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Décisions

Ministre de l’Économie, 26 octobre 2005, n° ECOC0600011Y

MINISTRE DE L’ÉCONOMIE

Lettre

PARTIES

Demandeur :

MINISTRE DE L'ECONOMIE

Défendeur :

Conseils du Groupe Securitas

Ministre de l’Économie n° ECOC0600011Y

26 octobre 2005

MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE

Maîtres,

Dans le cadre d'un dossier de notification déposé auprès de mes services le 14 septembre 2004, vous avez notifié la reprise par le groupe Securitas AB (ci-après " Securitas ") de la quasi-totalité de l'activité de Valiance Fiduciaire (1) (ci-après " Valiance ") auprès du groupe Valiance, dans le cadre de la procédure de redressement judiciaire ouverte par jugement du Tribunal de commerce de Paris en date du 27 juillet 2004. L'offre de reprise sur laquelle est fondée votre notification a fait l'objet, le 24 septembre 2004, d'une dérogation permettant sa réalisation anticipée.

Par ailleurs, le 22 avril 2005, vous avez déposé auprès de mes services un dossier de notification relatif à l'acquisition par Securitas d'Eurotelis Valiance (ci-après " Eurotelis ") auprès du groupe Valiance.

Enfin, le 29 juillet 2005, vous avez déposé un dossier de notification relatif à l'acquisition de Franceval Centre Loire (ci-après " Franceval "), agence de Valiance Fiduciaire, qui ne faisait pas partie du périmètre initial de l'offre de reprise, telle que remise le 20 septembre 2004 auprès de l'administrateur judiciaire désigné par le Tribunal de commerce de Paris.

Le dossier de notification a ainsi été déclaré complet à la date du 27 septembre 2005.

I. - LES ENTREPRISES CONCERNEES ET L'OPERATION

Securitas est un groupe suédois spécialisé dans les services aux particuliers et aux entreprises dans le domaine de la sécurité. Les prestations proposées par Securitas en France incluent la surveillance humaine (Securitas Surveillance), l'installation et la gestion de systèmes d'alarme et de télésurveillance (Securitas Systèmes), la sécurité des particuliers (Securitas Direct) et le transport de fonds (Securitas Transport de fonds). Le groupe Securitas a réalisé en 2003 un chiffre d'affaires total de 6,40 milliards d'euro, dont 3,31 milliards d'euro dans l'Union européenne et 631 millions d'euro en France.

Valiance est à la tête d'un groupe prestataire de services sécurisés en France, en particulier dans les secteurs du transport de fonds et du traitement de valeurs. En 2003, Valiance a réalisé un chiffre d'affaires consolidé de 164,99 millions d'euro (2), entièrement généré en France.

Eurotelis est une société spécialisée dans la sécurité des sites à haut risque, comme les banques et les grandes entreprises. Elle est plus particulièrement active sur les secteurs de la télésurveillance, de l'installation et la maintenance de systèmes de sécurité et de la surveillance humaine. En 2003, le chiffre d'affaires total d'Eurotelis s'est élevé à 24,1 millions d'euro, intégralement réalisé en France.

Franceval est une société active dans les secteurs du transport de fonds et de traitement des valeurs, présente dans la région Centre en France. En 2004, le chiffre d'affaires total de Franceval s'est élevé à 3,31 millions d'euro, intégralement réalisé en France.

L'opération consiste en l'acquisition par Securitas de la majorité de l'activité de Valiance Fudiciaire, à travers une filiale de Securitas établie pour les besoins de la transaction, et de la totalité du capital d'Eurotelis et de France Val. A l'issue, Securitas exercera un contrôle exclusif sur ces trois sociétés.

Conformément à l'article 2 du décret n° 2002-689 du 30 avril 2002 fixant les conditions d'application du livre IV du Code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence qui renvoie expressément à l'article 5 (2), paragraphe 2, du règlement 4064-89 CE, non modifié dans le règlement 139-2004 CE, lorsque deux ou plusieurs transactions ont eu lieu au cours d'une période de deux années entre les mêmes groupes, il convient de les considérer comme une seule opération de concentration intervenant à la date de la dernière transaction.

Dès lors, au cas d'espèce, il convient de considérer l'acquisition de Valiance, d'Eurotelis et de Franceval comme constituant une opération unique au sens de l'article 2 du décret susmentionné. En conséquence, le chiffre d'affaires pris en compte pour la cible sera le chiffre d'affaires réalisé par Valiance, Eurotelis et Franceval et l'analyse concurrentielle portera sur l'ensemble de leurs activités.

L'opération constitue ainsi une concentration au sens des dispositions de l'article L. 430-1 du Code de commerce.

