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Décisions

CJCE, 5e ch., 5 octobre 1988, n° 294-86

COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Technointorg

Défendeur :

Commission des Communautés européennes , Conseil des Communautés européennes

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président de chambre :

M. Bosco

Avocat général :

Sir Slynn

Juges :

MM. de Almeida, Everling, Galmot, Joliet

Avocats :

Mes Marissens, Jacobs

CJCE n° 294-86

5 octobre 1988

LA COUR,

1 Par requêtes déposées au greffe de la Cour respectivement le 26 novembre 1986 et le 18 mars 1987, Technointorg a introduit, en vertu de l'article 173, alinéa 2, du traité CEE, deux recours, le premier, enregistré sous le n° 294-86, visant à l'annulation du règlement n° 2800-86 de la Commission, du 9 septembre 1986, instituant un droit antidumping provisoire sur les importations de certains congélateurs originaires d'Union soviétique (JO L 259, p. 14, ci-après "règlement provisoire"), et en particulier de son article 1er, et le second, enregistré sous le n° 77-87, visant à l'annulation du règlement n° 29-87 du Conseil, du 22 décembre 1986, instituant un droit antidumping définitif sur les importations de certains congélateurs originaires d'Union soviétique (JO 1987, 16, p. 1, ci-après "règlement définitif"), dans la mesure où Technointorg est visé par ces règlements.

2 Par requêtes distinctes, également introduites le 26 novembre 1986 et le 18 mars 1987, Technointorg a introduit deux demandes en référé, la première visant à obtenir la suspension à son égard du règlement provisoire et la seconde tendant à la suspension à son égard du règlement définitif, jusqu'à ce que la Cour ait statué sur les recours formés au principal.

3 Par ordonnances du président de la Cour respectivement du 17 décembre 1986 et du 9 avril 1987, les demandes en référé précitées ont été rejetées, les dépens étant réservés.

4 Par ordonnance du 8 mai 1987, la Cour a admis la Commission à intervenir dans l'affaire 77-87, à l'appui des conclusions du Conseil.

5 Par ordonnance du 8 juillet 1987, les affaires 294-86 et 77-87 ont été jointes aux fins de la procédure et de l'arrêt.

6 Technointorg exporte des congélateurs originaires d'Union soviétique, du type armoire (codes Nimexe 84.15-41 et 84.15-46), vers la Communauté. En septembre 1985, le Conseil européen de la construction électrodomestique a déposé, au nom de producteurs représentant pratiquement l'ensemble de la production communautaire des congélateurs, une plainte auprès de la Commission selon laquelle les importations de certains congélateurs originaires de République démocratique allemande, d'Union soviétique et de Yougoslavie faisaient l'objet de pratiques de dumping et causaient un préjudice à l'industrie communautaire.

7 Au cours de la procédure antidumping engagée sur la base du règlement n° 2176-84 du Conseil, du 23 juillet 1984, relatif à la défense contre les importations qui font l'objet d'un dumping ou de subventions de la part de pays non-membres de la Communauté économique européenne (JO L 201, p. 1), la Commission a estimé nécessaire de distinguer parmi les congélateurs faisant l'objet d'allégations de dumping, entre les modèles de type coffre (code Nimexe 84.15-32) et les modèles de type armoire (codes Nimexe 84.15-41 et 84.15-46), au motif que ces produits ne constitueraient pas des produits similaires au sens de la réglementation communautaire.

8 Pour les modèles de type coffre, la Commission a décidé, par l'article 4 du règlement provisoire, de clore la procédure antidumping. Par contre, pour les modèles de type armoire, la Commission a, d'une part, accepté les engagements souscrits par les exportateurs de Yougoslavie et de République démocratique allemande et clôturé l'enquête à leur égard et, d'autre part, institué, par l'article 1er du règlement précité un droit antidumping provisoire de 33 % sur les congélateurs originaires d'Union soviétique.

