CA Rennes, 3e ch. corr., 16 septembre 2004, n° 04-00213
RENNES
Arrêt
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Chauvin
Avocat général :
Mme Ernoult-Cabot
Conseillers :
Mmes Pigeau, Antoine
Avocat :
Me Beucher
Rappel de la procédure :
Le jugement :
Le Tribunal de grande instance d'Angers par jugement contradictoire en date du 25 juin 2001, pour :
Détention de produit propre à effectuer la falsification de denrées alimentaires
Détention de substances médicamenteuses falsifiées et nuisibles à la santé
Exposition ou vente de denrée alimentaire, boisson ou produit agricole falsifié, corrompu ou toxique
Falsification de denrée alimentaire, boisson, substance médicamenteuse ou produit agricole
Falsification de denrées alimentaires, boissons ou substances médicamenteuses nuisibles à la santé
Exercice illégal de la pharmacie
Usage de faux en écriture
Détention de substances médicamenteuses falsifiées et nuisibles à la santé
Vente de denrées alimentaires, boissons, produits agricoles falsifiés, corrompus et nuisibles à la santé
Faux : altération frauduleuse de la vérité dans un écrit
a relaxé madame X, épouse Y des chefs de :
- détention de produits et de produits nuisibles propres à effectuer la falsification de denrées ;
- falsification de denrées servant à l'alimentation de l'homme, en y introduisant des substances non autorisées, nuisibles ou pas ;
- exposition et mise en vente de denrées falsifiées,
- exercice illégal de la pharmacie relativement à la vente de certains produits (gui, boldo, frêne, reine des prés. Hamamélis) ;
a disqualifié les faits d'exposition, mise en vente, vente de denrées falsifiées et nuisibles en délit d'exposition, mise en vente et vente de produits toxiques s'agissant de certains produit (konjac, psyllium, argile blanche, rauwolfia, noix vomique, adonis vernalis, racine de bryonne) ;
l'a déclarée coupable du surplus de la prévention et l'a condamnée à trois mois d'emprisonnement avec sursis et 30 000 F d'amende.
a ordonné la confiscation et la destruction de certains scellés ainsi que la restitution d'autres.
Par arrêt du 3 septembre 2002, la Cour d'appel d'Angers, sur appel tant de la prévenue que du Ministère public, a infirmé le jugement en ses dispositions relaxant Madame X, épouse Y, et l'a confirmé pour le surplus y compris du chef de la peine prononcée.
Sur pourvoi et par arrêt du 7 octobre 2003 signifié le 26 février 2004, cet arrêt a été cassé en toutes ses dispositions.
Les appels :
Appel a été interjeté par :
Madame X Claudine, le 4 juillet 2001 à titre principal
M. le Procureur de la République, le 4 juillet 2001 à titre incident
La prévention :
Considérant qu'il est fait grief à Claudine X épouse Y :
- d'avoir à Chanzeaux (49) et sur le territoire national, le 18 décembre 1997 et en tout cas depuis temps non prescrit, détenu sans motif légitime, des produits propres à effectuer la falsification de denrées servant à l'alimentation de l'homme ou de l'animal, en l'espèce des substances destinées à entrer dans la fabrication de compléments alimentaires :
- alkékenge
- noix de kola
- poudre de buis
- gingko biloba
- quinquina
- boldo
- cascara sagrada
- centella asiatica
- chrysantellium america
- christe marine
- cyprès noix
- desmodium
- éphedra
- escholtzia
- épilobe
- marron d'Inde
- petit houx
- schizandra
- shitate
- valériane
- vigne rouge
- galanga (racine)
- Gomphrena
Faits prévus par Art. L. 213-4 AL 1 4° C Consommat et réprimés par Art. L. 213-4 Al. 1, Art L. 216-2, Art. L. 216-3 C. Consommat et l'Art 1er du décret du 15 avril 1912 modifié.
