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Décisions

Ministre de l’Économie, 6 mars 2006, n° ECOC0600175Y

MINISTRE DE L’ÉCONOMIE

Lettre

PARTIES

Demandeur :

MINISTRE DE L'ECONOMIE

Défendeur :

Conseils de la société Vinci

Ministre de l’Économie n° ECOC0600175Y

6 mars 2006

MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE

Maîtres,

Par dossier déclaré complet le 3 février 2006, vous avez notifié, le 20 janvier 2006, le projet de prise de contrôle exclusif de la société Autoroutes du Sud de la France et de sa filiale ESCOTA, par le groupe Vinci.

I. - LES PARTIES ET L'OPERATION

Les entreprises concernées par l'opération notifiée sont les suivantes :

- Le groupe Vinci (ci-après Vinci), qui développe ses activités dans cinq secteurs principaux : l'exploitation de concessions et autres services, l'énergie, la construction et l'entretien des routes, la construction et l'immobilier. En matière de concessions, Vinci exploite notamment la société concessionnaire d'autoroute Cofiroute dont il détient 65,34 % du capital. Il est également présent dans ASF à hauteur de 23 % et contrôle la société ARCOUR, titulaire de la concession de l'autoroute Artenay-Courtenay. Il gère également des concessions et délégations de parcs de stationnements publics. Il détient les 2/3 du capital du Consortium Stade de France. Vinci est enfin présent dans les services aéroportuaires. Par ailleurs, au travers de sa filiale Eurovia, Vinci est actif dans le secteur de la construction et de l'entretien des routes et autoroutes. Ses activités sont étendues en Europe et dans le monde.

- La société des Autoroutes du Sud de la France et sa filiale ESCOTA (ci-après ASF), société concessionnaire qui exploite le pôle sud du réseau autoroutier français. Elle constitue le premier réseau autoroutier en France et le deuxième réseau en Europe. Le contrat de concession conclu le 10 janvier 1992 prendra fin en 2032. Pour ce qui concerne le réseau d'Escota, le contrat de concession conclu s'achèvera en 2026. Avant l'opération, ASF est détenu à hauteur de 50,37 % de son capital par l'État (41,53 % en détention directe et 8,84 % en détention indirecte via Autoroutes de France). L'activité d'ASF est limitée au territoire français.

L'opération consiste en une prise de contrôle unique d'ASF par Vinci à l'issue d'une procédure en deux temps. Tout d'abord, Vinci procédera à l'acquisition de la participation de l'État. Ensuite, il proposera dans le cadre d'une procédure de garantie de cours, d'acquérir les titres restants d'ASF dans le cadre d'une offre publique. A l'issue de cette procédure, le groupe Vinci aura pris le contrôle d'ASF. Cette opération constitue ainsi une concentration au regard des dispositions de l'article L. 430-1 du Code de commerce.

Le groupe Vinci a réalisé en 2004 un chiffre d'affaires mondial de 19,52 milliards d'euro dont [...] milliards d'euro dans l'Union européenne et [...] milliards d'euro en France. Il a donc réalisé plus des deux tiers de son chiffre d'affaires européen en France. ASF a réalisé en 2004 un chiffre d'affaires mondial de 2,4 milliards d'euro. Il est quasiment intégralement réalisé en France. Il s'ensuit que l'opération n'est pas de dimension communautaire dans la mesure où les entreprises parties à la concentration réalisent plus des deux tiers de leur chiffre d'affaires dans un seul État membre, à savoir la France et qu'elle remplit les seuils de contrôle du droit national prévu à l'article L. 430-2 du Code de commerce.

Avant d'aborder l'analyse des effets horizontaux et verticaux de cette opération, il convient de rappeler que le Conseil de la concurrence, saisi par l'Association pour le maintien de la concurrence sur le réseau autoroutier (AMCRA), a émis, le 2 décembre 2005 un avis relatif aux problèmes de concurrence pouvant résulter de la privatisation annoncée des sociétés d'économie mixte concessionnaires d'autoroutes (1). Il a été largement tenu compte de cet avis dans la rédaction du cahier des charges du contrat de concession des sociétés privatisées ainsi que par la Commission européenne qui a autorisé le 15 février 2006 l'opération Eiffage/Macquarie/APRR (2). La présente décision y fera référence autant que de besoin.

II. - ANALYSE DES EFFETS HORIZONTAUX

2.1. Le secteur de la dévolution des contrats de concession autoroutière

2.1.1. Définition du marché pertinent

a) Le marché de produit

La partie notifiante propose de retenir un marché de la dévolution des contrats de concessions autoroutières et d'infrastructures routières.

Le Conseil de la concurrence dans son avis du 2 décembre 2005 fait également référence à l'existence d'un marché de l'attribution de l'exploitation des autoroutes à péage.

La Commission européenne dans sa décision d'autorisation de l'opération Eiffage/Macquarie/APRR évoque un marché de l'octroi des concessions autoroutières. Cette approche est conforme à la position que la Commission a pu prendre dans d'autres affaires touchant à la délégation de services publics (3). Elle considère notamment que la dévolution de contrats de concession par le biais d'appels d'offres lancés par la puissance publique présente des caractéristiques distinctes de l'exploitation de l'activité en cause.

La confrontation d'une demande matérialisée par un appel d'offres de l'État pour l'attribution d'un contrat de concession portant sur la construction, le financement, l'exploitation et l'entretien d'une infrastructure autoroutière et d'une offre d'entreprises ou de groupements d'entreprises ayant la capacité technique et financière de mener à bien la concession peut, comme le ministre l'a établi dans son arrêté du 22 juin 2001 relatif à l'acquisition du groupe GTM par Vinci, constituer un marché de produit à part entière (4), encadré d'ailleurs par les normes communautaires et nationales applicables aux délégations de service public.

Il convient de mentionner, comme le rappelle le Conseil de la concurrence dans son avis précité que l'attribution des concessions autoroutières a été ouverte à la concurrence, en France, depuis la réforme autoroutière de 2001 qui a mis fin au système dit " d'adossement ". Celui-ci consistait à donner la construction et l'exploitation des nouveaux tronçons aux concessionnaires déjà attributaires dans la proximité géographique du nouveau tronçon. Désormais, la construction et l'exploitation de chaque nouveau tronçon d'autoroute sont mises en concurrence. L'entreprise ou le groupement d'entreprises qui remporte l'appel d'offres constitue alors une société ad hoc qui devient concessionnaire.

b) La dimension géographique

La partie notifiante considère que ce marché est à tout le moins de dimension communautaire dans la mesure où l'analyse de la substituabilité du côté de l'offre montre une capacité des candidats à présenter leurs offres dans un grand nombre de pays. Un nombre non négligeable de sociétés étrangères se portent en effet candidates à des appels d'offres lancés dans les États membres de l'Union européenne voire au-delà.

Les groupements attributaires comprennent des partenariats entre des entreprises de construction et des établissements bancaires ressortissant de différents États membres. Ainsi, Vinci a été attributaire de deux concessions au Royaume-Uni, d'une en Grèce et d'une autre au Portugal. On relève également que Bouygues a été attributaire de concessions en Allemagne ou en Hongrie. Pour ce qui concerne la France, on note la présence de plusieurs entreprises étrangères dans les actes de candidature à des contrats de concession d'autoroutes ou d'infrastructures routières à péage, comme Skanska, Abertis, Dragados ou Bilfinger-Berger.

Dans son avis du 2 décembre 2005, le Conseil de la concurrence, sans trancher la question, considère que la dimension géographique de ce marché pourrait être mondiale compte tenu du fait notamment que " les candidatures à l'achat [...] comportent des offres auxquelles participent des entreprises établies à l'étranger ".

Enfin, la Commission européenne dans sa décision du 15 février 2006, sans conclure sur la délimitation pertinente du marché, constate que de nombreuses entreprises européennes se portent candidates à des appels d'offres et en sont attributaires dans des États dont elles ne sont pas ressortissantes.

Ces orientations dégagées tant par le Conseil de la concurrence que par la Commission européenne, de même que les éléments de fait mentionnés ci-dessus, inclinent à considérer que la dimension géographique du marché pertinent est au moins européenne plutôt que nationale.

Au cas d'espèce, il n'est cependant pas nécessaire de se prononcer de manière définitive sur la définition du marché pertinent dans la mesure où, quelle que soit la segmentation retenue, l'analyse concurrentielle demeure inchangée.

2.1.2. Analyse concurrentielle

Dans sa décision du 15 février 2006, la Commission a examiné les parts de marché (5) de la future entité sur un marché européen de l'attribution de concessions autoroutières. Constatant l'existence d'un chevauchement marginal des activités des parties conduisant à une part de marché combinée relativement faible, elle a pris acte de la présence de concurrents disposant de parts de marché supérieures à celle de la nouvelle entité.

