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Décisions

CJCE, 5e ch., 5 octobre 1988, n° 260-85

COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Tokyo Electric Company Ltd, TEC Belgium (SA), TEC Elektronik Gmbh, TEC Europe Company Ltd, TEC France (SA), Utax Gmbh Organisationssysteme

Défendeur :

Conseil des Communautés européennes, Commission des Communautés européennes, Committee of European Typewriter Manufacturers

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président de chambre :

M. Bosco

Avocat général :

Sir Slynn

Juges :

MM. de Almeida, Everling, Galmot, Joliet

Avocats :

Mes Bellis, Van Bael, Czirnich, Ehle

CJCE n° 260-85

5 octobre 1988

LA COUR,

1 Par requête déposée au greffe de la Cour le 20 août 1985 (affaire 260-85), Tokyo Electric Company Ltd (TEC), ayant son siège à Tokyo, Japon, et ses filiales européennes TEC Belgium SA, TEC Elektronik Gmbh, TEC Europe Company Ltd et TEC France SA, ont introduit, en vertu de l'article 173, alinéa 2, du traité CEE, un recours visant à l'annulation du règlement n° 1698-85 du Conseil, du 19 juin 1985, instituant un droit antidumping définitif à l'importation de machines à écrire électroniques originaires du Japon (JO L 163, p. 1), dans la mesure où ce règlement les concerne.

2 Tokyo Electric Company Ltd (TEC) est une société qui produit et vend, entre autres, des machines à écrire électroniques (ci-après "MEE"). Cette production est destinée exclusivement à l'exportation et est écoulée dans les États membres de la Communauté, soit à travers des filiales en propriété exclusive, soit à travers des distributeurs indépendants. Une part importante des exportations de Tokyo Electric vers la Communauté a aussi consisté en "ventes OEM" (fabricant de matériel d'origine), c'est-à-dire en ventes à des fabricants européens, tels que Utax Gmbh en Allemagne, qui commercialisaient ensuite les MEE sous leur propre marque. En 1984, Tokyo Electric a fait l'objet, avec d'autres producteurs japonais, d'une plainte déposée auprès de la Commission par une association de fabricants européens, le Committee of European Typewriter Manufacturers (ci-après "CETMA"), qui l'accusait de vendre ses produits dans la Communauté à des prix de dumping.

3 La procédure antidumping engagée par la Commission sur la base du règlement n° 2176-84 du Conseil, du 23 juillet 1984, relatif à la défense contre les importations qui font l'objet d'un dumping ou de subventions de la part de pays non-membres de la Communauté économique européenne (JO L 201, p. 1), a conduit d'abord à imposer à Tokyo Electric Company Ltd (TEC) un droit antidumping provisoire de 6,9 %. Le Conseil, sur proposition de la Commission, a ensuite fixé le droit antidumping définitif à 21 %, par son règlement n° 1698-85, contre lequel Tokyo Electric et ses filiales européennes ont formé recours.

4 Par acte déposé le 22 août 1985, les requérantes ont introduit une demande en référé visant à obtenir le sursis à l'exécution, à leur égard, du règlement n° 1698-85, jusqu'à ce que la Cour se soit prononcée sur le recours. La demande en référé a été rejetée par ordonnance du président de la Cour du 18 octobre 1985, qui a réservé les dépens.

5 Par requête déposée au greffe de la Cour le 5 mai 1986 (affaire 106-86), Tokyo Electric Company Ltd (TEC) a introduit, en vertu de l'article 173, alinéa 2, du traité CEE, un recours visant à l'annulation du règlement n° 113-86 du Conseil, du 20 janvier 1986, modifiant le règlement n° 1698-85 du Conseil, du 19 juin 1985, instituant un droit antidumping définitif sur les importations de machines à écrire électroniques originaires du Japon (JO L 17, p. 2) en tant qu'il s'applique à la requérante.

6 Par ordonnance du 11 mars 1987, les affaires 260-85 et 106-86 ont été jointes aux fins de la procédure et de l'arrêt.

7 La Commission et le CETMA ont été admis à intervenir dans les deux affaires à l'appui des conclusions de la partie défenderesse. Utax Gmbh a été admise à intervenir à l'appui des conclusions des requérantes.

