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Décisions

CJCE, 5e ch., 10 mars 1992, n° C-188/88

COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

NMB GmbH, NMB Italia Srl, NMB Ltd

Défendeur :

Commission des Communautés européennes, FEBMA

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président de chambre :

M. Joliet

Avocat général :

M. Tesauro

Juges :

Sir Gordon Slynn, MM. Moitinho de Almeida, Rodríguez Iglesias, Zuleeg

Avocats :

Mes Forrester, Anderson, Ehle, Schiller

CJCE n° C-188/88

10 mars 1992

LA COUR (cinquième chambre),

1 Par requête déposée au greffe de la Cour le 8 juillet 1988, les sociétés NMB Deutschland GmbH, NMB Italia Srl et NMB (UK) Ltd, (ci-après "filiales européennes de NMB") ont, en vertu de l'article 173, deuxième alinéa, du traité CEE, demandé l'annulation des décisions 88-327-CEE, 88-328-CEE et 88-329-CEE de la Commission, du 22 avril 1988, relatives aux demandes de remboursement de droits antidumping perçus sur certaines importations de roulements à billes originaires de Singapour (JO L 148, p. 26, 28 et 31; ci-après "décisions attaquées"). Par ces décisions, la Commission a rejeté pour partie les demandes de remboursement que les filiales européennes de NMB avaient introduites pour les droits antidumping perçus en 1985 et 1986.

2 Les filiales européennes de NMB distribuent dans la Communauté des roulements à billes de haute précision fournis par NMB Singapore Ltd. Chacune des requérantes ainsi que la NMB Singapore Ltd font partie du groupe Minebea (Nippon Miniature Bearing) et sont des filiales à 100 % de la société mère japonaise.

3 En vertu du règlement (CEE) n° 2089-84 du Conseil, du 19 juillet 1984, instituant un droit antidumping définitif sur les importations de certains roulements à billes originaires du Japon et de Singapour (JO L 193, p. 1), les importations de roulements à billes fabriqués à Singapour par les filiales européennes de NMB Singapore Ltd ont été grevées d'un droit antidumping égal à 33 % du prix net franco frontière communautaire.

4 Chacune des requérantes a introduit, conformément à l'article 16 du règlement (CEE) n° 2176-84 du Conseil, du 23 juillet 1984, relatif à la défense contre les importations qui font l'objet d'un dumping ou d'une subvention de la part de pays non membres de la Communauté économique européenne (JO L 201, p. 1; ci-après "règlement de base"), une demande de remboursement partiel des droits antidumping perçus sur les importations de roulements à billes effectuées par elles pendant les années 1985 et 1986.

5 L'article 16 prévoit que, lorsqu'un importateur peut prouver que le droit perçu dépasse la marge de dumping effective (c'est-à-dire la différence entre la valeur normale et le prix à l'exportation), le montant en excédent doit être remboursé.

6 Par avis 86-C-266-02, du 15 octobre 1986 (JO C 266, p. 2), la Commission a arrêté des directives concernant l'application de l'article 16 du règlement de base. Le titre II, point 2, sous a), de cet avis énonce que la marge de dumping effective sera établie par comparaison entre la valeur normale et le prix à l'exportation. Le point 2, sous c), précise les principes applicables lorsqu'il existe une association entre l'exportateur et l'importateur, au sens de l'article 2, paragraphe 8, sous b), du règlement de base.

7 Cette dernière disposition prévoit en particulier que:

"... le prix à l'exportation peut être construit sur la base du prix auquel le produit importé est revendu pour la première fois à un acheteur indépendant ... Dans ces cas, des ajustements sont opérés pour tenir compte de tous les frais intervenus entre l'importation et la revente, y compris tous les droits et taxes ainsi que d'une marge bénéficiaire raisonnable.

Ces ajustements incluent notamment les éléments suivants:

...

ii) droits de douane, droits antidumping et autres taxes payables dans le pays d'importation du fait de l'importation ou de la vente des marchandises".

8 Le titre II, paragraphe 2, sous c), de l'avis prévoit que:

"Lorsque le prix à l'exportation est construit en application de l'article 2, paragraphe 8, sous b), du règlement (CEE) n° 2176-84, les droits antidumping payés pour l'importation du produit concerné dans la Communauté seront traités comme des frais intervenus entre l'importation et la revente.

