. Saint-Die des Vosges, prés., du …

11 juin 2003

Faits et procédure

La société Mexx France, fabrique et commercialise des articles de prêt à porter, revêtus de sa marque, Mexx;

Ayant appris que la société CCV, qui a pour objet le commerce de détail d'habillement, commercialisait, sans qu'elle ne l'ait agréée, des produits portant sa griffe, la SA Mexx France lui a donné assignation, par exploit en date du 13 mars 2003, à comparaître devant le juge des référés du Tribunal de commerce de Saint-Die des Vosges pour lui voir interdire de vendre ses produits, sous astreinte de 300 euro par infraction constatée, d'ordonner la mise sous séquestre des marchandises litigieuses, d'ordonner à la SA CCV de lui communiquer les factures correspondant à ces marchandises, sous astreinte de 300 euro par jour de retard à compter du prononcé de l'ordonnance et de condamner la société CCV à lui payer la somme de 2 000 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;

Par ordonnance en date du 11 juin 2003, le juge des référés du Tribunal de commerce de Saint-Die des Vosges a débouté la SA Mexx de l'intégralité de ses demandes et l'a condamnée à payer à la SA CCV la somme de 1 000 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

La SA Mexx France a interjeté appel de cette décision par déclaration au greffe en date du 31 juillet 2003.

Par ordonnance en date du 21 juillet 2005, le magistrat de la mise en état, saisi des conclusions d'incident de la SA CCV, a ordonné à la SA Mexx, de verser aux débats, dans le délai de 2 mois, l'accord de distribution passé entre elle-même et la SA Magvet;

La SA Mexx n'a pas communiqué ledit accord de distribution.

Par ultimes conclusions en date du 10 octobre 2005, auxquelles il est expressément référé pour l'exposé des prétentions et moyens la SA Mexx France demande à la cour de:

- infirmer, en toutes ses dispositions, la décision déférée;

- interdire à la société CCV de vendre des produits Mexx, sous astreinte de 300 euro par infraction constatée;

- ordonner la mise sous séquestre des marchandises litigieuses;

- ordonner à la CCV de lui communiquer les factures correspondant à ces marchandises, sous astreinte de 300 euro par jour de retard à compter du prononcé de l'arrêt,

- condamner la société CCV à lui payer la somme de 3 000 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Elle fait valoir que:

- si l'accord la liant à ses revendeurs agréés ne peut être opposé aux tiers en tant qu'acte juridique, il s'impose à eux en tant que fait juridique ; que la société CCV ne pouvait ignorer l'exclusivité accordée à la société Magvet ; que c'est en parfaite connaissance des obligations contractuelles des distributeurs agréés de la société Mexx, que la société CCV s'est procurée auprès de l'un ou de plusieurs d'entre eux, ces marchandises, et s'est rendue complice de la violation de l'accord de distribution

- la société CCV, en vendant des produits Mexx, a fait usage de la marque Mexx, sans le consentement du propriétaire de ladite marque, en contravention des articles L. 713-3 et L. 713-4 du Code de la propriété intellectuelle;

- est licite l'interdiction de revente à des revendeurs non agréés;

- la commercialisation de produits griffés Mexx, par la société CCV, revendeur non autorisé, constitue un trouble manifestement illicite;

En réplique, par conclusions signifiées le 10 octobre 2005, auxquelles il est expressément référé pour l'exposé des prétentions et moyens la société CCV, qui fait état, en préliminaire de ce que les parties ont, courant 2000, entretenu des relations commerciales courtoises, fait valoir que:

- il n'est justifié, par la société appelante, d'aucun accord de distribution sélective ou exclusive, passé par Mexx avec divers distributeurs ;

- il n'est pas davantage justifié d'accord qui serait licite au regard du droit de la concurrence et qui comporterait une interdiction de revente hors réseau;

La société CCV demande, en conséquence à la cour de:

- constater l'existence d'une contestation sérieuse;

- constater que l'appelante ne justifie ni d'un dommage imminent qu'il y aurait lieu de prévenir, ni d'un trouble manifestement illicite qu'il y aurait lieu de faire cesser ;

- confirmer l'ordonnance déférée;

- débouter la société Mexx de toutes ses demandes;

- la condamner à lui verser la somme de 3 500 euro par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 2 novembre 2005.