9 Selon son article 6, alinéa 2, ce règlement ne s'appliquait, dans la mesure où il instituait un droit antidumping provisoire, que pendant une période de quatre mois, ou jusqu'à l'adoption, par le Conseil de mesures définitives avant l'expiration de cette période. Il a été remplacé en cours d'instance par le règlement définitif qui a fait l'objet du deuxième recours, introduit par Technointorg le 18 mars 1987.

10 Par son télex du 20 mars 1986, la Commission a soutenu que le recours introduit dans l'affaire n° 294-86, visant l'annulation du règlement provisoire, est devenu sans objet étant donné que ce règlement n'est plus en vigueur. Dans ses observations, présentées le 6 avril 1987, Technointorg a fait valoir que le Conseil, en décidant la perception des montants garantis par le droit antidumping provisoire, s'est borné à exécuter le règlement de la Commission et que lui-même ne pourra réclamer le remboursement de ces montants que si la Cour annule le règlement qui les institue. Il allègue, en outre, avoir un intérêt à attaquer le règlement provisoire dans la mesure où il pourra se baser sur toute cause d'illégalité retenue par la Cour pour réclamer des dommages-intérêts.

11 Il y a dès lors lieu, à titre liminaire, d'examiner si Technointorg garde un intérêt à attaquer le règlement provisoire, alors même que celui-ci a été remplacé par le règlement définitif.

12 A cet égard, il y a lieu de constater que, compte tenu du fait que les montants garantis par le droit antidumping provisoire ont été perçus, en vertu de l'article 2 du règlement définitif, au taux du droit définitivement institué, aucun effet juridique découlant du règlement provisoire ne peut être invoqué par Technointorg.

13 En ce qui concerne l'intérêt qui consisterait dans la possibilité, pour Technointorg, de faire constater la nullité du règlement provisoire en vue de réclamer des dommages-intérêts sur cette base, il y a lieu de faire remarquer que Technointorg pourrait invoquer l'illégalité du règlement définitif à l'appui d'une demande de réparation d'éventuels préjudices causés par le règlement provisoire.

14 Dans ces conditions, il s'impose de conclure que le recours introduit dans l'affaire n° 294-86 est devenu sans objet et qu'il n'y a dès lors pas lieu de statuer à son sujet.

15 Il convient donc de se limiter à l'examen des moyens soulevés dans le cadre de l'affaire 77-87.

16 En ce qui concerne le cadre réglementaire et les faits du litige, de même que les moyens et arguments des parties, il est renvoyé au rapport d'audience. Ces éléments du dossier ne sont repris ci-dessous que dans la mesure nécessaire au raisonnement de la Cour.

A - Sur la violation du principe général du respect des droits de la défense

17 Technointorg fait valoir que la Commission et le Conseil n'ont pas tenu compte de la procuration donnée à M. Astakhov, représentant Technointorg dans la procédure antidumping en cause, et, en particulier, que la Commission ne lui a demandé aucune information et ne lui a pas adressé le questionnaire destiné aux exportateurs, contrairement à l'article 7, paragraphe 1, sous B), du règlement n° 2176-84, précité. Il conteste, dès lors, le refus de coopération qui lui est imputé dans les deuxième et troisième considérants du règlement définitif.

18 A cet égard, il y a lieu de constater tout d'abord, comme l'indiquent les pièces du dossier, que des copies du questionnaire destiné aux exportateurs et l'avis de l'ouverture de l'enquête antidumping ont été transmis, par courrier recommandé, à Technointorg à son adresse à Moscou. En effet, le récépissé du bureau de poste produit devant la Cour indique que cet envoi a eu lieu le 17 décembre 1985 et, dans le télex qu'il a adressé à la Commission le 18 février 1986, Technointorg a accusé réception du questionnaire et a demandé une prorogation du délai de réponse. A l'audience, Technointorg a en outre admis qu'il n'avait jamais répondu à ce questionnaire.

