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Décisions

TPICE, 5e ch. élargie, 10 juillet 1996, n° T-208/95

TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE DES COMMUNAUTES EUROPEENNES

Ordonnance

PARTIES

Demandeur :

Miwon & Co. Ltd

Défendeur :

Commission des Communautés européennes

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Schintgen

Juges :

MM. García-Valdecasas, Azizi, Moura Ramos, Mme Tiili

Avocat :

Me Bellis

TPICE n° T-208/95

10 juillet 1996

LE TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (cinquième chambre élargie),

Les faits à l'origine du litige

1 Par règlement (CEE) n° 547-90, du 2 mars 1990 (JO L 56, p. 23), la Commission a institué un droit antidumping provisoire sur les importations d'acide glutamique et de ses sels originaires d'Indonésie, de la République de Corée, de T'ai-wan et de Thaïlande, mais a accepté des engagements de prix minimaux de la part de tous les exportateurs qui, telle la requérante Miwon Co. Ltd, avaient coopéré au cours de l'enquête.

2 Par règlement (CEE) n° 1798-90, du 27 juin 1990 (JO L 167, p. 1), modifié en dernier lieu par le règlement (CEE) n° 2455-93 du Conseil, du 2 septembre 1993 (JO L 225, p. 1), le Conseil a institué un droit antidumping définitif sur les importations de glutamate monosodique (ci-après "MSG") originaire de ces pays, à l'exception des produits des producteurs dont les engagements avaient été acceptés.

3 A la suite d'une demande déposée par l'industrie communautaire, la Commission a annoncé (avis publié au JO 1994, C 187, p. 13) l'ouverture d'un réexamen des mesures antidumping, conformément à l'article 14 du règlement (CEE) n° 2423-88 du Conseil, du 11 juillet 1988, relatif à la défense contre les importations qui font l'objet d'un dumping ou de subventions de la part de pays non membres de la Communauté économique européenne (JO L 209, p. 1, ci-après "règlement de base"). La plainte faisait notamment valoir que le MSG originaire des pays concernés avait été importé dans la Communauté à des prix inférieurs à ceux prévus par les engagements de prix existants.

4 Au cours de l'enquête, la Commission est arrivée à la conclusion que les engagements de prix, notamment celui souscrit par la requérante, étaient violés et, conformément à l'article 10, paragraphe 6, du règlement de base, a adopté, le 18 juillet 1995, le règlement (CE) n° 1754-95, dénonçant ces engagements de prix et instituant un droit antidumping provisoire sur les importations de MSG originaires d'Indonésie, de République de Corée, de T'ai-wan et de Thaïlande (JO L 170, p. 20, ci-après "règlement n° 1754-95"). Conformément à l'article 11, paragraphe 5, du règlement de base, ce droit a été prorogé pour une période de deux mois par le règlement (CE) n° 2685-95 du Conseil, du 17 novembre 1995 (JO L 275, p. 22).

5 Le 19 janvier 1996, le Conseil a adopté le règlement (CE) n° 81-96 modifiant le règlement n° 2455-93, du 2 septembre 1993, et instituant un droit antidumping définitif sur les importations de MSG originaires des pays concernés (JO L 15, p. 20, ci-après "règlement n° 81-96"). Ce règlement a fait l'objet d'un deuxième recours introduit par la requérante le 12 avril 1996 (affaire T-51-96).

Procédure

6 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 3 novembre 1995, la requérante a introduit un recours en annulation contre le règlement n° 1754-95.

7 Par acte du 29 janvier 1996, la Commission a soulevé, au titre de l'article 114, paragraphe 2, du règlement de procédure, une exception d'irrecevabilité faisant valoir que, à la suite de l'adoption par le Conseil du règlement n° 81-96, il n'y a plus lieu de statuer.

8 La requérante a déposé ses observations sur l'exception d'irrecevabilité le 27 mars 1996.

Moyens et arguments des parties

9 La Commission soutient qu'il résulte d'une jurisprudence constante que l'adoption par le Conseil du règlement n° 81-96 instituant des droits définitifs a rendu sans objet le recours déposé contre le règlement n° 1754-95 de la Commission instituant des droits provisoires (arrêts de la Cour du 5 octobre 1988, Brother/Commission, 56-85, Rec. p. 5655, Technointorg/Commission et Conseil, 294-86 et 77-87, Rec. p. 6077, et du 11 juillet 1990, Neotype Techmashexport/Commission et Conseil, C-305-86 et C-160-87, Rec. p. I-2945).