- d'avoir à. Chanzeaux (49) et sur le territoire national, le 18 décembre 1997 et en tout cas depuis temps non prescrit, détenu sans motif légitime des produits propres à effectuer la falsification de denrées servant à l'alimentation de l'homme ou de l'animal, et nuisibles à la santé, en l'espèce des substances destinées à entrer dans la fabrication de compléments alimentaires :
- muira-puama
- técoma curalis (lapacho)
- bromolose
- dolomite
- garcinia cambodgia
- levure de chrome
- glycérine
- rauwolfia
- alfafa
- éleuthérocoque
- fumeterre
- harpagophytum
- plantain
- Prêle
- colostrum bovin
- argile blanche
Faits prévus par Art. L. 213-4 Al. 1 3°, Al. 2 C. Consommat et réprimés par Art. L. 213-4, Art. L. 216-2, Art. L 216-3, Art. L. 216-8 C. Consommation et l'Art 1er du décret du 15 avril 1912 modifié
- d'avoir à Chanzeaux (49) et sur le territoire national, le 28 janvier 1998 et en tout cas depuis temps non prescrit, détenu sans motif légitime des produits propres à effectuer la falsification de denrées servant à l'alimentation de l'homme ou de l'animal, et nuisibles à la santé, en l'espèce des substances destinées à entrer dans la fabrication de compléments alimentaires :
- dolomite
- colostrum bovin
- graines de lin
- argile blanche
- muira-puama
- konjac
- tecorna curalis (lapacho)
- levure de chrome
- rauwolfia
- adonis vernalis
- bryonne racine
Faits prévus par Art. L. 213-4 Al. 1 3°, Al. 2 C. Consommat et réprimés par Art. L. 213-4, Art. L. 216-2, Art. L. 216-3, Art. L. 216-8 C. Consommation et l'Art. 1er du décret du 15 avril 1912 modifié
- d'avoir à Chanzeaux (49) et sur le territoire national, courant 1997 et en tout cas depuis temps non prescrit, exposé, mis en vente ou vendu des denrées servant a l'alimentation de l'homme ou de l'animal qu'elle savait être falsifiées, en l'espèce des compléments alimentaires contenant des substances non autorisées suivantes :
- de la. Cascara sagrada (écorce)
- de la vigne rouge (feuille)
- du cyprès noix
- du chrysanthémium parthenium
- du chrysanthémium américanum
- du gingko biloba
- de l'escholtzia
- du marron d'Inde
- du gui (feuille)
- de la busserole
- de la feuille de bouleau
- du buis (feuille)
- de la bourdaine
- du marrube
- du cimicifuga
- de l'orthisiphon
- du petit houx
- du christe marine
- de l'echinacea
- du séné (feuille)
- du shitaké
- du coquelicot fleur
- de 1'épilobe
- de 1'éphédra
- du desmodium
- du schizandra
- de l'asmatica
Faits prévus par Art. L. 213-3 Al. 1 2° C. Consommat et réprimés par Art. L. 213-3, Art. L. 213-1 Art. L. 216-2, Art. L. 216-3 C. Consommation et l'Art 1er du décret du 15 avril 1912 modifié
- d'avoir à Chanzeaux (49) et sur le territoire national, courant 1997 en tout cas depuis temps non prescrit, exposé, mis en vente ou vendu des denrées servant à l'alimentation de l'homme ou de l'animal qu'elle savait être falsifiées et nuisibles à la santé, en l'espèce des compléments alimentaires concernant des substances non autorisées suivantes :
- des oligo-éléments et des minéraux
- du técoma curalis (lapacho)
- du konjac
- de l'extrait de muira-puama
- du psyllium
- de l'argile blanche
- des graines de lin
- du colostrum bovin
- de la dolomite
- de la noix vomique
- de l'alfafa
- de la prêle
- de l'éleuthérocoque
- de l'harpagophytum
- de l'artichaut
- du fumeterre
- de la passiflore
- de la garnicia cambodgia
Faits prévus par Art. L. 213-3 Al. 2, Al. 1 2° C. Consommat et réprimés par Art. L. 213-3 Al. 2, Art. L. 216-2, Art. L. 216-3, Art. L. 216-8 C. Consommation et l'Art 1er du décret du 15 avril 1912 modifié
- d'avoir à Chanzeaux (49) et sur le territoire national, courant 1997 et en tout cas depuis temps non prescrit, falsifié des denrées servant à l'alimentation de l'homme en introduisant dans des compléments alimentaires les substances non autorisées suivantes :
- cascarada sagrada
- vigne rouge
- cyprès noix
- chrysanthemium parthenium
- chrysanthemium américanum
- gingko biloba
- escholtzia
- marron d'Inde
- gui
- bousserole
- bouleau (feuille)
- buis
- bourdaine
- marrube
- cimicifuga
- orthosiphon
- petit houx (racine)
- christe marine
- echinacae
- séné (feuille)
- shitaké
- coquelicot fleur
- épilobe
- éphédra
- desmodium
- schizandra
- asmatica
- alkekenge
- noix de kola
- quinquina
- boldo
- centella asiatica
- galanga racine