19 Dans ces conditions, Technointorg lui-même ayant eu la possibilité de fournir à la Commission toutes les informations nécessaires et s'étant abstenu de le faire, les autorités communautaires étaient en droit de se fonder sur les données dont elles disposaient, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur le point de savoir si M. Astakhov a été ou non mis en mesure par la Commission de participer à la procédure.

20 Le premier moyen doit, dès lors, être rejeté.

B - Sur le défaut de motivation en violation de l'article 190 du traité CEE

21 Technointorg estime que les motifs présentés aux quatorzième, dix-septième et dix-huitième considérants du règlement définitif, concernant respectivement la détermination de sa part de marché, la notion des intérêts de la Communauté et l'imposition du droit au taux de 33 %, sont insuffisants.

22 En ce qui concerne l'argument de Technointorg, selon lequel il n'a pas été répondu à son affirmation que l'augmentation de sa part de marché au Royaume-Uni et en Belgique ne signifierait pas une augmentation de sa part de marché globale dans la Communauté, il suffit de relever que le quatorzième considérant du règlement définitif indique que la consommation dans la Communauté est demeurée stable, alors que les importations originaires d'Union soviétique ont progressé de plus de 20 000 unités de 1981 à 1985. Par ailleurs, le treizième considérant du même règlement renvoie aux constatations détaillées faites à ce sujet par la Commission dans le règlement provisoire, et, en particulier, dans le vingt-troisième considérant.

23 Sur le refus d'admettre les arguments présentés par Peja Import BV, l'un des importateurs communautaires auprès desquels la Commission a recherché des informations et procédé à des contrôles, et notamment son argument relatif à l'intérêt de la Communauté de laisser se poursuivre les importations aux Pays-Bas de congélateurs originaires d'Union soviétique, pour éviter des mesures de rétorsion, le dix-septième considérant du règlement définitif expose, de manière suffisante, que les difficultés auxquelles la production communautaire est confrontée et son importance économique et sociale constituent les raisons qui ont amené le Conseil à conclure que l'intérêt de la Communauté devait prévaloir et exigeait l'institution d'un droit antidumping définitif.

24 Enfin, pour ce qui est de l'institution de ce droit au taux de 33 %, le dix-huitième considérant du règlement définitif indique que le droit de 33 %, inferieur à la marge de dumping établie à 204 %, est nécessaire pour éliminer le préjudice porté à la production communautaire, étant donnée la prise en considération du prix de vente nécessaire pour assurer aux producteurs efficaces de la Communauté un bénéfice raisonnable.

25 Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être rejeté.

C - Sur la détermination de la valeur normale à partir du prix pratiqué sur le marché yougoslave

26 Technointorg fait valoir que la Commission n'a pas suffisamment motivé le choix de la Yougoslavie comme pays analogue.

27 L'argument de Technointorg n'est pas fondé. Le sixième considérant du règlement définitif expose, de façon suffisamment claire, les motifs pour lesquels la Commission n'a pas retenu l'argumentation de Technointorg à cet égard.

28 Technointorg conteste, ensuite, la détermination de la valeur normale à partir du prix pratiqué sur le marché yougoslave. S'appuyant sur les caractéristiques qui distinguent le marché yougoslave du marché soviétique, en matière de niveau des revenus et de méthodes de production de congélateurs, Technointorg estime que la valeur normale en Yougoslavie aurait dû être construite. Il considère que, en n'acceptant aucun des ajustements qu'il a proposés pour neutraliser les caractéristiques susmentionnées, la Commission et le Conseil ont déterminé la valeur normale de manière déraisonnable et inappropriée, en violation de l'article 2, paragraphe 5, du règlement n° 2176-84.