10 Elle estime qu'aucun élément du dossier ne justifie que l'on s'écarte, dans la présente affaire, de cette jurisprudence constante. Elle relève que le seul élément particulier en l'espèce consiste en ce que les droits provisoires ont été imposés en raison de la violation d'un engagement et non comme première mesure adoptée dans le cadre d'une procédure initiale.

11 La Commission soutient que le remplacement d'un engagement par un droit ne constitue pas une sanction, mais simplement le changement d'un type de mesure antidumping par un autre.

12 Enfin, la Commission relève que le règlement n° 81-96 confirme la constatation, effectuée par la Commission, que la requérante a violé son engagement et justifie, aux points 25 à 28, la construction du prix à l'exportation de la requérante, conformément à l'article 2, paragraphe 8, sous b), du règlement de base, par la considération que l'engagement a été violé. Elle en conclut que la question de la violation de l'engagement a été transposée du règlement attaqué au règlement n° 81-96 et que tout moyen ou argument concernant cette question peut être formulé dans le cadre d'un recours contre le règlement n° 81-96. Il n'y aurait dès lors plus lieu de statuer sur le présent recours.

13 La requérante soutient que la thèse de la Commission, selon laquelle la question de la violation des engagements a été transposée du règlement attaqué au règlement n° 81-96 et les conclusions du Conseil sur ce point peuvent être contestées dans le cadre d'un recours contre ce dernier règlement, est incompatible avec les dispositions du règlement de base.

14 La requérante fait observer que le règlement attaqué a été adopté sur la base de l'article 10, paragraphe 6, du règlement de base, lequel confère à la Commission le pouvoir exclusif de constater qu'un engagement a été violé et doit, en conséquence, être dénoncé. Elle estime que, en ce sens, la constatation par la Commission que l'engagement a été violé et doit être dénoncé présente un caractère définitif.

15 Elle fait valoir à cet égard que le Conseil ne s'est plus prononcé dans le règlement n° 81-96 sur la question de savoir si l'engagement doit être dénoncé au motif qu'il a prétendument été violé, mais qu'il s'est borné à prendre note de la décision prise par la Commission dans le règlement attaqué de dénoncer l'engagement et à modifier le droit antidumping définitif qui avait été imposé par le règlement n° 1798-90, du 27 juin 1990, modifié en dernier lieu par le règlement n° 2455-93, du 2 septembre 1993.

16 Selon la requérante, le fait que certains des éléments sur lesquels le Conseil s'est fondé pour justifier la construction du prix à l'exportation dans le règlement n° 81-96 soient les mêmes que ceux retenus par la Commission dans le règlement attaqué ne permet pas de tirer la conclusion que la question de la violation de l'engagement a été réexaminée dans le règlement n° 81-96. La requérante souligne que le Conseil a d'ailleurs abandonné certains éléments retenus par la Commission et fondé, en partie, sa décision sur d'autres motifs.

17 La requérante fait observer que la constatation opérée par le Conseil aux points 25 à 28 du règlement n° 81-96 est substantiellement différente de celle opérée par la Commission dans le règlement attaqué, la Commission ayant jugé sur la base de l'article 10, paragraphe 6, du règlement de base que la requérante a violé son engagement, tandis que le Conseil a estimé que le prix à l'exportation de la requérante devait être construit conformément à l'article 2, paragraphe 8, sous b), du règlement de base. Il serait dès lors totalement inexact de prétendre que l'analyse de la question de la violation de l'engagement, traitée dans le règlement attaqué, a été reprise dans le règlement n° 81-96.

18 La requérante précise à cet égard que le fait que certains éléments retenus par la Commission et par le Conseil soient les mêmes est le fruit d'une pure coïncidence et résulte de la décision de la Commission de considérer que les prix de revente relativement bas pratiqués par des importateurs indépendants de la requérante ne peuvent s'expliquer que par l'octroi par celle-ci de compensations secrètes à ces importateurs. Le Conseil se serait fondé sur cette ligne de raisonnement pour appliquer l'article 2, paragraphe 8, sous b), en vue de calculer les droits antidumping définitifs, mais il serait facile d'imaginer des situations dans lesquelles aucun des motifs retenus par la Commission pour estimer qu'un exportateur a violé son engagement n'a de pertinence pour le calcul du droit antidumping définitif imposé à l'égard de cet exportateur. Or, la recevabilité d'un recours en annulation dirigé contre une décision de la Commission en application de l'article 10, paragraphe 6, ne pourrait dépendre de la question de savoir si certains éléments invoqués par la Commission sont réutilisés par la Conseil pour une décision qui est complètement différente.

