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Décisions

CA Rennes, 3e ch. corr., 9 décembre 2004, n° 03-01382

RENNES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

UFC Que Choisir du Maine et Loire

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Chauvin

Conseillers :

MmeS Pigeau, Antoine

Avocat :

Me Beucher

TGI Angers, ch. corr., du 25 juin 2001

25 juin 2001

Rappel de la procédure :

Le jugement :

Le Tribunal correctionnel d'Angers, par jugement contradictoire en date du 25 juin 2001, pour :

Exercice illégal de la pharmacie, Natinf 000176

Facturation non conforme - vente de produit ou prestation de service pour une activité professionnelle, Natinf 002887

Falsification de denrée alimentaire, boisson, substance médicamenteuse ou produit agricole, Natinf 002497

Exposition ou vente de denrée alimentaire, boisson ou produit agricole falsifié, corrompu ou toxique, Natinf 000381

Falsification de denrées alimentaires, boissons ou substances médicamenteuses nuisibles à la santé, Natinf 002500

Vente de denrées alimentaires, boissons, produits agricoles falsifiés corrompus et nuisibles à la santé, Natinf 002498

Tromperie sur la nature, la qualité, l'origine ou la quantité d'une marchandise, Natinf 000149

Sur l'action publique :

Et requalifiant partiellement :

a déclaré Edgar X coupable :

- du délit d'exercice illégal de la pharmacie en raison de la vente :

- des plaintes suivantes :

Aigremoine, Bouillon Blanc, Bourdaine, Busserolle, Chrysenthellum, Cascara Sagrada, Eleuthéocoque, Ephedra, Eschschoitzia, Fucus Vesicolosus, Fumeterre, Ginko Biloba, Harpagophytum, Marronnier d'Inde, Marrube, Passiflore, Petit Houx (Fragon E), Piloselle, Pervenche, Plantain, Vigne Rouge,

- des mélanges de plantes suivants :

• en vrac : sous le terme mélange... amaigrissant - asthme/bronche - cholestérol - circulation - constipation - diabète -foie/vésicule - goutte acide - hypertension - laxatif - rhumatisme - nerf sommeil - rein cystite...

• en gélules : sous le terme complexe...jambes lourdes - tonique - reminéralisant...

• en gélules, sous la dénomination suivante : Lipodraine, Proveinal, Memovie, Calmos, Hépatos, Laxa, Oligotransit, Oligonatral,

- des substances suivantes : du fer, cuivre or, nickel, chrome, manganèse, soufre, zinc, phosphore, potassium, silicium, magnésium, fluor, molybdène, cobalt, argent, iode et lithium ;

- du délit de facturation non conforme - vente de produit ou prestation de service pour une activité professionnelle ;

- du délit de tromperie en raison de la vente des plantes suivantes : de la Cascara Sagrada, du Chrysantellum américanum, du Chrysantellum parthenium, de l'Harpagophytum, du Gingko Biloba, de l'Eschscholtzia, de la Busserolle, del'Ephedra, de la Pervenche, du Plantain souillé par une substance digitalique ;

Dit que les faits qualifiés d'exposition, mise en vente ou vente de denrées servant à l'alimentation de l'homme qu'il savait être falsifiées et nuisibles constituent en réalité le délit d'exposition, mise en vente ou vente de produits toxiques, s'agissant du Konjac, du psyllium, de la propolis seule ou associé à du pollen, de l'Argile blanche, de l'herbe du Suédois ;

Le déclare coupable de ce délit pour ces produits ;

Le renvoie des fins de la poursuite pour les autres faits qui lui sont reprochés ;

Le condamne à :

- Un mois d'emprisonnement,

Dit que pendant cinq années il sera sursis à l'exécution de cette peine d'emprisonnement ;

- Une amende délictuelle de vingt mille francs (20 000 F),

La présente décision est assujettie à un droit fixe de procédure d'un montant de six cents francs (600 F) dont est redevable chaque condamné par application de l'article 1018 A du Code général des impôts ;

Fixe la durée de la contrainte par corps à un mois en application des articles 473, 749 et 750 du Code de procédure pénale ;

Sur l'action civile :

Reçoit L'Union Fédérale des Consommateurs du Maine et Loire "Que Choisir" en sa constitution de partie civile régulière en la forme ;

Condamne Edgar X à lui payer :

- la somme de cinq mille francs (5 000 F) à titre de dommages-intérêts ;

Le condamne en outre aux dépens sur l'action civile ;

Les appels :

Appel a été interjeté par :

Monsieur X Edgar, le 2 juillet 2001, à titre principal, sur les dispositions pénales et civiles

M. le Procureur de la République, le 2 juillet 2001, à titre incident.

L'arrêt :

Par arrêt en date du 3 septembre 2002, la Cour d'appel d'Angers a :

Sur l'action publique :

A réformé pour le surplus et a déclaré Edgar X coupable de la prévention de falsification de denrées et mise en vente dédites denrées ; sur la sanction, a confirmé le jugement déféré ;

Sur l'action civile :

a confirmé le jugement entrepris.