Compte tenu des chiffres d'affaires réalisés par les entreprises concernées, cette opération n'est pas de dimension communautaire et est soumise aux dispositions des articles L. 430-3 et suivants du Code de commerce relatifs à la concentration économique.

II. - MARCHES CONCERNES

Les parties sont simultanément actives dans le secteur des services de sécurité et notamment le transport de fonds et le traitement de valeurs, le gardiennage, la télésurveillance et l'électronique destinée à la lutte contre la malveillance. Aux termes de la pratique décisionnelle nationale (3) et communautaire (4), ces différents secteurs d'activité constituent des marchés distincts.

1. Les marchés de produits

1.1 Transport de fonds et traitement des valeurs

Le transport de fonds constitue l'élément principal du métier du transport et de traitement des valeurs. Il consiste dans le transport physique d'argent liquide sous forme de billets ou de pièces. Depuis le décret n° 2000-376 du 28 avril 2000 relatif à la sécurité du dépôt et de la collecte de fonds par les entreprises privées, amendé par les décrets n° 2002-1361 du 20 novembre 2002 et n° 2004-295 du 29 mars 2004 relatifs à la protection des transports de fonds, le transport d'argent liquide peut s'effectuer selon trois modes de convoyage : soit dans des véhicules blindés, avec un équipage d'au moins trois personnes armées ; soit avec un équipage d'au moins deux personnes dans des véhicules blindés équipés de nouvelles technologies (valises dotées de système de traçabilité qui permettent une autodestruction systématique en cas d'anomalie dans le transport ou de tentative d'effraction) ; soit, enfin, à titre exceptionnel, dans des véhicules banalisés équipés des mêmes dispositifs (la monnaie divisionnaire ne peut pas être transportée dans des véhicules banalisés).

La majorité des transports de fonds est effectuée entre les centres de stockage de la monnaie fiduciaire, tels que les banques ou les comptoirs de la Banque de France, et les centres de collecte, tels que les agences des banques et les commerces, avec ou sans passage par les centres forts.

Le traitement des valeurs constitue une activité distincte mais liée à celle du transport de fonds. Il consiste, dans le cadre des opérations de caisse centrale, à assurer la gestion des opérations, le tri, la vérification (détection des faux et mutilés), le comptage de monnaie et de billets et leur conditionnement dans le respect des procédures administratives, à la demande des clients. Cette activité prend également en charge la préparation des commandes pour l'approvisionnement des distributeurs automatiques bancaires (DAB), des guichets automatiques bancaires (GAB) et des commerces après réception des flux de pièces et de billets provenant de la Banque de France. Enfin, certains clients incluent dans leur demande le stockage de monnaie fiduciaire en centre fort.

Dans sa décision en date du 4 février 2000, le ministre de l'économie avait identifié deux marchés en termes de services : le transport de fonds proprement dit, d'une part, et le marché du traitement des valeurs, d'autre part (tri et comptage des espèces transportées en caisse centrale avant remise à la Banque de France). Toutefois, il avait laissé la question ouverte de l'existence d'un marché unique du transport de fonds et du traitement des valeurs.

La Commission européenne, dans la décision Group 4 Falck/Securicor précitée, a retenu l'existence d'un marché incluant les prestations de transport de fonds et celles de traitement des valeurs (marché dit du "cash in transit"). Elle a considéré, concernant l'approvisionnement des DAB, qu'elle ne disposait d'aucun indice de l'existence d'un marché distinct.

Les parties estiment que la distinction retenue par le ministre en 2000 n'a plus lieu d'être à l'heure actuelle. Elles soulignent tout d'abord le caractère imbriqué de l'ensemble des activités qui participent au processus de circulation fiduciaire. Ainsi, la collecte et le transport de fonds vers les centres forts préparent et précèdent les opérations de traitement (comptabilisation, reconditionnement, ventilation). Par ailleurs, l'approvisionnement et la gestion des DAB reposent sur l'utilisation de véhicules de transport de fonds et impliquent des opérations de traitement des valeurs.

Du côté de l'offre, la quasi-totalité des prestataires sont en mesure de proposer les deux types d'activité. Il apparaît, par ailleurs, que ces différentes opérations ne nécessitent pas la mise en œuvre d'un savoir-faire particulier, distinct de celui du transport de fonds.