Le remboursement, partiel ou total, des droits antidumping payés sur des envois importés par un importateur ou un exportateur concerné ne sera, par conséquent, accordé, à supposer que les autres facteurs soient restés inchangés, que dans les conditions suivantes:

- en cas de revente au premier acheteur indépendant avant paiement des droits, le remboursement sera accordé à l'entreprise ayant acquitté les droits si le prix de revente a été augmenté d'un montant correspondant, en tout ou en partie, à la marge de dumping;

- en cas de revente au premier acheteur indépendant après paiement des droits, le remboursement sera accordé si le prix de vente a été augmenté d'un montant correspondant à la marge de dumping et le montant du droit a été acquitté. Dans ce cas, rien n'empêche le demandeur de répercuter sur l'acheteur le montant finalement acquitté."

9 En application de ces principes, la Commission a, par les trois décisions attaquées du 22 avril 1988, en partie accepté et en partie rejeté les demandes de remboursement des droits antidumping présentées par les filiales européennes de NMB. Ce rejet partiel s'explique par le fait que, en calculant le prix à l'exportation construit, la Commission a déduit les droits antidumping acquittés par les requérantes.

10 Cette position est motivée dans les décisions attaquées de la façon suivante. En premier lieu, les termes de l'article 2, paragraphe 8, sous b), du règlement de base imposeraient de déduire du prix de revente tous les droits, y compris les droits antidumping. En second lieu, la Commission souligne que si le demandeur avait vendu hors droits, il lui aurait suffi de majorer une fois son prix pour pouvoir prétendre à un remboursement. Lorsque le produit importé est revendu dans la Communauté droits compris, ainsi que cela a été le cas en l'espèce, il suffirait également d'une seule majoration du prix de revente, même équivalente aux droits, pourvu que la Commission ait en l'espèce l'assurance que cette majoration du prix payé par l'acheteur indépendant supprime ou réduit la marge de dumping et ne représente pas uniquement le droit antidumping, que l'importateur pourrait éventuellement reverser à son client s'il en obtenait le remboursement. Il en serait ainsi, par exemple, si les frais intervenus entre l'importation et la revente par NMB ou la valeur normale de Minebea avaient été réduits depuis la période de l'enquête initiale. D'autres changements de circonstances justifieraient encore l'application de méthodes d'ajustement ou de calcul différentes, susceptibles d'aboutir au même résultat, c'est-à-dire à la suppression ou à la réduction de la marge de dumping sous l'effet d'une seule majoration de prix. Rien n'indiquerait que, en l'espèce, ces conditions ont été remplies.

11 Dans leur requête, les filiales européennes de NMB font état des conditions que la réglementation impose aux importateurs liés s'ils veulent obtenir le remboursement de tout ou partie des droits antidumping qu'ils ont acquittés. Selon elles, ces importateurs doivent démontrer que le prix auquel ils achètent leurs produits, à savoir le prix d'exportation, n'est plus inférieur à la valeur normale. A cette fin, ils devraient établir que le prix auquel ils revendent ces produits à leurs clients, prix à partir duquel est calculé le prix à l'exportation, a subi une double augmentation. La première serait destinée à compenser la marge de dumping; la seconde représenterait, quant à elle, les droits antidumping qu'ils ont dû acquitter. Les requérantes formulent, au terme de cette analyse, les quatre griefs suivants.

12 En premier lieu, les requérantes considèrent que, en estimant qu'il fallait déduire les droits antidumping lors de la construction du prix à l'exportation des importateurs liés, la Commission a interprété de façon erronée l'article 2, paragraphe 8, sous b), du règlement de base. Elles avancent, à l'appui de ce grief, les considérations suivantes. Tout d'abord, l'interprétation adoptée par la Commission ne serait pas compatible avec le principe de proportionnalité: elle ferait peser sur les importateurs liés une charge dépassant ce qui est nécessaire pour corriger les effets du dumping et protégerait ainsi de façon excessive les entreprises établies dans la Communauté. Ensuite, cette interprétation aurait des effets discriminatoires. Les importateurs indépendants et les importateurs liés seraient traités de façon différente pour le remboursement des droits antidumping, sans justification objective: les premiers pourraient obtenir ce remboursement dès lors que la marge de dumping a été compensée, tandis que les seconds devraient de surcroît majorer le prix qu'ils facturent à leurs clients d'une somme représentant les droits acquittés. Enfin, en interprétant le règlement de base, la Commission aurait dû tenir compte de la pratique des partenaires commerciaux de la Communauté qui, eux, ne déduisent pas les droits antidumping lorsqu'ils construisent le prix d'exportation.