Reprenant la méthode développée par le ministre dans l'affaire Vinci/GTM (6), la partie notifiante propose deux méthodes de calcul de ses parts de marché pour ce qui concerne la dévolution des concessions autoroutières. La première, dynamique, est basée sur le nombre de concessions attribuées à Vinci au cours des dernières années (raisonnement en flux) ; la seconde, plus statique, consiste à retenir le nombre de kilomètres concédés à Vinci (raisonnement en stock). Dans la mesure où, au cas d'espèce, l'opération ne conduit pas à une réduction sensible de la concurrence sur le marché en cause, quelle que soit la méthode de calcul de parts de marché retenue, il n'y a pas lieu d'en privilégier une au détriment de l'autre.

Sur la base d'une analyse des flux, il apparaît que Vinci a remporté en Europe, [...] concessions autoroutières sur [...] appels d'offres entre 1992 et 2005, soit [...] %. Sur une période plus récente (2001- 2005), Vinci a été candidat à [...] projets sur une vingtaine et n'en a remporté [...], soit [...] %. Pour ce qui concerne la France, sur la période 2001-2005, Vinci a été attributaire d'un marché sur cinq appels d'offres. ASF est entré très récemment sur le marché de l'attribution de concessions autoroutières. Sa première participation à des appels d'offres, toujours en groupement, remonte à l'année 2001. Elle concerne des concessions d'autoroutes, le viaduc de Millau et un tunnel en Grèce. Pour ce qui est des concessions autoroutières, on relève la participation d'ASF à [...] appels d'offres en France, en 2004 et à [...] en 2005. Selon la partie notifiante, ASF n'aurait été déclarée attributaire d'aucune concession. Il s'ensuit que sur la base d'une analyse en flux, la part de la nouvelle entité sera mineure, y compris, sur le seul territoire français.

Sur la base d'une analyse des stocks, si l'on devait retenir un marché de dimension communautaire, la position de la nouvelle entité, qui, sur une période de 13 ans, n'a emporté en Europe que [...] concessions sur [...] apparaît modeste. Ainsi, en Europe, la part de marché d'ASF s'établit à environ [10-20] % et celle de Cofiroute à [0-10] %. En France, la nouvelle entité exploiterait, sur la base des données pour 2004, environ 48,76 % des kilomètres d'autoroutes concédées : Vinci au travers de Cofiroute gère 11,70 % du réseau concédé et ASF, 37 %.

Il convient de prendre ces données de marché avec précaution, comme le fait valoir la partie notifiante, dans la mesure où les parts de marché peuvent fluctuer d'une année sur l'autre en fonction du nombre d'appels d'offres lancés sur le marché et des attributions respectives des concessions offertes. Cependant, elles peuvent donner une idée assez précise du pouvoir de marché des sociétés concessionnaires dans la mesure où les contrats de concession sont conclus pour des durées longues, assurant ainsi une certaine stabilité de ces parts de marché.

Quoiqu'il en soit, la situation de la concurrence sur ce marché reste animée. La présence de nombreux concurrents capables, notamment par le biais de groupement, de se porter candidats aux appels d'offres de concessions autoroutières en Europe et en France contribue à maintenir une dynamique concurrentielle sur le marché.

En termes de flux, diverses catégories d'opérateurs sont en mesure de concurrencer la nouvelle entité. Tout d'abord, les sociétés concessionnaires Sanef et APPR se portent candidates à des appels d'offres dans le cadre de groupement, en France et à l'étranger. Ainsi, APRR en groupement avec ADELAC a été attributaire de la concession de l'autoroute A41. De même Sanef a remporté un marché d'équipement en Croatie. Par ailleurs, des entreprises françaises directement concurrentes de Vinci soumissionnent régulièrement à des appels d'offres en France et à l'étranger. Ainsi, le groupe Bouygues s'est porté candidat à trois des cinq appels d'offres lancés en France depuis 2001 et en a obtenus deux, le dernier appel d'offres n'étant pas encore attribué. Enfin, nombre d'entreprises européennes se portent également candidates à des appels d'offres en France et en Europe. On peut citer Ferrovial, ACS-Dragados, Bilfinger-Berger ou Skanska.

En termes de stocks, si l'on se place sur un marché de dimension communautaire, une entreprise italienne, Autostrade, détient une part de marché comparable à celle de la nouvelle entité avec [10-20] %. Elle est suivie par APRR ([0-10] %), Sanef ([0-10] %) et Abertis ([0-10] %). Si l'on raisonne sur un marché de dimension nationale, la nouvelle entité fera face à la concurrence des autres sociétés concessionnaires. APPR et Sanef exploitent respectivement 27,6 et 21,5 % des kilomètres concédés.

Pour conclure, l'opération n'est pas de nature à soulever des problèmes de concurrence sur le secteur de la dévolution des contrats de concession autoroutière.

2.2. Le secteur de l'exploitation des autoroutes à péage

2.2.1. Définition du marché pertinent

a) Le marché de produit

ASF met des infrastructures autoroutières à la disposition des automobilistes leur permettant de se déplacer d'un point à un autre dans des conditions de vitesse et de sécurité spécifiques.

Dans son avis du 2 décembre 2005 précité, le Conseil de la concurrence indique que " pour la majeure partie des usages, la substituabilité entre un parcours autoroutier et un autre parcours autoroutier, ou un autre mode de déplacement pour rejoindre deux même points, est insuffisante pour considérer que le parcours autoroutier en cause et les autres possibilités de déplacement constituent un seul marché ". Il estime également probable que " ni la concurrence des autoroutes entre elles, ni celle de la route, ni celles des autres moyens de transport ne représenteront une pression concurrentielle effective de nature à peser sur le niveau des tarifs des péages ". Ainsi, le Conseil de la concurrence, sans conclure, tend à ne pas retenir la concurrence intermodale.

De même, la Commission européenne a considéré qu'" il ne peut pas être pris pour acquis que tous les modes de transport soient généralement interchangeables ". (7) De fait, elle analyse la situation de la concurrence intermodale au cas par cas et n'exclut pas qu'elle puisse exister.

Le ministre a, quant à lui, eu l'occasion dans plusieurs décisions de se prononcer sur le secteur du transport en relevant, à l'occasion, la complémentarité plus que la substituabilité de différents modes de transports dans le secteur du transport urbain de voyageurs. (8)

La question de savoir si un déplacement sur une infrastructure autoroutière peut constituer un marché distinct des autres modes de transport et des trajets routiers classiques n'a pas à être tranchée au cas d'espèce dans la mesure où quelle que soit la définition de marché retenue, l'analyse concurrentielle demeure inchangée.

b) La dimension géographique

Dans son avis précité, le Conseil de la concurrence affirme qu'" il est très probable que dans de nombreux cas, chaque parcours autoroutier constitue un marché distinct. "

La Commission européenne a toujours considéré, sans avoir tranché la question de la concurrence intermodale, que le marché pertinent doit toujours être analysé sur la base de trajet allant d'un point à un autre. Dans ses décisions, le ministre de l'Economie a suivi cette approche. (9)

La partie notifiante a d'ailleurs relevé que " pour les usagers/clients, les différentes autoroutes ne sont pas substituables puisqu'elles couvrent des itinéraires distincts ".

Il s'ensuit que l'on pourrait retenir qu'au cas d'espèce, la dimension géographique du marché pertinent peut être limitée aux trajets nécessaires pour rejoindre un point de départ à un point d'arrivée.

2.2.2. Analyse concurrentielle

Sur la base d'une analyse par trajet autoroutier excluant la substituabilité intermodale, l'opération examinée ne conduit à un chevauchement des réseaux de Cofiroute et d'ASF que dans la mesure où ces deux réseaux sont interconnectés dans l'Ouest de la France (A10, A11, A85 et A87).

Dans son avis du 2 décembre 2005, le Conseil de la concurrence, sur la base d'une définition présumée de marché par trajet sans concurrence intermodale, affirme que " le plus souvent le concessionnaire d'une autoroute à péage est en situation de monopole à l'égard des usagers ". C'est pourquoi il considère que " les sociétés d'autoroutes devraient continuer à être soumises à une régulation de leurs tarifs par une autorité publique ".

