Ministre de l’Économie, 18 janvier 2006, n° ECOC0600113Y
MINISTRE DE L’ÉCONOMIE
Lettre
PARTIES
Demandeur :
MINISTRE DE L'ECONOMIE
Défendeur :
Conseils de la société TEREOS
MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE
Maîtres,
Par dépôt d'un dossier déclaré complet le 9 janvier 2006, vous avez notifié l'acquisition de la société Sucreries Distilleries des Hauts de France (ci-après " SDHF ") par le groupe TEREOS.
Cette prise de contrôle exclusif a été formalisée par deux accords de cession :
- Un contrat d'apport partiel d'actif de SDHF au groupe TEREOS en date du 25 novembre 2005 ;
- Un contrat d'apport en nature de la société SDHF à la société Union Sucre Ethanol (ci après " USE ") en date du 25 novembre 2005 ;
En outre, par lettre LRAR en date du 11 janvier 2006, SDHF a informé Ethanol Union de sa décision de sortir du capital de cette dernière au 30 septembre 2006 en cédant sa participation minoritaire de 10 % conformément aux statuts de Ethanol Union et notamment de son article 12.
I. - LES ENTREPRISES CONCERNEES ET L'OPERATION
TEREOS est un groupe coopératif agro-industriel dont le périmètre actuel a été formé en 2004 après l'acquisition par TEREOS du contrôle exclusif de TEREOS SA (précédemment dénommée Béghin Say) (1). TEREOS est actuellement composé de deux unions de coopératives : l'Union des planteurs de Betteraves à Sucre (ci-après " Union BS "), constituée des anciens planteurs de Béghin Say, qui ne détient pas le contrôle de TEREOS, et USE qui en a le contrôle exclusif.
TEREOS est principalement actif dans la production de sucre, de mélasse et d'alcool. La commercialisation de ses produits est assurée par ses filiales. TEREOS est par ailleurs marginalement présent dans le secteur du négoce agricole ainsi que dans la production et la commercialisation de barres céréalières et de céréales pour le petit déjeuner (2). En 2004, son chiffre d'affaires hors taxes s'est élevé à 1 710 millions d'euro, dont 950 millions en France.
SDHF est une coopérative agricole dont le périmètre actuel a été formé en 2003 après la reprise de certains actifs de Béghin Say (3). Elle est active dans la production de sucre, de mélasse et d'alcool. Son chiffre d'affaires hors taxes s'est élevé en 2004 à 292,8 millions d'euro dont 292,7 millions en France.
La commercialisation de la production de SDHF est assurée par des sociétés dans lesquelles SDHF possède des participations non contrôlantes : Sucre Union pour le sucre industriel et la mélasse, France Alcool pour l'alcool éthylique traditionnel, Ethanol Union, Ethanol Holding et Ethanol Nord pour le bioéthanol et Désialis pour les pulpes de betteraves déshydratées.
L'opération consiste en la prise de contrôle exclusif par le groupe TEREOS de SDHF.
- Elle se déroulera en quatre étapes successives : [...].
Ces différentes étapes visent à faciliter l'intégration de SDHF dans le nouvel ensemble sans que la structure juridique actuelle de TEREOS n'en soit pour autant modifiée.
L'opération notifiée constitue une concentration au sens de l'article L. 430-1 du Code de commerce. Eu égard aux chiffres d'affaires des entreprises concernées, elle ne revêt pas une dimension communautaire mais est soumise aux dispositions des articles L. 430-3 et suivants du Code de commerce relatifs à la concentration économique.
II. - MARCHES CONCERNES
TEREOS et SDHF sont concomitamment présents sur les marchés du sucre, des alcools, de la mélasse et de l'alimentation animale. Les marchés des édulcorants à base d'amidon, du négoce agricole, des fibres alimentaires et du sucre de bouche sur lesquels seul TEREOS est présent ne seront pas analysés au cas présent.
A. - Les marchés du sucre
1. Les marchés de produits
Selon la pratique des autorités de concurrence, l'activité de production et de commercialisation du sucre peut être segmentée entre, d'une part, le marché du sucre destiné à l'industrie et, d'autre part, le marché du sucre destiné à la vente au détail ou " sucre de bouche " (4). Selon qu'il soit destiné à l'industrie agroalimentaire ou à la grande distribution aux fins de revente aux particuliers, le sucre est en effet conditionné et distribué différemment. En conséquence, les sites de production et les prix de vente sont spécifiques en fonction de l'usage du sucre, ce qui justifie que deux marchés distincts soient définis. Le test de marché réalisé lors de l'instruction de l'opération notifiée a permis de confirmer cette approche.
Dans la mesure où SDHF n'est pas présente sur le marché du sucre de bouche (5), l'opération examinée ne modifie pas la structure de ce marché ; l'analyse ne portera donc au cas présent que sur le marché du sucre industriel.
Il convient par ailleurs d'indiquer que l'activité de production de sucre est intégrée depuis 1968 à la Politique Agricole Commune. A ce titre, elle fait l'objet d'une Organisation Commune de Marché du sucre (OCM) régie par le règlement (CE) n° 1260-2001 dont les dispositions sont applicables jusqu'au 30 juin 2006. L'OCM du sucre affecte des quotas de production à chaque pays en fonction du volume annuel nécessaire à la consommation des pays de l'Union européenne (quota A) et des réserves nécessaires en cas de pénurie (quota B). Ces quotas sont ensuite répartis par les autorités nationales entre les entreprises sucrières. La production des quotas A et B bénéficie de prix garantis et d'aides à l'exportation. La production " hors quota " (ou quota C) est destinée au marché mondial, sans mécanisme de soutien.
Ce système a été condamné par l'Organisation Mondiale du Commerce (OMC) et est actuellement en cours de réforme. Le nouveau régime d'OCM du sucre entrera en vigueur pour la campagne 2006-2007 et s'appliquera alors jusqu'en 2014-2015, ce qui correspond à neuf campagnes, sans révision de quotas ni de prix. La réforme prévoit notamment :
- Une baisse du prix minimum de la betterave à sucre de 38 % qui sera progressivement mise en place sur les quatre premières campagnes ;
- La fusion des quotas A et B en un quota unique de 3,3 millions de tonnes pour la France ;
- La suppression du prix d'intervention remplacé par un prix de référence qui lui sera inférieur de 36% ;
- Le sucre hors quota ou " C " ne pourra plus qu'être écoulé dans les pays de l'Union européenne et sera destiné à la fabrication de produits chimiques, pharmaceutiques et des levures ;
- Un régime facultatif de restructuration pour les États membres les moins compétitifs prévoit un régime d'aides pour les raffineries mettant fin à leur production afin d'accélérer la restructuration du secteur.