13 En second lieu, elles soutiennent que, en fondant les décisions attaquées sur un avis publié postérieurement aux années pour lesquelles elles demandent le remboursement des droits, la Commission a violé le principe de protection de la confiance légitime. Elles expliquent que, avant la publication, en 1986, de l'avis de la Commission, elles pouvaient légitimement penser que les droits acquittés en 1985 et 1986 leur seraient remboursés dès lors que la marge de dumping avait été compensée. Selon elles, cette attente légitime a été trompée lorsque la Commission a fait savoir par son avis que, en vue d'obtenir un remboursement, les importateurs liés doivent en outre augmenter les prix qu'ils facturent à leurs clients d'un montant égal aux droits acquittés.

14 En troisième lieu, les requérantes estiment que la Commission a agi d'une façon et à des fins qui n'étaient pas celles en vue desquelles ses pouvoirs lui ont été conférés et que, dès lors, elle a commis un détournement de pouvoir. A cet égard, elles rappellent que les importateurs liés sont appelés à supporter une charge qui excède ce qui est nécessaire en vue de corriger les effets du dumping, qu'ils font l'objet d'une discrimination et que l'industrie européenne s'est vue accorder une protection excessive.

15 En dernier lieu, pour le cas où la Cour considérerait que l'interprétation défendue par la Commission est exacte, les requérantes soutiennent que le règlement de base doit être tenu pour contraire à l'article VI du GATT et au code antidumping pris en exécution de celui-ci. Ils en déduisent que, conformément à l'article 184 du traité CEE, ledit règlement doit être déclaré inapplicable en l'espèce, ce qui priverait les décisions attaquées de toute base.

16 Par ordonnance du 19 janvier 1989, la Cour a admis la Federation of European Bearing Manufacturers'Association (ci-après "FEBMA") à intervenir au soutien des conclusions de la Commission.

17 Pour un plus ample exposé des faits du litige au principal, de la réglementation applicable ainsi que des observations écrites présentées à la Cour, il est renvoyé au rapport d'audience. Ces éléments du dossier ne sont repris ci-après que dans la mesure nécessaire au raisonnement de la Cour.

Sur la recevabilité de certains moyens

18 La Commission soulève, à titre liminaire, des objections quant à la recevabilité de certains moyens avancés par les filiales européennes de NMB à l'appui de leur recours.

19 Elle soutient, en premier lieu, que ces moyens sont dirigés contre une politique, celle suivie par la Commission en matière de restitution de droits antidumping, alors que, aux termes de l'article 173 du traité CEE, le contrôle de la Cour porte sur la légalité des actes du Conseil ou de la Commission.

20 Il convient d'observer à cet égard qu'il ressort des conclusions des requérantes que le recours ne vise que l'annulation des décisions 88-327, 88-328 et 88-329. S'il est vrai que les filiales européennes de NMB font plusieurs fois référence à la "politique" de la Commission, il est clair qu'elles n'attaquent que les décisions en question, qui appliquent ladite politique.

21 Ensuite, la Commission fait valoir que certains des moyens avancés par les filiales européennes de NMB à l'appui de leur recours se situent hors du champ d'application de l'article 173 du traité, notamment ceux qui traitent de la discordance entre l'approche adoptée par la Communauté et la pratique de ses partenaires commerciaux et de la violation des règles du code antidumping du GATT.

22 En ce qui concerne la pratique des partenaires commerciaux de la Communauté, il y a lieu de relever que, s'il est vrai qu'une telle pratique ne peut pas constituer un paramètre de contrôle de la légalité communautaire, elle peut en revanche être invoquée, comme en l'espèce, en tant qu'argument pour soutenir que la Commission n'a pas interprété correctement les dispositions du règlement communautaire.

23 En ce qui concerne la violation alléguée des règles du code antidumping du GATT, il suffit de rappeler qu'il découle de l'arrêt du 7 mai 1991, Nakajima/Conseil (C-69-89, Rec. p. I-0000), qu'une telle violation peut être invoquée en tant que moyen de contrôle de la légalité du règlement de base communautaire.