19 La requérante estime que la théorie de la Commission, selon laquelle un exportateur doit attendre l'adoption du règlement du Conseil imposant un droit antidumping définitif pour contester la constatation faite par la Commission qu'il a violé son engagement, conduirait à des situations impossibles lorsque, pour une quelconque raison, le Conseil déciderait de ne pas imposer de droit antidumping définitif. En ce cas, en effet, l'exportateur ne serait plus en mesure, en raison de la forclusion, d'introduire un recours contre la détermination par la Commission qu'il a violé son engagement, alors que cette constatation pourrait être invoquée contre lui ultérieurement pour refuser, même dans d'autres procédures concernant d'autres produits, son offre d'engagement. Elle en conclut qu'un exportateur a un intérêt légitime à contester la légalité de la constatation de violation d'un engagement opérée par la Commission sur la base de l'article 10, paragraphe 6, indépendamment du fait que le Conseil impose ou non un droit antidumping définitif.

Appréciation du Tribunal

20 Le Tribunal rappelle, à titre liminaire, que, selon une jurisprudence bien établie (arrêts de la Cour Brother/Commission, précité, point 6, Technointorg/Commission et Conseil, précité, point 12, du 11 juillet 1990, Enital/Commission et Conseil, C-304-86 et C-185-87, Rec. p. I-2939, et Neotype Techmashexport/Commission, précité), compte tenu du fait que les montants garantis par le droit antidumping provisoire ont été intégralement perçus en vertu de l'article 2 du règlement définitif, aucun effet juridique découlant du règlement provisoire ne peut être invoqué par la requérante. Il en résulte que, à la suite de l'adoption du règlement définitif par le Conseil, la requérante n'a, en principe, plus d'intérêt à attaquer le règlement provisoire.

21 Néanmoins, le Tribunal constate que le présent recours est dirigé contre le règlement provisoire notamment en ce qu'il constate une violation par la requérante de son engagement de prix et dénonce ledit engagement.

22 Il convient dès lors d'examiner si la circonstance que dans le règlement attaqué la Commission a constaté une violation par la requérante de son engagement de prix et a dès lors dénoncé celui-ci, est de nature à conserver, dans le chef de la requérante, un intérêt à poursuivre l'annulation du règlement attaqué.

23 La requérante soutient à cet égard que, dès lors que l'article 10, paragraphe 6, du règlement de base donne à la Commission le pouvoir exclusif de décider si un engagement a été violé et doit donc être dénoncé, la constatation opérée par la Commission sur ce point a un caractère définitif et ne peut pas être contestée dans le cadre d'un recours dirigé contre le règlement du Conseil.

24 Cette thèse ne saurait être accueillie.

25 En effet, ainsi que la Cour l'a relevé dans son arrêt du 14 mars 1990, Gestetner Holdings/Conseil et Commission (C-156-87, Rec. p. I-781, points 6 à 9; voir également l'arrêt de même date, Nashua Corporation e.a./Commission et Conseil, C-133-87 et C-150-87, Rec. p. I-719), le rôle de la Commission s'intègre dans le cadre du processus de décision du Conseil. Il résulte, en effet, des dispositions du règlement de base que la Commission a la charge de mener des enquêtes et de décider, sur la base de celles-ci, de clôturer la procédure ou, au contraire, de la poursuivre en adoptant des mesures provisoires et en proposant au Conseil l'adoption de mesures définitives. C'est cependant au Conseil qu'il appartient de se prononcer définitivement. En effet, il peut s'abstenir de toute décision s'il est en désaccord avec la Commission, ou, au contraire, prendre une décision sur la base des propositions de celle-ci.

26 La Cour en a conclu dans ces arrêts que le rejet par la Commission d'une proposition d'engagement n'est pas une mesure produisant des effets juridiques obligatoires de nature à affecter les intérêts de la requérante, étant donné que la Commission peut revenir sur sa décision ou que le Conseil peut décider de ne pas instituer un droit antidumping, mais qu'il constitue une mesure intermédiaire dont l'objectif est de préparer la décision finale et non pas un acte attaquable.