Par conséquent, le risque d'une augmentation unilatérale des prix des tarifs par la société concessionnaire sera d'autant mieux écarté que l'État aura les moyens de réguler les prix des péages autoroutiers. Il convient pour cela, comme le rappelle le Conseil de la concurrence, que le régulateur dispose d'une connaissance suffisante des coûts réels de l'activité en cause afin d'être en mesure d'exercer efficacement son rôle.

a) Un cadre réglementaire assurant la régulation tarifaire

Le décret du 24 janvier 1995 relatif aux péages autoroutiers détermine les modalités d'intervention de l'État pour la fixation des tarifs de péages autoroutiers. Il prévoit qu'en l'absence de contrat de plan, les tarifs sont fixés chaque année par arrêté conjoint du ministre chargé de l'Economie et du ministre chargé de la Voirie nationale, après consultation de la société concessionnaire.

Les dispositions tarifaires inscrites dans le contrat de plan tel que prévu par le décret de 1995 sont reprises dans le cahier des charges de la société concessionnaire (article 25).

En tout état de cause, les niveaux des hausses tarifaires accordées respectent les dispositions de l'article L. 122-4 du Code de la voirie routière qui prévoit que les péages ne peuvent être perçus qu'" en vue d'assurer la couverture totale ou partielle des dépenses de toute nature liées à la construction, à l'exploitation, à l'entretien, à l'aménagement ou à l'extension de l'infrastructure. En cas de délégation des missions du service public autoroutier, le péage couvre également la rémunération et l'amortissement des capitaux investis par le délégataire. "

Les hausses tarifaires accordées à chaque société sont déterminées de façon à assurer l'équilibre financier de chacune des concessions sur la durée restant à courir de chacune d'elles, en fonction de divers paramètres dont notamment l'inflation.

Le taux d'évolution des tarifs de péage comporte une partie fixe à laquelle peut s'ajouter une partie variable. La partie fixe évolue chaque année au minimum de 70 % de l'inflation (10), visant à prendre en compte l'évolution des charges normales et récurrentes des sociétés : charges d'entretien et charges d'exploitation et les impôts. La partie variable est destinée à financer les investissements non prévus dans le périmètre de la concession que les sociétés ont la charge de réaliser et dont la liste figure dans le contrat de plan : investissements contribuant à l'amélioration du réseau (élargissements, construction de nouveaux échangeurs, modernisation des équipements, etc.), ou investissements en vue de la construction de nouvelles sections d'autoroutes.

La liste des investissements à réaliser par la société concessionnaire est fixée par les services de l'État sur proposition de la société concessionnaire s'agissant plus particulièrement des aménagements de capacité des autoroutes existantes.

Sur ce point, l'intervention des services de l'Etat est double. Ils peuvent imposer la réalisation de certaines opérations non proposées par la société et qui s'avèreraient indispensables au maintien de la sécurité des usagers. Par ailleurs, compte tenu de l'impact sur le niveau des tarifs de péages résultant de la compensation tarifaire à accorder à la société pour la réalisation d'investissements non prévus initialement dans le contrat, ils vérifient la réalité des besoins en investissements proposés par la société afin de veiller au maintien de l'acceptabilité socio-économique du péage et de ne pas grever la réalisation d'opérations qui s'avèreraient nécessaires par la suite. Ainsi, l'État peut refuser d'inscrire des investissements proposés par le concessionnaire et allant au-delà de ce qui est nécessaire au regard des exigences rappelées ci-dessus.

En outre, le dispositif prévu à l'article 7 du cahier des charges prévoit une obligation de remboursement par le concessionnaire de l'avantage financier découlant du retard de réalisation d'un investissement prévu dans le contrat de plan et financé par une hausse tarifaire complémentaire. Cette clause a pour objet d'éviter que le concessionnaire ne réalise un gain indu du fait d'un retard dans la réalisation de son programme d'investissements et ce, quelles que soient les causes de ce retard et indépendamment de l'application de pénalités prévues à l'article 39 du cahier des charges pour non-respect des dates de mises en service.

Le gain indu peut être restitué en nature par la réalisation de travaux d'un montant équivalent, en lien avec la concession. A défaut de besoins d'investissements supplémentaires, la nature et les modalités de la compensation sont déterminées d'un commun accord entre le concédant et la société concessionnaire.

L'État dispose donc de moyens de contraintes et de contrôle de la réalisation effective par la société concessionnaire des projets d'investissements inscrits dans le contrat de plan et le cahier des charges, qui sont financés par une hausse des tarifs.

Enfin, il convient de rappeler que l'article 4 du décret du 24 janvier 1995 précise qu'en cas de non-respect de l'article 25 du cahier des charges par la société concessionnaire, les tarifs peuvent être fixés unilatéralement par arrêté conjoint des deux ministres concernés.

Par conséquent, l'ensemble du dispositif réglementaire mis en place par l'État et auquel la société ASF sera soumise à l'issue du processus de privatisation répond à la recommandation du Conseil de la concurrence qu'une régulation forte et pérenne soit exercée sur les tarifs de péages autoroutiers.

b) La capacité du régulateur à maîtriser l'évolution tarifaire

Le Conseil de la concurrence, dans son avis du 2 décembre 2005, mais aussi les entreprises interrogées dans le cadre de l'enquête de marché ont insisté sur la nécessité pour le régulateur de disposer des informations techniques et économiques nécessaires à l'appréciation des demandes de hausses tarifaires avancées par les sociétés concessionnaires au moment de la négociation du contrat de plan. Une asymétrie d'information entre les sociétés concessionnaires et les services de l'État pourrait en effet affecter la capacité du régulateur à maîtriser l'évolution tarifaire.

Après la privatisation des trois réseaux autoroutiers (SANEF, APRR, ASF), l'État disposera encore des moyens de vérifier que les montants des travaux présentés par les sociétés concessionnaires ne s'écartent pas des coûts usuels, pratiqués sur le marché des travaux autoroutiers. L'État pourra toujours comparer les demandes des concessionnaires aux marchés qu'il traite lui-même sur les autoroutes dont il sera resté propriétaire. Après la privatisation, environ 23 % du réseau autoroutier français demeurera public. En outre, des comparaisons pertinentes pourront également être effectuées par l'État à partir de travaux routiers comparables, notamment ceux réalisés sur des routes nationales à quatre voies. Les autoroutes ou route express telles que A75, A20, A84, A34, RN4 ou RN12 pourront donc servir de référence, en l'espèce.

Pour effectuer ses analyses, l'État dispose d'outils techniques lui permettant de s'assurer que les coûts présentés par son concessionnaire restent conformes à l'état de l'art. Il peut notamment s'appuyer sur une base de données nationale (appelée Infracoûts) entretenue par le service d'études techniques des routes et autoroutes (SETRA). Par ailleurs, la capitalisation de l'expérience de la mission du contrôle des concessions, spécifiquement sur les investissements complémentaires sur les autoroutes en service constitue également un point de référence pertinent. L'État dispose également des coûts d'autoroutes proposés par les différents groupes de BTP dans le cadre des appels d'offres qu'il lance.

Ainsi, l'État est-il en mesure de jouer efficacement son rôle de régulateur en matière de tarifs de péage autoroutier dans le cadre des contrats de plan. Dans l'hypothèse où de tels contrats ne seraient pas signés entre l'État et ASF, les tarifs peuvent être fixés de façon réglementaire par voie d'arrêtés interministériels. En conséquence, le risque de hausse unilatérale des prix par ASF peut donc être écarté, sans qu'il soit besoin d'approfondir l'analyse concurrentielle.

2.3. Le secteur des marchés de fournitures et de services liés à l'exploitation des concessions d'autoroutes

Le Conseil de la concurrence, dans son avis du 2 décembre 2005, a évoqué l'existence d'une activité de services associés à l'exploitation des autoroutes (perception des péages, service de sécurité, opérations de maintien de la viabilité, interventions légères, entretien paysager notamment) qui pourrait être affectée par les opérations de privatisation. Le Conseil relève que les différentes sociétés d'autoroutes ont l'habitude de sous-traiter des services, à l'exception du péage et du service de sécurité.

La partie notifiante précise qu'elle n'est présente dans aucune des activités liées à l'exploitation des concessions d'autoroutes telles que listées par le Conseil de la concurrence, hormis la radio autoroutière développée par Cofiroute et le développement d'aires de stationnement ou de gardiennage pour poids lourds.

L'enquête de marché n'a pas mis en évidence de difficultés en matière de concurrence pour l'ensemble de ces activités.

Il s'ensuit que l'acquisition d'ASF/Escota par Vinci n'est pas de nature à soulever de problèmes de concurrence sur ce secteur ou segments d'activité.

III. - ANALYSE DES EFFETS VERTICAUX

Il convient d'examiner si l'impact vertical de l'opération lié à l'acquisition d'une société concessionnaire d'autoroute par un groupe actif dans le secteur des travaux publics, y compris en ce qu'il conduirait à la disparition d'opérateurs, est de nature à produire des effets anticoncurrentiels qui se répercuteraient négativement sur les conditions de l'offre de services de transport autoroutier et/ou sur les conditions des offres de travaux des marchés concernés définis ci-après, et donc, en bout de chaîne, sur le consommateur final.