8 Pour un plus ample exposé des faits de l'affaire, du déroulement de la procédure et des moyens et arguments des parties, il est renvoyé au rapport d'audience. Ces éléments du dossier ne sont repris ci-dessous que dans la mesure nécessaire au raisonnement de la Cour.

9 Il y a lieu de souligner, à titre liminaire, que, comme il a été précisé par Tokyo Electric Company Ltd (TEC) elle-même, le recours déposé le 5 mai 1986 ne soulève aucun moyen nouveau, mais vise uniquement à permettre à la requérante de s'assurer que le contrôle exercé par la Cour couvre à la fois le règlement n° 1698-85, instituant le droit antidumping définitif, et le règlement n° 113-86, qui a modifié le taux du droit figurant dans le règlement n° 1698-85 pour corriger une erreur découlant du fait que des MEE fabriquées à Singapour avaient été considérées à tort comme des produits communautaires lors du calcul du préjudice subi par l'industrie communautaire.

10 A l'appui de leurs recours, les requérantes (ci-après indiquées sous la dénomination collective TEC) avancent les quatre moyens suivants :

- montant trop élevé de la marge de profit utilisée pour construire la valeur normale ;

- inclusion des frais de vente dans la valeur normale construite ;

- erreur dans le calcul des frais imputés à TEC France ;

- erreurs dans la détermination du préjudice subi par l'industrie communautaire.

Sur le moyen tiré du montant trop élevé de la marge de profit utilisée pour construire la valeur normale

11 Aux termes de l'article 2, paragraphe 3, sous B), ii), du règlement n° 2176-84, précité, lorsqu'aucune vente d'un produit similaire au produit en question n'a lieu au cours d'opérations commerciales normales sur le marché intérieur du pays d'exportation ou d'origine, ou lorsque de telles ventes ne permettent pas une comparaison valable, on entend par valeur normale la "valeur construite, établie par addition du coût de production et d'une marge bénéficiaire raisonnable". Cet article prévoit également que, "en règle générale, et à condition qu'un bénéfice soit normalement réalisé lors de ventes de produits de la même catégorie générale sur le marché intérieur du pays d'origine, l'élément à ajouter au titre du bénéfice ne doit pas être supérieur au bénéfice normal. Dans d'autres cas, cet élément est déterminé sur toute base raisonnable, au moyen des informations disponibles".

12 TEC soutient que, dans le calcul de la "marge bénéficiaire raisonnable" à utiliser pour construire la valeur normale de ses MEE, les institutions n'ont pas correctement appliqué le règlement n° 2176-84.

A l'appui de ce moyen, elle fait valoir :

- que la marge bénéficiaire retenue par les institutions est trop élevée pour constituer une "marge bénéficiaire raisonnable" ou un "profit normal" ;

- que la marge appliquée ne correspond pas au bénéfice "normalement réalisé lors de ventes de produits de la même catégorie générale sur le marché intérieur du pays d'origine", au sens de l'article 2, paragraphe 3, sous B), ii), du règlement n° 2176-84, qui seraient, selon TEC, les produits du secteur de l'équipement de bureau pris globalement au Japon ;

- que la méthode utilisée pour fixer cette marge viole le principe de la sécurité juridique ;

- que l'application d'une telle marge est discriminatoire parce qu'une autre société se trouvant dans la même situation a été traitée différemment ;

- que cette marge a été calculée sur la base de données qui ne peuvent pas être légalement invoquées parce qu'elles n'ont pas été communiquées aux intéressés.

13 En ce qui concerne le premier argument, il convient d'observer que l'article 2, paragraphe 3, sous B), ii), du règlement n° 2176-84 n'interdit pas de considérer que la marge bénéficiaire retenue par les institutions a pu être regardée comme une marge raisonnable en vertu de leur pouvoir d'appréciation. En effet, TEC n'a pas établi que la marge bénéficiaire en question n'a pas été réalisée au cours d'opérations commerciales normales.

