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Décisions

Cass. com., 19 septembre 2006, n° 03-18.992

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Kartsana (Sté)

Défendeur :

Contact Sécurité (SA), HCM (SARL), Dutour (ès qual.)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Tricot

Rapporteur :

Mme Michel-Amsellem

Avocat général :

M. Main

Avocats :

SCP Célice, Blancpain, Soltner, SCP Thomas-Raquin, Bénabent, SCP Vuitton

Cass. com. n° 03-18.992

19 septembre 2006

LA COUR : - Statuant tant sur le pourvoi principal formé par la société Kartsana que sur le pourvoi provoqué relevé par la société HCM et M. Dutour, liquidateur judiciaire de cette société ; - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 14 janvier 2003), que la société Contact Sécurité, qui exerce depuis 1980 une activité de conception, fabrication et commercialisation de matériel de secours, a poursuivi en concurrence déloyale et parasitisme la société de droit espagnol Kartsana pour avoir produit et commercialisé une "chaise portoir" et un chariot-brancard similaires à ceux qu'elle fabrique; qu'elle a assigné aux mêmes fins, la société HCM qui commercialisait ses produits jusqu'en 1999, puis, à partir de la même année, ceux de la société Kartsana ;

Sur le moyen unique du pourvoi principal et le moyen unique du pourvoi provoqué, pris en leurs deux premières branches, réunis : - Attendu que la société Kartsana et M. Dutour, liquidateur judiciaire de la société HCM, reprochent à l'arrêt d'avoir dit que la société Kartsana s'est rendue coupable de faits de concurrence déloyale, avec la société HCM, et de faits de parasitisme au préjudice de la société Contact Sécurité, de leur avoir fait interdiction de détenir et d'offrir à la vente le modèle imitant la "chaise portoir" pliable imitant le modèle ZC 001 PP de la société Contact Sécurité, de détenir et offrir à la vente des chariots-brancards imitant le modèle de verrouillage/déverrouillage du modèle "Transporteur" de la société Contact Sécurité, d'utiliser toute référence à Contact Sécurité, d'utiliser le terme "Tous chemins", et ce sous astreinte, passé le délai d'un mois à dater de la signification de l'arrêt, et d'avoir condamné solidairement la société HCM et la société Kartsana à payer à titre de provision à la société Contact Sécurité la somme de 80 000 euro à valoir sur son préjudice définitif, et ordonné la publication de l'arrêt dans cinq journaux ou périodiques aux frais de la société HCM et de la société Kartsana et au choix de la société Contact Sécurité, alors, selon le moyen : 1°) que la reproduction d'un bien non protégé par un droit de propriété intellectuelle ne constitue un acte de concurrence déloyale que s'il en résulte un risque de confusion, dans l'esprit d'acheteurs potentiels, entre les différentes sociétés pouvant librement commercialiser ce bien; qu'en retenant la concurrence déloyale en l'espèce, sans avoir vérifié si l'association du nom donné par la société Contact Sécurité aux deux modèles reproduits par la société Kartsana librement - en l'absence de droits de propriété intellectuelle opposables - suffisait à créer un risque de confusion dans l'esprit de professionnels hospitaliers parfaitement au courant des produits commercialisés par les deux sociétés sous des références distinctes, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ; 2°) qu'une telle recherche s'imposait d'autant plus que la société Kartsana soutenait, dans ses écritures d'appel, qu'aucun risque de confusion n'existait dans l'esprit d'acheteurs professionnels avertis qui distinguaient ces produits standardisés grâces aux marques et logotypes radicalement différents qu'y avaient apposés les sociétés Kartsana et Contact Sécurité; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen péremptoire des conclusions, d'où il s'évinçait pourtant qu'il était impossible de confondre les productions des deux entreprises, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; 3°) que ne constitue un acte de concurrence déloyale la reproduction d'un bien ne faisant l'objet d'aucune production par dépôt à l'INPI que s'il résulte dans l'esprit de la clientèle un risque de confusion quant aux sociétés commercialisant ce bien ; qu'en l'espèce, en estimant caractérisée l'existence des actes de concurrence déloyale des produits destinés à une clientèle de professionnels, commercialisés sous des références distinctes sans constater que l'association du nom Contact Sécurité aux deux modèles reproduits par la société Kartsana, distribués par la société HCM, suffisait à créer un risque de confusion, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 1382 du Code civil et 10 bis de la Convention de l'Union de Paris ; 4°) que la partie qui sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement, est réputée s'en approprier les motifs; qu'elle avait sollicité la confirmation du jugement ayant retenu que la configuration du modèle chaise-portoir pliable répondait à des considérations d'ordre technique sans que la société Contact Sécurité ne puisse justifier d'une quelconque originalité d'un aspect non fonctionnel de son propre modèle, qu'il s'agissait d'un produit basique standard fabriqué par d'autres fournisseurs et que cette fabrication standardisée répondait à des nécessités techniques et fonctionnelles, d'où il en déduisait que la copie de ce produit ne saurait constituer un acte de concurrence déloyale; qu'en omettant de répondre à ces moyens, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles 455 et 954 du nouveau Code de procédure civile;