24 En dernier lieu, la Commission estime que les moyens par lesquels les requérantes invoquent l'illégalité du règlement de base sont irrecevables. Elle avance trois arguments à l'appui de cette conclusion. Tout d'abord, les requérantes mettraient en cause l'ensemble de ce règlement sans identifier avec précision la disposition qu'elles considèrent comme illégale. En outre, elles ne formuleraient aucune demande à l'égard dudit règlement dans les conclusions de leur requête. Enfin, elles demanderaient l'annulation de ce règlement alors que, le délai durant lequel un recours pouvait être intenté contre cet acte étant expiré, elles pourraient tout au plus, se basant sur l'article 184 du traité CEE, invoquer son inapplicabilité.

25 A cet égard, il convient de relever tout d'abord que, puisque le litige porte sur la déduction des droits antidumping opérée dans les trois décisions attaquées en application de l'article 2, paragraphe 8, sous b), du règlement de base, il est clair que les requérantes critiquent la légalité de cette disposition, dans la mesure où elle est appliquée à l'hypothèse du remboursement des droits antidumping, et non pas la légalité de l'ensemble du règlement de base. En outre, invoquer l'illégalité d'un règlement à l'appui d'un recours contre des décisions individuelles constitue un moyen soulevé dans le cadre de ce recours; il s'ensuit que ce moyen n'a pas à paraître dans les conclusions de la requête, mais doit simplement être mentionné dans ses motifs. Enfin, il ressort clairement de la requête que l'objet de la demande est l'annulation non pas du règlement de base ou de certaines de ses dispositions, mais des trois décisions attaquées, au motif notamment qu'elles sont fondées sur une disposition illégale de ce règlement qui, conformément à l'article 184 du traité CEE, doit être déclarée inapplicable.

26 Il convient donc de rejeter les objections soulevées par la Commission concernant la recevabilité de certains moyens.

Sur le fond

A - Quant au moyen tiré de l'interprétation erronée du règlement de base

27 Les filiales européennes de NMB font valoir que la Commission interprète le règlement de base de façon erronée dans l'avis de 1986, précité, et les décisions litigieuses. Elles soulignent que, conformément au code antidumping du GATT, l'article 16 du règlement de base subordonne le droit au remboursement du droit antidumping à une seule condition: la preuve que le montant du droit versé dépasse la marge de dumping effective.

28 Les filiales européennes de NMB relèvent que, lorsqu'un importateur lié a augmenté le prix de revente dans la Communauté d'un montant égal à la marge du dumping précédemment constatée, une telle augmentation est nécessaire et suffisante pour mettre fin au dumping et, par conséquent, pour donner lieu au remboursement des droits versés. Tout autre élément important (notamment la valeur normale et les frais de vente de l'importateur) pour le calcul de la marge de dumping demeurant inchangé, en présence d'un prix de revente augmenté d'un montant égal à une fois la marge de dumping, le prix à l'exportation construit serait égal à la valeur normale: le dumping serait donc éliminé.

29 Les filiales européennes de NMB soutiennent que, pour parvenir à ce résultat, les droits antidumping payés ne doivent pas être considérés comme un coût supporté entre l'importation et la revente et ne doivent donc pas être déduits lors de la construction du prix à l'exportation. Par conséquent, l'article 2, paragraphe 8, sous b), du règlement de base devrait être considéré comme contenant implicitement l'expression "dans le cas où cela serait approprié". Une telle lecture aurait pour effet de limiter la déduction automatique, lors d'une construction du prix à l'exportation, des droits antidumping acquittés par un importateur lié aux procédures de réexamen des droits antidumping et permettrait à la Commission de ne pas déduire ces droits dans l'hypothèse d'une procédure de remboursement.

30 Selon les filiales européennes de NMB, une telle interprétation s'impose pour éviter une discrimination injustifiée entre les importateurs liés et les importateurs indépendants. En effet, ces derniers, ayant acquitté les droits antidumping, sont en droit d'en demander le remboursement si l'exportateur a augmenté ses prix d'un montant suffisant pour éliminer le dumping indépendamment du paiement des droits antidumping. Dans ces circonstances, l'importateur indépendant est libre, en attendant le remboursement des droits antidumping, soit d'absorber les droits antidumping, en n'opérant qu'une seule augmentation à l'égard de son acheteur, représentant l'augmentation du prix facturé à lui par l'exportateur, soit de répercuter les droits antidumping en aval, en opérant une double augmentation des prix facturés par lui à son acheteur. Dans cette dernière hypothèse, il est également libre de répercuter le remboursement des droits antidumping après qu'il l'ait reçu. En revanche, l'importateur lié est obligé, selon la pratique de la Commission, de facturer à son acheteur, qui est le premier acheteur indépendant dans la Communauté, une double augmentation, représentant les droits antidumping majorés d'une augmentation suffisante pour éliminer le dumping indépendamment du paiement de ceux-ci, en attendant le remboursement des droits antidumping qui lui sera accordé et qu'il est libre de répercuter en aval.