14 Quant au deuxième argument, s'il est constant qu'on entend par produit similaire, au sens de l'article 2, paragraphes 2 et 12, du règlement n° 2176-84, un produit ayant les mêmes caractéristiques, on doit alors entendre par "produits de la même catégorie", au sens du paragraphe 3, précité, les produits relevant de la catégorie des MEE, qui seuls présentent entre eux une homogénéité permettant d'obtenir des indications fiables, alors que la "bureautique" regroupe des produits extrêmement variés, dont chacun peut donner lieu à un bénéfice différent en raison de ses utilisations particulières et de sa clientèle spécifique. Les institutions n'ont donc pas agi de manière erronée en établissant le bénéfice normal sur la base des données relatives aux autres modèles de MEE vendus par les autres producteurs japonais.

15 Contrairement au troisième argument de TEC, selon lequel la méthode suivie par les institutions conduit à des résultats imprévisibles en raison de l'impossibilité pour le producteur concerné de connaître les marges bénéficiaires de ses concurrents, il y a lieu de remarquer que des références à des éléments non connus du producteur concerné s'avèrent fréquemment nécessaires dans le système du règlement n° 2176-84, lorsqu'il n'est pas possible, comme en l'espèce, d'avoir recours aux prix réels, et qu'un certain degré d'imprévisibilité doit être accepté dans de telles transactions.

16 Il importe encore de souligner que si la valeur normale ne pouvait être construite, pour les producteurs n'opérant pas à l'intérieur, que sur la base d'un bénéfice hypothétique, on risquerait de discriminer les autres fabricants pour lesquels la marge bénéficiaire réalisée sur les modèles qu'ils vendent au Japon est utilisée dans la construction de la valeur normale des autres modèles. Une solution comme celle adoptée par les institutions, permettant de sauvegarder dans les limites du possible la sécurité juridique sans pour autant nuire à l'égalité de traitement, apparaît dès lors comme conforme à l'économie du règlement n° 2176-84.

17 Selon le quatrième argument de TEC, la marge bénéficiaire qui lui a été appliquée est discriminatoire en ce qu'elle s'avère être beaucoup plus élevée que la marge établie par la décision 86-34, du 12 février 1986 (JO L 40, p. 29), à l'égard de la société Nakajima, qui - de l'avis de TEC - se serait trouvée dans une situation tout à fait semblable à la sienne.

18 A cet égard, il y a lieu de constater que, comme l'exclusion de Nakajima du nombre des sociétés assujetties à un droit antidumping définitif découle de la décision 86-34, précitée, une discrimination en faveur de Nakajima ne saurait, même si elle était établie, conduire à l'annulation du règlement imposant un droit antidumping définitif à TEC, qui a été adopté sur la base de constatations correctement effectuées au cours de l'enquête antidumping, et conformément aux règles fixées par le règlement n° 2176-84.

19 En dernier lieu, TEC soutient que les institutions ne pouvaient calculer la marge bénéficiaire sur la base, entre autres, d'informations qu'elles n'ont pas communiquées à la requérante.

20 L'argument de TEC n'est pas fondé en ce que les informations qu'elle se plaint de ne pas avoir reçues sont des données confidentielles qui n'auraient pu lui être fournies sans violation de l'obligation de ne pas divulguer le secret des affaires.

21 A la lumière de ce qui précède, il y a lieu de conclure que le moyen que TEC tire de l'utilisation d'une marge bénéficiaire trop élevée doit être rejeté.

Sur le moyen tiré de l'inclusion des frais de vente dans la valeur normale construite

22 TEC fait valoir que, en incluant dans le coût de production de ses produits un montant afférent aux frais de vente à un stade commercial postérieur au stade sortie d'usine et concernant des ventes de produits autres que les produits en cause, les institutions n'ont pas correctement appliqué le règlement n° 2176-84.

23 Selon TEC, la méthode utilisée par les institutions serait tout d'abord erronée, du fait que la valeur construite n'est pas, en réalité, destinée à établir une valeur normale comme si des ventes avaient eu lieu sur le marché intérieur.

24 A cet égard, il convient de rappeler que, selon l'économie du règlement n° 2176-84, la construction de la valeur normale vise à déterminer le prix de vente d'un produit tel qu'il serait si ce produit était vendu dans son pays d'origine ou d'exportation. Par conséquent, ce sont les frais afférents aux ventes sur le marché intérieur qui doivent être pris en considération.