- valériane
Faits prévus par Art. L. 213-3 Al. 1 1° C. Consommat et réprimés par Art. L. 213-3 Al. 1, Art. L. 213-1, Art. L. 216-2, Art. L. 216-3 C. Consommation et l'Art 1er du décret du 15 avril 1912 modifié
- d'avoir à Chanzeaux (49) et sur le territoire national, courant 1997 et en tout cas depuis temps non prescrit, falsifié des denrées servant à l'alimentation de l'homme en introduisant dans des compléments alimentaires des substances non autorisées et nuisibles à la santé, en l'espèce :
- des oligo-éléments et minéraux
- de la glycérine,
- de la bromelose
- du rauwolfia
- du plantain (psyllium)
- du técoma curalis (lapacho)
- du konjac
- du muira puama
- de l'argile blanche
- des graines de lin
- du colostrum bovin
- de la dolomite
- de la noix vomique
- de l'alfafa
- de la prêle
- de l'euthérocoque
- de l'harpagophytum
- de l'artichaut
- de la fumeterre
- de la passiflore
- de la garcinia cambodgia
Faits prévus par Art. L. 213-3 Al. 2, Al. 1 1° C. Consommat et réprimés par Art. L. 213-3, Art. L. 216-2, Art. L. 216-3, Art. L. 216-8 C. Consommation et l'Art 1er du décret du 15 avril 1912 modifié
- d'avoir, étant gérante de l'EURL Claudine X, à Chanzeaux (49) et sur le territoire national, courant 1997 et en tout cas depuis temps non prescrit, procédé à des opérations réservées à des pharmaciens, sans réunir les conditions exigées pour l'exercice de la pharmacie, et vendu en gros ou au détail, et à des intermédiaires non pharmaciens :
1) des plantes pulvérisées et conditionnées en gélules, lesdites plantes étant à usage exclusivement médicinal, et inscrites à la pharmacopée française, en l'espèce les plantes suivantes :
- prêle petite plante
- cascara sagrada-écorce
- plantain feuille
- vigne rouge feuille
- cyprès noix
- harpagophytum racine
- gatillier
- marrube noir ou balotte
- chrysanthemum parthenium
- vergerette plante
- gingko biloba
- bourse à pasteur
- escholtzia plante
- chrysanthellum Am.
- éleuthérocoque
- marron d'Inde fruit
- gui feuille
- busserolle feuille
- fumeterre plante
- bouleau feuille
- alchemille vulgaire
- saponaire
- buis feuille
- boldo feuille
- bourrache
- aigremoine
- passiflore
- bourdaine
- frêne feuille
- buis
- marrube blanc
- reine des prés
- hamamélis
- piloselle
- orthosiphon
- petit houx racine
- pervenche plante
- echinacea
- sene feuille
2) des mélanges de substances et plantes sous forme d'extraits fluides hydro alcooliques glycérinés, et des substances dénommées :
- "oligo-éléments minérales" ("complexe CU + AU + AG", zinc oligo-élément 150 ml")"
- complexes argi(nine), orni(thine)...
Faits prévus et réprimés par les articles L 517, L. 512, L. 514 et L. 519 de l'ancien Code de la santé publique et faits prévus par Art. L. 4223-1, Art. L. 4211-1, Art. L. 4221-1 Code de la santé publique et réprimés par Art. L. 4223-1, Art. L. 4223-3 Al. 1 Code de la santé publique
- d'avoir à Chanzeaux (49) et sur le territoire national, courant 1997 et en tout cas depuis temps non prescrit, commis des faux en écriture privée de commerce ou de banque, par contrefaçon ou altération d'écritures ou de signatures, en l'espèce en faisant figurer les mentions "destiné Export" ou "Produit Export" sur des factures de compléments alimentaires, en fait commercialisés en France, et en portant sur des factures des dénominations de produits inexactes (nature, présentation, conditionnement...) ou non concordantes avec la comptabilité de l'entreprise.
Faits prévus par Art. 441-1 C. Pénal et réprimés par Art. 441-1 Al. 2, Art. 441-10, Art. 441-11C. Pénal.
- et d'avoir dans les mêmes circonstances de lieux et de temps, fait usage dédites factures auprès de la clientèle ou de la Direction Départementale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes.
Faits prévus par Art. 441-1 C. Pénal et réprimés par Art. 441-1 Al. 2, Art. 441-10, Art. 441-11 C. Pénal
Procédure devant la cour :
Tirant argument de ce que l'arrêt avait été cassé en toutes ses dispositions, et bien que cependant par le rejet du second moyen soulevé, la Cour de cassation ait considéré que la Cour d'Angers avait bien jugé sur le fait de mise en vente et de vente de produits toxiques, Madame X reprend l'ensemble de son argumentation de première instance et conclut à sa relaxe pour l'ensemble des infractions qui lui sont reprochées.