Le pourvoi :

Monsieur Edgar X a formé un pourvoi le 6 septembre 2002 contre l'arrêt susvisé ;

L'arrêt :

Par arrêt en date du 1er avril 2003, la Cour de cassation a cassé et annulé l'arrêt rendu par la Cour d'appel d'Angers et a renvoyé l'affaire devant la Cour d'appel de Rennes ;

L'arrêt :

Par arrêt en date du 28 mai 2004, la Cour d'appel de Rennes a ordonné un supplément d'information, confiée à son Président, aux fins de rétablir des pièces de la procédure dans l'affaire et a renvoyé l'affaire à l'audience du 28 octobre 2004 à 14h ;

La prévention :

Considérant qu'il est fait grief à Edgar X :

176 - d'avoir, étant gérant de la SARL X2, à Valanjou (49) et sur le territoire national, entre courant 1996 et le 12 aout 1998, en tout cas depuis temps non prescrit, procédé à des opérations réservées à des pharmaciens sans réunir les conditions exigées pour l'exercice de la pharmacie, et vendu en gros et au détail et à des intermédiaires non pharmaciens :

1°) des plantes pulvérisées et conditionnées en gélules, lesdites plantes étant à usage exclusivement médicinal et inscrites à la Pharmacopée française :

Agripaume

Aigremoine

Armoise

Aubépine

Boldo

Bouillon blanc

Bourdaine

Bourrache

Busserolle

Chrysenthellum

Cascara Sagrada

Eleuthérocoque

Ephedra

Eschscholtzia

Eucalyptus

Fucus Vesicolosus

Fumeterre

Ginko Biloba

Gui

Hamamelis

Harpagophytum

Kolatier

Marronier d'Inde

Marrube

Millefeuille

Millepertuis

Melilot Officinal

Ortie Blanche

Passiflore

Petit Houx (Fragon E)

Piloselle

Pervenche

Plantain

Prêle

Quinquina

Reine des Prés

Valériane

Vigne rouge

2°) des mélanges de substances végétales présentées comme possédant des propriétés curatives et préventives à l'égard des maladies humaines :

- en vrac, sous le terme "mélange" ... amaigrissant - asthme/bronche - cholestérol - circulation - constipation - diabète - foie/vésicule - goutte acide - hypertension - laxatif - rhumatisme - nerf sommeil - rein cystite...

- en gélules, sous le terme "complexe"... mémoire - jambes lourdes - peau - ongles - cheveux - tonique - reminéralisant...

- en gélules, sous des termes à connotation thérapeutique et médicale, sans autorisation de mise sur le marché tel que prévu à l'article L. 601 du Code de la santé publique, des substances dénommées :

Lipodraine

Proveinal

Memovie

Calmos

Hepatos

Laxa

Oligotransit

Oligonatal

3°) des substances médicamenteuses par composition ou fonction, en l'espèce :

- du fer, cuivre or, nickel, chrome, manganèse, soufre, zinc, phosphore, potassium, silicium, magnésium, fluor, molybdène...

- des "complexes" cobalt, argent, iode et lithium

Faits prévus par les articles L. 517, L. 512, L. 514 du Code de la santé publique et réprimés par les articles L. 517, L. 519 du Code de la santé publique.

2887 - d'avoir à Valanjou (49) et sur le territoire national, entre janvier 1997 et avril 1997, en tout cas depuis temps non prescrit, effectué, pour une activité professionnelle, un ou des achats de produits, ou une ou des ventes de produits, ou une ou des prestations de service sans facture conforme, en l'espèce la vente de substances, de boissons ou de produits alimentaires sans en indiquer la dénomination précise sur les factures, en indiquant seulement sur les factures :