De manière globale, la réforme de l'OCM du sucre se traduira par une réorientation des flux d'exportations européennes à destination des pays tiers vers les marchés intra-européens, par la cessation progressive de production des pays européens les moins compétitifs ainsi que par l'ouverture du marché européen aux Pays les Moins Avancés (PMA).
2. Les marchés géographiques
La pratique des autorités de concurrence a, jusqu'à présent, conduit à considérer les deux marchés du sucre, industriel et de bouche, comme des marchés de dimension nationale (6). Cette analyse se fonde sur un certain nombre d'éléments :
- le système des quotas mis en place par l'OCM sucre tend à cloisonner les différents marchés nationaux ;
- compte tenu du caractère pondéreux du produit, les coûts de transport représentent une part non négligeable du coût global de l'industriel, ce qui a tendance à favoriser les achats de proximité entre les sucreries et les industries de transformation ;
- cependant, même si l'industrie sucrière est implantée essentiellement à proximité des zones de production de betteraves sucrières, concentrées dans les régions Nord et Est de la France, il reste que l'industrie agroalimentaire, utilisatrice de sucre industriel, est répartie sur l'ensemble du territoire national ;
Les parties jugent cependant que le marché du sucre s'est fortement européanisé au cours des dernières années et que le niveau actuel des flux d'échanges intra-communautaires justifierait de considérer ce marché comme européen.
Le test de marché réalisé au cours de l'instruction du dossier n'a toutefois pas permis de confirmer à ce stade et de façon suffisamment certaine cette dimension européenne, même si la réforme de l'OCM du sucre devrait avoir pour conséquence probable une intensification des échanges dans ce secteur, tant au niveau intra-communautaire qu'au niveau international.
Par conséquent, dans le cadre de la présente décision, le marché du sucre industriel sera considéré comme national, l'analyse étant menée sur le marché français.
B. - Les marchés des alcools
1. Les marchés de produits
Les parties indiquent que l'alcool de synthèse est parfaitement substituable à l'alcool agricole et qu'il n'y a pas lieu de segmenter le marché à ce niveau. En matière de production et de commercialisation d'alcool, la pratique des autorités de concurrence considère cependant qu'il faut distinguer l'alcool produit à partir d'éthylène (dit " alcool de synthèse ") de l'alcool produit à partir de matières premières agricoles (dit " alcool agricole ") (7).
Par ailleurs au sein des alcools agricoles, le ministre a distingué dans ses décisions précédentes (8), d'une part, le marché des alcools destinés à la production de biocarburants (" bioéthanol ") et, d'autre part, le marché des alcools destinés à d'autres applications. En effet, le mode de production de l'alcool destiné au bioéthanol est spécifique car il nécessite d'être déshydraté alors que celui destiné aux autres applications est épuré.
Sur le marché du bioéthanol, la question se pose aujourd'hui de savoir si une segmentation entre le bioéthanol destiné à être incorporé directement dans les essences et le bioéthanol destiné à être transformé sous forme d'ETBE (éthyl tertio butyl éther) (9) doit être opérée.
Un certain nombre d'éléments peuvent conduire à penser que ces deux produits constituent des marchés de produits distincts.
En France, historiquement, le bioéthanol s'est principalement développé sous la forme d'ETBE. Cependant, la possibilité offerte par la loi de finances de 2003 de faire également bénéficier d'exonérations fiscales le bioéthanol directement incorporé dans l'essence, a permis l'émergence récente de ce type d'utilisation.
Par ailleurs, le test de marché réalisé lors de l'instruction du dossier a notamment permis de constater que certains critères, tant techniques que juridiques, peuvent plaider en faveur d'une différenciation entre l'ETBE et le bioéthanol destiné à l'incorporation directe.
En premier lieu, la production de bioéthanol est réalisée par des unités de distillation et de fermentation de matières premières d'origine agricole, alors que la production d'ETBE est effectuée dans des unités de production spécialisées des raffineries de pétrole qui, en fait, sont utilisatrices de bioéthanol.
En second lieu, il existe actuellement deux types d'agréments pour le bioéthanol (10) :
- un agrément distribué aux unités productrices d'ETBE à partir d'éthanol acheté en Europe ou importé ;
- un agrément distribué aux unités de fabrication d'éthanol. Cet éthanol est destiné soit à la fabrication d'ETBE hors agrément des unités d'ETBE, soit à l'incorporation directe dans les essences, auquel cas il peut être vendu aux entreprises pétrolières, aux centrales de distribution de carburant (Dyneff) ou aux centrales d'achat des grandes surfaces (Siplec, Carfuel).
Bien que les caractéristiques techniques de l'ETBE et du bioéthanol destiné à l'incorporation directe exigent la mise en œuvre de processus industriels différents, et aboutissent à la fabrication de carburants aux propriétés physico-chimiques différentes, il reste que l'éthanol constitue pour ces industries différentes une commodité (bien que de qualité homogène), et que les carburants produits par ces différents circuits sont destinés au même usage. Dans la mesure où les deux produits sont élaborés à partir de la même matière première, les producteurs d'éthanol, qu'ils soient français ou étrangers, peuvent indifféremment fournir l'un ou/et l'autre des marchés et réaliser des arbitrages entre les deux au besoin. Il semble donc que la substituabilité du côté de l'offre entre ces deux produits soit assez forte.
En outre, il convient également de remarquer que l'incorporation directe du bioéthanol n'ayant été que récemment rendue possible en France, les éléments chiffrés actuellement disponibles ne permettent pas d'apporter une réponse définitive à la question d'une éventuelle segmentation du marché du bioéthanol entre l'ETBE et le bioéthanol issu de l'incorporation directe. Cette dernière voie ne représente aujourd'hui en effet qu'environ 3 % de la demande d'éthanol et les opérations d'incorporation directe qui ont été réalisées le sont encore à titre expérimental.
En conséquence, il ressort de l'instruction du dossier qu'en l'état actuel du développement - embryonnaire - du segment de l'incorporation directe du bioéthanol, la question de la segmentation des marchés peut rester ouverte, car les conclusions de l'analyse concurrentielle menée au cas d'espèce demeureraient inchangées quelle que soit la définition de marché retenue.
2. Les marchés géographiques
En ce qui concerne le marché des alcools traditionnels, le ministre de l'Economie a, dans sa décision antérieure (11), considéré ce marché comme de dimension européenne. Les parties rejoignent cette conclusion. Contrairement aux marchés du sucre, le marché des alcools n'est en effet pas régi par un système de quotas, les prix de vente apparaissent homogènes dans les différents États membres et les flux d'échanges intracommunautaires sont importants.
Dès lors, il y a lieu de considérer le marché des alcools traditionnels comme un marché de dimension européenne.