31 L'interprétation soutenue par les filiales européennes de NMB ne saurait être accueillie.

32 Il convient de relever, en premier lieu, que cette interprétation est contraire au texte même de la disposition en cause, laquelle prévoit expressément la déduction des droits antidumping, à titre de frais encourus entre l'importation et la revente, lors de la construction du prix à l'exportation, sans établir à cet égard une distinction quelconque entre l'hypothèse de réexamen et l'hypothèse de remboursement.

33 Il convient de relever, en second lieu, que le but de la construction du prix à l'exportation est le même en cas de réexamen et en cas de remboursement. Dans l'un et l'autre cas, il s'agit de constater la marge de dumping effective. Il serait donc illogique de déduire les droits antidumping dans l'une des hypothèses et pas dans l'autre.

34 Il convient de relever, en troisième lieu, que la différence de traitement alléguée entre les importateurs indépendants et les importateurs liés, en ce qui concerne le remboursement des droits antidumping, est justifiée par la différence existant entre leurs situations respectives par rapport aux pratiques de dumping et ne constitue donc pas une discrimination.

35 En effet, alors que les importateurs indépendants sont étrangers aux pratiques de dumping, les importateurs liés à l'exportateur se trouvent, de ce fait, de l'autre côté de la barrière de dumping en ce sens qu'ils participent aux pratiques constitutives du dumping et que, en tout état de cause, ils sont en mesure de connaître tous les éléments sur lesquels le dumping est fondé.

36 Une telle différence de situation a notamment des conséquences sur le comportement des importateurs indépendants et des importateurs liés en ce qui concerne la répercussion des droits antidumping sur leurs acheteurs.

37 En effet, ainsi que la Commission l'a relevé à juste titre, les importateurs indépendants sont amenés à répercuter les droits antidumping sur leurs acheteurs étant donné que, sans une telle répercussion, d'une part, ils perdraient les intérêts correspondant aux montants versés et subiraient les effets d'une éventuelle dépréciation monétaire et, d'autre part, ignorant les données sur lesquelles se base la détermination de la marge de dumping, ils courraient le risque que le remboursement ne leur soit pas accordée malgré l'augmentation du prix à l'exportation.

38 Tel n'est pas le cas des importateurs liés qui pourraient s'abstenir de répercuter le droits antidumping, étant donné qu'ils sont en possession des données relatives aux pratiques commerciales à l'origine du dumping et que, dès lors, ils n'ont aucune incertitude et aucun risque à courir en ce qui concerne la possibilité d'obtenir le remboursement.

39 Par conséquent, si les droits antidumping n'étaient pas déduits lors de la construction du prix à l'exportation, les importateurs liés se trouveraient dans une position plus avantageuse que celle des importateurs indépendants.

40 Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que l'article 2, paragraphe 8, sous b), du règlement de base impose la déduction des droits antidumping lors de la construction du prix à l'exportation aux fins du remboursement de droits. Par conséquent, le moyen tiré de l'interprétation erronée du règlement de base doit être rejeté.

B - Quant au moyen tiré de l'illégalité des dispositions litigieuses du règlement de base

41 Les filiales européennes de NMB considèrent que si l'on devait interpréter les articles 2, paragraphe 8, sous b), et 16 du règlement de base comme le prétend la Commission, ces dispositions violeraient le principe de l'égalité de traitement ainsi que le code antidumping.

42 L'argument tiré de la violation du principe de l'égalité de traitement ayant déjà été rejeté dans le cadre de l'examen du moyen précédent, il y a lieu d'examiner l'argument tiré de la violation du code antidumping du GATT.

43 A cet égard, les filiales européennes de NMB font valoir que la politique sur laquelle reposent les dispositions litigieuses est illégale dans la mesure où elle méconnaît le principe fondamental du droit antidumping consacré à l'article 8, paragraphe 3, du code antidumping institué par l'accord relatif à la mise en œuvre de l'article 6 de l'accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (ci-après "code antidumping du GATT", JO 1980, L 71, p. 90) selon lequel "le montant du droit antidumping ne doit pas dépasser la marge de dumping ... déterminée conformément à l'article 2" du même code.