Du côté de la demande, les parties indiquent que les clients, et notamment les banques, externalisent aujourd'hui, dans un contexte de préoccupation de renforcement de sécurité, non seulement les activités de transport de fonds proprement dits mais également le traitement des valeurs et la gestion de leur DAB. Cette évolution a également été soulignée par le Rapport interministériel sur la sécurité de la circulation fiduciaire d'avril 2003 : " Après avoir externalisé d'abord leurs transports de fonds dans les années 1980-1990, la plupart des banques ont marqué clairement depuis leur inclination en faveur " d'agences sans espèces ", de telle sorte que la gestion de ces dernières - et leur manipulation - relèvent désormais le plus souvent des sociétés de transport de fonds. Celles-ci gèrent ainsi, pour l'essentiel, les DAB/GAB au profit des banques. Elles procèdent aussi au décompte des sommes remises par les commerçants dans les coffres de nuit, sans que les banques n'aient à manipuler ces fonds ". S'agissant de la grande distribution, le rapport ajoute qu' " elle constitue un client important des sociétés de transport de fonds. Elle leur délègue de façon usuelle la préparation et la gestion des fonds de caisse de ses employés ainsi que la tenue d'une partie de leur comptabilité ".

En l'espèce, la question de la segmentation du marché global du transport de fonds et du traitement des valeurs peut être laissée ouverte dans la mesure où, quelles que soient les définitions de marché de produits retenues, les conclusions de l'analyse concurrentielle demeureront inchangées.

1.2 Surveillance humaine ou surveillance par agent

Selon l'avis n° 99-A-03 du Conseil de la concurrence, il existe un marché de la surveillance humaine, qui peut se définir de la manière suivante : " La surveillance par agent, ou gardiennage, recouvre des activités très diversifiées. Les prestations de gardiennage traditionnel sont le gardiennage sur points fixes (présence sur site d'agents de sécurité pour effectuer différentes missions) et les rondes de jour ou de nuit. Les prestations de gardiennage spécialisé sont nombreuses : accueil et filtrage aux accès, surveillance sur stations de travail (vidéosurveillance), contrôle des bagages, contrôle des personnes (stades, spectacles, lutte contre la démarque inconnue) ".

1.3 Télésurveillance

Il ressort de l'avis n° 99-A-03 du Conseil de la concurrence que " la télésurveillance peut être définie comme la surveillance d'un site à distance par l'intermédiaire d'une station centrale de télésurveillance, à l'écoute 24 heures sur 24 d'informations transmises par le réseau téléphonique ou par un autre réseau de communication. La télésurveillance nécessite l'installation préalable d'un système de sécurité électronique auquel sera adjoint un transmetteur relié à une station centrale. La télésurveillance ne fait pas forcément appel à des systèmes de vidéosurveillance, systèmes de caméras qui fonctionnent en circuit fermé. Lorsque l'information transmise révèle l'existence d'une situation anormale, plusieurs attitudes peuvent être adoptées : prévenir des correspondants, procéder à un appel sur le site concerné pour alerter des personnes présentes, procéder à une écoute ou à une visualisation à distance, envoyer un agent d'intervention pour valider le bien-fondé de l'alarme et/ou prendre les mesures correctives nécessaires (...). Techniquement, une centrale de télésurveillance peut être raccordée à un site se trouvant sur n'importe quelle partie du territoire. Chaque centrale est reliée à un nombre de sites variant entre 1 000 et 50 000. La demande de services de télésurveillance émane principalement de professionnels mais aussi de particuliers ".

Au regard des informations transmises par les parties, il apparaît qu'une segmentation pourrait être apportée au sein du marché de la télésurveillance entre la télésurveillance résidentielle, à destination des logements collectifs des particuliers et des logements individuels, et la télésurveillance professionnelle, à destination des établissements d'entreprises, de banques, de commerces, etc.

Plusieurs facteurs plaident pour une telle segmentation. Tout d'abord, les particuliers ne sont pas légalement tenus de sécuriser leur logement, à la différence des professionnels possédant des sites dits " à risque ", tels que les bijouteries, les banques ou les pharmacies. Ensuite, selon les parties, le segment résidentiel se caractérise par des besoins sécuritaires de faible importance alors que les professionnels ont recours à des prestations ou du matériel certifiés, ce qui engendre des conséquences en matière de prix (le prix moyen d'un abonnement mensuel à un service de télésurveillance dans le secteur résidentiel serait trois fois moins élevé que dans le secteur professionnel (5)). Enfin, les modalités de passation des contrats différent dans la mesure où si les particuliers sont le plus souvent orientés par des prescripteurs (assurances ou promoteurs immobiliers), les professionnels peuvent, dans certains cas, avoir recours aux appels d'offres.

Par ailleurs, certains indices peuvent plaider pour une segmentation, au sein de la télésurveillance professionnelle, qui prendrait en compte les besoins sécuritaires différenciés des clients. Il apparaît, en effet, que certains clients comme les agences bancaires et postales, ont des besoins sécuritaires très élevés et ne peuvent avoir recours qu'à des prestataires spécialisés dans les risques lourds.

Ainsi, la plupart des PME n'ont besoin que d'un système de télésurveillance d'intrusion (radars, alarmes, etc.), alors que les agences bancaires et postales, dans lesquelles se trouvent des fonds, exigent des systèmes beaucoup plus lourds et coûteux, en termes de sécurisation des locaux et des coffres, de détection d'intrusion et de suspicion de hold-up.