- n° 700013 Boisson n° 2, n° 4, n° 5, n° 6

- n° 700038 Complexe n° 2, n° 4

- n° 700326 Standard N2, N6, N11, N16

- n° 700126 A 004

- n° 700882 D 007

- n° 700169 INO 017

- n° 701052 C 006

- n° 700739 C 008

- n° 701522 S 19

- n° 700882 D 007

- n° 701537 Ginstart T1

- n° 700308 Hyten Tl

- n° 700173 Nopal T1

- n° 701398 Blanche T1

- n° 701405 Transparente T1

- n° 701131 Transparente T1

Faits prévus par l'article R. 112-14 du Code de la consommation et faits prévus par Art. 31 Al. 2, Al. 3, Al. 4 ORD 86-1243 du 01/12/1986 et réprimés par Art. 31 Al. 5, Al. 6, Art. 55 Al. I ORD 86-1243 01/12/1986

2497 - d'avoir à Valanjou (49) et sur le territoire national, entre courant 1996 et le 12 août 1998, en tout cas depuis temps non prescrit, falsifié des denrées servant à l'alimentation de l'homme en introduisant dans des compléments alimentaires les substances non autorisées suivantes :

- de la Damiana

- de la Garcinia Cambogia

- du bambou tabashir et du Camu-camu

- du Pygeum Africanum

- du Desmodium

- du Bambouflex

- du Pancréas

- du Jojoba

- du Squalène

- de l'Epilobe

- du Schizandra

- du Gymnema Sylvestris

- du Guarana

- du Charbon végétal

- du Ginko Biloba

- du Buis

- de l'Eleuthérocoque

- de la Christe Marine

- de la Pariétaire

- de la Rhubarbe de Chine

- de l'Echinacea

Faits prévus par l'article 1er du décret du 15 avril 1912 modifié et faits prévus par Art. L. 213-3 Al. 1 1°, du Code de la consommation et réprimés par Art. L. 213-3 Al. 1, Art. L. 213-1, Art. L. 216-2, Art. L. 216-3 du Code de la consommation

381 - d'avoir à Valanjou (49) et sur le territoire national entre courant 1996 et le 12 aout 1998, exposé, mis en vente ou vendu, des denrées servant à l'alimentation de l'homme, qu'il savait être falsifiées, en l'espèce des compléments alimentaires contenant les substances non autorisées suivantes :

- de la Damiana

- de la Garcinia Cambogia

- du Bambou tabashir et du Camu-camu

- du Pygeum Africanum

- du Desmodium

- du Bambouflex

- du Pancréas

- du Jojoba

- du Squalène

- de l'Epilobe

- du Schizandra

- du Gymnema Sylvestris

- du Guarana

- du Charbon végétal

- du Ginko Biloba

- du Buis

- de l'Eleuthérocoque

- de la Christe Marine

- de la Pariétaire

- de la Rhubarbe de Chine

- de l'Echinacea

Faits prévus par l'article 1er du décret du 15 avril 1912 modifié et faits prévus par Art. L. 213-3 Al. 1 2° du Code de la consommation et réprimés par Art. L. 213-3, Art. L. 213-1, Art. L. 216-2, Art. L. 216-3 du Code de la consommation

2500 - d'avoir à Valanjou (49) et sur le territoire national, entre courant 1996 et le 12 aout 1998, en tout cas depuis temps non prescrit, falsifié des denrées servant à l'alimentation de l'homme en introduisant dans des compléments alimentaires des substances nuisibles à la santé et non autorisées, après avis défavorable du Conseil supérieur d'hygiène Publique de France et de l'Académie Nationale de Médecine, en l'espèce :

- du Tecoma Curalis

- du Konjac

- du Psyllium

- du Muira puama

- du Propolis

- de la Dolomite

- de l'Argile blanche

- de l'Herbe du Suédois (contenant de l'Aloès)

- du Pollen (associé au propolis et à l'argile)

Faits prévus par l'article 1er du décret du 15 avril 1912 modifié et faits prévus par Art. L. 213-3 Al. 2, Al. 1 1° du Code de la consommation et réprimés par Art. L. 213-3, Art. L. 216-2, Art. L. 216-3, Art. L. 216-8 du Code de la consommation

2498 - d'avoir à Valanjou (49) et sur le territoire national, entre courant 1996 et le 12 août 1998 et depuis temps non prescrit, exposé, mis en vente ou vendu des denrées servant à l'alimentation de l'homme qu'il savait être falsifiées et nuisibles à la santé, en l'espèce du chrome et du lactate de magnésium, additifs à but nutritionnel et substances non autorisées comme compléments alimentaires et des compléments alimentaires contenant des substances ayant reçu un avis défavorable du Conseil supérieur d'hygiène Publique de France et de l'Académie Nationale de Médecine :