29 Il convient de constater, en premier lieu, que l'article 2, paragraphe 5, du règlement n° 2176-84 prévoit que, dans le cas d'importations en provenance de pays n'ayant pas une économie de marché, la valeur normale est déterminée d'une manière appropriée et non déraisonnable sur la base : a) du prix effectivement pratiqué pour le produit similaire dans un pays tiers à économie de marché, b) de la valeur construite du produit similaire dans un pays tiers à économie de marché ou, c) lorsque ces critères ne fournissent pas une base adéquate, du prix réellement payé ou à payer dans la Communauté pour le produit similaire au besoin dûment ajusté afin d'inclure une marge bénéficiaire raisonnable. Le but de cette disposition est d'éviter la prise en considération des prix et des coûts de pays n'ayant pas une économie de marché qui ne sont pas normalement la résultante des forces qui s'exercent sur le marché.

30 Il convient de constater, en second lieu, que la valeur construite, dans l'économie de l'article 2, paragraphe 5, du règlement n° 2176-84, a pour fonction de servir de substitut au prix de vente sur le marché intérieur du pays de production ou d'exportation comme base de détermination de la valeur normale. Dès lors, il n'y a lieu de recourir à la valeur construite que lorsque les circonstances rendent déraisonnable l'utilisation du prix intérieur. Cette valeur doit être calculée de manière que les résultats obtenus soient le plus proches possible de la valeur normale fondée sur le prix intérieur. Les institutions disposent, à cet égard, d'une marge d'appréciation et Technointorg n'a pas démontré qu'elles l'aient utilisée à tort, en choisissant de fonder, en l'espèce, la valeur normale sur les prix pratiqués sur le marché intérieur yougoslave.

31 L'argument de Technointorg selon lequel la valeur normale aurait dû être construite afin de prendre en considération les différences invoquées entre la Yougoslavie et l'Union soviétique ne saurait être accueilli. C'est lors de la comparaison entre la valeur normale et le prix à l'exportation que les caractéristiques spécifiques des marchés doivent être prises en considération, dans les conditions prévues aux paragraphes 9 et 10 de l'article 2 du règlement n° 2176-84. Les institutions n'ont donc pas agi de manière erronée en déterminant la valeur normale à partir du prix pratiqué sur le marché yougoslave.

32 Ce moyen doit, dès lors, être rejeté.

D - Sur la comparaison entre le prix à l'exportation et la valeur normale

33 Technointorg fait valoir que la Commission et le Conseil, en refusant de prendre en considération les ajustements relatifs aux caractéristiques alléguées du marché yougoslave, au regard notamment du niveau des revenus et des méthodes de production en Union soviétique, ont enfreint les paragraphes 9 et 10 de l'article 2 du règlement n° 2176-84. A son avis, l'obligation de procéder à une comparaison valable, établie par l'article précité, implique qu'il convient de procéder à des ajustements supplémentaires, même si ceux-ci ne sont pas expressément prévus dans ledit article, dont la liste ne serait pas exhaustive.

34 A cet égard, il y a lieu de relever que l'article 2, paragraphes 9 et 10, en vue de l'établissement d'une comparaison valable entre le prix à l'exportation et la valeur normale, après que ceux-ci ont déjà été calculés selon les méthodes prévues à cette fin, prévoit des ajustements en raison des différences affectant la comparabilité des prix, aux niveaux des caractéristiques physiques du produit, des quantités, des conditions de vente, des impositions à l'importation et des impôts indirects. Ces ajustements sont à apporter exclusivement en raison de différences concernant les facteurs susmentionnés, comme la Cour l'a jugé dans son arrêt du 7 mai 1987 (Nachi Fujikoshi Corporation/Conseil, affaire 255-84, Rec. p. 1861).

35 Or, les différences alléguées par Technointorg concernent le niveau des salaires et les coûts élevés des composants des congélateurs et, dès lors, ne relèvent d'aucune des catégories mentionnées à l'article 2, paragraphes 9 et 10, du règlement n° 2176-84.