3.1. Analyse récente par les autorités de concurrence des effets verticaux

3.1.1. Le point de vue du Conseil de la concurrence

Dans son avis précité, le Conseil de la concurrence examine les risques que présenterait une internalisation des travaux sur autoroutes dans l'hypothèse où elles seraient reprises par des opérateurs actifs sur les marchés de travaux publics. Il s'interroge principalement sur les conséquences d'une internalisation des travaux sur autoroutes sur le marché aval de l'exploitation des autoroutes (péages et qualité de service). Il évoque ensuite le risque, toujours dans l'hypothèse d'une captation des marchés de travaux par l'actionnaire de la société concessionnaire, que ce dernier tire avantage d'une hypothétique rente qu'il constituerait à partir des péages autoroutiers pour soutenir financièrement ses activités de travaux sur les autres marchés concurrentiels.

Selon le Conseil de la concurrence, ces risques seront d'autant plus limités que la vigilance du régulateur (tarification et qualité) sera grande. L'analyse menée ci-dessus, a montré la capacité du régulateur à maîtriser l'évolution tarifaire.

Au surplus, comme il sera démontré plus loin, l'État, dans le droit fil des recommandations du Conseil de la concurrence, a décidé d'une obligation de mise en concurrence pour tous marchés de travaux et de services au-delà de seuils qui couvrent, s'agissant des marchés de travaux engagés par ASF en 2005, 78,3 % du montant total de ces travaux.

Bien que le Conseil de la concurrence se soit abstenu de toute analyse concurrentielle sur les marchés de travaux, il présente toutefois deux grandes catégories de travaux sur autoroutes : (i) la construction (création et nouveaux tronçons), et (ii) l'entretien (au sens large) et l'amélioration des autoroutes existantes. Il précise que :

(i) la construction requiert de grands travaux de terrassements, d'assainissement, de confection de chaussée et de construction d'ouvrages d'art ; et que

(ii) l'entretien et l'amélioration requièrent des travaux de moindre ampleur; les plus lourds sont les travaux d'élargissement qui nécessitent un savoir-faire particulier voire une habilitation car souvent effectués sans interruption de circulation.

Le Conseil suggère qu'il n'y aurait pas de distinction à opérer entre ces différentes catégories de travaux, ni même selon la nature de l'infrastructure routière (route ou autoroute), au motif qu'il existerait une substituabilité au niveau de l'offre. Il nuance toutefois son propos s'agissant des activités de terrassement.

3.1.2. Le point de vue de la Commission européenne

Dans sa décision Eiffage/Macquarie/APRR précitée, la Commission européenne évoque trois possibilités d'approche des marchés : (i) un marché de la construction d'infrastructures de tous types (aérodromes, voies ferrées, routes...) susceptibles d'être segmenté par taille d'infrastructure, (ii) un marché de la construction et de l'entretien des routes (incluant tout type d'infrastructures routières), et (iii) un marché de la construction et de l'entretien d'autoroutes. Toutefois, elle oppose à cette dernière proposition une substituabilité au niveau de l'offre, laissant entendre qu'une distinction entre la construction de routes et la construction d'autoroutes n'est pas pertinente. Elle propose de laisser les marchés ouverts, tout en indiquant qu'ils auraient une dimension nationale.

La Commission limite alors son analyse au constat de la part de marché d'Eiffage sur chacune des segmentations de marché qu'elle propose, et écarte tout risque de forclusion au regard de la part de marché d'Eiffage (inférieure à 20 %) sur le segment le plus étroit, celui de la construction et de l'entretien d'autoroutes.

3.2. Définition des marchés concernés

Selon la partie notifiante, le groupe Vinci est actif sur un marché de la construction au sens large et ce, tant en France qu'à l'étranger. Les travaux liés à la construction et à l'entretien des infrastructures routières relèveraient selon elle de trois spécialités qui constituent des sous-marchés de ce marché principal, à savoir, les travaux de terrassement, les travaux routiers et les travaux de génie civil. Le groupe Vinci intervient sur ces " sous-marchés " au travers de plusieurs de ses filiales spécialisées. ASF est, en sa qualité de concessionnaire, maître d'ouvrage et, à ce titre, demandeur de travaux relevant des trois spécialités mentionnées ci-dessus.

Au cas d'espèce, il est proposé d'aborder la définition des marchés concernés de construction et d'entretien d'infrastructures routières concernées en se référant, en tant que de besoin, à l'arrêté précité du ministre de l'Économie rendu lors de l'acquisition du Groupe GTM par Vinci : travaux de terrassements, travaux de chaussées et travaux de génie civil. Cette approche est confirmée par l'enquête de marché initiée dans le cadre de l'instruction.

3.2.1. Les travaux de terrassement

Ils comprennent l'extraction des terres des points hauts (déblais), puis leur transport et leur mise en remblais dans les points bas ou en dépôts. La nature du matériel requis varie en fonction de la nature des sols rencontrés et du volume de terre à déplacer.

Dans les terrains meubles, des décapeuses (scrapers) permettent de traiter des couches horizontales minces alors que des pelles hydrauliques permettent d'intervenir par tranches verticales, le transport étant alors effectué par des dumpers. Dans les terrains rocheux, il est procédé à l'ameublissement des sols par le passage d'une défonceuse (ripper). La construction des remblais se fait par l'épandage et le réglage de couches de 30 à 50 cm compactées par des rouleaux vibrants. Les terrassements s'achèvent par les travaux de réglage de la forme et des talus grâce à des niveleuses ou des bouteurs légers à chenille. Il est ensuite procédé à la mise en place des plates formes support de chaussées, soit par traitement sur place du sol soit par l'apport de matériaux d'emprunt. Enfin, des travaux de drainage et d'assainissement sont effectués.

Si les trois grands acteurs du secteur (Bouygues, Vinci et Eiffage) sont effectivement actifs sur les autres segments du secteur (couverture des routes et génie civil), il ressort de l'instruction, et notamment de l'enquête de marché, que les travaux de terrassement sont des travaux de spécialité que seules des entreprises disposant de la technicité et du matériel ad hoc peuvent réaliser. Les entreprises du groupe Vinci spécialistes de ces travaux sont principalement les sociétés Deschiron, Dodin et GTM Terrassements. Les entreprises indépendantes actives sur ce segment sont pour l'essentiel spécialisées.

Il est à souligner que les terrassements réalisés pour les besoins de l'exécution de travaux routiers (autoroutes assimilées) ne représentent qu'environ 1/6 des travaux de terrassement réalisés dans l'hexagone (1 milliard d'euro sur un total de 5,6 milliards selon la Fédération Nationale des Travaux Publics).

Selon la partie notifiante, il n'est pas pertinent de segmenter entre les différents types de travaux de terrassement. Notamment, elle indique que les sociétés de terrassement interviennent indifféremment sur les routes et les autoroutes. Le savoir-faire serait identique, et les matériels utilisés pour les travaux de terrassement d'une route et d'une autoroute seraient exactement les mêmes. Elle précise en outre que si les entreprises sont en général propriétaires de leur matériel, elles peuvent, en cas de besoin, le louer à des loueurs professionnels (Lheureux, CFE, Altimat) à des fabricants (Liebherr, Bergerat Monnoyeur, etc...) à des distributeurs, ou encore à des entreprises qui n'en ont momentanément pas l'usage. Enfin, elle ajoute qu'il n'existerait pas de qualification spécifique pour les conducteurs d'engins appelés à travailler sur un chantier d'autoroute.

Il ressort toutefois de l'enquête de marché que les moyens à mettre en œuvre et les exigences des maîtres d'œuvre diffèrent très nettement selon l'importance du chantier de terrassement. Les professionnels du terrassement distinguent trois types de chantier par taille :

- Un premier, dit des terrassements simples, comprend notamment les travaux mis en œuvre dans le cadre de découverte de carrières, de déplacement de dépôts, ou encore d'extraction dans des emprunts. Ce segment nécessiterait un matériel " basique " et peu d'ingénierie.

- Un second, dit des terrassements moyens, comprend notamment des travaux publics d'un montant compris entre 0,5 million et 5 millions d'euro, de type déviation de commune en route départementale ou nationale. Ces travaux nécessitent de pouvoir mobiliser un matériel adéquat, un savoir faire spécifique, un service méthode dans l'entreprise, un service qualité, et une expertise géotechnique.

- Un dernier, dit des terrassements en grande masse, comprend les grandes affaires complexes, d'un montant supérieur à 5 millions d'euro. Les chantiers types sont la construction de lot d'autoroutes (entre 15 et 100 millions d'euro), mais aussi de lignes ferroviaires grande vitesse, de barrages, de canaux, ou, plus marginalement, de grandes routes nationales.