- du Tecoma Curalis

- du Konjac

- du Psyllium

- du Muira puama

- du Propolis

- de la Dolomite

- de l'Argile blanche

- de l'herbe du Suédois (contenant de l'Aloès)

- du Pollen (associé au Propolis et à l'Argile)

Faits prévus par l'article 1er du décret du 15 avril 1912 modifié et faits prévus par Art. L. 213-3 Al. 2, Al. 1 2° du Code de la consommation et réprimés par Art. L. 213-3 Al. 2, Art. L. 216-2, Art. L. 216-3, Art. L. 216-8 du Code de la consommation

149 - d'avoir à Valanjou (49) et sur le territoire national entre courant 1996 et le 12 août 1998 et depuis temps non prescrit, trompé la clientèle sur les qualités substantielles, sur l'aptitude à l'emploi et les risques inhérents à l'utilisation de substances végétales, en vendant sous forme de compléments alimentaires en gélules des plantes exclusivement médicinales :

- de la Cascara Sagrada

- du papayer

- du Sene de Tinnevelly

- du Chrysantellum américanum

- du Chrysantellum Parthenium

- de l'Aloès

- de la Bourrache

- du gui

- de l'Harpagophytum

- du Camphre

- du Gingko Biloba

- de l'Eschscholtzia

- de la Busserolle

- de l'Agripaume

- de l'Ephedra

- de la Pervenche

- du Plantain souillé par une substance digitalique

Faits prévus par Art. L. 213-1 du Code de la consommation et réprimés par Art. L. 213-1, Art. L. 216-2, Art. L. 216-3 du Code de la consommation

En la forme :

Considérant que les appels sont réguliers et recevables en la forme ;

Au fond :

Rappel des faits

La cour se réfère au jugement déféré étant rappelé pour l'essentiel que le prévenu à l'époque des faits objets des poursuites était Directeur Général de la SA Y, laboratoire pharmaceutique ayant pour objet la fabrication et la distribution en gros de produits à base de plantes.

Il était aussi Directeur de la société Z laboratoire spécialisé dans la distribution auprès des pharmaciens des produits W.

Il était enfin gérant de la SARL X2, distributeur en gros des mêmes produits dans le circuit des magasins de produits diététiques.

C'est en cette dernière qualité qu'il a fait l'objet des présentes poursuites, à suite de divers procès verbaux :

- un procès verbal n° 91-108 de la DGCCRF du Maine et Loire daté du 5 novembre 1997, relatif à la commercialisation de tisane de plantain dans laquelle des traces de substances de "nature digitalique" avaient été retrouvées selon un message de la Direction de la Santé.

- un procès verbal du même service n° 97-123 D daté du 12 novembre 1997, relatif à des facturations non conformes aux prescriptions de l'article 31 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 sur la liberté des prix et la concurrence.

- un procès verbal 97-119 D, daté du 9 décembre 1997 du même service, pour tromperie et pour falsification et ventes de denrées servant à l'alimentation de l'homme.

- un rapport d'enquête établi par M. Lemos, pharmacien inspecteur régional adjoint à l'Inspection régionale de la pharmacie sur la vente de produits relevant du monopole des pharmaciens.

Les quatre groupes de délits reprochés seront examinés successivement avec rappel de la procédure et des prétentions des parties pour chacun d'eux.

1°) Exercice illégal de la pharmacie

Il est reproché au prévenu en sa qualité de gérant de la SARL X2, spécialisée dans la vente de produits dits diététiques d'avoir vendu des produits dont la commercialisation relève du monopole des pharmaciens, en infraction avec les dispositions de l'article L. 4211-1 du Code la santé publique (anciennement 512).

Sont ainsi reprochés la vente de trois groupes de produits :

a) des plantes pulvérisées et conditionnées en gélules, plantes étant à usage exclusivement médicinal et inscrites à la Pharmacopée.

b) des mélanges de substances végétales présentées comme présentant des propriétés curatives et préventives à l'égard des maladies humaines.

c) des substances médicamenteuses par présentation ou par fonction.

Le tribunal a estimé le prévenu coupable pour ces trois groupes à l'exception pour le premier groupe de quelques plantes qui ne figurent plus à la Pharmacopée (agripaume, gui et millefeuille) ou qui ont été considérées par le Conseil supérieur de l'hygiène Publique de France comme n'étant pas à usage exclusivement médicinal (armoise, aubépine, boldo, bourrache, eucalyptus, hamamélis, kolatier, millepertuis, mélilot, quinquina, reine de prés, valériane).

