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Décisions

CA Paris, 1re ch. H, 21 mars 2006, n° 2006-02897

PARIS

Ordonnance

PARTIES

Demandeur :

Ministère de l'Economie, des Finances et de l'Industrie

Défendeur :

LB & Associés (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mouillard (faisant fonction)

Avoué :

SCP Bommart Forster

Avocats :

Mes Jeannenay, Teissonnière

CA Paris n° 2006-02897

21 mars 2006

Saisi par la société LB et associés de pratiques imputées à la Monnaie de Paris sur le secteur des médailles souvenirs, le Conseil de la concurrence a, par décision n° 05-D-75 du 2 décembre 2005, statué ainsi :

"Article 1er : il est établi que la Monnaie de Paris (direction des Monnaies et médailles du ministère de l'Economie, des Finances et de l'Industrie) a enfreint les dispositions de l'article L. 420-2 du Code de commerce.

Article 2 : il est infligé à la Monnaie de Paris (direction des Monnaies et médailles du ministère de l'Economie, des Finances et de l'Industrie) une sanction pécuniaire de 100 000 euro.

Article 3 : il est enjoint à la Monnaie de Paris, dans un délai de 2 mois à compter de la notification de la présente décision, et pendant une durée de 3 mois minimum, de faire paraître l'encadré suivant sous la rubrique " Actualité " de la page d'accueil du site Internet Monnaie de Paris :

Par une décision du n° 05-D-75 en date du 22 décembre 2005 le Conseil de la concurrence a établi que la Monnaie de Paris avait enfreint les dispositions de l'article L. 420-2 du Code de commerce et abusé, en 1998 et en 2000/2001, de sa position dominante sur le marché de la fabrication de médailles-souvenirs en refusant l'approvisionnement en médailles des sociétés LB et Associés et Médailles Souvenirs.

La Monnaie de Paris, direction d'administration centrale rattachée au ministère de l'Economie, et des Finances, a en effet privilégié son partenariat avec la société EVM au détriment des concurrents de cette société sur le marché de la vente de médailles souvenirs sur les sites touristiques. A cette fin, elle a exploité la notoriété de sa marque et autorisé, notamment, l'usage de la mention "Collection nationale, Monnaie de Paris, Médaille officielle" sur les médailles-souvenirs commercialisées dans les distributeurs EVM, conférant ainsi à des produits issus d'une activité purement commerciale un caractère officiel indu.

Cette pratique a eu pour objet et pour effet de faire obstacle à libre-concurrence en restreignant l'entrée sur le marché de la vente de médailles souvenirs sur les sites touristiques. Le Conseil a décidé dans cette affaire d'imposer une sanction pécuniaire de 100 000 euro à la Monnaie de Paris et d'ordonner la diffusion de l'information relative à cette décision.

Le texte intégral de la décision du Conseil de la concurrence est disponible sur son site Internet à l'adresse suivante : http://www.conseil-concurrence.fr

Article 4 : il est enjoint à la Monnaie de Paris d'expédier sous pli recommandé, suivant les mêmes délais et à ses frais, une copie de cet encadré par courrier dans une lettre en format A4 et en caractères Times New Roman de dimension 12, noir sur fond blanc, à l'Amicale des collectionneurs de jetons touristiques (ACJT), ainsi qu' aux responsables des espaces commerciaux des sites touristiques gérés par la Réunion des Musées Nationaux et par le Centre des Monuments Nationaux.

La parution de l'encadré sur le site Internet de la Monnaie de Paris et les renvois par courriers seront précédés de la mention : "Décision n° 05-D-75 du 22 décembre 2005 du Conseil de la concurrence relative à des pratiques mises en œuvre par la Monnaie de Paris".

Après avoir, le 30 janvier 2006, formé un recours contre cette décision, la Monnaie de Paris a, suivant assignations délivrées le 21 février 2006 à la société LB et Associés et au ministre de l'Economie et des Finances, saisi le premier président de cette cour d'une demande de sursis partiel de l'exécution de cette décision, en ses articles 3 et 4, subsidiairement d'autorisation de compléter l'encadré en mentionnant le recours en annulation qu'elle a exercé devant la Cour d'appel de Paris.