L'instruction a permis de mettre en lumière qu'il n'apparaît pas pertinent de considérer que les deux premiers types de chantiers de terrassement sont à distinguer au sens du droit de la concurrence, dans la mesure où la grande majorité des acteurs interviennent indistinctement sur l'un ou l'autre des segments.

En revanche, il est établi que la mise en œuvre des chantiers de terrassement en grande masse requiert des capacités de mobilisation de matériels spécifiques, capables de traiter de grands volumes, et de professionnels expérimentés (plusieurs directeurs de travaux expérimentés, et de nombreux ingénieurs pour appréhender les processus d'exécution). Au surplus, il apparaît que les matériels spécifiques à mobiliser ne sont pas utilisables sur les autres types de chantiers. En conséquence, en l'absence d'une alternative réelle en terme de location, ces matériels représentent un investissement lourd, qui implique, selon les acteurs du secteur, de définir une politique d'investissement et d'amortissement sur le long terme.

La mise en œuvre de chantier de terrassement en grande masse exige en outre d'être capable de gérer les aléas : adaptation de la conception aux conditions locales, environnement, loi sur l'eau, optimisation du réemploi des matériaux rencontrés pour réaliser l'ouvrage, fabrication de matériaux à partir des déblais par concassage, criblage, traitement aux liants, etc ...

Il ressort ainsi de l'enquête de marché que tous les terrassiers ne peuvent pas répondre à tous les appels d'offres. La définition d'un marché étroit des terrassements en grande masse se justifierait par les investissements significatifs souvent nécessaires pour répondre à l'appel d'offres et par la nécessité de justifier de références sur des chantiers équivalents, et d'une expertise reconnue en mécanique des sols et mécanique des roches (laboratoire et bureau d'études intégrés).

Les entreprises actives sur un tel marché répondent à tous les appels d'offres de travaux de terrassement en grande masse, quelle que soit la localisation du chantier en France. A contrario, les entreprises actives sur les deux premiers types de travaux de terrassement ne répondent aux appels d'offres de travaux de terrassement simple et moyen que dans un rayon régional correspondant à l'implantation de leur agence.

Les travaux de terrassement mis en œuvre dans le cadre de la construction d'une autoroute relèveraient du segment des terrassements en grande masse, au même titre que la construction de lignes ferroviaires à grande vitesse ou de barrages.

En revanche, il ressort de l'enquête de marché que les travaux de terrassement nécessaires à l'élargissement d'une autoroute ou d'une route nationale ne sont pas, pour l'essentiel, compris dans ce segment ; ils relèveraient davantage des travaux de terrassement dits moyens.

En tout état de cause, la question de la délimitation précise des marchés de travaux de terrassement peut être laissée ouverte dans la mesure où, quelle que soit la définition retenue, les conclusions de l'analyse concurrentielle demeureront inchangées. Dans l'hypothèse d'une distinction des travaux de terrassement en grande masse, il convient de souligner que ce segment ne serait que faiblement impacté par l'opération dans la mesure où la plus grande part des travaux de terrassements pour autoroutes relèvent de la construction de nouveaux tronçons, activité qui se superpose en fait pour une très large part au marché de la dévolution des contrats de concession autoroutière, puisque le système de l'adossement a été abandonné, à la suite de la réforme autoroutière

3.2.2. Les travaux de chaussées

L'activité est assurée par les sociétés spécialisées en travaux routiers. Il peut être distingué deux grandes catégories de travaux de chaussées :

- la mise en place de couches de chaussée, qui consiste à superposer couche de fondation, couche de base, couche de liaison, et couche de roulement, cette dernière étant constituée d'enrobés chauds ;

- les travaux d'entretien des chaussées, qui comprennent l'entretien courant (traitement des fissures, bouchage de nids de poule ainsi que l'entretien des dépendances et des espaces verts), l'entretien périodique (renouvellement de la couche de roulement), et l'entretien ou la réhabilitation d'ouvrages d'art.

Tant le Conseil de la concurrence que la partie notifiante constatent que les travaux d'entretien des chaussées nécessitent de faire appel aux mêmes corps de métiers que lors de travaux de construction. Ils relèvent que les entreprises interviennent indistinctement sur chaque type de travaux de chaussée, plaidant ainsi pour une substituabilité au niveau de l'offre qui tendrait à considérer l'ensemble des travaux de chaussées comme constituant au plus étroit un seul et même marché.

Il est toutefois observé que la partie notifiante argue a contrario que l'ensemble des travaux nécessaires à la construction de nouveaux tronçons d'autoroutes (dont les travaux de mise en place de couches de chaussée font partie) relève d'un marché distinct. Certains des opérateurs ayant répondu à l'enquête de marché considèrent également que les contraintes techniques et de délai propres à la mise en place de couches de chaussée de nouveaux tronçons autoroutiers justifieraient une segmentation.

Pour autant, ainsi que l'indiquait le Conseil de la concurrence, l'instruction a permis de vérifier que le secteur est très concentré, essentiellement animé par les trois principaux groupes de BTP, qui interviennent indistinctement sur tout type de travaux de chaussée. Cet élément plaide effectivement pour définir un marché qui engloberait tous les travaux de chaussée.

Au cas d'espèce, il n'est toutefois pas nécessaire de trancher cette question dans la mesure où, dans l'hypothèse où un segment de la mise en place de couches de chaussée dans le cadre d'une construction de tronçon autoroutier était identifié, l'opération n'entraînerait pas d'effets verticaux. En effet, la plus grande part de ces travaux relèveraient de la construction de nouveaux tronçons, activité qui se superpose en fait pour une très large part, comme développé précédemment, au marché de la dévolution des contrats de concession autoroutière.

3.2.3. Les travaux de génie civil

Ils sont mis en œuvre lors de la construction d'infrastructures routières, mais également dans le cadre de travaux de fondations spéciales, de sondages, de forages, de travaux en site maritime ou fluvial, de travaux de voies ferrées, de travaux d'adduction d'eau, de travaux électriques. Dans le cadre de la construction d'infrastructures routières, les travaux de génie civil consistent généralement en la réalisation de ponts, d'ouvrages de croisement à plusieurs niveaux et de passages souterrains. Le secteur est caractérisé par un nombre considérable d'opérations correspondant à des ouvrages de petite taille et de faible complexité accessibles à un nombre élevé d'acteurs.

Dans son avis 01-A-08 du 5 juin 2001 précité, le Conseil de la concurrence avait caractérisé un marché du génie civil général qu'il avait segmenté en trois catégories :

- ouvrages d'art et équipement industriel (comprenant les barrages, ponts, ouvrages de croisement, passages sous-terrains, génie civil d'usines, réservoirs),

- travaux sous-terrains,

- travaux en site maritime ou fluvial.

Outre cette segmentation technique, le Conseil de la concurrence indiquait également que " sur le marché du génie civil général l'activité grands travaux mérite un examen particulier, même si une définition précise de marché ou un seuil technique ou financier de détermination de celui-ci ne peuvent être donnés. Les chantiers de grands projets ont néanmoins un certain nombre de points communs : ils sont souvent réalisés sur une longue période, risqués, exigeants techniquement et complexes (viaduc de Millau, tours de La Défense, Stade de France...) ".

Il ressort également de l'instruction qu'il pourrait être distingué au sein du marché des travaux de génie civil général un segment de la réalisation de très grands ouvrages (ponts suspendus, ouvrages exceptionnels). En effet, compte tenu de la complexité technique inhérente à la réalisation de ces ouvrages, seules répondent aux appels d'offres les entreprises très spécialisées disposant de l'expérience, des moyens humains et techniques et de la surface financière leur permettant d'assumer la responsabilité de la construction desdits ouvrages dans des conditions satisfaisantes pour le maître d'ouvrage. Ce segment ne connaît qu'un nombre limité d'acteurs crédibles; il est essentiellement animé par les filiales spécialisées des trois principaux groupes de construction que sont Bouygues, Eiffage et Vinci.

Si la délimitation géographique d'un tel segment est au moins nationale, les entreprises répondant indistinctement aux appels d'offres selon l'implantation géographique du chantier, celle des chantiers de moindre importance semble plus locale, en fonction des caractéristiques techniques des ouvrages à réaliser.

En tout état de cause, la question de la délimitation précise des marchés de génie civil peut être laissée ouverte dans la mesure où, quelle que soit la définition retenue, les conclusions de l'analyse concurrentielle demeureront inchangées. Dans l'hypothèse d'une distinction des travaux de réalisation de très grands ouvrages, il convient de souligner que l'opération n'emporterait aucun effet vertical sur ce segment dans la mesure où les ouvrages concernés sur le réseau ASF ont déjà été réalisés.