Sur ce,

Attendu, qu'au terme de l'article L. 442-6, I 6e du Code de commerce :

" ... engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé, le fait, pour tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers... de participer directement ou indirectement, à la violation de l'interdiction de revente, hors réseau, faite au distributeur lié par un accord de distribution sélective ou exclusive, exempté au titre des règles applicables du droit de la concurrence... " ;

Que la société Mexx, qui reproche à la société CCV d'avoir commis une faute en s'approvisionnant et en vendant, sans son accord, des produits sous marque Mexx, ne justifie pas de l'accord de distribution sélective, ou exclusive qu'elle aurait passé avec ses distributeurs et, spécialement avec la société Magvet;

Que les attestations de trois de ses employés, M. Lopez, représentant de la société (pièce n° 8), M. Athani, directeur général de la société (pièce n° 9) et M. Guillaume, un autre représentant (pièce n° 11) sont insuffisantes à établir la réalité d'un tel contrat; qu'en effet, il y est, seulement fait référence à "... des engagements verbaux..." sans aucune autre précision, avec la société Magvet;

Que la cour constate, par ailleurs, que la SA Mexx France, n'a pas déféré à l'injonction qui lui a été délivrée, par le magistrat de la mise en état, le 21 juillet 2005, de verser aux débats, l'accord de distribution, qu'elle affirmait avoir passé, dans ses conclusions en date du 28 septembre 2004, avec la société Magvet, et auquel elle se réfère expressément;

Qu'elle n'a pas davantage produit, comme cela lui avait été, aussi, suggéré par le même magistrat, les courriers qu'elle a pu échanger avec la société Magvet, par lesquels auraient été fixées les conditions et stipulations du "...partenariat..." auxquelles se réfère la société Magvet, dans sa lettre du 14 avril 2003 (pièce n° 6);

Qu'en définitive, l'accord de distribution sélective ou exclusive passé par la société appelante avec ses distributeurs n'est pas établi ; que la cour ne dispose d'aucune pièce susceptible de faire connaître les conditions d'agrément des distributeurs de la société Mexx, les relations qu'elle entretient avec ces derniers et les obligations auxquelles ils sont soumis;

Attendu, que le seul fait, pour la société CCV, de revendre des produits commercialisés par un réseau de distribution sélective, ne saurait, à lui seul, constituer une faute susceptible de lui être reprochée;

Attendu que la société Mexx ne peut ensuite, valablement soutenir que la proximité des magasins CCV et Magvet à Epinal est à l'origine de son refus de vendre ses produits à la société CCV ; qu'il n'est, en effet, pas discuté que les produits Mexx sont distribués, simultanément, dans une même ville, dans plusieurs points de vente;

Ainsi : Belfort : 3

Besançon : 3

Colmar : 3

Metz: 5

Mulhouse : 4

Attendu que la société Mexx reproche, aussi, à la société CCV, d'avoir acquis, de manière illicite, les marchandises litigieuses;

Qu'elle ne justifie pas, davantage, des obligations contractuelles pesant sur ses distributeurs agréés, et leur faisant notamment interdiction de vendre les produits Mexx à un tiers au réseau de distribution;

Qu'il est à souligner, de plus, fait non contesté, que la société CCV a en toute hypothèse, respecté les conditions figurant à l'article 9 des conditions générales de vente imposées aux distributeurs agréés, relativement à la présentation des articles Mexx, à leur prix et à leur conditionnement;

Attendu, enfin, que la société Mexx reproche à la société CCV, d'avoir fait usage de sa marque, sans son consentement, et au mépris des dispositions des articles L. 713-3 et L. 713-4 du Code de la propriété intellectuelle;

Mais attendu que les produits litigieux ont été mis sur le marché, par ses soins, avec son consentement, s'agissant de ses distributeurs;

Qu'elle ne peut invoquer son droit sur sa marque pour faire obstacle à la libre circulation de ses produits, étant observé qu'elle ne démontre pas que la société CCV a acquis, de manière illicite, les produits revêtus de sa marque;

Attendu, qu'au vu de ces éléments, la société Mexx sera déboutée de l'intégralité de ses demandes;

Attendu que la société Mexx sera, aussi, déboutée de sa demande de mise sous séquestre des marchandises incriminées qui ne sont pas des produits contrefaits et qui n'ont pas été vendues dans des conditions susceptibles de porter gravement atteinte à ses droits;

Qu'elle sera, encore, déboutée de sa demande tendant à voir ordonner, à la société CCV, de lui communiquer les factures correspondant aux marchandises litigieuses, en l'absence de motif légitime de nature à justifier de la mesure d'instruction sollicitée;

Attendu que l'équité commande que la somme de 1 500 euro soit allouée à la société CCV sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, Confirme la décision déférée. - Déboute la société Mexx France de l'intégralité de ses demandes. - Condamne la société Mexx France à payer à la société CCV, la somme de mille cinq cents euro (1 500 euro) sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile; - La condamne aux dépens de première instance et d'appel et Autorise la SCP d'avoué Barbara Vasseur, à faire application de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.