36 Il convient, par conséquent, de rejeter le moyen susmentionné.

E - Sur la détermination du préjudice

37 Selon Technointorg, le préjudice serait inferieur à celui déterminé par le Conseil et la Commission. A cet égard, il allègue, en substance, que le marché communautaire, des congélateurs se divise en deux sous-marchés distincts : le premier, le marché haut de gamme, occupé par la plupart des fabricants communautaires, qui comprend les congélateurs les plus perfectionnés et les plus chers, et le second, le marché bas de gamme, occupé par des fabricants des pays de l'Europe de l'Est et par une partie infime de l'industrie communautaire, qui comprend des congélateurs plus simples et moins chers. Étant donné que les congélateurs fabriqués par Technointorg sont des congélateurs bon marché, ils ne pourraient causer un préjudice qu'à la production communautaire du marché bas de gamme, et, par conséquent, l'effet des importations sur l'ensemble de la production communautaire ne pourrait être que minime.

38 A cet égard, il convient de constater que Technointorg n'a avancé aucun élément de preuve permettant de ne pas considérer tous les congélateurs du type armoire comme des produits similaires, conformément aux paragraphes 1 et 5 de l'article 4 du règlement n° 2176-84.

39 Même si les autorités communautaires ont comparé les congélateurs soviétiques avec les modèles communautaires les moins chers aux fins de la détermination de la sous-cotation du prix des premiers, en application de l'article 4 paragraphe 2, sous b), du règlement n° 2176-84, cela n'implique pas que d'autres modèles communautaires n'entrent pas en concurrence avec les congélateurs soviétiques et que l'ensemble de la production de la communauté ne soit pas affecté par les importations des produits en cause.

40 Technointorg relève, en outre, le faible nombre d'unités qu'il a exportées vers la Communauté, qui s'élèverait à 20 000 unités, en 1985, et affirme que ni la Commission ni le Conseil n'ont démontré comment les importations de Technointorg, considérées isolement, ont pu causer un préjudice à l'industrie communautaire.

41 Il y a lieu de constater, en ce qui concerne le nombre d'unités exportées par Technointorg, que, conformément à l'article 4, paragraphe 2, du règlement n° 2176-84, le volume des importations n'est que l'un des facteurs à prendre en considération pour la détermination du préjudice. Il convient aussi de retenir que, comme c'est le cas en l'espèce, lorsque les produits qui font l'objet de dumping proviennent de différents pays, les effets des importations doivent, en principe, être appréciés globalement. Il est conforme aux objectifs poursuivis par le règlement n° 2176-84 de permettre aux autorités communautaires d'examiner l'effet de l'ensemble de ces importations sur l'industrie communautaire et, par conséquent, de prendre les mesures adéquates à l'égard de tous les exportateurs, même si le volume des exportations de chacun d'entre eux, pris individuellement, est peu important.

42 Technointorg soutient, en outre, que les institutions communautaires n'ont pas motivé leur conclusion relative à un effet de cumul pour la détermination du niveau du préjudice. Cet argument n'est pas fondé. Les raisons invoquées à cet égard, du onzième au quinzième considérant du règlement définitif, qui confirment, en particulier, les conclusions de la Commission, exposées dans le vingt-quatrième considérant du règlement provisoire, sont suffisantes pour satisfaire à l'exigence posée par l'article 190 du traité.

43 Par conséquent, il y a lieu de rejeter le moyen susmentionné.

F - Sur le rejet des propositions d'engagement

44 Selon Technointorg, la Commission, en rejetant les engagements proposés et en refusant même de discuter leur contenu, a violé l'article 10, paragraphes 1 et 3, du règlement n° 2176-84, l'article 190 du traité CEE et le principe de non-discrimination.