Pour les besoins de l'analyse, il sera distingué un segment étroit du génie civil appliqué aux infrastructures routières comprenant la construction d'ouvrages d'art et de souterrains.

3.3. Analyse des effets verticaux sur les marchés de travaux

Sur un marché global des travaux routiers tel que proposé par le Conseil de la concurrence, qui précise toutefois que cette approche ne préjuge pas d'une analyse au fond au titre du contrôle des concentrations, la part de marché du groupe Vinci s'établit en 2004, sur la base d'une étude de janvier 2005 réalisée par XERFI, à [10-20] % (11). L'ensemble des travaux routiers réalisé sur le réseau d'ASF/Escota, tous types confondus, s'est élevé en 2004 à [...] millions d'euro, soit [0-10] % du montant total des travaux routiers. Dans l'hypothèse où, après l'opération, Vinci capterait l'ensemble des marchés de travaux routiers d'ASF, sa part de marché s'établirait alors à [10-20] % (12). Le groupe resterait notamment confronté à la concurrence du groupe Bouygues, qui disposerait, sur la base de l'estimation de XERFI, d'une part de marché de [20-30] %, et du groupe Eiffage, qui disposerait d'une part de marché de [10-20] %.

Selon une étude du Moniteur de décembre 2004, les travaux autoroutiers effectués sur les seules SEMCA s'élèvent en 2003 à 1,2 milliards d'euro. En 2003, le groupe Vinci a réalisé [...] millions d'euro de travaux autoroutiers pour l'ensemble des SEMCA, soit [10-20] % du montant global des travaux autoroutiers. Par analogie avec le raisonnement déroulé par la Commission dans sa récente décision Eiffage/Macquarie/APRR précitée, la question de la forclusion pourrait être écartée sur un hypothétique marché des travaux autoroutiers, au motif que la part de marché de Vinci sur un tel marché est inférieure à 20 %.

3.3.1. Sur les travaux de terrassements

Selon la Fédération Nationale des Travaux Publics, l'ensemble des travaux de terrassement réalisé en France a généré en 2004 une activité estimée en valeur à 5 613 millions d'euro.

Pour sa part, le groupe Vinci indique que son activité de terrassement a généré en 2004 un chiffre d'affaires de [...] millions d'euro, soit une part de marché établie à [0-10] %. Si l'on retient les données publiées dans Le Moniteur, la part de marché de Vinci s'établirait à [0-10] %.

Sur la même période, les dépenses d'ASF en travaux de terrassements, tous types confondus, se sont élevées à [...] millions d'euro, soit [0-10] % du montant total des travaux de terrassement. Dans l'hypothèse où, après l'opération, Vinci capterait l'ensemble des marchés de travaux de terrassements d'ASF, sa part de marché s'établirait alors [0-10] %, ou [0-10] % selon que l'on retienne les données communiquées par Vinci ou celle du Moniteur.

a) Sur un segment des travaux de terrassement en grande masse

Le segment des terrassements en grande masse embrasse les activités de terrassements aux fins de construction et/ou, plus marginalement, d'amélioration d'infrastructures autoroutières (50 % de l'activité du marché), les activités de terrassement aux fins de construction d'infrastructures ferroviaires (40 % de l'activité du marché), et les activités de terrassement aux fins de construction d'infrastructures routières, telles que les grandes routes nationales, et d'ouvrages d'art, tels que les barrages hydrauliques (10 % de l'activité).

Sur un segment des terrassements en grande masse (tous types de travaux), il ressort de l'enquête de marché que la part de marché de Vinci s'établirait entre [10-20] et [10-20] %. Le segment est animé par des opérateurs tels Valfinance (13), avec une part de marché établie entre [10-20] et [10-20] %, Eiffage, entre [0-10] et [10-20] %, Razel (14), entre [0-10] et [10-20] %, Bouygues, [0-10] %, Fayat, entre [0-10] et [0-10] %, Roger Martin, et Charrier, disposant chacun d'un peu moins de [0-10] % de part de marché.

L'enquête de marché montre qu'en 2004, les activités de terrassement en grande masse réalisées sur le réseau d'ASF par l'ensemble des entreprises de construction auraient représenté environ [10-20] % de l'activité du segment.

Sur la base des modes de passation des marchés de travaux de construction prévalant avant 2001 (adossement) mais dont les effets couraient encore en 2004, et dans l'hypothèse d'une captation des marchés de terrassements en grande masse d'ASF par Vinci, ce dernier disposerait d'une part de marché estimée entre [20-30] et [30-40] %.

Il convient toutefois de relativiser cette addition mécanique de la part de marché de Vinci en cas de captation des marchés de terrassement en grande masse d'ASF dans la mesure où ils correspondent pour une très large part à des travaux de construction. En effet, ainsi que précisé lors de la définition des marchés, les travaux de terrassement en grande masse réalisés sur autoroutes correspondent pour leur quasi-totalité à des travaux de construction de nouveaux tronçons. Or, depuis la réforme autoroutière, les règles de concurrence qui s'appliquent désormais obligent l'État à procéder à une mise en concurrence pour toute création de nouveau tronçon d'autoroute. Logiquement, la part que représentent les travaux de terrassement en grande masse sur le réseau d'ASF devrait donc s'ajuster mécaniquement à la baisse.

En effet, désormais, pour la part relative à la construction d'infrastructures autoroutières, l'activité de ce segment se superpose en fait pour une très large part au marché de la dévolution des contrats de concession autoroutière dont l'analyse est menée dans la première partie de la présente décision.

L'essentiel des travaux futurs en matière de terrassement en grande masse sera donc fonction de la capacité du groupe Vinci à remporter de nouveaux contrats de concession autoroutière.

b) Sur des segments de travaux de terrassements simple et moyen

Le réseau d'ASF traverse les régions Aquitaine, Auvergne, Languedoc-Roussillon, Midi-Pyrénées, Pays de Loire, Poitou-Charente, Provence-Alpes-Côte d'Azur, et Rhône Alpes.

Sur chacune de ces régions, la part de marché de Vinci s'établit aux environs de sa part de marché considérée sur le secteur au niveau national, soit [0-10] % au plus. Il apparaît également qu'outre les autres majors et les indépendants actifs sur le segment des travaux de terrassement en grande masse, de nombreux opérateurs régionaux sont actifs.

3.3.2. Sur les travaux de chaussée

Au niveau national et en 2004, l'activité de Vinci en travaux de chaussée, tous types de travaux confondus, a généré un chiffre d'affaires de [...] millions d'euro, soit environ [20-30] % du total de l'activité, tel qu'il ressort de l'étude de novembre 2005 du Moniteur.

L'ensemble des travaux de chaussée réalisés par ASF, tous types confondus, se serait élevé en 2004 à environ [...] millions d'euro, soit [0-10] % du montant total des travaux de chaussée. Dans l'hypothèse où, après l'opération, Vinci capterait l'ensemble des marchés de travaux routiers d'ASF, sa part de marché s'établirait alors [20-30] %, au plus.

Au niveau national, le secteur est très essentiellement animé par Bouygues, qui disposerait d'une part de marché d'environ [30-40] %, et Eiffage, avec une part de marché de [10-20] %.

Au niveau local, sur les régions traversées par le réseau d'ASF (voir ci-dessus), la part de marché de Vinci n'excède pas [20-30] %, à l'exception de la région Auvergne, où sa part de marché s'établit à [20-30] %.

Pour autant, même dans l'hypothèse d'une captation des marchés de travaux d'ASF par Vinci, ce dernier resterait confronté, au niveau national comme au niveau régional, à la concurrence de Bouygues et Eiffage et à celle d'opérateurs indépendants tels que REP, Routière Morin, Fayolle, Toffoluti, Urano.

3.3.3. Sur les travaux de génie civil

Dans l'hypothèse d'une distinction des travaux de réalisation de très grands ouvrages, il convient de souligner que l'opération n'emporterait sur ce segment aucun effet vertical dans la mesure où les ouvrages concernés sur le réseau ASF ont déjà été réalisés.

Dès lors, sur le segment le plus étroit considéré, à savoir un segment des travaux de génie civil appliqués aux infrastructures routières, l'activité a généré en 2004 un chiffre d'affaires total de 3 158 millions d'euro (15). Sur ce segment, Vinci a réalisé un chiffre d'affaires de [...] millions (dont [...] millions sur des marchés d'ASF), ce qui lui confère une part de marché de [20-30] %.

En 2004, ASF a engagé des travaux de génie civil pour un montant de [...] millions d'euro (16), soit [0-10] % du montant total des travaux de génie civil appliqués aux infrastructures routières engagé en France sur la période considérée.