25 TEC soutient encore que les institutions ont inclus dans ses coûts de production, en violation de l'article 2, paragraphes 9, 10 et 11, du règlement n° 2176-84, un montant pour les frais de vente, dépenses administratives et autres frais généraux (ci-après "frais VGA") de TEC Électroniques, une filiale qui distribue au Japon des produits autres que les MEE.

26 A cet égard, il y a lieu de constater que, comme l'indiquent les pièces du dossier, TEC commercialise ses produits sur le marché intérieur par l'intermédiaire d'une société de distribution qu'elle contrôle économiquement et à laquelle elle confie des taches qui relèvent normalement d'un département de vente interne à l'organisation du producteur.

27 Même si TEC ne vend pas de MEE au Japon et que son distributeur exclusif affilié au Japon s'occupe uniquement de la vente d'autres produits, la valeur normale de ses MEE doit être construite aux fins de l'enquête antidumping comme si elles étaient vendues sur le marché intérieur.

28 Le partage des activités de production et de vente à l'intérieur d'un groupe formé par des sociétés juridiquement distinctes ne saurait rien enlever au fait qu'il s'agit d'une entité économique unique, qui exerce de cette manière un ensemble d'activités exercées, dans d'autres cas, par une entité qui est unique aussi du point de vue juridique.

29 Or, il y aurait discrimination si des frais nécessairement englobés dans le prix de vente d'un produit, lorsque cette vente est effectuée par un département de vente insère dans l'organisation du producteur, ne l'étaient plus lorsque ce produit est distribué par une société juridiquement distincte, bien qu'économiquement contrôlée par le producteur.

30 Les considérations ci-dessus développées conduisent à rejeter également l'argument de TEC selon lequel la méthode utilisée par les institutions est contraire à l'article 2, paragraphe 9, du règlement n° 2176-84, qui prévoit que la comparaison entre la valeur normale et le prix à l'exportation doit "normalement être faite au même stade commercial, qui est normalement le stade sortie d'usine". En réalité, c'est précisément par la prise en considération de la première vente à un acheteur indépendant que l'on peut établir correctement la valeur normale au stade "sortie usine" face à une organisation de production et de vente telle que celle adoptée par Tokyo Electric Company Ltd pour les produits qu'elle vend sur le marché japonais.

31 Quant à l'argument selon lequel les frais VGA doivent être traités de la même manière lorsqu'on construit la valeur normale et lorsqu'on construit le prix à l'exportation, il suffit de rappeler que celui-ci a été clairement rejeté dans les arrêts de la Cour du 7 mai 1987 (240, 255, 256, 258 et 260-84, "droit antidumping sur les importations de roulement à billes", Rec. p. 1809, 1861, 1899, 1923 et 1975), où il est dit qu'il existe trois séries de règles distinctes, dont chacune doit être respectée séparément, respectivement aux fins de déterminer la valeur normale, d'établir le prix à l'exportation et d'effectuer la comparaison entre les deux.

32 TEC fait encore valoir que les frais VGA de TEC Électroniques ne pouvaient être utilisés dans le calcul de la valeur construite des MEE produites par TEC, puisque ces frais avaient trait à des produits autres que les MEE.

33 L'article 2, paragraphe 3, sous B), ii), selon lequel un "montant raisonnable" pour les frais VGA doit être inclus dans la valeur normale construite, donne aux institutions communautaires un pouvoir discrétionnaire dans l'évaluation de ce montant. Une interprétation selon laquelle les frais VGA ne peuvent être fixés par référence aux dépenses exposées par une société affiliée vendant des produits autres que les MEE priverait ces institutions de toute indication relative au montant de ces dépenses. TEC n'a pas prouvé qu'il existe des éléments de nature à exclure que les frais VGA relatifs à la vente d'autres produits électroniques puissent fournir une indication valable pour le calcul des frais VGA qui seraient engagés pour la vente de MEE.

34 On ne saurait non plus accepter l'argument selon lequel, étant donné que, en vertu de l'article 2, paragraphe 11, tous les calculs se fondent sur les données comptables disponibles, normalement réparties, si nécessaire, proportionnellement au chiffre d'affaires pour chaque produit et pour chaque marché considérés, les frais VGA, relatifs aux MEE qui ne sont pas commercialisées sur le marché intérieur, devraient être nuls. Un tel argument priverait de toute signification l'article 2, paragraphe 3, sous B), ii), qui s'applique précisément dans le cas où il n'y a pas de ventes en quantité suffisante sur le marché intérieur.