En l'espèce toutefois, la question de la segmentation précise du marché de la télésurveillance peut être laissée ouverte dans la mesure où, quelle que soit la délimitation retenue, les conclusions de l'analyse concurrentielle demeureront inchangées.

1.4 Électronique destinée à la lutte contre la malveillance

Conformément à l'avis n° 99-A-03 du Conseil de la concurrence, les parties estiment que le marché de l'électronique de lutte contre la malveillance regroupe des prestations de conception, d'installation et maintenance de systèmes de sécurité électronique qui assurent des fonctions diverses telles que le contrôle d'accès (systèmes biométriques ou par cartes de gestion des entrées et sorties d'un site), l'alarme, la détection d'intrusion (détecteurs ponctuels et/ou volumétriques, dispositifs sonores) ou encore la vidéosurveillance.

L'instruction du dossier et le test de marché ont confirmé cette délimitation de marché.

2. Marchés géographiques

2.1 Transport de fonds et traitement des valeurs

Il ressort de la décision UBS précitée que " localement, la dimension la plus pertinente est le département compte tenu de la densité d'implantation des comptoirs de la Banque de France. Toutefois les frontières administratives ne peuvent pas toujours être retenues, notamment dans le cas de zones situées aux limites départementales et de la possibilité d'opérer dans un département à partir d'un centre fort situé dans un département voisin, si la densité et la qualité du réseau routier s'y prêtent ". Toutefois, le ministre n'avait pas exclu " qu'à terme ce marché acquiert une dimension nationale, compte tenu des investissements requis, de la concentration et de la rationalisation et des exigences croissantes en matière de sécurité ".

Les parties estiment que le marché global du transport de fonds et du traitement des valeurs doit être analysé au niveau local. Elles considèrent en effet que les prestataires ne peuvent offrir leurs services que dans un périmètre d'action étroit et que le rayonnement d'une activité de transport de fonds peut être estimé à une distance maximale de 80 kilomètres, à partir de l'endroit où sont stationnés les véhicules utilisés.

Elles mettent en avant le fait que des objectifs de sécurité, des considérations liées à la mobilisation du personnel et des impératifs de rentabilité financière renforcent la prévalence de courts trajets.

Par ailleurs, les activités considérées font intervenir des trajets de et vers les caisses institutionnelles de la Banque de France, qui assurent la circulation de la monnaie au profit des clients institutionnels (banques et commerçants) et constituent, par conséquent, des points névralgiques du dispositif et des lieux d'accueil des sociétés de transport de fonds. Or, si le nombre de comptoirs de la Banque de France est en diminution, il s'élevait encore à 132 en janvier 2004, le programme de réduction progressive du nombre de caisses institutionnelles devant aboutir au maintien de 77 d'entre elles au 1er juillet 2006, soit un peu moins d'une caisse par département.

Du côté de la demande, il apparaît que les appels d'offres lancés par les clients s'effectuent au niveau au moins régional. Les contrats mis en place par les banques sont négociés soit par les directions au niveau national et sont conclus avec plusieurs transporteurs de fonds selon les besoins, soit par la structure régionale et sont conclus avec un seul transporteur de fonds. Quant aux acteurs du commerce et de la grande distribution, ils lancent des appels d'offres nationaux pour des services au niveau régional ou local.

Au regard de l'ensemble de ces éléments, il semble pertinent de maintenir l'analyse des marchés au niveau local, à un niveau au moins départemental. En effet, même si les appels d'offres sont lancés au niveau régional et même si les contrats sont négociés au niveau national ou régional, il n'en demeure pas moins que les éléments locaux restent prédominants, dans la mesure où les implantations locales sont requises pour assurer un maillage complet du territoire. Un opérateur qui se verrait exclu d'une région ne disposerait ainsi pas d'une offre nationale et ne pourrait donc pas concurrencer efficacement des entreprises disposant d'une telle offre.

2.2 Surveillance par agents

Les parties considèrent, conformément à l'avis n° 99-A-03 du Conseil de la concurrence, que le marché de la surveillance par agents est de dimension nationale.

Le Conseil de la concurrence a en effet estimé qu' " à la différence d'autres secteurs de l'économie, comme la distribution de produits ou de services à destination des consommateurs, la commercialisation de services de surveillance par agent n'implique pas nécessairement de disposer d'un réseau d'agences implantées à proximité des clients ; que les services proposés sont très spécialisés et, compte tenu de leur coût, concernent exclusivement des entreprises, que les entreprises de surveillance par agent peuvent ainsi mettre en œuvre des modes de distribution qui ne reposent pas sur un réseau d'agences, par exemple le démarchage ou la réponse aux appels d'offres publics ou privés (...) ".