En ce qui concerne le bioéthanol, les parties estiment que ce marché peut être considéré comme de dimension communautaire. Il ressort toutefois de l'instruction du dossier que le fonctionnement du marché du bioéthanol reste, à ce stade, essentiellement national.
En effet, bien qu'il n'y ait pas d'entraves à la libre-circulation du produit entre les États membres, le système français conduit à favoriser les installations qui bénéficient d'agréments ouvrant droit à des exonérations fiscales par rapport à celles qui n'en bénéficient pas. Par ailleurs, même s'il existe une directive européenne (2003-30-CE) relative à la promotion des biocarburants, les mécanismes d'incitations fiscales, restent très différents d'un État membre à l'autre avec, par exemple, 64 % d'exonération de taxe intérieure de consommation sur les produits pétroliers (12) (TIPP) en France contre 100 % en Allemagne, en Espagne ou en Suède. Les dispositifs de subventions pour la création d'unités de production sont aussi différents. Pour toutes ces raisons, les prix du bioéthanol au sein de l'Union européenne ne sont pas homogènes et l'on ne peut pas considérer qu'il existe à l'heure actuelle un marché européen du bioéthanol.
Au cas d'espèce et compte tenu de l'état actuel de développement du secteur, le marché du bioéthanol sera examiné dans un cadre national.
C. - Le marché de la mélasse
1. Les marchés de produits
La mélasse est produite à partir du sucre de canne ou de betterave et a trois applications essentielles : la distillation (afin de produire de l'alcool), la fermentation (en vue de la production de levures) et l'alimentation animale.
Dans sa décision antérieure (13), le ministre a retenu l'existence d'un marché unique de la mélasse, tout en laissant ouverte la question de sa définition précise. Au cas d'espèce, il n'apparaît pas nécessaire de s'interroger sur la possibilité de segmenter ce marché en fonction des différentes destinations de la mélasse dans la mesure où, quelle que soit la définition retenue, les conclusions de l'analyse concurrentielle demeureraient inchangées.
2. Les marchés géographiques
Compte tenu de l'absence de quotas de production et des flux d'échanges internationaux importants qui caractérisent ce produit, les précédentes décisions des autorités de concurrence ont établi que le marché de la mélasse pouvait être considéré comme un marché européen ou international, sans que la délimitation précise de ce marché ait été tranchée.
Au cas d'espèce, la question de la définition géographique de ce marché peut être laissée ouverte dans la mesure où, quelle que soit la définition retenue, les conclusions de l'analyse concurrentielle resteraient inchangées.
D. - Le marché des produits à destination de l'alimentation animale
1. Les marchés de produits
Ce marché pourrait être segmenté en fonction du type de produits destiné à l'alimentation animale. En particulier, quatre segmentations de marché sont possibles entre les farines animales, les farines oléagineuses, les produits à base de céréales et les pulpes déshydratées. Les parties produisent uniquement des pulpes déshydratées.
La pratique des autorités de concurrence (14) a cependant laissé ouverte la définition d'un marché des produits destinés à l'alimentation animale dans la mesure où ils paraissent substituables les uns aux autres.
En l'occurrence, la définition précise du marché concerné peut rester ouverte puisque, quelle que soit la définition retenue, les conclusions de l'analyse concurrentielle demeureront inchangées.
2. Les marchés géographiques
Le marché des produits destinés à l'alimentation animale a été considéré dans la pratique décisionnelle du ministre comme un marché de dimension au moins nationale, mais aucune définition géographique précise n'a été retenue.
Au cas d'espèce, la question de la définition géographique de ce marché peut être laissée ouverte dans la mesure où, quelle que soit la définition retenue, les conclusions de l'analyse concurrentielle resteront inchangées.
III. - ANALYSE CONCURRENTIELLE
Les marchés pertinents examinés dans le cadre de la présente analyse concurrentielle sont le marché français du sucre industriel, le marché européen des alcools traditionnels, le marché français du bioéthanol, le marché de la mélasse et le marché des produits destinés à l'alimentation animale.
A. - Le marché du sucre industriel
La production globale de sucre en France s'élève à 4,4 millions de tonnes par an (15) et la consommation française est estimée en moyenne à 2,2 millions de tonnes par an. Les parts de marché des parties et de leurs principaux concurrents sur le marché du sucre industriel français sont les suivantes :
<emplacement tableau>
- Examen du risque de création de position dominante simple
A l'issue de l'opération, la part de marché cumulée des parties sera de [20-30] % contre [10-20] % pour Saint-Louis Sucre, [10-20] % pour SVI et [10-20] % pour Sucre Union. L'opération notifiée confortera de ce fait TEREOS dans sa position de premier acteur du marché, mais le groupe aura plusieurs concurrents importants, dont les parts de marché ne sont pas significativement éloignées de celles de TEREOS.
Dans ces conditions, le niveau des parts de marché des autres acteurs, et en particulier de Saint-Louis Sucre, qui dispose d'une assise commerciale et financière importante depuis son rachat par Südzucker, paraît de nature à limiter considérablement le pouvoir de marché de TEREOS.
Il s'ensuit que le risque de création d'une position dominante consécutive à la présente opération doit être écarté.
- Examen du risque de création de position dominante collective
En 1997, suite à la saisine du ministre, relative à l'acquisition de la compagnie française de sucrerie par la société Eridiana Béghin Say, le Conseil de la concurrence avait souligné dans son avis (16) que le marché du sucre se caractérisait par la " structure oligopolistique de l'offre [...] qui limit[ait] potentiellement l'exercice de la concurrence ".
A l'époque, le Conseil notait également que " la réglementation européenne limit[ait] l'intensité de la concurrence [...] tant par le système des quotas de production, qui restrei[gnait] les possibilité d'expansion de chacun des offreurs, que par le mécanisme du prix d'intervention. " Le Conseil de la concurrence relevait également " la faiblesse des importations ".
L'opération notifiée, en entraînant la disparition d'un acteur indépendant, accroît le taux de concentration d'une structure par ailleurs déjà oligopolistique. Après la concentration, [70-80] % du marché serait détenu par les quatre premiers acteurs. Il peut donc être utile d'examiner dans quelle mesure cette opération ne serait pas de nature à créer une position dominante collective sur le marché du sucre industriel.