45 En ce qui concerne la violation alléguée de l'article 10, paragraphes 1 et 3, du règlement précité, il y a lieu de rappeler d'abord que, selon une jurisprudence constante de la Cour (notamment, arrêt du 7 mai 1987, Nachi Fujikoshi Corporation/Conseil, affaire 255-84, Rec. p. 1861), aucune disposition du règlement n° 2176-84 ne fait obligation aux institutions d'accepter des propositions d'engagement en matière de prix. Il résulte, au contraire, de l'article 10 de ce règlement qu'il appartient aux institutions d'apprécier si les engagements proposés sont acceptables.

46 Il ressort, en outre, des pièces du dossier que, si la Commission a refusé de rencontrer Technointorg, elle a néanmoins examiné les propositions de ce dernier et l'a invité à s'exprimer sur les critiques qu'elle a formulées à l'encontre dédites propositions.

47 Il ressort notamment des télex des 18 et 28 novembre 1986, ainsi que de la lettre du 11 décembre 1986, adressés par la Commission à Technointorg, que les engagements proposés n'ont pas été acceptés pour trois raisons : A) les hausses de prix proposées étaient nettement moindres que celles qui auraient permis de supprimer le préjudice; B) ces hausses de prix s'échelonnaient sur une période de plusieurs années et ce n'est qu'en 1989-1990 que le taux de hausse maximale devait être atteint, et C) la hausse de prix maximale de 25 % était subordonnée à la mise en service d'une nouvelle usine, condition dont le respect échappait au contrôle de la Commission. Technointorg n'a pas contesté l'exactitude de ces circonstances.

48 Il y a lieu de constater, enfin, qu'en rejetant, pour les motifs sus-énoncés, qui sont suffisants et ont été portés à la connaissance de Technointorg, les propositions d'engagement de ce dernier, la Commission n'a pas excédé la marge d'appréciation dont elle disposait.

49 En ce qui concerne la violation alléguée du principe de non-discrimination, il y a lieu de relever que la Commission n'a pratiqué aucune discrimination arbitraire en refusant les engagements proposés par Technointorg, alors qu'elle avait accepté ceux offerts par les exportateurs de République démocratique allemande et de Yougoslavie. En effet, comme le précise le trente-quatrième considérant du règlement provisoire, les engagements proposés par ces exportateurs entrainaient des relèvements de prix suffisants pour supprimer le préjudice et il était possible de s'assurer de leur respect. Par contre, ainsi qu'il a été relevé ci-dessus, les engagements offerts par Technointorg étaient manifestement insuffisants et les conditions nécessaires pour permettre à la Commission d'en assurer le contrôle n'étaient pas réunies en l'espèce.

50 Le dernier moyen invoqué par Technointorg doit, dès lors, être également rejeté, ainsi que l'ensemble du recours introduit dans l'affaire n° 77-87.

Sur les dépens

51 En ce qui concerne le recours introduit dans l'affaire n° 77-87, en vertu de l'article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens. Technointorg ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de le condamner aux dépens, tant pour la procédure principale que pour la procédure en référé, y compris ceux de la partie intervenante qui a conclu en ce sens.

52 En ce qui concerne le recours introduit dans l'affaire n° 294-86, en vertu de l'article 69, paragraphe 5, du règlement de procédure, en cas de non-lieu à statuer, la Cour règle librement les dépens. Compte tenu de ce que Technointorg a succombé dans le recours qu'il a introduit contre le règlement définitif, qui a remplacé le règlement provisoire, il y a lieu de le condamner aux dépens de l'affaire 294-86, tant en ce qui concerne la procédure principale qu'en ce qui concerne la procédure en référé.

Par ces motifs,

LA COUR (cinquième chambre),

Déclare et arrête :

1) Il n'y a pas lieu de statuer sur le recours introduit dans l'affaire 294-86.

2) le recours introduit dans l'affaire 77-87 est rejeté.

3) la partie requérante est condamnée aux dépens dans les deux affaires précitées, tant pour les procédures principales que pour les procédures en référé, y compris ceux de la partie intervenante.