L'instruction du dossier et le test de marché ont montré qu'il existait un très grand nombre de petites entreprises de dimension locale, ce qui pourrait plaider pour une délimitation plus étroite du marché de la surveillance humaine. Toutefois, les critères avancés par le Conseil de la concurrence dans son avis précité restent valables à l'heure actuelle et la question de la délimitation géographique exacte du marché peut être laissée ouverte, les résultats de l'analyse concurrentielle demeurant inchangées.

2.3 Télésurveillance

Les parties considèrent, conformément à l'avis n° 99-A-03 du Conseil de la concurrence, que le marché global de la télésurveillance est de dimension nationale. Le Conseil de la concurrence a, en effet, souligné que " l'activité de télésurveillance repose sur la transmission d'informations recueillies par l'intermédiaire d'un système électronique de sécurité implanté sur un site ; (...) techniquement, une centrale de télésurveillance peut, par l'intermédiaire du réseau téléphonique ou d'un autre réseau de télécommunication, couvrir l'ensemble du territoire national (...) il n'existe donc pas de contrainte géographique particulière pour l'exercice de cette activité ".

Le Conseil de la concurrence a souligné que même si la combinaison de prestations d'interventions par agent et de prestations de télésurveillance pose la question de l'implantation géographique des équipes d'intervention sur le territoire national, dans la mesure où l'envoi d'un agent d'intervention implique une proximité avec le site faisant l'objet d'une télésurveillance, la dimension nationale du marché de la surveillance était justifiée, la majorité des entreprises ayant recours à la sous-traitance pour des interventions locales.

2.4 Électronique de lutte contre la malveillance

Il résulte de la pratique décisionnelle communautaire et nationale antérieure que le marché de l'électronique destiné à la lutte contre la malveillance est de dimension au plus nationale, compte tenu notamment du mode de distribution (appels d'offres publics ou privés) et de l'existence de contraintes réglementaires spécifiques dans chaque État membre.

Cependant, en l'espèce, la question de la définition géographique des différents marchés de la sécurité peut être laissée ouverte dans la mesure où, quelle que soit la délimitation retenue, les conclusions de l'analyse demeureront inchangées.

III. - ANALYSE CONCURRENTIELLE

1. Transport de fonds et traitement des valeurs

En 2003, le marché global du transport de fonds et de traitement des valeurs a représenté un chiffre d'affaires total de 572 millions d'euro. Au niveau national, Brinks dispose en valeur d'une part de marché de [40-50] %, Valiance de [20-30] %, Group 4 de [0-10] % et Securitas de [0-10] %. La nouvelle entité disposera ainsi, au niveau national, d'une part de marché de [30-40] %, Brinks conservant la place de leader sur les secteurs du transport de fonds et de traitement des valeurs.

Securitas Transport de Fonds est présent en France avec huit implantations uniquement en Alsace, en Lorraine et en Île-de-France (6).

Valiance Fiduciaire, pour sa part, est présent dans l'ensemble des régions françaises (7). Néanmoins, Est Valeur, filiale du groupe Valiance, présente dans le nord-est de la France, n'est pas comprise dans le périmètre de l'opération. Par ailleurs, en Île-de-France, seules 3 des 5 agences de Valiance ont été reprises par Securitas.

Franceval, pour sa part, est présente, en France, dans la région Centre.

Au niveau local, il apparaît ainsi que l'opération de concentration n'aboutit qu'à de faibles chevauchements d'activité en Île-de-France et en Lorraine.

En Île-de-France, les agences de Securitas se situent à Ivry et Courbevoie et celles reprises auprès de Valiance à Arcueil, Paris-Ney et Meaux. Il convient de souligner que les agences de Securitas ont été créées en 2004 et que leur activité est encore embryonnaire.

Les parties estiment que le volume global du marché pour la région Île-de-France s'est élevé à 150 millions d'euro en 2003. La part de marché de Securitas représenterait moins de [0-10] % et celle de Valiance moins de [10-20] %, la nouvelle entité restant confrontée à la concurrence de Brink's (plus de [30-40] % de parts de marché), Items-TAS (plus de [10-20] %), Temis ([10-20] %) et Group 4 ([10-20] %).

En Lorraine, les agences de Securitas se situent à Metz, à Nancy et à Golbey. Valiance y est présente à travers un contrat de sous-traitance avec Est Valeurs. Compte tenu du montant de ce contrat, la présente opération n'entraîne pas une modification sensible de la concurrence, la nouvelle entité partageant le marché lorrain à part de marché équivalente avec Est Valeurs, selon les données des parties.