44 Selon les filiales européennes de NMB, si un importateur lié acquitte des droits antidumping et, ensuite, augmente le prix facturé par lui au premier acheteur indépendant dans la Communauté d'un montant représentant ces droits, il élimine ainsi le dumping et il est donc en droit de recevoir le remboursement des droits antidumping acquittés par lui.

45 A cet égard, il convient de rappeler que l'article 2, paragraphe 5, du code antidumping prévoit que:

"Lorsqu'il n'y a pas de prix à l'exportation ou lorsqu'il apparaît aux autorités concernées que l'on ne peut faire fond sur le prix à l'exportation par suite de l'existence d'une association ou d'un arrangement de compensation entre l'exportateur et l'importateur ou une tierce partie, le prix à l'exportation pourra être reconstruit sur la base du prix auquel les produits importés sont revendus pour la première fois à un acheteur indépendant ..."

Le paragraphe 6 du même article prévoit que, dans les cas visés au paragraphe 5, "il devrait être tenu compte des frais, droits et taxes compris intervenus entre l'importation et la revente ainsi que des bénéfices".

46 Ainsi que la Commission l'a relevé à juste titre, la seule différence entre le code antidumping du GATT et le règlement communautaire en ce qui concerne la construction du prix à l'exportation est que, alors que le code se limite à énoncer le principe selon lequel il sera dûment tenu compte des frais intervenus entre l'importation et la revente "droits et taxes compris", le règlement communautaire spécifie certains des droits et autres frais, y compris notamment les droits antidumping, dont il convient de tenir compte lors de l'ajustement.

47 Il s'ensuit qu'il n'y a pas de contrariété entre les dispositions du règlement de base et celles du code antidumping.

48 Enfin, les filiales européennes de NMB font valoir que la politique de la Commission s'écarte de celle des partenaires commerciaux de la Communauté.

49 Compte tenu de ce que les arguments des filiales européennes de NMB ne permettent pas de conclure à l'illégalité du système adopté dans la Communauté, le fait que les partenaires commerciaux adoptent d'autres méthodes ne rend pas ce système illégal.

50 Cet argument doit dès lors être également rejeté.

51 En ce qui concerne la violation alléguée du principe de proportionnalité et le prétendu détournement de pouvoir, il suffit de constater que ces moyens sont fondés sur des arguments qui ont déjà été rejetés ci-avant dans le cadre de l'examen du moyen tiré d'une interprétation erronée du règlement de base.

52 Les filiales européennes de NMB soutiennent ensuite qu'il y a violation du principe de protection de la confiance légitime dans la mesure où elles étaient en droit de supposer, jusqu'à l'émission de l'avis du 15 octobre 1986, que des restitutions seraient accordées dans des circonstances telles que celles de la présente affaire.

53 Il suffit de relever sur ce point que les requérantes n'ont pas pu raisonnablement faire une telle supposition puisque, ainsi qu'elles le concèdent elles-mêmes dans leur requête, la Commission n'avait pas défini sa position en la matière de manière claire avant l'avis publié en 1986.

54 Il y a lieu dès lors de rejeter cet argument.

55 En dernier lieu, les filiales européennes de NMB font valoir que les décisions litigieuses sont nulles pour insuffisance de motifs.

56 A cet égard, il y a lieu de relever que la motivation des décisions, qui fait référence explicitement aux dispositions pertinentes du règlement de base et de l'avis de la Commission de 1986, précise, si elle est lue en liaison avec ces dernières dispositions, les raisons du rejet partiel des demandes des requérantes et la démarche que ces dernières devraient poursuivre pour obtenir le remboursement total des droits antidumping acquittés.

57 Aucun des moyens invoqués par les filiales européennes de NMB n'étant fondé, il y a lieu de rejeter le recours.

Sur les dépens

58 Aux termes de l'article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens. Les requérantes ayant succombé en leurs moyens, il y a lieu de les condamner aux dépens, y compris ceux de la partie intervenante.

Par ces motifs,

LA COUR (cinquième chambre),

déclare et arrête:

1) Le recours est rejeté.

2) Les parties requérantes sont condamnées aux dépens, y compris ceux de la partie intervenante.