Elle soutient notamment :
1° sur la vente des produits toxiques :
- que la définition qui en a été donnée par le tribunal pour tous ceux retenus dans la prévention (konjac, argile blanche, psyllium, rauwolfia, noix vomique, adonis et racine de bryonne) ne se réfère à aucune référence légale et qu'il convient donc que la cour qualifie ces produits sur la base d'éléments scientifiques pertinents, les seuls avis du Conseil Supérieur de l'Hygiène Publique de France (CSHPF) étant insuffisants dans la mesure où ils ne sont bien que des "avis", au surplus non opposables aux tiers ;
- que pour trois d'entre eux (noix vomique, adonis et rauwolfia), elle n'a fourni que des professionnels (vétérinaires ou laboratoires fabriquant des produits homéopathiques) et non de simples particuliers.
2° sur l'exercice illégal de la pharmacie :
- qu'en ce qui concerne les plantes médicinales, l'article L. 4211 du Code de la santé publique (anciennement 512) n'a pas vocation à s'appliquer sauf à la présente Cour de dresser d'une part la liste des plantes non inscrites à la Pharmacopée et qui ne sont pas libérées par le décret de 1979 et d'autre part la liste de celles qui, n'ayant pas un usage exclusivement pharmaceutique, peuvent être utilisées sans inconvénient pour la santé, de rechercher aussi si la législation actuelle exclut bien les compléments alimentaires à base de plantes - qui ne peuvent être considérés comme des médicaments au seul motif qu'ils sont présentés sous forme galénique - du monopole pharmaceutique. Elle considère au surplus que l'article L.4211 est contraire à la législation européenne (règlement du 28 janvier 2002 et directive 2002-46 du 10 juin 2002) et au droit communautaire tel qu'il résulte de la jurisprudence de la CJCE.
- qu'en ce qui concerne les produits à base d'oligo-éléments et les complexes argi(nine) et ortni(thine), déclarés par le tribunal comme médicaments puisque habituellement prescrits à cette fin, il convenait pareillement de rechercher préalablement s'ils relevaient du monopole pharmaceutique "pour des raisons tenant à la protection de la santé publique au sens de l'article 30 du traité de Rome".
3° sur les faux et usages de faux :
Sans contester la matérialité des faits, elle fait plaider le défaut d'intention coupable.
4° sur la falsification de denrées :
Relaxée par le tribunal de cette infraction, elle demande confirmation du jugement de ce chef.
Le Ministère public demande la confirmation du jugement et ce plus précisément pour les infractions suivantes :
- exposition et mise en vente de produits falsifiés, corrompus ou toxiques pour ce qui concerne les plantes suivantes : rauwolfla, noix vomique, adonis, konjac, psyllium, argile blanche, racine de bryonne ;
- exercice illégal de la pharmacie ;
- faux et usage de faux.
Il considère que pour les produits que sont le lapacho, l'extrait de muira puama et le colostrum bovin, les faits tels que visés à la prévention constituent en réalité le délit de tromperie prévu et réprimé par l'article L. 213-1 du Code de la santé publique et demande requalification en ce sens.
En la forme :
Considérant que les appels sont réguliers et recevables en la forme ;
Au fond :
Il résulte de la procédure et des débats les éléments suivants :
L'EURL X a été crée en 1994 par madame X, épouse Y qui en est la gérante. Son activité consiste en l'achat, la fabrication, le conditionnement de produits de diététique, de cosmétologie, d'herboristerie et de plantes médicinales sous toutes leurs formes, à usage humain et animal.
En octobre 1997 un agent de la DGCCRF se présente au siège de l'entreprise à Chanzeaux pour procéder à des investigations suite à un prélèvement de complément alimentaire dénommé "Ortho - Fe 15 mg" effectué chez un client et dont l'étiquetage ne correspondait pas aux normes.
Madame X déclarait assurer le façonnage de compléments alimentaires dénommés Ortho-Fe 150 mg, Vit E 30 mg ou Ortho K et reconnaissait avoir déjà été avertie en 1996 de devoir respecter la réglementation.
L'examen des documents commerciaux et techniques montrait qu'étaient proposées à la vente d'une part des substances alimentaires non autorisées comme la dolomite, la levure de chrome, le chrome et autres, et d'autre part des substances alimentaires déclarées non identifiées en tant qu'aliments ou comme relevant de la Pharmacopée, tels la vigne rouge, le gingko biloba ou même comme étant inscrites au tableau des substances vénéneuses ou toxiques comme l'adonis vernalis ou la noix vomique.