En conséquence, eu égard à l'arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes dans l'affaire Airtours/ First Choice, trois points nécessitent d'être examinés afin d'évaluer la portée réelle du risque de position dominante collective entre les quatre principaux opérateurs du marché du sucre industriel : la connaissance par chaque membre de l'oligopole du comportement des autres membres par un degré de transparence du marché suffisant (i) - transparence que l'on examinera à partir de deux éléments, la nature homogène du produit commercialisé d'une part (a), et la transparence des tarifs pratiqués d'autre part (b) - une pérennisation de la coordination grâce à des incitations crédibles à ne pas s'écarter de la ligne de conduite commune (ii) et enfin l'absence de remise en cause efficace de la coordination par des concurrents actuels ou potentiels, ou par les consommateurs (iii). Ces trois conditions sont cumulatives et doivent être réunies pour qu'une position dominante collective puisse être démontrée.
i) La transparence du marché du sucre industriel
Un parallélisme des comportements entre les quatre premières firmes du marché n'est envisageable que dans la mesure où elles disposeraient d'une bonne visibilité sur les stratégies de chacune d'entre elles. Plus le fonctionnement du marché est transparent, plus les acteurs sont en mesure d'y adopter une ligne d'action commune sans se concerter.
Bien que le sucre industriel soit considéré par les industries consommatrices comme une commodité, et qu'il existe des références tarifaires publiques, il semble que le fonctionnement réel du marché se caractérise par une certaine opacité des relations contractuelles entre offreurs et demandeurs, notamment quant à la qualité et au prix des produits échangés.
a. Le caractère non homogène du sucre industriel
Pour la plupart des industries agroalimentaires, notamment les PMI, le sucre est un produit fongible, qui entre comme une commodité dans leurs processus industriels de fabrication.
Cependant, le test de marché mené dans le cadre de la présente opération a permis de relever que certains clients multinationaux tendaient à spécifier dans les cahiers des charges qu'ils transmettent aux offreurs, des exigences très précises en termes de qualité du sucre (granulométrie, filtrabilité, spécialité sucrière, etc.). Ces spécifications différencient les sucres en des gammes distinctes, faisant l'objet de contrats qui s'éloignent de plus en plus d'un contrat d'approvisionnement standard pour la livraison de produits de qualité homogène.
Pour les industries agroalimentaires multinationales, qui représentent près de la moitié de la demande de sucre industriel en France, il convient donc de relativiser le caractère homogène du sucre acheté sur le marché, dans la mesure où leurs exigences spécifiques en termes de qualité des produits, permettent une différenciation objective entre différentes catégories de sucre.
La non-homogénéité du sucre industriel pour ces clients est de nature à rendre plus difficile une collusion tacite sur ce marché, dans la mesure où l'éventuelle déviation d'un opérateur de la ligne d'action commune est plus complexe à détecter pour ses concurrents. Une variation inopinée du prix sur le marché peut s'expliquer par différents facteurs, qu'il s'agisse d'une différence de qualité du produit ou du changement de la stratégie adoptée par un des acteurs du marché.
b. L'absence de transparence des prix
A l'échelle mondiale, le cours du sucre, comme celui d'autres matières premières, est déterminé par un prix de marché, à la bourse du café, du sucre et du cacao, qui relève du New York Board of Trade (17). Les cours y sont très fluctuants, et les opérations financières touchant le sucre brut peuvent faire l'objet d'une garantie, ce qui élimine les risques associés à la fluctuation du cours du sucre brut.
Jusqu'à aujourd'hui, l'Union européenne disposait d'un système public de couverture des risques pour les producteurs européens. Le prix se fixait librement sur le marché, par confrontation de l'offre et de la demande, mais il existait un prix d'intervention, qui garantissait aux producteurs un prix minimum d'achat. Généralement, le prix de marché était supérieur au prix d'intervention, lui-même largement supérieur au cours mondial.
Depuis l'adoption de la réforme, le prix d'intervention a été supprimé, et remplacé par un prix de référence, de l'ordre de 400 euro la tonne, encore supérieur au prix mondial du sucre (actuellement d'environ 250 à 300 euro la tonne). A l'avenir, le prix de référence servira de base pour le déclenchement d'un mécanisme de stockage privé, censé aider à la stabilité des prix.
Cependant, les transactions commerciales de sucre industriel ne se font pas sur un marché de commodités à un cours mondial, mais de gré à gré, à un prix déterminé entre les seules parties contractantes. Ce prix est naturellement susceptible de tenir compte du prix d'intervention (autrefois), de référence (aujourd'hui), ou du cours mondial, qui reste public. En revanche, le montant exact des transactions demeure une information contractuelle confidentielle.
Il en va exactement de même pour les transactions réalisées par les compagnies agroalimentaires multinationales, qui procèdent par appels d'offres. Le prix proposé par un offreur est d'ailleurs d'autant moins transparent pour ses concurrents que les spécificités qualitatives requises dans le cahier des charges s'éloignent de celles d'un produit standard, et exigent plus de technicité.
Aussi convient-il de reconnaître que le peu de transparence des tarifs pratiqués par l'ensemble des opérateurs du marché n'est pas de nature à faciliter une collusion tacite sur le marché du sucre industriel. Le premier critère exigé par la CJCE n'est donc pas rempli.
ii) L'incitation à ne pas dévier de la ligne de conduite commune
A supposer que chaque acteur du marché soit en mesure de connaître avec un degré de précision suffisant le comportement des autres membres de l'oligopole - ce qui est peu vraisemblable au vu du caractère non homogène de la qualité du produit et peu transparent des prix pratiqués - il reste que la stabilité d'un éventuel équilibre de collusion tacite doit reposer sur un mécanisme de rétorsion crédible.
Actuellement, la France est exportatrice nette de sucre. Alors qu'elle a importé en 2005 environ 330 000 tonnes de sucre en l'état, en provenance soit d'autres États membres (pour 200 000 tonnes), soit de pays tiers PMA (pour 130 000 tonnes), elle a exporté globalement 2,2 millions de tonnes, dont 1,5 million de tonnes en dehors de l'Union européenne.
Avec la réforme de l'OCM, si les exportations vers certains pays européens devaient croître, en raison de l'arrêt de la production de ces derniers, les subventions devraient progressivement disparaître, et mettre un frein aux exportations extra communautaires. Dans ce contexte, les sucriers français devraient se trouver dans une situation excédentaire dans les prochaines années. Une partie de ces excédents est susceptible d'être absorbée par les besoins nouvellement créés par l'industrie du bioéthanol, dont il est fait mention par la suite. Du reste, malgré l'apparition de ce débouché et la croissance potentiellement rapide de ce marché, il reste que la production française devrait se trouver excédentaire à compter de l'année prochaine.
L'existence de capacités de production excédentaires peut permettre de soutenir une collusion tacite. En effet, leur éventuelle mise sur le marché dans des délais rapides aurait une incidence sur les prix, et donc sur les profits des offreurs. Il peut donc être avancé qu'un mécanisme de rétorsion, lié à ces capacités de production excédentaires, pourrait être mis en œuvre sur le marché du sucre industriel.