Mais attendu, en premier lieu, que l'arrêt relève que la société Kartsana a fabriqué et fait commercialiser par la société HCM, d'une part, une "chaise portoir" identique au modèle de la société Contact Sécurité et désigné dans son propre catalogue avec la précision "modèle Contact Sécurité", d'autre part, un chariot-brancard imitant l'apparence des poignées de verrouillage/déverrouillage, lequel, de surcroît, adoptait les mêmes couleurs et la même position que celui de la société Contact Sécurité; que l'arrêt ajoute que ce modèle était fabriqué et commercialisé sous la même dénomination originale "Tous chemins" que celle de la société Contact Sécurité; qu'en l'état de ces constatations, dont il résulte que les sociétés Kartsana et HCM avaient fabriqué et commercialisé des produits qui étaient la copie de ceux de la société Kartsana, par des procédés entretenant un risque de confusion, même pour les professionnels les utilisant, entre ces produits, la cour d'appel qui a effectué la recherche qu'il lui est reproché d'avoir négligée et répondu au moyen invoqué par la deuxième branche du moyen du pourvoi principal, a, par une décision légalement justifiée, pu statuer comme elle a fait;

Attendu, en second lieu, que l'arrêt relève que sans qu'il soit besoin d'examiner si la conception de ce siège destiné aux services de secours est imposé par des impératifs techniques, l'examen d'autres modèles présentés dans les catalogues permet de constater que cet objet destiné aux transports assis des personnes malades ou accidentées peut revêtir des aspects extrêmement différents pour un usage identique; que la cour d'appel qui a ainsi répondu en le rejetant au moyen qu'il lui est reproché d'avoir négligé n'encourt pas le grief de la première branche du pourvoi provoqué; d'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches;

Sur le moyen du pourvoi principal, pris en sa troisième branche : - Attendu que la société Kartsana fait le même grief à l'arrêt, alors, selon le moyen, que constitue un acte de concurrence parasitaire, l'acte par lequel une entreprise se place dans le sillage d'une autre afin de profiter de sa notoriété ou de ses investissements; qu'en ne justifiant ni de la notoriété de la société Contact Sécurité, ni des investissements qui auraient été engagés par elle afin de fabriquer les produits litigieux, dont elle n'est ni l'inventeur, ni la déposante et sur lesquels elle ne pouvait revendiquer aucun droit de propriété intellectuelle, la cour d'appel a de plus belle privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil;

Mais attendu qu'après avoir, d'un côté, précisé que la société Contact Sécurité, bien connue dans le secteur des services de secours, exerce depuis 1980 une activité de conception fabrication et commercialisation de matériel de secours, et de l'autre, relevé que la société Kartsana a fabriqué et commercialisé, la "chaise-portoir" et le chariot-brancard identiques au modèle de la société Contact Sécurité en se référant de surcroît à des désignations propres à cette société, l'arrêt retient que la société Kartsana s'est placée dans le sillage de la société Contact Sécurité en profitant de sa notoriété auprès des organismes de secours ambulanciers et sapeurs-pompiers; qu'appréciant souverainement cette notoriété, la cour d'appel a légalement justifié sa décision; que le grief n'est pas fondé;

Et sur le moyen du pourvoi principal, pris en sa quatrième branche et le moyen du pourvoi provoqué, pris en sa troisième branche, réunis : - Attendu que la société Kartsana et M. Dutour, liquidateur judiciaire de la société HCM, font le même grief à l'arrêt, alors, selon le moyen : 1°) que s'agissant du système de verrouillage du chariot-brancard ayant donné lieu au dépôt d'une enveloppe Soleau par la société Contact Sécurité en 1998, la société Kartsana justifiait d'une antériorité d'usage, constatée par les premiers juges, en 1995 ; qu'en s'abstenant de répondre au moyen péremptoire des conclusions de la société Kartsana qui faisait valoir qu'elle avait répondu la première aux attentes des milieux hospitaliers s'agissant du verrouillage de leurs chariots-brancards, la cour d'appel a privé, encore une fois, sa décision de motif et violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; 2°) que s'agissant du système de verrouillage du chariot-brancard, la société HCM avait soutenu qu'elle commercialisait depuis plusieurs années, avant mai 1998, un chariot-brancard disposant d'un même système de sécurité et fabriqué par une autre société et qu'un autre modèle avec le même système était commercialisé par la société Chapuis, que ces points communs obéissaient à des règles de sécurité et à des contraintes de déplacement ; qu'en omettant de répondre à ce moyen péremptoire des conclusions de la société HCM, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile;

Mais attendu que l'arrêt relève que la société Kartsana a fabriqué et fait commercialiser un chariot brancard imitant l'apparence des poignées de verrouillage/déverrouillage, système pour lequel la société Contact Sécurité avait effectué un dépôt à l'INPI, qui de surcroît adoptait les mêmes couleurs et la même position que celui de la société Contact Sécurité; que l'arrêt ajoute que ce modèle était fabriqué et commercialisé sous la même dénomination originale "Tous chemins" que celle de la société Contact Sécurité; qu'en l'état de ces constatations, dont il résulte que les sociétés Kartsana et HCM avaient fabriqué et commercialisé un produit imitant celui de la société Kartsana, par des procédés entretenant un risque de confusion entre ces produits, la cour d'appel, qui n'avait pas à suivre les sociétés Kartsana et HCM dans le détail de leur argumentation visée par le quatrième grief du moyen unique du pourvoi principal et du troisième grief du moyen unique du pourvoi provoqué, a pu statuer comme elle a fait;

Par ces motifs : Rejette les pourvois principal et provoqué.