Pour les plantes du deuxième groupe, le tribunal a estimé que le délit n'était pas constitué pour les produits vendus pour la peau, les ongles et les cheveux et la mémoire sans référence à aucune maladie et alors que les produits ne pouvaient être considérés comme des médicaments par présentation. Il a estimé le délit constitué pour les autres produits, même ceux portant des noms de fantaisie, mais de nature à avoir des propriétés curatives ou préventives.

Pour les produits du troisième groupe le tribunal a retenu également la culpabilité s'agissant de produits présentés comme des médicaments et prescrits habituellement aux fins des restaurer ou corriger des fonctions organiques.

La Cour d'Angers a confirmé le jugement de ces chefs quant à la déclaration de culpabilité.

Le pourvoi du prévenu portant expressément sur ce délit a fait l'objet d'un rejet par la Cour de cassation, mais l'arrêt ayant été cassé en toutes ses dispositions, le prévenu reprend devant la cour de renvoi l'argumentation suivante :

- l'illégalité de l'article L. 4211-1 du Code de la santé publique, quant au monopole des pharmaciens pour la vente des plantes médicinales inscrites à la Pharmacopée, au regard des dispositions de droit européen (articles 28 et 30 du traité interdisant les mesures restrictives entravant le libre commerce intra communautaire) sans que le monopole qui peut exister réponde aux critères de restriction à savoir :

Le médicament par fonction susceptible de modifier, restaurer ou corriger une fonction organique, ce qui implique que le juge, saisi de poursuites pénales, dispose dans les pièces du dossier des éléments caractérisant la présentation du produit, sa composition et plus encore les éléments scientifiques complets lui permettant de connaître pour chaque produit, sa dangerosité et donc les risques encourus pour la santé publique, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, où de simples compléments alimentaires se voient arbitrairement qualifiés de médicaments.

* le médicament par présentation, comme ayant des propriétés préventives ou curatives des maladies humaines dont la définition doit être rigoureuse et ne s'appliquer strictement qu'aux maladies et ne pas être étendue à des produits ayant des propriétés tendant seulement au bien être. Il estime à cet égard que le dossier ne contient aucun élément de preuve que les produits commercialisés par lui répondent à la définition du médicament par présentation.

Le Ministère public conclut par écrit à la déclaration de culpabilité dans les limites précisées au dispositif du jugement.

Sur quoi la cour

En droit l'article L. 4211-1 du Code de la santé publique (anciennement 512) réserve aux pharmaciens la vente en gros ou au détail des médicaments ainsi que les plantes médicinales inscrites à la Pharmacopée, sous réserve de dérogations.

En droit ensuite le décret du 15 juin 1979 a établi une liste de plantes médicinales, inscrites à la Pharmacopée pouvant être vendues en l'état par des personnes autres que les pharmaciens.

En droit également, ne relèvent du monopole des pharmaciens, selon la jurisprudence que les plantes à usage "exclusivement" médicinal et non celles qui ont un usage alimentaire, condimentaire ou hygiénique.

En droit encore l'article L. 5111-1 (anciennement 511) du Code de la santé publique définit le médicament comme toute substance ou composition présentée comme possédant des propriétés curatives ou préventives à l'égard des maladies humaines ainsi que tout produit pouvant être administré à l'homme en vue d'établir un diagnostic médical ou de restaurer, corriger ou modifier leurs fonctions organiques.

En droit enfin ces dispositions protectrices de la santé publique, proportionnées avec les risques encourus et n'excluant pas le libre commerce des simples compléments alimentaires dont la circulation est libre, ne sont pas contraires aux articles 28 et 30 du traité de la Communauté européenne, ces dispositions s'appliquant aussi bien aux produits nationaux comme à ceux importés d'autres pays.

En l'espèce il est constant que le prévenu a bien vendu les plantes dont la liste figure à la prévention, sans avoir la qualité de pharmacien.

Il est aussi constant que la prévention a tenu compte de l'état du droit existant quant à la définition des plantes réservées au monopole des pharmaciens en ne visant que la vente de plantes à usage "exclusivement médicinal".

Il est également constant que plusieurs plantes visées à la prévention ne sont plus inscrites à la Pharmacopée, de sorte que le jugement avec raison a écarté la culpabilité pour ce groupe de plantes (agripaume, gui, millefeuille), ce retrait ne leur conférant plus le caractère de plante à caractère exclusivement médicinal.