Ces observations amenaient la DGCCRF à procéder en décembre 1997 à un contrôle plus approfondi et effectué de concert avec un pharmacien inspecteur.
Ce contrôle permettait de constater la présence de substances détenues soit en fûts soit en gélules (et donc pour ces dernières consommables en l'état) ainsi répertoriées :
- celles dont l'emploi dans l'alimentation humaine avaient reçu un avis défavorable de la part du Conseil Supérieur de l'Hygiène Publique de France (CSHPF) et l'Académie Nationale de Médecine (ANM) telles le lapacho, le konjac, l'argile blanche, les graines de lin, le colostrum bovin, la dolomite, le psyllium et l'extrait de muira puama ;
- celles n'ayant pas fait l'objet d'une quelconque autorisation et constituant des oligo-éléments minéraux, en particulier la levure de chrome dont l'emploi était dit réservé à la fabrication d'aliments destinés à une alimentation particulière ;
- les autres substances non autorisées ;
- les substances vénéneuses et toxiques comme le rauwolfia, la noix vomique, l'adonis vernalis ou la racine de bryonne en poudre.
Par ailleurs les enquêteurs relevaient que "pour atténuer les conséquences du contrôle" Madame X avait apposé sur les doubles des factures remises à leurs services la mention "destiné export" ou "produit export" pour certains produits ayant reçu un avis négatif du CSHPF ou de l'ANM.
Madame X admettait connaître la réglementation concernant les avis défavorables et avoir poursuivi les ventes malgré l'avertissement donné en 1996 par lettre circulaire ; elle précisait que l'essentiel de son activité consistait à acheter des plantes sèches (qu'elle coupait ou pulvérisait) ou des poudres, et qu'elle conditionnait le tout sans aucun ajout et sous différentes formes avant de les revendre à des magasins dits de diététique, des para pharmacies ou des laboratoires.
Sur quoi :
1° Sur la détention sans motif légitime de produits propres à permettre la falsification de denrées servant à l'alimentation humaine (50) dont certains nuisibles à la santé (27), en l'espèce des substances destinées à entrer dans la fabrication de compléments alimentaires (faits du 18 décembre 1997 et 28 janvier 1998).
2° Sur la falsification des denrées servant à l'alimentation de l'homme par introduction dans des compléments alimentaires de substances non autorisées (55) dont certaines nuisibles à la santé (21).
3° Sur l'exposition, la mise en vente et la vente de denrées falsifiées (45) dont certaines nuisibles à la santé (18).
Les textes visés à la prévention sont en premier lieu l'article L. 213-4 alinéa 1 4° du Code de la consommation pour la "détention sans motif légitime de (23) produits (...) alimentation humaine" et en second lieu l'article L. 213-4 alinéa 1 3° et alinéa 2 du même Code pour la "détention sans motif légitime de (27) produits (...), nuisibles à la santé", ainsi que l'article 1er du décret du 15 avril 1912.
La falsification étant quant à elle réprimée par l'article L. 213-3 l° du même Code.
Enfin l'exposition et la mise en vente sont réprimées par l'article L. 213-3 2° du même Code.
En droit et selon le décret du 15 avril 1912, il est interdit de "détenir en vue de la vente, de mettre en vente ou de vendre toutes marchandises ou denrées destinées à l'alimentation humaine lorsqu'elles ont été additionnées de produits chimiques autres que ceux dont l'emploi est déclaré licite par des arrêtés pris (...) sur l'avis du CSHPF Et de l'ANM".
En droit toujours et au visa de l'article L. 213-3 du Code de la consommation, la falsification suppose qu'il ait été recouru à une manipulation, un traitement illicite ou non conforme à la réglementation en vigueur.
Bien que le complément alimentaire, défini comme "produit destiné à être ingéré en complément de l'alimentation courante, afin de pallier l'insuffisance réelle ou supposée des apports journaliers (décret du 10 avril 1996 repris par le décret du 14 octobre 1997 constituant l'article 15-2 du décret du 15 avril 1912) ne soit pas en tant que tel soumis à autorisation préalable, sa composition reste cependant quant à elle soumise à l'article 1er du décret de 1912.
Pour que l'infraction de détention sans motif légitime... soit en conséquence caractérisée, il faut que soit rapportée la preuve d'une part que la détention ait été réalisée dans l'intention soit de l'adjonction de produit(s) chimique(s) autre(s) que ceux autorisés par arrêtés soit d'une falsification ; d'autre part que la revente en soit le but et l'objectif, les deux conditions étant nécessairement cumulatives.