Par ailleurs, au niveau départemental, l'analyse concurrentielle ne diffère pas. Il ressort ainsi de l'ensemble des données qui précèdent que la présente opération n'est pas de nature à porter atteinte à la concurrence sur les marchés locaux du transport de fonds et de traitement des valeurs.

2. Surveillance humaine

En 2003, le secteur de la surveillance humaine a représenté globalement un chiffre d'affaires de 2,4 milliards d'euro.

D'après les données transmises par les parties, Securitas France Surveillance détenait, en 2004, une part de marché en valeur de [10-20] % et Eurotelis Valiance de [0-10] %. A l'issue de l'opération, la nouvelle entité disposera ainsi d'une part de marché d'environ [10-20] %, devant Group 4 Securicor ([0-10] %), Prosegur ([0-10] %), Brinks ([0-10] %) et Onet Sécurité ([0-10] %).

La nouvelle entité restera ainsi en première position sur le marché de la surveillance par agents. Le risque d'atteinte à la concurrence peut être cependant écarté.

En 1999, le Conseil de la concurrence avait écarté les risques d'atteinte à la concurrence résultant de l'acquisition de la société Proteg par la société Securitas. En dépit du fait que la nouvelle entité disposait d'une part de marché de [20-30] % du marché de la surveillance, ce qui lui conférait une position plus de huit fois supérieure au second opérateur, le Conseil de la Concurrence, au travers d'un certain nombre d'arguments, a écarté le risque de création d'une position dominante. Il a ainsi pu considérer que si la nouvelle entité disposait d'une couverture nationale supérieure à celle de ses principaux concurrents, l'avantage concurrentiel qui pourrait en découler ne s'avérait pas déterminant.

En effet, l'activité de surveillance est essentiellement une activité de main-d'œuvre, ce qui limite les possibilités d'économies d'échelle. De surcroît, elle n'implique pas nécessairement de disposer d'un réseau d'agences implantées à proximité des clients. Enfin, il est fréquent que les responsables locaux des entreprises clientes conservent la possibilité de s'adresser à des prestataires de leur choix.

L'ensemble de ces éléments, qui témoignent d'une fluidité importante dans l'accès et la sortie du marché, ont été confirmés par l'instruction de la présente opération de concentration et par le test de marché réalisé auprès des opérateurs concernés.

Par ailleurs, compte tenu de la très faible addition de parts de marché, il n'apparaît pas que cette opération puisse créer ou renforcer une position dominante de la nouvelle entité.

3. Télésurveillance

En 2003, le secteur de la télésurveillance a représenté globalement un chiffre d'affaires de 427 millions d'euro. Selon les données des parties, Securitas Direct dispose d'une part de marché en valeur de [0-10] %, Eurotelis Valiance de [0-10] % et Securitas Systems de [0-10] % sur le marché global de la télésurveillance. A l'issue de l'opération, la nouvelle entité détiendra ainsi une part de marché d'environ [0-10] %, derrière Tyco ([20-30] %) et devant Protection One ([0-10] %) et Chubb ([0-10] %).

Sur le segment de la télésurveillance résidentielle, qui a représenté 113,6 millions d'euro en 2003, seule Securitas Direct est présente avec une part de marché en valeur de l'ordre de [10-20] %, derrière ADT France (8) ([20-30] %) et devant Euro Protection Surveillance ([10-20] %), Inter Mutuelles Téléassistance ([0-10] %) et Scutum ([0-10] %).

Sur le segment de la télésurveillance professionnelle, qui a représenté 313,9 millions d'euro en 2003, Securitas Direct dispose d'une part de marché en valeur de l'ordre de [0-10] %, Eurotelis de [0-10] % et Securitas Systems de [0-10] %. A l'issue de l'opération, la nouvelle entité détiendra une part de marché de [0-10] %, derrière Tyco ([20-30] %), Protection One ([10-20] %) et devant Chubb ([0-10] %) et Siemens ([0-10] %).

Sur le segment plus étroit des agences bancaires et postales, dont le chiffre d'affaires global est estimé par les parties à environ 20 millions d'euro en 2003, il convient de souligner que Securitas Systems dispose d'une part de marché en valeur de l'ordre de [0-10] % et Eurotelis de [30-40] %. A l'issue de l'opération, la nouvelle entité disposera ainsi d'une part de marché de l'ordre de [30-40] % devant Critel ([10-20] %), Fichet ([0-10] %) et Sotel ([0- 10] %).

L'ensemble de ces données montre une position forte de la nouvelle entité sur le segment des entreprises dites à risques en termes de besoins sécuritaires. Cependant, il convient d'écarter le risque de création ou de renforcement de position dominante sur ce segment pour les raisons suivantes.