Il est enfin constant que d'autres plantes énumérées dans le jugement (armoise, aubépine, boldo, bourrache, eucalyptus, hamamélis, kolatier, millepertuis, mélilot, quinquina, reine des prés valériane) sont soit autorisées par le décret du 15 juin 1979 soit n'ont pas, au vu d'un avis du Conseil supérieur d'hygiène de France, un usage exclusivement médicinal ou thérapeutique.

Il s'ensuit que le jugement avec raison n'a pas retenu de culpabilité pour ces produits du premier groupe, étant admis que ces plantes, bien que conditionnées en gélules ne comportaient aucun mélange, ni indication de leurs éventuelles propriétés curatives ou préventives à l'égard des maladies humaines.

Pour les autres produits du premier groupe visés à la prévention (plantes médicinales), la cour approuve le jugement qui a retenu la culpabilité du prévenu.

S'agissant des produits du deuxième groupe visé à la prévention (mélanges de substances présentées comme ayant des propriétés curatives ou préventives à l'égard des maladies), la cour approuve le jugement qui a écarté ceux qui ne se rapportaient pas particulièrement à des maladies et a retenu en revanche ceux qui étaient présentés comme ayant ces propriétés. Il en va ainsi des produits vendus comme ayant des propriétés à l'égard de la constipation, des jambes lourdes, du foie de la vésicule, des nerfs, des reins et ceux portant des noms de fantaisie évocateurs d'effets curatifs ou préventifs bienfaisants pour le traitement des maladies.

Enfin s'agissant des produits du troisième groupe visé à la prévention (substances médicamenteuses par présentation ou par fonction, ici des oligo-éléments), vendus sous l'appellation courante de complexe suivie de n° et ou de lettres ainsi que le nom de l'oligoélément concerné avec le volume exprimé le plus souvent en millilitres, les investigations du pharmacien inspecteur et la lecture des factures produites ne permettent pas de déduire que ces produits étaient présentés comme des médicaments ou avaient une fonction de modifier corriger restaurer une fonction organique.

Sur ce dernier point, faute d'éléments probants à la procédure, la relaxe s'impose et le jugement réformé.

2°) Défaut de conformité des factures

Il est reproché au prévenu d'avoir établi des factures non conformes au regard des obligations prescrites par le Code de commerce, complétées par le Code de la consommation en ce qui concerne les denrées alimentaires.

Le tribunal l'a déclaré coupable en relevant l'imprécision de nombre de ces factures selon ce qui était relevé par l'un des procès verbaux dressés par la DGCCRF.

La cour a confirmé le jugement sur ce point.

Aucun moyen n'a été présenté devant la Cour de cassation, mais par l'effet de la cassation totale, le prévenu reprend son argumentation selon laquelle s'adressant à des clients industriels et non à de simples particuliers et répondant à leurs propres demandes. Il a facturé ses produits en utilisant la dénomination correspondant à leurs propres références.

Le Ministère public requiert confirmation du jugement sur ce point.

Sur quoi la cour

En droit, l'article 441-3 du Code de commerce dispose que le vendeur est tenu de délivrer une facture mentionnant la quantité et la dénomination précises des produits vendus, sous les peines prévues à l'article suivant.

L'article R. 112-14 du Code de la consommation, visé à la prévention, ajoute en outre pour les denrées alimentaires, que la dénomination est celle fixée par la réglementation en vigueur ou par les usages commerciaux et qu'en l'absence de réglementation ou d'usages, la dénomination doit consister en une description de la denrée et si nécessaire de son utilisation, cette description devant être suffisamment précise pour permettre à l'acheteur d'en connaître la nature réelle et de la distinguer de produits avec lesquels elle pourrait être confondue.

En l'espèce, les agents de DGCCRF ont relevé que certaines factures portaient des désignations très imprécises, tandis que d'autres portaient bien des indications complètes répondant aux exigences légales.

Il est en effet établi que des mentions figurant seules telles que "boisson n° 3" ou "complexe n°2" ou encore "S19" sont insuffisantes tant au regard du Code de commerce que du Code de la consommation, alors que si le prévenu allègue que cette méthode répondait aux demandes de ces clients selon les propres références de ceux-ci, rien ne permet de le suivre dans cette argumentation.

Le jugement qui a retenu la culpabilité du prévenu doit être confirmé, étant d'ores et déjà relevé au regard de l'application de la peine que le procédé est propice à contourner le monopole des pharmaciens selon ce qui a été examiné précédemment.