Le second critère de l'arrêt Airtours/First Choice pourrait donc être rempli au cas d'espèce.
iii) L'absence de remise en cause du parallélisme de comportement des firmes de l'oligopole par des concurrents actuels, potentiels ou les consommateurs
Le marché en cause se caractérise par une série de facteurs qui conduisent à penser qu'un éventuel parallélisme de comportement des membres de l'oligopole serait remis en cause facilement. Il s'agit de l'existence d'une concurrence actuelle effective, d'une concurrence potentielle probable à la suite de la réforme de l'OCM du sucre, enfin d'un contre-pouvoir de la demande non négligeable.
a. La concurrence actuelle
En premier lieu, selon les parties, les ventes de sucre industriel de TEREOS font apparaître une baisse légère mais constante des prix depuis 2000. Le prix moyen du sucre vendu par TEREOS est passé de [...] euro par tonne de sucre industriel en 2000-2001 à [...] euro par tonne en 2004-2005.
En second lieu, selon les parties, le marché du sucre industriel dont la consommation globale en France est restée stable ces dernières années, se caractérise par une instabilité des parts de marché témoignant d'une concurrence entre opérateurs Ainsi, la part de marché de TEREOS est passée d'environ [20-30] % en 2003 à [10-20] % en 2005.
Il résulte de ces éléments que la concurrence semble aujourd'hui effective sur le marché du sucre industriel.
b. La concurrence potentielle
La réforme de l'OCM du sucre, évoquée précédemment, devrait entraîner une restructuration de l'industrie sucrière européenne. En effet, celle-ci se traduira par la disparition des producteurs de sucre les moins compétitifs de l'Union européenne, des aides spécifiques étant par ailleurs prévues pour permettre la fermeture progressive de ces unités de production. La réforme devrait dès lors bénéficier aux principaux pays producteurs (18) et déplacer la pression concurrentielle entre les différents opérateurs au niveau européen et au niveau mondial. Dans cette perspective, elle entraînera un mouvement de concentration des opérateurs du marché du sucre dont seuls les plus compétitifs seront à même de résister à la baisse des prix engendrée par la réforme.
A cet égard, l'opération notifiée s'inscrit donc dans le cadre d'une intensification de la concurrence intra-communautaire, avec la formation d'un marché européen du sucre, qui se traduira par l'augmentation des flux entre États membres (du fait de la cessation de production de certains pays). Parallèlement à cette évolution européenne, les importations de sucre dans le marché intérieur devraient augmenter, notamment celles en provenance des Pays les Moins Avancés (PMA), qui bénéficieront de droits de douane préférentiels sur la période 2006-2008 et auront librement accès au marché à partir de 2009, sous réserve de l'existence d'une clause de sauvegarde.
Cette internationalisation du marché devrait permettre aux clients de faire appel plus facilement à des fournisseurs étrangers pour faire jouer la concurrence. A cet égard, il importe de noter l'existence de négociants (19) qui pourraient à l'avenir apparaître comme des concurrents crédibles des opérateurs français, et dont l'importance devrait s'accentuer dans les années à venir.
Ils auront en effet, à partir des campagnes 2006-2007, la possibilité d'importer directement du sucre dans l'Union européenne en provenance des PMA. La montée en puissance de ces négociants est d'une part conditionnée par l'existence d'un déficit de production par rapport à la consommation en Europe (ce qui n'est actuellement pas le cas), et devrait d'autre part être progressive, dans la mesure où elle implique une restructuration de l'activité actuelle des négociants, qui consiste à l'heure actuelle encore essentiellement à exporter du sucre. Il reste qu'une mutation du métier d'exportateur à celui d'importateur est techniquement envisageable, même si elle pose le problème de la création de zones de stockage de sucre dans les ports, qui nécessite des investissements importants, pour l'heure non encore réalisés.
Dans ces conditions, la possibilité donnée à certains offreurs européens de commercialiser du sucre produit dans les PMA devrait contribuer à limiter le pouvoir de marché des opérateurs actuellement présent sur le marché du sucre industriel.
c. Le contre-pouvoir de marché des clients
Comme il l'a été montré précédemment, les industries consommatrices bénéficient déjà actuellement sur le marché national du sucre industriel d'une offre concurrentielle. Cette concurrence devrait d'ailleurs s'accroître au fur et à mesure de l'entrée de nouveaux opérateurs, tant européens qu'originaires des PMA.
Le recours à l'offre de concurrents plutôt qu'à celle de la nouvelle unité ne semble pas de nature à poser de problème pour une grande majorité des clients industriels. En effet, dans la mesure où les industries sucrières sont concentrées dans une zone géographique restreinte, limitée aux départements du Nord et de l'Est de la France, il importe peu pour un client industriel situé par exemple dans l'Ouest ou le Sud de la France d'arbitrer, pour son approvisionnement en sucre, entre deux sites de production, distants, au plus, d'une centaine de kilomètres.
Cependant, il en va autrement pour les industriels implantés dans les régions productrices, pour lesquels le coût de changement de fournisseur tiendra nécessairement compte de la différence de coût de transport, proportionnellement plus importante.
En conséquence, il convient d'analyser plus spécifiquement cette problématique des clients industriels implantés dans les régions du quart Nord-Est de la France.
- Contre-pouvoir de marché local dans le Nord et l'Est de la France
La plupart des unités de transformation de TEREOS et de SDHF sont regroupées sur les régions Nord-Pas de Calais, Picardie et Champagne-Ardenne. Dans la mesure où les frais de transport croissent sensiblement avec le nombre de kilomètres parcourus (20), les clients industriels implantés dans les régions productrices de sucre sont les plus sensibles au prix du transport. Par conséquent, ces industriels sont potentiellement captifs des entreprises situées dans un périmètre géographique proche de leur lieu d'implantation.
Cependant, si le rachat de SDHF par TEREOS pourrait avoir un effet de concentration locale de l'offre dans ces régions, il reste que les entreprises locales bénéficient d'alternatives concurrentielles qui invalident l'hypothèse d'une création de position dominante collective au niveau local.
Trois éléments permettent d'écarter ce risque :
- Tout d'abord, dans la zone géographique considérée, un certain nombre d'opérateurs indépendants subsistent et sont en mesure d'animer la concurrence ;
- En outre, dans l'hypothèse où les offres qui seraient faites par les sucriers français à leurs clients industriels s'avèreraient insatisfaisantes, ces derniers auraient la possibilité de s'approvisionner auprès d'opérateurs frontaliers, même si ce n'est pas actuellement le cas. Des entreprises sucrières allemandes ou belges, dont la localisation géographique peut être dans certains cas plus proche que celle des opérateurs sucriers français, pourraient en effet se substituer à eux. Pour ce qui concerne les régions Nord-Pas de Calais-Picardie évoquées plus haut, les sites de production de Belgique, et notamment ceux de l'entreprise Groupe Sucrier, sont en mesure de constituer une alternative. Cette hypothèse nécessite toutefois que les capacités de production de ces entreprises soient compatibles avec la demande adressée par les clients français, notamment du fait des quotas de production.
