Livv
Décisions

CA Paris, 5e ch. A, 21 juin 2006, n° 04-16234

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Lyon Linch

Défendeur :

Promocar (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Riffault-Silk

Conseillers :

MM. Roche, Byk

Avoués :

SCP Duboscq-Pellerin, SCP Fisselier-Chiloux-Boulay

Avocats :

Mes Pariente Aknin, Fourgoux

T. com. Paris, du 26 mai 2004

26 mai 2004

Par convention du 20 juillet 2000, présentée comme étant une convention de franchise, M. Linch et la société Promocar ont noué des relations d'affaires dont l'objet était la location à long terme de véhicules aux particuliers.

Suite à un différend entre les parties quant aux modalités d'exécution des relations contractuelles - M. Linch a refusé le 26 décembre 2002 la nouvelle convention proposée par Promocar puis a résilié en juillet 2003 le contrat - M. Linch a assigné, par acte du 26 mars 2004, son cocontractant devant le Tribunal de commerce de Paris afin de voir, à titre principal, qualifié le contrat initial de contrat d'agent commercial, d'en prononcer la résiliation aux torts de Promocar et de condamner cette société à lui verser 104 440 euro d'indemnités, outre 2 400 euro de dommages-intérêts. A titre subsidiaire, il était demandé, au cas où la requalification du contrat ne serait pas accordée, de condamner Promocar aux mêmes sommes pour manquement aux obligations contractuelles.

Par jugement du 26 mai 2004, la juridiction consulaire, tout en rejetant la demande de requalification du contrat, a condamné la société Promocar à verser à M. Linch 30 000 euro de dommages-intérêts, ordonnant la compensation de cette somme avec celle de 14 927,30 euro retenue au titre de la demande reconventionnelle de Promocar, cette dernière société étant, en outre, condamnée à payer 2 000 euro à M. Linch au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Par déclaration du 22 juillet 2004, M. Linch a fait appel de cette décision et conclut le 16 mai 2006 à l'infirmation sollicitant, à titre principal, la condamnation de Promocar à lui payer 52 422 euro au titre d'indemnité de fin de contrat, 149 030 euro HT correspondant aux pertes de livraisons et loyers et 2 400 euro de dommages-intérêts sur le fondement d'une résiliation aux torts de Promocar de la convention requalifiée en contrat d'agent commercial.

A titre subsidiaire, il est sollicité la condamnation de Promocar, sur le fondement d'un manquement à ses obligations contractuelles, à verser à M. Linch 2 400 euro de dommages-intérêts, la somme correspondant à l'indemnité de fin de contrat et de désigner un expert pour faire les comptes entre les parties et déterminer le préjudice de M. Linch, 20 000 euro étant réclamés à titre de provision, outre, en tout état de cause 5 000 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

La société Promocar réplique, par conclusions du 10 mai 2006, en sollicitant l'infirmation du jugement en ce qu'il l'a condamnée à payer 30 000 euro à M. Linch et sa confirmation en ce qu'il a condamné M. Linch à lui verser 14 927,30 euro HT, M. Linch devant, par ailleurs, être débouté de l'ensemble de ses demandes. 5 000 euro sont réclamés pour procédure abusive et 6 000 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Sur ce

Sur le principal de la demande de M. Linch,

Considérant que pour justifier sa demande de requalification du contrat M. Linch fait valoir que le contrat litigieux doit être qualifié de contrat d'agent commercial et non de contrat de franchise, le savoir-faire de la société Promocar n'étant pas caractérisé et M. Linch ayant "occupé un rôle d'intermédiaire entre la société Promocar et ses clients";

Considérant que la société Promocar s'oppose à cette requalification, estimant qu'un savoir-faire original a bien été transféré à M. Linch, qui a dès lors la qualité de franchisé ;

Considérant que l'article 134-1 du Code de commerce dispose que "l'agent commercial est un mandataire qui, à titre de profession indépendante, sans être lié par un contrat de louage de services, est chargé, de façon permanente, de négocier et éventuellement de conclure des contrats de vente, d'achat, de location ou de prestation de services au nom et pour le compte de producteurs, d'industriels, de commerçants ou d'autres agents commerciaux...";

Considérant qu'il résulte tant des dispositions du contrat litigieux que de la réalité de sa mise en œuvre, telle que rapportée par les pièces au débat, que M. Linch entretenait en toute indépendance des relations directes avec les clients, qu'aucun élément ne laisse apparaître qu'il aurait agi au nom et pour le compte de Promocar, le fait que la perception des sommes versées par les clients se faisait entre les mains d'une tierce partie étant indifférent à cet égard;