Or pour les 23 produits relevant des dispositions de l'article 213-4 alinéa 1 4° (alkekenge, noix de kola, poudre de buis, gingko biloba, quinquina, centella asiatica etc...), il n'est pas établi par la procédure qu'ils aient subi la moindre altération de leur constitution initiale ou quelque transformation chimique que ce soit avant d'être conditionnés en gélules, soit seuls soit associés à d'autres.
Il convient en conséquence de rechercher si, par leur nature même, ces mêmes 23 plantes constituent des "produits propres à effectuer la falsification de denrées alimentaires" : Or la procédure telle qu'établie par la DGCCRF ne permet pas de le retenir, puisqu'il n'est fourni aucun élément objectif ou scientifique permettant de considérer que ces plantes ou produits ont naturellement ce caractère.
C'est donc à juste titre que le tribunal a relaxé Madame X de ce chef et sa décision sur ce point sera en conséquence confirmée.
Pour ce qui concerne les 22 produits répondant à la même définition de "produits propres..." mais étant en outre considérés par "nature" comme nuisibles à la santé (dolomite, colostrum bovin, muira puirama, lapacho, levure de chrome etc...) la Cour relève en premier lieu que l'alinéa 2 de l'article L. 213-4 du Code de la consommation servant de base aux poursuites (outre l'alinéa 1 du même article) ne vise que la détention d'une substance alimentaire falsifiée et nuisible à la santé et non la détention de produits dits nuisibles à la santé et destinés à entrer dans la fabrication de compléments alimentaires.
La relaxe s'impose pour ce seul motif.
Le jugement sera donc confirmé par substitution de motifs.
En ce qui concerne l'infraction de falsification de denrées alimentaires et par suite celle d'exposition et mise en vente de produits falsifiés, il convient de relever en préambule que la procédure ne permet pas de rapporter la preuve de l'addition d'un produit chimique, non autorisée au sens de l'article 1er du décret de 1912, ou de l'emploi de tout autre procédé ou substance également non autorisée par la réglementation en vigueur.
Sont visées deux catégories de plantes : celles qui n'ont fait l'objet "d'aucune autorisation" (34) comme le cascarada sagrada, la vigne rouge, le gingko biloba, le marron d'Inde etc... et celles qui sont à la fois non autorisées et nuisibles pour la santé (21) comme la bromelose, le rauwolfia, l'extrait de muira puama, l'argile blanche...
Ainsi que l'a relevé à plusieurs reprises la Cour de Justice Européenne, il incombe aux autorités nationales d'exercer leur pouvoir d'appréciation relativement à la protection de la santé publique, mais à charge pour elles de démontrer dans chaque cas d'espèce, à la lumière des habitudes alimentaires nationales et compte tenu des résultats de la recherche scientifique internationale, que leur réglementation est nécessaire pour éviter la commercialisation de produits présentant un risque réel pour la santé publique ; l'évaluation de ce risque ayant pour objet l'appréciation du degré de probabilité des effets néfastes de l'adjonction de certaines substances nutritives aux denrées alimentaires et de la gravité de ces effets potentiels.
Par voie de conséquence et contrairement à ce que soutient Madame X, les avis du CHPF ou de l'ANM constituent en eux-mêmes une mesure de précaution, objective et non discriminatoire, justifiée par les incertitudes scientifiques subsistantes, et nécessaire à la protection de la santé publique.
Cependant il demeure - compte tenu des ternes spécifiques de l'arrêt de renvoi - nécessaire de caractériser en quoi les produits incriminés, non autorisés d'une part et non autorisés et nuisibles d'autre part, sont propres à permettre une quelconque falsification.
a) sur les 34 produits "non autorisés" :
Les motifs retenus ci dessus pour relaxer Madame X du chef de la première infraction trouvent nécessairement à s'appliquer puisque la procédure telle qu'établie ne permet pas de caractériser en quoi ces 34 plantes seraient propres à permettre une quelconque falsification ; et le motif selon lequel elles n'auraient fait l'objet d'aucune autorisation préalable ne suffit pas à lui seul pour retenir qu'elles revêtent ce caractère.
b) pour les 21 produits présentés comme nuisibles pour la santé :
Certaines substances comme le lapacho, le konjac, le muira puama, le psyllium, l'argile blanche, les graines de lin, le colostrum bovin ou la dolomite ont reçu un avis défavorable du CHPF ou de l'ANM, d'autres n'ont pas fait l'objet d'une autorisation en alimentation humaine comme la levure de chrome ou autres substances oligo minérales, d'autres enfin sont inscrites sur la liste des toxiques et répertoriées comme tels ( rauwolfia, noix vomique, adonis ou racine de bryonne).