Tout d'abord, force est de constater que le chevauchement d'activité entre Securitas et Eurotelis est relativement faible sur le segment des agences bancaires et postales. En outre, la nouvelle entité reste confrontée à la concurrence d'un certain nombre d'opérateurs comme Critel, Fichet et Sotel.

Par ailleurs, le test de marché a pu conforter la faiblesse des barrières à l'entrée sur le marché de la télésurveillance professionnelle, et notamment sur le segment des sites sensibles, à l'instar des banques ou des agences postales.

Il convient de souligner que les prestataires intervenant sur la télésurveillance des entreprises dites à " risque " doivent, en plus d'une autorisation préfectorale commune à l'ensemble des prestataires du secteur de la sécurité, obtenir une certification APSAD 3. L'APSAD, Assemblée Plénière des Sociétés d'Assurances Dommages, est le seul organisme à délivrer des certifications de détection d'intrusion aux entreprises de sécurité. La marque APSAD est une marque privée qui distingue les professionnels qui, par leur compétence, leurs moyens et leur organisation garantissent des prestations techniques dans les domaines de la télésurveillance. Les centres de télésurveillance certifiés APSAD 3 répondent ainsi aux normes les plus exigeantes de l'APSAD.

Même si la certification APSAD est une démarche volontaire de l'entreprise, délivrée après audits, contrôles de connaissances et vérifications d'installations, elle s'avère indispensable pour les prestataires de télésurveillance opérant sur le segment des entreprises dites sensibles dans la mesure où les assureurs, ayant pour mission de couvrir et de financer les risques, exigent de leurs clients la preuve que toutes leurs préconisations seront respectées.

Toutefois, l'exigence de certifications pour les produits et pour les entreprises ne semble pas constituer un obstacle déterminant pour entrer sur le marché, un certain nombre d'intervenants spécialisés actuellement sur le segment résidentiel disposant également d'une certification ASPAD P3. Les opérateurs ont ainsi confirmé qu'un télésurveilleur spécialisé dans la sécurité des résidentiels et des PME pouvait facilement orienter son offre sur le segment des entreprises dites à risque, une station centrale étant techniquement capable de gérer n'importe quel type de clientèle.

Il ressort de l'ensemble de ces éléments que l'opération n'est pas de nature à porter atteinte à la concurrence sur le marché global de la télésurveillance ainsi que sur les segments identifiés prenant en compte le type de clientèle.

4. Électronique de lutte contre la malveillance

En 2003, le secteur de l'électronique destinée à la lutte contre la malveillance a, selon les parties, représenté globalement un chiffre d'affaires de 3,96 milliards d'euro (9).

D'après les données des parties, Securitas Systems détenait, en 2004, une part de marché en valeur de [0-10] % et Eurotelis Valiance de [0-10] %. A l'issue de l'opération, la nouvelle entité disposera ainsi d'une part de marché d'environ [0-10] % sur le marché de l'électronique de lutte contre la malveillance, derrière les sociétés Chubb ([0-10] %), Tyco ([0-10] %), Siemens ([0-10] %) et Gunnebo ([0-10] %).

Les dix premières entreprises ne représentent que [20-30] % du marché de l'électronique de lutte contre la malveillance, ce qui témoigne d'une forte dispersion de la concurrence.

5. Analyse des effets de gamme pouvant résulter de l'opération

La nouvelle entité disposant d'une offre élargie comprenant des services de transport de fonds, de surveillance par agent, de télésurveillance et d'électronique de lutte contre la malveillance, il convient de s'interroger sur les risques d'effets de gamme pouvant résulter de la présente opération. L'étendue de cette offre lui permet en effet de répondre à la demande des entreprises ayant une pluralité de besoins en matière de sécurité, en lui conférant notamment la possibilité de négocier avec des grandes entreprises des contrats portant sur l'intégralité des besoins.

Cependant, il convient d'écarter le risque d'effets de gamme pour les raisons suivantes. Tout d'abord, le secteur de la sécurité se caractérise par un nombre important d'opérateurs de taille diverse et la faiblesse des barrières à l'entrée. L'étude Xerfi sur les services de sécurité d'avril 2004 souligne à cet égard que " le secteur souffre (...) de l'absence de législation stricte qui rend aisée la création d'entreprises de sécurité et accroît les pressions concurrentielles. Sur des segments tels que le gardiennage et la surveillance, les faibles barrières à l'entrée permettent de nombreuses créations d'entreprises et presque autant de défaillances. (...) Par ailleurs, les entreprises situées en amont du secteur sont de plus en plus nombreuses à pénétrer le marché des services de sécurité. Les fabricants d'alarmes, d'équipements de télésurveillance ou d'autres matériels informatiques disposent également des compétences pour se positionner sur le segment porteur de la sécurité informatique ".