Dans l'hypothèse où, après l'opération, Vinci capterait l'ensemble des marchés de travaux de génie civil d'ASF, sa part de marché nationale s'établirait alors [20-30] %.

Au niveau local, en 2004, sur les régions traversées par le réseau d'ASF (voir ci-dessus), la part de marché de VINCI excèderait [20-30] % dans 4 régions : l'Auvergne ([40-50] %), le Limousin ([30-40] %), les Pays de Loire ([30-40] %), et la région Provence-Alpes-Côte d'Azur ([30-40] %).

Cependant, pour l'année 2004, ces parts de marché s'expliquent par l'importance d'un nombre réduit de marchés de travaux, représentant à eux seuls une fraction substantielle du volume des travaux de génie civil réalisés dans la région considérée, dont Vinci a été déclarée adjudicataire. Ainsi, VINCI a obtenu en Auvergne le marché du tunnel du Lioran ([...] M€) dans le Cantal. De même, la part de marché de Vinci dans le Limousin s'explique par l'obtention de travaux importants (notamment Viaduc de la Sioule pour [...] M€) sur la nouvelle section de l'A89. En Provence-Alpes-Côte d'Azur, le groupe a réalisé des travaux conséquents pour les tunnels de la Major et de Lajout.

L'analyse qui précède correspond à l'activité de l'année 2004. Les données peuvent varier d'une année à l'autre en fonction des travaux de génie civil engagés. Les parts de marché de Vinci peuvent donc fluctuer à la hausse comme à la baisse. Ces variations sont sans doute plus sensibles au niveau régional, comme indiqué plus haut.

3.3.4. Évaluation d'un risque de position dominante collective

Dans son avis du 2 décembre 2005, le Conseil de la concurrence s'interroge sur le risque de création d'une position dominante collective dans l'hypothèse d'une acquisition de contrôle des autoroutes par des opérateurs actifs sur les marchés de travaux.

Un certain nombre d'indices rend cette question pertinente pour un certain nombre des marchés pertinents concernés : les trois grands du BTP se trouvent liés structurellement au travers de Cofiroute, la présence de deux des trois constructeurs dans deux sociétés d'exploitation peut être de nature à accroître la transparence du marché puisqu'elles auront accès aux offres détaillées de leurs concurrents.

Cependant, outre que les parts de marché des trois principaux opérateurs ne sont pas équilibrés (le leader générant sur le marché des travaux de chaussées un chiffre d'affaires égal à celui réalisé par les deux suivants combinés), les critères usuellement retenus depuis l'arrêt Airtours (17) pour qualifier l'existence d'une position dominante collective ne semblent pas réunis. Notamment, il pourrait être opposé que les produits ne sont pas nécessairement homogènes (les caractéristiques techniques de nombre de marchés de travaux sont définies au plan local), que la transparence n'est pas complète pour l'ensemble du marché sur lequel des appels d'offres subsistent, qu'enfin la concurrence actuelle d'entreprises indépendantes est réelle.

En conclusion, quelle que soit la segmentation envisagée, le montant des travaux engagés par ASF est faible en regard de l'activité du segment. Dès lors, même dans l'hypothèse où VINCI capterait tous les travaux de construction et d'entretien d'ASF, l'opération en cause ne porterait pas atteinte à la concurrence en raison de ses effets verticaux, compte tenu :

- de la part de marché de VINCI sur chacun de ces segments, et compte tenu de la faible addition qui résulterait d'une captation par VINCI des travaux engagés par ASF ;

- du fait qu'il ne saurait être mis en évidence la création d'une quelconque position dominante collective entre les trois majors du secteur ;

- et du fait que, même dans l'hypothèse où tous les travaux sur autoroutes auraient constitué des marchés per se, d'une part, l'analyse menée en deuxième partie de la présente décision montre la capacité du régulateur à maîtriser l'évolution tarifaire, et d'autre part, les captations de ces marchés ne permettraient pas, eu égard à leur valeur, un effet de levier sur les autres types de marchés de travaux, bien plus importants.

3.4. L'encadrement réglementaire et contractuel

Dans la conclusion de son avis du 2 décembre 2005 précité, le Conseil de la concurrence a estimé que pour atténuer les risques d'atteinte à la concurrence sur le secteur connexe des travaux autoroutiers, il convenait d'assurer (i) " que les principes de séparation juridique ou fonctionnelle des activités de concession soient strictement appliqués ", et (ii) " que soient préservés, après la privatisation des SEMCA, des mécanismes de mise en concurrence suffisants dans le cadre de l'attribution des travaux autoroutiers et des prestations de services liées à l'exploitation de l'autoroute ".

Sur le second point, le Conseil de la concurrence a notamment recommandé de " réintroduire explicitement dans le contrat de concession, outre la règle de mise en concurrence systématique, l'obligation de respecter les critères de choix qui s'imposent aux pouvoirs adjudicateurs ". Afin de garantir que les concessionnaires ne soient pas juges et parties aux procédures de mise en concurrence, il propose que des " commissions des marchés " soient instituées au sein des sociétés concessionnaires, commissions qui devraient disposer d'un véritable pouvoir d'approbation. Ces commissions des marchés devraient, selon le Conseil de la concurrence, " comporter une majorité de membres indépendants des concessionnaires ".

Les tiers interrogés dans le cadre de l'enquête de marché, dont beaucoup craignent des effets de forclusion du marché des travaux autoroutiers liés à l'intégration verticale, ont également souligné leur attachement à ce que des mécanismes de mise en concurrence des marchés de travaux autoroutiers perdurent au-delà de la privatisation des SEMCA. Ils se sont largement référés aux recommandations du Conseil de la concurrence.

Dans sa décision du 15 février précitée, la Commission européenne a pris acte des dispositions du cahier des charges imposé aux sociétés concessionnaires par le concédant ainsi que des engagements déposés par les parties notifiantes auprès de l'État français " afin de dissiper les préoccupations que pourrait susciter la relation verticale entre Eiffage et APRR, qui pourrait entraver l'arrivée de nouveaux concurrents sur le marché18 "

a) Le principe de la séparation juridique ou fonctionnelle des activités de concession

Le principe de séparation des activités de concession et de construction trouve sa traduction dans le cahier des charges du contrat de concession et dans la structure fonctionnelle du groupe Vinci.

L'article 42 du cahier des charges stipule en effet : " la société concessionnaire ne pourra, sans l'accord préalable du concédant, participer, à quelque titre que ce soit, à une opération de fusion, absorption, apport, scission, dissolution sans liquidation ou tout autre opération de restructuration similaire susceptible de porter atteinte à sa capacité, notamment technique ou financière, de remplir les obligations mises à sa charge par le présent accord de concession, en particulier aux termes de l'article 6 ". Cette disposition répond très directement à l'une des recommandations du Conseil de la concurrence (19).

Il s'ensuit que la séparation nette entre l'activité d'exploitation du réseau autoroutier d'ASF, soumise à monopole par voie de concession et les activités de construction et d'entretien de routes du groupe Vinci, soumise à la concurrence, demeurera effective, sous le contrôle du concédant.

b) Le maintien de la mise en concurrence pour les marchés de travaux, fournitures et services

Le maintien de mécanismes de mise en concurrence, tel qu'il a été recommandé par le Conseil de la concurrence, est garanti à la fois par les dispositions du cahier des charges figurant au contrat de concession, notamment par son article 6 et par des engagements volontaires du groupe Vinci, déposés par ce dernier auprès de l'État dans le cadre de son offre.

L'article 6 du cahier des charges du contrat de concession

L'article 6 du cahier des charges prévoit que la société concessionnaire devra recourir systématiquement à la concurrence pour la dévolution des marchés de travaux, de fournitures et de services réalisés dans le cadre de la concession dès lors que ceux-ci dépassent le seuil de 2 millions d'euro hors taxes pour les marchés de travaux et de 240 000 euro hors taxes pour les marchés de fournitures et de services.

Dans ce cadre, précise l'article 6, la société concessionnaire met en œuvre les règles de la directive communautaire relative aux marchés publics (20) et de ses textes de transposition en droit français applicables aux pouvoirs adjudicateurs (21). En outre, la société concessionnaire ne pourra se prévaloir de la notion d'entreprises groupées ou liées pour s'abstraire d'une procédure de mise en concurrence. Ainsi, la société concessionnaire sera tenue de respecter les principes de publicité, de procédure de passation de marché, notamment par appels d'offres, d'égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures.