Ces circonstances de fait, sans autre élément ou précision complémentaires, notamment sur la composition exacte des compléments ou sur la teneur en principe actif avec éventuel dépassement de la norme représentée par les apports journaliers recommandés, ne suffisent sans doute pas, pour les mêmes motifs que ci-dessus, à caractériser l'infraction de falsification qui est reprochée à Madame X mais justifient, après requalification, la condamnation de l'appelante pour exposition et mise en vente de produits toxiques uniquement pour le rauwolfia, l'adonis et la noix vomique, d'une part parce que l'intéressée n'ignorait pas la nature de ces produits, inscrits sur le tableau 2, d'autre part parce que l'article L. 213-3 2° du Code de la consommation n'exige nullement que la vente de tels produits soit faite au profit de simples particuliers.
Pour ce qui concerne la racine de bryonne, la procédure montre qu'elle n'était pas offerte à la vente et la relaxe s'impose donc.
Le Ministère public ne peut pour le surplus être suivi en ses demandes de disqualification et condamnation pour tromperie pour les autres produits (lapacho, konjac, muira puama, psyllium, argile blanche, graines de lin, colostrum bovin et dolomite) dans la mesure où, à nouveau, la procédure telle qu'établie ne permet nullement de savoir et déterminer comment étaient conditionnés ces produits et si des restrictions d'usage ou des recommandations précises étaient portées sur les emballages.
Au vu des motifs qui précèdent, le jugement sera partiellement réformé de ce chef de la prévention et Madame X reconnue seulement coupable d'exposition, de mise en vente et vente des seuls produits toxiques suivants : rauwolfia, adonis et noix vomique.
4° Sur l'exercice illégal de la pharmacie :
L'article 4211-1 5° du Code de la santé publique réserve aux pharmaciens "la vente des plantes médicinales inscrites à la Pharmacopée sous réserve des dérogations établies par décret". Ce décret, en date du 15 juin 1979, permet la vente par toute personne de 34 plantes, dont la bourrache et la reine des prés.
Sont visés dans la prévention deux faits :
- la préparation et la vente de plantes "à usage exclusivement médical et inscrites à la Pharmacopée française" pulvérisées et conditionnées en gélules (prêle, cascara sagrada, écorce, plantain ... soit 39 plantes) ;
- la préparation et la vente de substances et plantes sous forme d'extraits fluides hydro alcooliques glycérinés et des substances dénommées "oligo éléments minéraux et complexes argi(nine) et orni(thine)".
Le décret de 1979 libère donc la vente de la bourrache et de la reine des prés.
Certaines plantes comme le gui ne sont plus inscrites à la Pharmacopée et d'autres constituent des produits végétaux aromatiques reconnus comme sans danger pour la santé comme le frêne, la reine des prés ou encore l'hamamélis.
Pour ces 6 plantes spécifiques, pourtant incluses dans la prévention, la relaxe de Madame X s'impose, le jugement entrepris sera confirmé sur ce point.
Le procès verbal établi parle pharmacien inspecteur part du postulat qu'une plante est médicinale à partir du moment où elle est inscrite à la Pharmacopée européenne ou française et où elle est considérée comme relevant d'un usage exclusivement médicinal à l'exception de tout usage alimentaire, condimentaire ou hygiénique, les deux conditions apparaissant cumulatives et non alternatives.
Il convient de relever qu'il n'a retenu que les seules plantes conditionnées en gélules et a donc écarté de son procès verbal celles conditionnées en piluliers ou vendues en vrac.
Selon l'Agence Française de Sécurité Sanitaire des Produits de Santé dans un avis donné en 2000, sont considérées comme médicaments par présentation les gélules à base de plantes dont le conditionnement porte des indications thérapeutiques, sont éventuellement considérées comme médicaments par fonction les gélules contenant des plantes ayant des propriétés pharmacologiques du fait des drogues qu'elles contiennent, par contre il n'existe dans la Pharmacopée aucune formule de gélule de plante.
Il est constant que Madame X achetait les plantes en vrac et les conditionnait, après pulvérisation, en gélules avant de les revendre à des professionnels tels pharmaciens, magasins de diététique, parapharmacies ou laboratoires.
En 2000, date de son avis, l'Agence donnait comme médicaments par fonction les plantes suivantes, parmi celles conditionnées par l'appelante : gingko, busserole, harpagophyton, marron d'Inde, boldo feuille, eschscholtzia, bourdaine, séné et cascara.