La société LB et Associés s'oppose à la demande et réclame à la Monnaie de Paris une somme de 7 500 euro pour procédure abusive et une autre de 10 000 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Sur ce :

Attendu qu'aux termes de l'article L. 464-8 du Code de commerce, le recours n'est pas suspensif mais le premier président de la Cour d'appel de Paris peut ordonner qu'il soit sursis à l'exécution de la décision si celle-ci est susceptible d'entraîner des conséquences manifestement excessives ou s'il est intervenu postérieurement à notification des faits nouveaux d'une exceptionnelle gravité;

Attendu qu'au soutien de sa demande, la Monnaie de Paris fait valoir que le communiqué dont la publication et l'envoi sont ordonnés ne constitue pas une information exacte, objective et complète, que la publication et l'envoi du communiqué qui ont été ordonnés portent une atteinte excessive à son image et à sa réputation et que ses droits de la défense ont été méconnus;

Attendu qu'il appartient au premier président, statuant dans le cadre du texte précité, non de contrôler la légalité de la décision objet du recours, qui sera examinée dans le cadre du recours au fond, mais de vérifier si l'exécution de cette décision est susceptible d'entraîner des conséquences manifestement excessives, lesquelles doivent être identifiées concrètement;

Qu'il suit de là, en premier lieu, que n'est pas recevable le moyen tiré de la violation des droits de la défense devant le Conseil de la concurrence en ce que la décision statuerait sur un grief non notifié;

Attendu, en second lieu, que la Monnaie de Paris met en avant l'importance de ses activités commerciales - qui, selon elle, représentent les deux tiers de ses recettes et sont indispensables à l'équilibre de ses comptes - et fait valoir que la publication du communiqué sur son site Internet risque de la priver de contrats en France et à l'étranger; que, toutefois, à défaut d'autre élément concret et de justificatifs précisant ses allégations, force est de constater qu'elle se borne à dénoncer les effets négatifs attachés à toute mesure de cette nature visant une entreprise commerciale, sans démontrer en quoi ces effets seraient, en l'espèce, susceptibles d'entraîner des conséquences manifestement excessives;

Attendu enfin, en ce qui concerne l'objectivité du communiqué en cause, qu'il est constant que la décision sanctionne la Monnaie de Paris parce qu'elle a refusé d'approvisionner en médailles les sociétés LB et Associés et Médailles Souvenirs, consentant ainsi à la société EVM une exclusivité indue sur le marché de la commercialisation des médailles-souvenirs sur les sites touristiques, le Conseil ayant souligné l'effet d'éviction majoré de cette pratique tenant au fait que la Monnaie de Paris apposait sur les médailles commercialisées par la société EVM la mentions "Collection nationale, Monnaie de Paris, Médaille officielle", de nature à leur conférer un caractère officiel indu; qu'il ne peut donc être prétendu que le communiqué dont la publication est ordonné ne reflète pas le contenu de la décision, même s'il souligne le motif selon lequel la Monnaie de Paris aurait entretenu la confusion entre ses missions régaliennes et ses activités commerciales, dont la Monnaie de Paris entend soutenir l'illégalité dans le cadre de son recours au fond;

Que, dans ces conditions, il apparaît que les intérêts de la Monnaie de Paris seront suffisamment préservés par l'insertion, sous le communiqué en cause, de la mention selon laquelle la décision est l'objet d'un recours en annulation et en réformation devant la Cour d'appel de Paris;

Attendu que la Monnaie de Paris n'a pas fait de son droit d'agir en justice un usage fautif qui aurait causé un préjudice à la société LB et Associés; que celle-ci doit être déboutée de sa demande de dommages et intérêts de ce chef;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de faire application en la cause des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;

Par ces motifs, Autorisons la Monnaie de Paris à compléter la publication ordonnée par la décision n° 05-D-75 du 2 décembre 2005 par la mention que cette décision fait l'objet d'un recours en annulation et en réformation devant la Cour d'appel de Paris; Rejetons les autres demandes de la Monnaie de Paris et de la société LB et Associés; Disons que les dépens de la présente instance suivront le sort des dépens de l'instance principale.