L'article 6 du cahier des charges impose la création au sein de chaque société concessionnaire d'une commission des marchés composée majoritairement de personnalités indépendantes et d'un représentant de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, service du Ministère de l'économie, des finances et de l'industrie. Cette commission des marchés est chargée de définir les règles internes pour la passation et l'exécution des marchés, soumises à l'avis de la commission nationale des marchés des sociétés concessionnaires d'autoroutes, et de veiller au respect des procédures de passation et d'exécution de ces marchés. Enfin, elle émet un avis sur leur attribution. Au moment de l'adoption de l'avis, les membres de la commission qui ont un lien avec les soumissionnaires concernés ne prennent pas part au vote. Ses délibérations font l'objet d'un procès-verbal. Cette commission des marchés, compte tenu de son indépendance vis-à-vis du concessionnaire et des soumissionnaires, sera garante du respect des mécanismes de mise en concurrence.

Aux termes de l'article 6, la société concessionnaire peut toutefois refuser de suivre l'avis de la commission des marchés par une décision de son conseil d'administration, soumise à l'ensemble des conditions définies par les articles L. 225-38 et suivants du Code de commerce en ce qui concerne les conventions réglementées.

L'ensemble de ces conditions encadre la possibilité pour le conseil d'administration d'ASF d'aller à l'encontre de l'avis de la commission des marchés. En effet, une telle décision serait prise par le conseil d'administration d'ASF statuant à la majorité des membres présents et représentés, l'intéressé (le représentant du groupe Vinci, par exemple) ne pouvant pas prendre part au vote sur le rejet de l'avis de la commission des marchés. A cet égard, Vinci a prévu dans son offre de faire en sorte que le conseil d'administration d'ASF comprenne des administrateurs indépendants. Par ailleurs, les administrateurs qui se prononceront ont pour mission de veiller à ce que l'opération en cause soit conforme à l'intérêt social de la société. Enfin, le Code de commerce prévoit qu'une telle convention est portée à la connaissance des commissaires aux comptes puis ratifiée par l'assemblée générale des actionnaires.

Par ailleurs, l'article 6 met en place des dispositifs de transparence qui constituent un garde-fou supplémentaire. Les avis de la commission des marchés de la société concessionnaire sont en effet transmis à la commission nationale des marchés qui peut les rendre publics. De plus, la société concessionnaire est tenue de transmettre un rapport d'activité de la commission des marchés à la commission nationale.

Ainsi, l'article 6, sans rendre l'avis de la commission des marchés tout à fait obligatoire pour la société concessionnaire puisqu'il ménage une possibilité de réformation de l'avis par le conseil d'administration de la société concessionnaire, n'en instaure pas moins une instance indépendante en matière d'attribution de marchés de travaux, fournitures et services au sein des sociétés concessionnaires dont les avis neutres et objectifs, a priori conformes aux intérêts sociaux de l'entreprise, pourront difficilement être remis en cause.

Les engagements du groupe Vinci

De la même façon que la Commission européenne a pris acte des engagements propres d'Eiffage et Macquarie à l'occasion de leur prise de contrôle conjoint d'APRR, le ministre de l'Economie prend acte des engagements volontaires pris par le groupe Vinci dans le cadre de son offre d'acquisition des participations de l'État et d'Autoroutes de France dans ASF.

Le groupe Vinci se porte fort que les conseils des sociétés ASF et Escota veilleront à ce qu'aucun marché ne soit attribué à une entreprise du groupe Vinci contre l'avis de la commission des marchés prévue à l'article 6 du cahier des charges. Le groupe Vinci prendra les dispositions nécessaires, propres à permettre d'assurer le respect de cet engagement.

En outre, le groupe Vinci se porte fort que pendant une période minimale de trois ans, à compter du 1er janvier 2006, les sociétés du groupe Vinci qui ont aujourd'hui des relations commerciales avec ASF et Escota n'augmenteront pas la part qu'elles représentaient ensemble dans le montant total des travaux réalisés par les groupes ASF et Escota en moyenne sur les trois derniers exercices (2003-2005). Cette part s'élève à environ [20-30] %.

Le groupe Vinci s'engage à mettre en place des dispositifs appropriés pour renforcer la séparation fonctionnelle, évoquée plus haut et à garantir à tous les stades de la procédure d'attribution des marchés l'étanchéité entre ASF et Escota, la commission des marchés et les sociétés du groupe Vinci qui pourraient répondre à un appel d'offres d'ASF ou d'Escota.

Enfin, le groupe Vinci veillera, " à ce que les spécifications des appels d'offres initiés par ASF et Escota en vue de l'attribution des contrats de maintenance et de travaux permettent d'assurer une réponse effective et un accès des petites et moyennes entreprises du secteur notamment celles situées dans les bassins d'emploi, maintenant ainsi des conditions propres au maintien de leur part de marché. "

L'ensemble de ces engagements qui viennent compléter et renforcer les dispositions prises par l'État dans le cadre du cahier des charges du contrat de concession est de nature à répondre aux recommandations du Conseil de la concurrence et aux craintes exprimées dans le cadre de l'enquête de marché.

L'analyse des effets verticaux de l'opération de concentration tant du point de vue de ses effets sur les marchés pertinents identifiés que du point de vue des recommandations générales du Conseil de la concurrence sur la nécessité du maintien de mécanismes propres à assurer une mise en concurrence sur les marchés de travaux permet de considérer que l'acquisition d'ASF/Escota par le groupe Vinci n'est pas de nature à soulever de problèmes de concurrence.

Ainsi, il apparaît que l'opération notifiée n'est pas de nature à porter atteinte à la concurrence, notamment par création ou renforcement de position dominante. Je vous informe donc que je l'autorise.

Je vous prie d'agréer, Maîtres, l'expression de ma considération distinguée.

NOTA : Des informations relatives au secret des affaires ont été occultées à la demande des parties notifiantes et la part de marché exacte remplacée par une fourchette plus générale. Ces informations relèvent du " secret des affaires ", en application de l'article 8 du décret n° 2002-689 du 30 avril 2002 fixant les conditions d'application du livre IV du Code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence.

Notes :

1 Avis du Conseil de la concurrence n°05-A-22 du 22 décembre 2005 relatif à une demande d'avis de l'Association pour le maintien de la concurrence sur le réseau autoroutier (AMCRA) sur les problèmes de concurrence pouvant résulter de la privatisation annoncée des sociétés d'économie mixte concessionnaires d'autoroutes. Comme le précise le Conseil de la concurrence lui-même, il s'agit d'un avis de caractère général sur les questions qui lui ont été soumises par l'AMCRA, qui ne préjuge pas de l'appréciation que le Conseil pourrait faire s'il était saisi par le ministre d'une opération de concentration spécifique.

2 Décision de la Commission européenne M.4087 du 15 février 2006, non publiée mais dont les éléments principaux ont été rendus publics dans son communiqué de presse en date du 15/02/2006 (IP/06/173).

3 Décision de la Commission européenne du 21/12/1995 M.567 Lyonnaise des Eaux/ Northumbrian Water.

4 Arrêté du ministre de l'Economie du 22 juin 2001 relatif à l'acquisition du groupe GTM par la société Vinci, publié au BOCCRF n°1 du 21 janvier 2002.

5 Calculées à partir des kilomètres concédés.

6 Arrêté du 22/06/2001, précité.

7 Décision de la Commission européenne M.3150 SNCF/Trenitalia/AFA.

8 Lettre du ministre du 7/06/2000 C2000-39 SNCF Participations/Via GTI.

9 Lettre du ministre du 29/09/2000 C2000-107 AOM Air Littoral/ Air Liberté.

10 Le 2ème alinéa de l'article 3 du décret précise qu'il s'agit de l'inflation de l'année précédente (hors tabac). Par convention la période retenue va d'octobre n-2 à octobre n-1 pour une hausse en année n.

11 Le marché des travaux routiers s'élève selon cette étude à 15,7 milliards d'euro.

12 Dans les agrégations du chiffre d'affaires de Vinci et d'ASF réalisées dans les développements suivants, il est tenu compte de la part déjà réalisée par Vinci en 2004 afin d'éviter un double comptage.

13 Valfinance est une société Holding contrôlant les sociétés Guintoli et Valérian.

14 Razel appartient au groupe de BTP allemand Bilfinger Berger.

15 Selon les statistiques de la FNTP.

16 En 2005, ce montant n'est plus que de 32,6 millions d'euro.

17 TPICE, arrêt du 6 juin 2002, Airtours.

18 Communiqué de presse de la Commission européenne du 15 février 2006 (IP/06/173), précité.

19 Avis du Conseil de la concurrence du 2 décembre 2005 précité, notamment point 94.

20 Directive 2004-18 du Parlement européen et du Conseil du 31 mars 2004 relative à la coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux, de fournitures et de services.

21 Ordonnance n°2005-649 et décret n°2005-1742.