35 Le moyen tiré de l'inclusion des frais VGA dans la construction de la valeur normale doit dès lors être rejeté.

Sur le moyen tiré d'une erreur dans le calcul des frais imputés à TEC France

36 TEC fait valoir que ses prix à l'exportation ont été calculés de manière erronée. En effet, les frais VGA de sa filiale TEC France, auraient été augmentés à tort des salaires d'employés qui ne vendaient pas des MEE et auraient ensuite été imputés à tort à ses filiales en République fédérale d'Allemagne et au Royaume-Uni.

37 En ce qui concerne l'allégation de TEC selon laquelle les institutions auraient attribué à tort à ses filiales britannique et allemande les frais VGA erronément calculés pour TEC France, il y a lieu de souligner que TEC elle-même avait proposé aux institutions de tenir compte des frais VGA de TEC France comme étant représentatifs aussi des frais de ses autres filiales européennes, qui n'avaient pas été vérifiés. On ne saurait donc reprocher aux institutions d'avoir accédé à la proposition de TEC, même s'il s'est ensuite avéré que les frais VGA de TEC France étaient plus élevés que la requérante ne le pensait.

38 TEC soutient toutefois que les institutions ont englobé dans les frais de TEC France également les salaires d'employés qui ne se seraient jamais occupés de la vente de MEE, et que cette erreur a indûment gonflé le montant des frais VGA imputés à ses filiales européennes.

39 A cet égard, il y a lieu de souligner que, même si les chiffres indiqués par TEC - selon laquelle les frais VGA de TEC France concernant la vente de MEE se seraient montés non pas à 27,7 %, mais à 16,97 % du chiffre d'affaires relatif aux MEE et auraient donc été inférieurs de 10,73 % au pourcentage retenu par la Commission - étaient exacts, cela n'aurait pas pu influencer la fixation du droit antidumping définitif.

40 Il convient, en effet, de rappeler que les institutions avaient établi, pour ce qui est de TEC, une marge de dumping de 48,1 % et un taux de préjudice de 21%, exprimés en pourcentage du prix CAF, et qu'elles ont estimé qu'il y avait lieu de fixer le taux du droit antidumping à concurrence du plus bas de ces deux pourcentages, ce qui était suffisant pour supprimer le préjudice causé.

41 Or, il ressort du dossier que le prix à l'exportation a été obtenu en déduisant du prix de vente des MEE en France un bénéfice de 5 % et un ensemble de frais VGA de 27,7 %, ce qui fait que ce prix correspond à 67,3 % du prix de vente de TEC France. Même dans l'hypothèse où le prix à l'exportation serait augmenté d'un montant égal à 10,73 % du prix de vente, en raison de la fixation de frais VGA à un taux de 16,97 %, comme cela a été demandé par TEC, la marge de dumping demeurerait encore supérieure à 21 %. Une modification du droit antidumping fixé dans le règlement n° 1698-85 ne serait donc pas justifiée.

42 Le moyen doit dès lors être rejeté.

Sur le moyen tiré d'erreurs dans la détermination du préjudice subi par l'industrie communautaire

43 TEC fait d'abord valoir qu'il n'y avait aucune raison d'imposer des droits antidumping sur des MEE correspondant au code Nimexe 84.51-14, pour lesquelles la part de marché des producteurs japonais avait baissé dans la période faisant l'objet de l'enquête et qui étaient d'ailleurs importées dans la Communauté par les entreprises communautaires elles-mêmes.

44 Le premier de ces arguments se fonde sur l'idée que le préjudice subi par l'industrie communautaire aurait du être déterminé séparément pour les MEE relevant du code Nimexe 84.51-14, que TEC appelle "compactes", d'une part, et pour celles relevant des autres codes Nimexe, que TEC appelle "professionnelles", d'autre part. Cet argument présuppose l'existence de deux marchés distincts.

45 Il ressort du dossier de l'affaire que, pour autant qu'une distinction entre MEE "compactes" et MEE "professionnelles" ait effectivement existé, elle avait déjà disparu à la date de l'enquête antidumping, en raison de la tendance à construire des MEE capables de répondre toutes largement aux mêmes besoins. Les institutions n'ont donc pas agi de manière erronée en excluant l'existence de marchés distincts, qu'elles n'avaient d'ailleurs jamais admise.