- Enfin, il faut souligner que la réforme de l'OCM du sucre devrait offrir de nouvelles sources d'approvisionnement. En effet, comme indiqué plus haut, l'internationalisation du marché devrait permettre aux industriels agroalimentaires de faire appel plus facilement à des fournisseurs étrangers ou à des négociants indépendants pour faire jouer la concurrence.
L'éventuel équilibre collusif de l'oligopole ne pourrait en effet perdurer face à la concurrence d'opérateurs étrangers, qui pourraient facilement proposer des prix inférieurs.
- Contre-pouvoir spécifique des industries agroalimentaires multinationales
Sur le marché du sucre industriel, il convient de distinguer deux types de demandeurs, dont les comportements d'achat sont différents, et pour lesquels les conséquences concurrentielles de la fusion pourraient être également différentes :
- les multinationales de l'agroalimentaire, implantées dans plusieurs États membres ;
- les petites et moyennes industries (PMI), qui représentent environ 50 % de la demande de sucre industriel en France, et dont l'approvisionnement ne dépasse pas les frontières nationales.
Le pouvoir de négociation des multinationales paraît suffisamment important pour qu'il puisse être considéré comme un contre-pouvoir significatif. De plus, celles-ci développent depuis quelques années des pratiques d'achat au niveau communautaire par le biais d'appels d'offres européens. Leur approvisionnement est, de ce fait, assuré par une ou deux entreprises sucrières qui livrent les différents sites européens.
Il convient donc de prendre en compte le pouvoir de négociation des multinationales de l'industrie agroalimentaire dans leurs relations avec les sucriers pour écarter tout risque de position dominante oligopolistique.
Enfin, si les PMI ne bénéficient pas d'un même pouvoir de négociation face aux sucriers, [...]. Le groupe semble adopter une politique tarifaire non différenciée à ses clients français, qu'il s'agisse de PMI ou de multinationales. En cas de concentration de l'offre sur certains départements, il reste que l'on ne peut toutefois exclure que la nouvelle entité pourrait adopter une politique différente. Cependant, les alternatives concurrentielles évoquées plus haut rendent peu crédible ce scénario.
L'ensemble des éléments qui viennent d'être développés montrent qu'une série de facteurs d'ordre structurel sont de nature à remettre en cause un éventuel équilibre collusif de l'oligopole. Par conséquent, le troisième critère de l'arrêt Airtours/First Choice n'est pas rempli.
En résumé, il apparaît que les caractéristiques structurelles du marché ne sont pas de nature à permettre une collusion tacite entre les quatre premiers opérateurs du marché du sucre industriel en France. Comme indiqué précédemment, le marché se caractérise par une relative opacité tarifaire, et pour une part substantielle de la clientèle, par la non-homogénéité des produits livrés. De plus, outre l'existence d'une concurrence actuelle, il apparaît que dans un contexte d'ouverture du marché communautaire aux importations internationales, l'arrivée de nouveaux entrants complexifie encore le fonctionnement du marché. Une position dominante collective des producteurs de sucre industriel, consécutive à l'opération, peut donc être écartée.
B. - Les marchés de l'alcool
1. Le marché de l'alcool traditionnel
Dans l'hypothèse d'un marché des alcools traditionnels incluant à la fois l'alcool de synthèse et l'alcool éthylique d'origine agricole, les parts de marché des parties et de leurs principaux concurrents sont les suivantes :
<emplacement tableau>
Dans l'hypothèse de deux marchés des alcools traditionnels distincts pour l'alcool de synthèse et l'alcool éthylique d'origine agricole, les parts de marché des parties et de leurs principaux concurrents sont les suivantes :
sur un marché de l'alcool de synthèse :
<emplacement tableau>
sur un marché de l'alcool d'origine agricole :
<emplacement tableau>
Sur le marché global des alcools traditionnels, la part de marché cumulée des parties serait ainsi de [10- 20] %. La nouvelle entité sera confrontée à la concurrence de plusieurs acteurs dont l'entreprise BP, qui détient [10-20] % de part de marché, l'entreprise France Alcools, [0-10] % des parts de marché et l'entreprise Sasol, [0-10] % de part de marché.
Le secteur se caractérise ainsi par la présence de nombreux opérateurs dont les parts de marché sont relativement modestes.
Dans l'hypothèse d'une segmentation plus fine, la part de marché de la nouvelle entité serait plus élevée sur un marché de l'alcool de synthèse, mais s'avèrerait nettement inférieure à celle de BP qui détient [40-50] % du marché. En outre, SDHF n'étant pas présente sur ce segment, l'opération n'entraîne aucune modification de sa structure concurrentielle.
En conséquence, compte tenu de ces éléments, il apparaît que l'opération notifiée n'est pas de nature à porter atteinte à la concurrence du marché européen des alcools traditionnels quelle que soit la segmentation retenue.
2. Le marché du bioéthanol
Le marché du bioéthanol, qui fonctionne selon des règles particulières, est appelé à se développer fortement dans les années à venir.
a- Le fonctionnement du marché
La spécificité de la filière provient du fait que les coûts de production de l'éthanol et de l'ETBE sont supérieurs à leur valorisation sur le marché. En conséquence, depuis 1992, les producteurs peuvent bénéficier d'une exonération partielle de TIPP permettant de compenser la différence entre le coût de production et le prix du biocarburant sur le marché des carburants et d'assurer ainsi l'équilibre économique de la filière.
Cette défiscalisation est accordée par les pouvoirs publics par le biais d'agréments octroyés au moyen d'appels d'offres communautaires pour des volumes déterminés et fixés en fonction de l'évolution des conditions économiques. Au sein de l'Union européenne, le système français est le seul à n'accorder d'avantages fiscaux qu'à un nombre limité d'installations et contribuent ainsi à favoriser les opérateurs qui en bénéficient par rapport à leurs concurrents français ou européens.
Le fonctionnement de ce système d'agréments donnant droit à des exonérations fiscales a connu des évolutions successives. A la suite de contentieux communautaires en matière d'aides d'État, aucun agrément n'a été attribué entre 2000 et 2004. En 2004, suite à l'introduction dans la loi de Finances rectificative pour 2003, de nouveaux agréments ont été attribués aux producteurs d'ETBE et, pour la première fois, aux producteurs d'éthanol destiné à l'incorporation directe dans les essences.
A l'heure actuelle, les producteurs de bioéthanol en France sont TEREOS et ses filiales, Cristal Union, Saint Louis Sucre, SDHF, SVI, Sucreries de Bourdon, Tate & Lyle et Sica Vallée du Loing.