3°) Falsification de denrées et mise en vente

Il est reproché au prévenu deux infractions relatives à la falsification de denrées, puis mise en vente, par adjonction dans des compléments alimentaires soit pour un premier groupe des substances non autorisées, soit pour un second groupe des substances nuisibles à la santé.

Le tribunal a estimé, au regard de la définition qui est donnée des compléments alimentaires par l'article 15-2 du décret du 15 avril 1912 relatif aux fraudes et falsifications dans les denrées alimentaires et de l'article 1er du même texte qui interdit l'addition de "produits chimiques" dans ces denrées, autres que ceux formellement autorisés, que dans la plupart des produits visés à la prévention, il n'y avait aucun mélange, ni addition et que pour ceux qui étaient composés de plusieurs éléments rien n'établissait qu'il y ait eu addition de produits chimiques, de sorte qu'il a relaxé partiellement le prévenu.

Il a retenu en revanche la culpabilité pour les produits considérés comme toxiques, nuisibles à la santé à savoir le Konjac, l'argile blanche, le propolis, le psyllium et l'aloès en reprenant pour chacun les troubles qu'ils peuvent engendrer.

La Cour d'appel a réformé le jugement et déclaré le prévenu coupable pour le tout en relevant que le prévenu a en méconnaissance de l'article 1er du décret du 15 avril 1912 introduit dans des compléments alimentaires des substances non autorisées par arrêté ministériel,

L'arrêt a été cassé au motif que, en se déterminant ainsi, sans préciser en quoi les substances introduites dans les compléments alimentaires constituaient des produits chimiques au sens de l'article 1er du décret du 15 avril 1912 et sans rechercher si certaines de ces substances n'entraient pas dans les prévisions du règlement 258-97-Ce du 27 janvier 1997 relatif aux nouveaux aliments et aux nouveaux ingrédients alimentaires, la cour n'a pas justifié sa décision.

Le prévenu devant la cour de renvoi fait valoir que les produits litigieux n'étant que des plantes et non des additifs chimiques le jugement ne peut qu'être confirmé en ce qu'il l'a relaxé. Il fait par ailleurs observer que le règlement du 27 janvier 1997 n'était pas encore applicable à la date de constatation des faits. Il discute pour chacun des produits retenus par le tribunal leur caractère de nocivité et sollicite sa relaxe pour le tout.

Le Ministère public conclut à la confirmation du jugement quant à la relaxe et quant à la requalification pour les produits qualifiés de toxiques, ayant reçu un avis défavorable du Conseil supérieur de l'hygiène de France et de l'Académie Nationale de Médecine.

Sur quoi la cour

En droit, l'article 213-3 du Code de la consommation interdit la falsification de produits destinés à l'alimentation humaine et la vente de produits falsifiés corrompus ou toxiques.

L'article 1er du décret du 15 avril 1912 prévoit l'interdiction de la détention en vue de la vente et de la vente de toutes marchandises destinées à l'alimentation humaine lorsqu'elles sont additionnées de produits chimiques autres que ceux formellement autorisés par arrêtés ministériels.

L'article 15-2 du même décret définit les compléments alimentaires comme des produits destinés à être ingérés en complément de l'alimentation courante, afin de pallier l'insuffisance réelle ou supposée des apports journaliers.

En l'espèce, la cour approuve le tribunal qui a retenu que le délit n'était pas constitué au regard des textes visés en ce que la preuve n'était pas faite que les produits vendus comme compléments alimentaires comportaient des additifs chimiques, la plupart d'entre eux n'étant constitués que d'un seul produit et pour ceux qui était composés d'un mélange de plantes rien n'établissait qu'il y ait eu des additifs chimiques, sauf à qualifier de chimique une plante simplement broyée. Tel n'est pas le sens que lui donne l'Agence Française de Sécurité des Aliments dans un rapport du 2 février 2003, certes bien postérieur aux faits reprochés, mais qui éclaire sur le sens à donner du "produit chimique" au sens du décret de 1912, à savoir un extrait d'une plante, voire élément isolé et purifié. Aucun des compléments alimentaires concerné ne répond à cette définition.

Il s'ensuit que c'est avec raison que le tribunal n'a pas retenu la falsification pour ces produits.