Dans son arrêt du 7 octobre 2003, la Cour de cassation a jugé qu'il convenait, pour que puisse être retenue la responsabilité pénale de Madame X, que soient précisées les propriétés pharmacologiques, réelles ou supposées, accordées tant aux 39 plantes visées qu'aux complexes et par voie de conséquence déterminer en quoi les unes et les autres pouvaient constituer des médicaments par fonction ou par présentation.
Si l'avis de l'Agence s'impose pour les quelques plantes qu'elle considère connue constituant des médicaments par fonction, rien dans la procédure (telle qu'établie) ne permet pour les autres, comme poux les "complexes" d'ailleurs, de définir leurs éventuelles propriétés pharmacologiques avec toutes conséquences sur leur qualification de médicaments par fonction ou par présentation.
En effet, leur seule présentation sous forme de gélules reste insuffisante en elle-même en l'absence de précision sur les possibles indications portées (vraisemblablement) par les revendeurs et qui au demeurant doivent assumer seuls les conséquences éventuelles de ces indications.
La relaxe partielle de Madame X s'impose donc et le jugement sera en conséquence infirmé dans les limites précisées au dispositif.
3° Sur les faux et usage de faux :
Il est constant que lors du contrôle, Madame X a remis aux services enquêteurs des doubles de factures portant en marge la mention "destiné export" ou "produit export" pour celles portant sur des ventes de produits ayant eu un avis défavorable du CSHPF alors que les originaux remis à ses clients étaient vierges de toute mention.
Bien qu'elle ait déclaré initialement tant dans le cours de l'enquête que devant le tribunal vouloir ainsi minimiser les conséquences du contrôle, l'appelante fait plaider devant la cour le défaut d'intention coupable, expliquant qu'avertie de l'infraction elle avait systématiquement inscrit sur les factures (concernant les ventes portant sur des plantes non autorisées ou ayant reçu un avis défavorable) cette mention, si bien que lors de la réédition des factures réclamées par les contrôleurs, la mention était nécessairement apparue. Si cette explication peut être tenue pour exacte, quelques 6 ans après le contrôle, il demeure, ainsi que l'a relevé expressément le tribunal, l'existence de certaines distorsions entre les originaux des factures et les doubles quant à la désignation des marchandises, leur prix ou les quantités vendues.
L'infraction est donc établie et le jugement sera confirmé en ce qu'il a retenu Madame X dans les liens de la prévention.
Sur la peine :
La sanction retenue par le tribunal apparaît trop élevée au regard des seules infractions retenues contre l'appelante, laquelle bénéficie d'un casier judiciaire vierge.
Une peine d'amende sanctionnera suffisamment les faits.
Par ces motifs, LA COUR, Après en avoir délibéré conformément à la loi, Statuant publiquement, par arrêt contradictoire à l'égard de X Claudine épouse Y, En la forme : Reçoit les appels, Au fond : Vu l'arrêt de la Cour d'appel d'Angers en date du 3 septembre 2002. Vu l'arrêt de la Cour de cassation en date du 7 octobre 2003. Confirme le jugement en ce qu'il a relaxé Madame X : 1° du chef des infractions à l'article L. 213-4 alinéa 1 et alinéa 2 du Code de la consommation (détention de produits propres à effectuer la falsification de denrées alimentaires dont certaines nuisibles à la santé), 2° du chef des infractions de l'article L. 213-3 1° et 2° du même Code (falsification de denrées alimentaires et exposition et mise en vente de produits falsifiés), Le confirme également en ce qu'il a requalifié les faits de falsification et d'exposition et mise en vente de produits falsifiés en faits de détention de produits toxiques pour les seuls plantes suivantes : rauwolfia, adonis et noix vomique. L'infirme relativement à la racine de bryonne et relaxe Madame X de ce chef. Confirme le jugement en ce qu'il a déclaré Madame X coupable d'exercice illégal de la pharmacie pour les seules plantes suivantes : gingko, busserole, marron d'Inde, boldo feuille, séné, cascara, bourdaine, eschscholtzia, harpagophyton. La réforme pour le surplus de ce chef de prévention. Confirme le jugement en ce qu'il a déclaré Madame X coupable de faux et usage de faux. L'infirme du chef de la peine et condamne Madame X à une amende de 5 000 euro. Prononce la contrainte par corps, La présente décision est assujettie à un droit fixe de procédure d'un montant de 120 euro dont est redevable le condamné, Le tout par application des articles susvisés, 749, 750 et 800-1 du Code de procédure pénale.