46 Le deuxième argument avancé par TEC s'appuie sur la considération que les producteurs européens qui avaient importé certains modèles de MEE du Japon et les avaient vendus sous leur propre marque, n'auraient pas dû figurer parmi les sociétés ayant subi des préjudices en raison des importations japonaises.

47 A cet égard, il ressort des affirmations des institutions, qui n'ont pas été contestées de manière approfondie par TEC, que peu de modèles, relevant exclusivement du bas de gamme, étaient importés par des producteurs communautaires pour combler des lacunes qui existaient à l'époque dans leur éventail de produits, et que le volume total de ces importations est toujours resté relativement faible. Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que les importations effectuées par des producteurs communautaires n'ont pas contribué au préjudice subi par l'industrie communautaire, et qu'il n'y a donc pas de raison d'exclure ces producteurs de l'examen de ce préjudice.

48 TEC affirme ensuite que la détermination du préjudice est viciée du fait que le niveau de la sous-cotation des prix n'aurait pas été établi, conformément à l'article 4, paragraphe 2, sous B), du règlement n° 2176-84, sur la base d'une comparaison entre les prix des importations et les prix des produits similaires dans la Communauté, mais sur la base d'une comparaison entre les prix à l'importation, d'une part, et les "prix ciblés", à savoir des montants calculés de manière artificielle et hypothétique, d'autre part.

49 Le bien-fondé de ce moyen doit être apprécié en tenant compte de ce que les institutions n'ont pu procéder à la détermination du préjudice qu'après la plainte déposée par les producteurs communautaires le 15 février 1984, alors qu'il ressort du dossier que les effets des importations japonaises qui ont fait ultérieurement l'objet de la procédure antidumping avaient déjà commencé depuis quelque temps à être ressentis par l'industrie communautaire. Les prix des produits communautaires, au cours de l'année 1984, n'étaient donc plus des prix utilisables pour la détermination du préjudice au sens de l'article 4 précité, en ce qu'ils avaient déjà subi des dépréciations depuis un certain temps, afin de pouvoir résister à la pression toujours croissante des importations japonaises.

50 A la lumière des considérations qui précèdent, la construction d'un prix à l'intérieur de la Communauté, tel qu'il aurait été s'il n'avait pas subi, pendant une longue période, une pression à la baisse du fait des importations japonaises, constitue la seule solution permettant de ne pas priver de signification la comparaison prévue à l'article 4, paragraphe 2, sous B), du règlement n° 2176-84.

51 TEC estime toutefois que les sous-cotations des prix des produits japonais par rapport à ceux des produits communautaires ont été établies de manière erronée par la Commission, parce que certains de ses modèles auraient été comparés soit avec des modèles non fabriqués dans la Communauté dans la période d'enquête, soit avec des modèles européens plus coûteux que ceux qui ont, par la suite, été jugés comparables aux modèles TEC.

52 Ces arguments ne sauraient être retenus. En effet, les vices mentionnés par TEC ont été éliminés lors de la comparaison effectuée aux fins de la fixation du droit antidumping définitif, comparaison qui n'a pas été critiquée par la requérante.

53 Dans ces conditions, le quatrième moyen doit également être rejeté.

54 Au vu des constatations qui précèdent, il y a lieu de rejeter les recours dans leur ensemble comme non fondés.

Sur les dépens

55 Aux termes de l'article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. Les requérantes ayant succombé en leurs moyens, il y a lieu de les condamner, solidairement dans l'affaire 260-85, à supporter leurs propres dépens, ainsi que ceux de la partie défenderesse et des parties intervenantes qui ont conclu en ce sens, y compris ceux de la procédure en référé. La société Utax, intervenue à l'appui des requérantes, supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LA COUR (cinquième chambre),

Déclare et arrête :

1) Les recours sont rejetés.

2) Les requérantes sont condamnées, solidairement dans l'affaire 260-85, aux dépens de la partie défenderesse et des parties intervenantes qui ont conclu en ce sens, y compris ceux de la procédure en référé. Utax supportera ses propres dépens.