La commercialisation du bioéthanol fait l'objet de deux circuits. D'une part, TEREOS qui produit et commercialise son propre éthanol. D'autre part, les entités Ethanol Union, Ethanol Nord et Ethanol Holding, qui sont trois sociétés indépendantes les unes des autres, et dont la fonction est de commercialiser le bioéthanol (21) des producteurs de la filière (hors TEREOS). A compter du 1er octobre 2006, la commercialisation de l'éthanol produit actuellement par SDHF ne sera plus assurée par Ethanol Union, conformément à la décision de SDHF de sortir du capital d'Ethanol Union. TEREOS reprendra ainsi la commercialisation des volumes actuellement produits par SDHF.
Depuis 2005, la société espagnole Abengoa, qui a obtenu [10-20] % des agréments en 2005, commercialise également de l'éthanol sur le marché français.
b- Le développement du marché
Conformément aux objectifs fixés par la directive communautaire 2003/30/CE établissant que le taux d'incorporation des biocarburants dans l'essence ou le gazole devra atteindre 5,75 % en 2010, les autorités françaises ont prévu le lancement d'appels d'offres chaque année entre 2005 et 2010. Elles ont également fixé des objectifs de développement du biocarburant supérieurs à ceux préconisés par la directive pour les années à venir : 5,75 % en 2008 et 7,0 % en 2010 et de 15,0 % en 2015.
En conséquence, le volume des appels d'offres pour les agréments donnant lieu à des exonérations de TIPP va considérablement augmenter dans les cinq ans à venir puisque le seul objectif d'incorporation à un taux de 5,75 % nécessite que la production actuelle soit multipliée par quatre.
Par ailleurs, le fait que l'éthanol directement incorporé à l'essence bénéficie également de l'exonération de TIPP depuis 2004 devrait considérablement modifier la structure de la demande. Celle-ci était jusqu'alors constituée des producteurs d'ETBE, soit TOTAL (22) et, depuis 2004, Lyondell Chimie SNC. Le développement de l'incorporation directe permet aux distributeurs de carburants de devenir des acheteurs de bioéthanol. Les distributeurs Leclerc, Auchan, Intermarché, Cora-Casino et Dyneff ont ainsi commencé à utiliser du bioéthanol en incorporation directe. Ce mouvement devrait s'accentuer dans les prochaines années, du fait de l'augmentation des volumes d'agréments et des objectifs de d'incorporation de bioéthanol aux carburants fixés par les pouvoirs publics.
c- La structure concurrentielle du marché
Ces évolutions devraient permettre un véritable développement du marché du bioéthanol.
Avant l'attribution des nouveaux agréments 2005-2007, TEREOS représentait [40-50] % du marché et SDHF [0-10] %. La part de marché cumulée des parties s'élevait ainsi à [50-60] %. Comme il a été mentionné, les autres acteurs du marché sont les sociétés de commercialisation de bioéthanol, à savoir Ethanol Union, Ethanol Nord et Ethanol Holding. Jusqu'à présent, leurs parts de marché étaient de [10-20] % pour Ethanol Union, de [10-20] % pour Ethanol Holding et de [0-10] % pour Ethanol Nord.
L'opération notifiée aura pour effet de conforter TEREOS dans sa position de premier opérateur du marché. La présence de trois concurrents permet toutefois d'éliminer un éventuel risque de position dominante de la part de la nouvelle entité. La structure du marché étant cependant très liée à l'obtention des agréments ouvrant droit aux exonérations fiscales, l'analyse des parts de marché implique une prise en compte de la manière dont ceux-ci seront attribués dans les cinq ans à venir. Il faut également préciser que l'attribution de ces agréments est fonction de critères qui sont principalement d'ordre technique, économique et environnemental.
Après la répartition des seuls agréments 2005, déjà entièrement attribués, une première estimation de la structure concurrentielle du marché pourrait être la suivante :
<emplacement tableau>
Ces chiffres ne représentent toutefois qu'une estimation incomplète. En effet, les données concernant les agréments 2006 et 2007 (24), ne sont pas encore disponibles car ces agréments n'ont été que partiellement attribués. Les estimations issues des résultats du test de marché auprès des concurrents placent TEREOS à un niveau supérieur à 50 %. Ces données témoignent à tout le moins d'une très grande instabilité des positions de marché des entreprises largement soumises à l'octroi des agréments.
Ainsi qu'il a été vu, la croissance attendue du marché du bioéthanol devrait se traduire par la construction de nouvelles unités de production pour répondre à l'augmentation des taux d'incorporation. Ces évolutions vont entraîner des modifications dans la structure concurrentielle du marché qui sont aujourd'hui difficiles à évaluer.
En premier lieu, il convient de remarquer que le marché se caractérisait jusqu'alors par de fortes barrières à l'entrée liées à l'importance des investissements nécessaires à la production, aux quantités limitées d'agréments ouvrant droit aux exonérations fiscales, et permettant la rentabilité de la production, ainsi qu'à la faiblesse des débouchés.
L'augmentation du volume des agréments pourrait permettre l'entrée de nouveaux acteurs sur le marché, en particulier si ces agréments sont en partie attribués à des opérateurs étrangers comme cela a été le cas pour Abengoa en 2005, le nombre d'entreprises sucrières françaises étant limité.
Par ailleurs, les objectifs d'incorporation vont dépasser les capacités de production françaises (25), au moins jusqu'à ce que les nouvelles unités de production soient opérationnelles, ce qui devrait contribuer au développement des importations d'éthanol puisque les producteurs d'ETBE et les distributeurs incorporant directement l'éthanol peuvent s'approvisionner auprès de producteurs de l'Union européenne ou de producteurs étrangers. Ainsi, le test de marché réalisé lors de l'instruction du dossier a permis de relever que des producteurs de pays tiers, comme le Brésil, ont des coûts de production d'éthanol structurellement inférieurs à ceux des producteurs européens qui peuvent leur permettre de compenser les coûts de transport et les droits de douane. En ce qui concerne la production de l'Union européenne, les prix de l'éthanol proposés par les producteurs européens sont inférieurs à ceux des producteurs français et constituent ainsi une possibilité d'approvisionnement supplémentaire.
En second lieu, les changements attendus dans la structure de la demande, avec le développement de l'incorporation directe, vont accroître les possibilités de débouchés de la filière et contribuer à sa diversification. Dans la plupart des autres pays, l'incorporation directe a en effet été la principale voie de développement du bioéthanol et les unités d'ETBE, du fait du manque de ressources en isobutène, devraient arriver à saturation dans les années à venir. Le marché du bioéthanol devrait dès lors être dans l'avenir celui de l'incorporation directe.
En tout état de cause, le marché du bioéthanol va connaître de profondes mutations dans les années à venir qui devraient se traduire par l'entrée sur le marché de concurrents européens et par l'accroissement des importations de bioéthanol de producteurs des pays tiers. Ces éléments permettent de penser que la pression concurrentielle s'accentuera sur le marché du bioéthanol.