Considérant, en outre, qu'il n'est pas contesté que M. Linch avait, avant de débuter l'exercice de son activité commerciale, suivi un stage de formation organisé par Promocar et au cours duquel il a été formé à la mise en œuvre du "concept" de location à long terme développé par Promocar, qu'ainsi il a été transmis à ce commerçant indépendant un savoir-faire original et spécifique, ce faisant le contrat litigieux ne saurait être requalifié de contrat d'agent commercial mais constitue bien un contrat de franchise, qu'il convient, ce point acquis, de rejeter l'ensemble du principal de la demande;

Sur le subsidiaire

Considérant qu'à défaut l'appelant entend démontrer que la société Promocar aurait manqué à ses obligations contractuelles résultant du contrat de franchise et que la rupture des relations contractuelles doit de ce fait lui être imputée;

Considérant que M. Linch reproche principalement au franchiseur de ne pas lui avoir fourni l'assistance qui lui était due notamment au regard de la transmission du savoir-faire, du suivi des dossiers clients, et de l'animation du réseau;

Considérant que la société Promocar estime ces reproches infondés et soutient que la résiliation du contrat est intervenue du seul fait de M. Linch;

Considérant que, sur le premier point invoqué relatif au défaut de transmission d'un savoir-faire, l'appelant ne démontre pas en quoi le franchiseur aurait manqué à ses obligations dès lors qu'il a été relevé dans les présents motifs que M. Linch avait suivi une formation à cette fin et que celle-ci a, au cours de l'exécution du contrat, été mise à jour par la réception de documents actualisés de normes commerciales et de gestion;

Considérant que, s'agissant du défaut allégué d'assistance dans le suivi des dossiers des clients (commandes et service après-vente), M. Linch ne rapporte, par aucune pièce ou attestation probante, la réalité des manquements qu'il invoque;

Considérant que pour soutenir que la société Promocar aurait été défaillante dans son devoir d'animation et de promotion du réseau, M. Linch fait valoir les difficultés dans lesquelles les franchisés se sont retrouvés pour développer leurs activités ainsi que les changements de statut que cette société a voulu leur imposer;

Mais considérant que M. Linch, qui est un professionnel expérimenté de l'automobile, ne démontre pas en quoi la société Promocar, qui n'est tenue qu'à une obligation de moyens s'agissant du développement des activités confiés aux franchisés, commerçants indépendants, y aurait manqué en l'espèce;

Considérant que les tentatives de changement de statut des franchisés en agents commerciaux ne sauraient être imputées à faute à Promocar dès lors qu'elles ont fait l'objet de négociations auxquelles toutes les parties, y inclus M. Linch, ont défendu leurs intérêts, et qu'en dernier état M. Linch a pu refuser le 26 décembre 2002 ce changement sans que Promocar, qui en avait pris acte, ne procède à la résiliation du contrat de franchise, celle-ci n'étant intervenue en juillet 2003 qu'à l'initiative de M. Linch;

Que ce faisant, et à défaut pour M. Linch d'avoir pu démontrer de la part de Promocar un manquement à ses obligations contractuelles, cette résiliation doit être déclarée comme étant totalement imputable à M. Linch;

Considérant que celui-ci sera donc entièrement débouté des demandes faites au titre de son subsidiaire, y inclus la demande d'expertise;

Sur la demande reconventionnelle de Promocar

Considérant que pour solliciter une somme de 14 927,30 euro HT Promocar invoque le fait que cette somme serait due au titre des frais de participation de la boutique de la rue de la Croix-Nivert auxquels les franchisés contribuaient chacun à raison de leur quote-part;

Considérant qu'au vu de l'état comptable produit (grand livre de la société Promocar pour l'année 2003 faisant état du compte de M. Linch), il y a lieu de faire droit à cette demande et de condamner M. Linch à payer 14 927,30 euro HT à la société Promocar;

Considérant que cette société ne justifiant pas d'une faute de M. Linch dans l'exercice de la présente action en justice, elle sera déboutée de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive;

Considérant que l'équité commande de condamner M. Linch à payer 2.500 euro à la société Promocar sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;

Par ces motifs, Déboute M. Linch de son appel et de l'ensemble de ses demandes tant principale que subsidiaire, Condamne M. Linch à payer 14 927,30 euro HT à la société Promocar, outre 2 500 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, Rejette la demande de dommages-intérêts de la société Promocar, Condamne M. Linch aux dépens, avec droit de recouvrement direct au profit de la SCP Fisselier Chiloux Boulay, avoué.