Pour les produits considérés par le tribunal comme toxiques, les poursuites ne sont fondées que si est démontrée la toxicité réelle du produit, tel que mis en vente, ici sous forme de gélules. Or si les produits visés à savoir Konjac, argile blanche, propolis, psyllium, aloès (herbe du suédois), mais aussi tecoma curalis, muira puama, dolomite, pollen associé à propolis et argile blanche, peuvent en cas de dosages abusifs ou inappropriés engendrer des troubles pour les consommateurs, rien ne démontre que tel était le cas en l'espèce, rien ne permettant de savoir si des recommandations d'emploi ou de dosage risquaient d'engendrer de tels troubles.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a relaxé partiellement relaxé le prévenu et la relaxe sera étendue à l'ensemble des produits visés dans les poursuites de ces chefs.

4°) Tromperie

Il est reproché au prévenu d'avoir commis le délit de tromperie en vendant sous forme de complément alimentaire en gélules des plantes exclusivement médicinales.

Le tribunal l'a relaxé pour partie en retenant que rien ne prouvait que certaines plantes en question aient un usage exclusivement médicinal, ou encore que l'une d'entre elles ne figurait plus à la Pharmacopée ou enfin que d'autres avaient fait l'objet d'avis de libre commercialisation.

Il retenait en revanche la culpabilité pour dix plantes dont le caractère médicamenteux n'était pas discuté à savoir : Cascara Sagrada, Chrysantellum américanum, Chrysantellum Parthénium, Harpagophytum, Gincko Biloba, Eschscholtzia, la Busserolle, l'Ephedra, la Pervenche et le Plantain souillé par une substance digitalique.

La cour d'appel a confirmé le jugement.

Le moyen du pourvoi formé contre ce chef de décision n'a pas été examiné par la Cour de cassation.

Devant la cour de renvoi, le prévenu conclut sommairement, comme dans son pourvoi, que vendant les produits litigieux non aux consommateurs, mais à des professionnels qui les présentent et les qualifient, ils sont les seuls à répondre de l'éventuel délit de tromperie.

Il conteste également la qualification de plante exclusivement médicinale.

Le Ministère public conclut à la confirmation du jugement.

Sur quoi la cour

En droit, l'article 213-1 réprime les tromperies de son contractant, par quelque moyen que ce soit, sur les qualités substantielles, l'aptitude à l'emploi et les risques inhérents à l'utilisation de tous produits ou marchandises, ici des substances végétales, présentées comme compléments alimentaires alors qu'il s'agit de plantes exclusivement médicinales. Il importe peu pour que le délit soit constitué que le contractant soit un professionnel ou un simple particulier.

Par des motifs pertinents que la cour approuve et adopte, et au besoin complète, il apparait que les plantes retenues par le tribunal relèvent bien du qualificatif d' "exclusivement médicinales", ainsi que cela a été retenu plus avant, de sorte qu'en les présentant comme simples compléments alimentaires il y a bien eu la tromperie poursuivie.

Le jugement doit donc être confirmé de ce chef.

Sur la sanction

La peine prononcée doit être majorée à l'égard d'un prévenu dûment avisé par l'administration de sa vigilance quant à la commercialisation des produits litigieux et qui est parfaitement informé de la législation en son domaine.

Sur l'action civile :

Aucune critique n'étant faite à titre subsidiaire sur les dispositions civiles du jugement, celui-ci sera confirmé ;

Par ces motifs, LA COUR, Après en avoir délibéré conformément à la loi, Statuant publiquement, par arrêt contradictoire à l'égard de X Edgar et par défaut à l'égard de la partie civile l'Union Fédérale des Consommateurs du Maine et Loire "Que Choisir", En la forme, Reçoit les appels, Au fond, Sur l'action publique : Confirme le jugement en ce qu'il a déclaré le prévenu coupable d'exercice illégal de la pharmacie, sauf pour la vente des substances suivantes "fer, cuivre, or, nickel, chrome, manganèse, soufre, fluor, molybdène, cobalt, argent, iode et lithium. Confirme le jugement en ce qu'il a déclaré le prévenu coupable de facturation non conforme. Confirme le jugement en ce qu'il a déclaré le prévenu coupable de tromperie en raison de la vente des plantes suivantes, exclusivement médicinales, présentées comme compléments alimentaires : Cascara Sagrada, Chrysantellum américanum, Chrysantellum Parthéniuxn, Harpagophytum, Gincko Biloba, Eschscholtzia, la Busserolle, l'Ephedra, la Pervenche et le Plantain souillé par une substance digitalique. Relaxe le prévenu du surplus de la prévention. Le condamne à une amende de 6 000 euro. Sur l'action civile : Confirme le jugement déféré. La présente décision est assujettie à un droit fixe de procédure d'un montant de 120 euro dont est redevable le condamné. Le tout en application des articles susvisés et de l'article 800-1 du Code de procédure pénale.