Par ailleurs, la nouvelle entité ne pourra pas acquérir un avantage concurrentiel par le jeu d'un effet de gamme s'appuyant sur sa position détenue dans les différents marchés de la sécurité. En effet, les principaux concurrents de la nouvelle entité, notamment Brink's et Groupe 4 sont présents sur la quasi-totalité des marchés de la sécurité et sont susceptibles de s'appuyer sur des positions importantes qu'ils détiennent sur certains marchés.

Enfin, l'enquête de marché a confirmé l'analyse du Conseil de la concurrence dans son avis 99-A-03 selon laquelle le fait d'intervenir sur l'ensemble des créneaux de la sécurité ne constituait pas un avantage concurrentiel déterminant, dans la mesure où les offres couplées sont relativement rares dans le secteur de la sécurité, les clients ayant recours à des prestataires différents pour les services de transport de fonds, de télésurveillance, de surveillance humaine et d'électronique de lutte contre la malveillance. Les parties indiquent, par exemple, que 80 % des contrats de télésurveillance proposés par Securitas ne sont pas combinés avec des prestations de surveillance humaine et que, dans la plupart des cas, le client a recours à un autre prestataire de son choix qui le facture directement.

Ce constat est renforcé par le fait que si les activités de transport de fond et de traitement des valeurs recouvrent une dimension locale, les prestations de surveillance humaine et de télésurveillance revêtent une dimension nationale, compte tenu de l'absence de contrainte géographique particulière pour l'exercice de ces activités.

En conclusion, il ressort de l'instruction du dossier que l'opération notifiée n'est pas de nature à porter atteinte à la concurrence, notamment par création ou renforcement de position dominante. Je vous informe donc que j'autorise cette opération.

Je vous prie d'agréer, Maîtres, l'expression de ma considération distinguée.

Nota. - A la demande des parties notifiantes, des informations relatives au secret des affaires ont été occultées et la part de marché exacte remplacée par une fourchette plus générale. Ces informations relèvent du " secret des affaires ", en application de l'article 8 du décret n° 2002-689 du 30 avril 2002 fixant les conditions d'application du livre IV du Code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence.

Notes :

(1) Les filiales Est Valeurs, Franceval Centre Loire SA et Sogicem Centre Loire SA ne sont pas comprises dans le périmètre initial de l'offre de reprise.

(2) Ce chiffre correspond au chiffre d'affaires réalisé par l'ensemble des agences de Valiance reprises par Securitas dans le périmètre initial de reprise.

(3) Avis du Conseil de la concurrence n°99-A-03 du 26 janvier 1999, relatif à l'acquisition de la société Proteg par la société Securitas. Lettre du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie en date du 17 février 1999 au conseil de la société Securitas. Lettre du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie en date du 4 février 2000 au conseil de la société UBS BV. Lettre du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie en date du 2 avril 2003 au conseil de la société Prosegur.

(4) Décision de la Commission européenne COMP/M.3396, Group 4 Falck/Securicor du 28 mai 2004.

(5) Selon les données des parties, le prix moyen d'un abonnement mensuel à un service de télésurveillance s'élèverait de 12 à 30 euro dans le secteur résidentiel et de 45 à 90 euro dans le secteur professionnel.

(6) En Alsace et en Lorraine, cinq agences sont des caisses centrales : Strasbourg, Lutterbach (Mulhouse), Metz, Nancy et Golbey (Epinal). Une agence est un garage situé à Grossbliedertroff. En Ile-de-France, les agences sont situées à Ivry et à Courbevoie.

(7) Le périmètre initial de reprise concerne 58 agences en régions et 2 agences en Ile-de-France : Ajaccio, Albi, Alençon, Angers, Arcueil, Aurillac, Auxerre, Avignon, Barbazan, Bastia, Beauvais, Bergerac, Boulogne, Bourg en Bresse, Bourges, Brest, Caen, Cahors, Carcassonne, Chambery, Charleville, Charmill, Chateauroux, Clermont, Dax, Dijon, Draguignan, Embrun, Foix, Grenoble, La Roche Sur Yon, Lievin, Lille, Limoges, Lyon (3 agences), Macon, Marseille, Meaux, Melun, Mende, Montepellier, Nancy, Nantes, Nevers, Paris Ney, Nîmes, Niort, Orléans, Perpignan, Pessac, Reims, Rennes, Rivery, Roanne, Rodez, Rouen, Saintes, St Brieuc, St Etienne, Toulon, Toulouse, Ramonville, Tulle, Valence, Valenciennes, Vern sur Seiche, Vienne.

(8) ADT France est composée de Tyco et de Security France.

(9) Estimation des parties basée sur le chiffre d'affaires réalisé, en 2004, dans les secteurs de la sécurité anti-intrusion, de la sécurité anti-incendie, du contrôle d'accès et de la vidéosurveillance.