Ainsi, l'opération notifiée ne paraît pas de nature à affecter sensiblement la structure concurrentielle du marché qui devrait, par ailleurs, s'ouvrir à la concurrence dans les cinq prochaines années. En conséquence, l'opération notifiée ne semble pas de nature à porter atteinte à la concurrence sur le marché français du bioéthanol.
C. - Le marché de la mélasse
Sur le marché européen de la mélasse, les parts de marché des parties et de leurs principaux concurrents sont les suivantes :
<emplacement tableau>
Le marché européen de la mélasse se caractérise ainsi par la présence de nombreux opérateurs dont le niveau des parts de marché n'est pas très élevé. Par ailleurs, la part de marché cumulée des parties ne dépassera pas [0-10] %, ce qui ne paraît pas devoir affecter la structure concurrentielle du marché. En conséquence, l'opération notifiée n'est pas de nature à porter atteinte à la concurrence sur le marché européen de la mélasse.
D. - Le marché des produits à destination de l'alimentation animale
Sur le marché global de l'alimentation animale, la part de marché cumulée des parties en France est de l'ordre de [0-10] % ([0-10] % pour TEREOS et [0-10] % pour SDHF) avec des concurrents importants comme les groupes GLON ([10-20] % des parts de marché), PURINA NESTLE ([10-20] % des parts de marché) ou EVIALIS ([10-20] % des parts de marché).
Dans l'hypothèse d'une segmentation du marché de l'alimentation animale entre les produits à base de céréales, les farines animales, les farines oléagineuses et les pulpes déshydratées, les parts de marché des parties et de leurs principaux concurrents sont les suivantes :
<emplacement tableau>
En conséquence, au vu de ces données, l'opération notifiée n'est pas de nature à porter atteinte à la concurrence sur le marché français des produits destinés à l'alimentation animale.
En conclusion, il ressort de l'instruction du dossier que l'opération notifiée n'est pas de nature à porter atteinte à la concurrence, notamment par création ou renforcement de position dominante, simple ou collective, sur les marchés du sucre industriel, des alcools traditionnels, du bioéthanol, de la mélasse et des produits destinés à l'alimentation animale. Je vous informe donc que j'autorise cette opération.
Je vous prie d'agréer, Maîtres, l'expression de ma considération distinguée.
NOTA : A la demande des parties notifiantes, des informations relatives au secret des affaires ont été occultées et la part de marché exacte remplacée par une fourchette plus générale. Ces informations relèvent du " secret des affaires ", en application de l'article 8 du décret n° 2002-689 du 30 avril 2002 fixant les conditions d'application du livre IV du code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence.
Notes :
(1) Cette opération a fait l'objet d'une autorisation de concentration du ministre de l'Économie, des Finances et de l'Industrie en date du 26 octobre 2004.
(2) Cette activité est toutefois en cours de cession et ne sera donc pas examinée dans le cadre de l'instruction du dossier.
(3) Cette opération a fait l'objet d'une autorisation de concentration du ministre de l'Économie, des Finances et de l'Industrie en date du 9 décembre 2002.
(4) Se reporter notamment à la Décision de la Commission européenne M. 2530 du 20 décembre 2001, Südzucker/Saint Louis Sucre et à la Décision C 2002-162 du ministre de l'Économie, des Finances et de l'Industrie du 23 décembre 2002 relative à l'acquisition de certains actifs de Béghin Say SA par Saint Louis Sucre SA.
(5) TEREOS détient une part de marché de [20-30] % sur le marché du sucre de bouche, et fait face à la concurrence de Saint Louis Sucre notamment.
(6) Décision C 2002-89 du ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie précitée et décision de la Commission européenne M.2530 Südzucker/Saint Louis précitée.
(7) Décision C 2002-89 du ministre de l'Économie, des Finances et de l'Industrie relative à l'acquisition conjointe du groupe Beghin Say par Union SDA et Union BS en date du 5 décembre 2002.
(8) Décision C 2002-89 du ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie précitée.
(9) L'ETBE est un produit mixte, composé à 47 % d'éthanol et à 53 % d'isobutène, produit d'origine fossile.
(10) Ces agréments ministériels permettent aux producteurs de bénéficier d'une exonération partielle de Taxe Intérieure de consommation sur les Produits Pétroliers (TIPP). L'obtention d'un agrément ne constitue toutefois pas une condition nécessaire pour pouvoir produire du bioéthanol, mais conditionne la rentabilité de cette activité.
(11) Décision C 2002-89 du ministre de l'Économie, des Finances et de l'Industrie précitée.
(12) La taxe intérieure de consommation sur les produits pétroliers (TIPP) est la principale taxe que supportent les produits pétroliers. Reprise en droit français dans les tableaux B et C de l'article 265 du Code des douanes, elle précise que seuls sont taxés les usages en tant que carburant ou combustible de chauffage. La TIPP s'applique également à tout produit qui est destiné à être utilisé comme carburant pour moteur, comme additif ou en vue d'accroître le volume final des carburants pour moteur : elle englobe aussi les biocarburants, bien qu'ils ne soient pas pour partie d'origine pétrolière.
(13) Décision C 2002-89 du ministre de l'Économie, des Finances et de l'Industrie précitée.
(14) Décision C 2002-89 du ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie précitée.
(15) Y compris la production des DOM (292 000 tonnes).
(16) Avis 97-A-02 du Conseil de la concurrence du 14 janvier 1997, CFS/Eridania Béghin Say.
(17) Coffee, Sugar and Cocoa Exchange.
(18) La France, l'Allemagne, le Benelux, la Pologne et le Royaume-Uni.
(19) Les principaux négociants sont notamment Sucden, Bauche SA, Cargill BV, EDF Man Sugar Limited, Sucre Export ou Noble Resources SA.
(20) Le test de marché a fait apparaître une fourchette de prix pouvant aller de 10 euro/tonne pour une distance inférieure à 30 km à 70 euro/tonne pour une distance supérieure à 1000 km. Ce point est contesté par les parties qui évaluent quant à elles ces coûts à [...] euro/tonne pour 1000 km, [...] euro/tonne pour 1200 km et [...] euro/tonne pour 1400 km.
(21) Destiné à la production d'ETBE et destiné à être incorporé directement.
(22) Qui représente 85 % des achats de bioéthanol en France.
(23) Commercialisé par Ethanol Union avant l'opération et repris par TEREOS.
(24) La durée des agréments 2005-2007 est de six ans, ils couvriront de ce fait les périodes 2005-2010, 2006-2011 et 2007-2012.
(25) Celle-ci est aujourd'hui estimée à 1,5 millions d'hectolitre, ce qui représente un peu plus que la consommation française actuelle.