27 Il y a lieu de relever que la Cour est parvenue à cette conclusion alors que, tout comme dans le cas d'une décision de dénonciation d'engagement, le règlement de base ne confère, explicitement, en son article 10, paragraphe 1, qu'à la seule Commission le pouvoir d'accepter une proposition d'engagement.

28 Il appert ainsi que, contrairement à ce que soutient la requérante, la circonstance que l'article 10, paragraphe 6, du règlement de base ne donne, à tout le moins de manière explicite, qu'à la Commission le pouvoir de décider si un engagement a été violé n'est pas de nature à conférer le caractère d'acte attaquable à une décision de dénonciation d'engagement.

29 Il y a lieu de relever également qu'une décision de dénonciation d'engagement entraîne, en principe, pour les opérateurs économiques concernés, les mêmes conséquences qu'une décision de refus d'une proposition d'engagement, à savoir l'institution d'un droit antidumping provisoire. Dans les deux hypothèses il ne s'agit cependant que d'une mesure intermédiaire dont l'objectif est de préparer la décision finale qu'adoptera le Conseil.

30 En outre, il y a lieu de relever que le point 13 du règlement attaqué précise que "toutes les conclusions tirées aux fins du présent règlement sont provisoires et peuvent être réexaminées pour l'institution de tout droit définitif que la Commission pourrait proposer".

31 Il convient donc de considérer que la décision par la Commission de dénoncer un engagement de prix en raison de sa violation ne constitue pas un acte attaquable et que c'est en attaquant le règlement instituant des droits antidumping définitifs que les opérateurs économiques peuvent, le cas échéant, faire valoir toute irrégularité relative à la constatation, par la Commission, de la violation de leur engagement.

32 Il s'ensuit que le fait que le règlement provisoire attaqué constate la violation par la requérante de son engagement n'est pas de nature à établir un intérêt à agir de la requérante contre ledit règlement provisoire.

33 A titre surabondant, le Tribunal constate que, en tout état de cause, la question de la violation de l'engagement a été transposée dans le règlement n° 81-96. En effet, contrairement à ce que soutient la requérante, le Conseil, dans son règlement n° 81-96, a réexaminé ou, à tout le moins, s'est prononcé sur la question de la violation de l'engagement. Ainsi, aux points 25 à 28 du règlement n° 81-96, et en particulier au point 26, de même qu'aux points 57 et 69, le Conseil a indiqué les circonstances qui établissent, selon lui, l'existence d'une violation des engagements.

34 Le Tribunal estime que le fait que certains motifs sur lesquels le Conseil s'est fondé pour constater la violation de l'engagement ne sont pas identiques à ceux retenus par la Commission est de nature à corroborer l'affirmation de la défenderesse selon laquelle la question de la violation de l'engagement a bien été réexaminée dans le règlement du Conseil.

35 La requérante a donc la possibilité de faire valoir tout moyen relatif à l'illégalité de la constatation de la violation de son engagement dans le cadre d'un recours dirigé contre le règlement définitif et n'a dès lors plus d'intérêt à agir contre le règlement provisoire sur ce point.

36 C'est également à tort que la requérante affirme que les constatations faites par le Conseil et la Commission sont substantiellement différentes, en ce que la Commission s'est prononcée sur la base de l'article 10, paragraphe 6, du règlement de base, tandis que le Conseil a estimé, aux points 25 à 28 de son règlement, que le prix à l'exportation devait être construit sur la base de l'article 2, paragraphe 8, sous b). En effet, si le Conseil a conclu qu'il convenait de reconstruire les prix à l'exportation conformément à l'article 2, paragraphe 8, sous b), c'est précisément parce qu'il a d'abord constaté qu'aucune autre raison convaincante que l'existence d'arrangements de compensation ne permettait d'expliquer que les importateurs ont tous revendu le produit concerné à perte et que les visites de vérification ont prouvé que les engagements souscrits par Miwon Co. Ltd ont été violés.

37 Il résulte de tout ce qui précède que, à la suite de l'adoption du règlement définitif, le recours introduit contre le règlement provisoire n'a plus d'objet et qu'il n'y a pas lieu de statuer.

Sur les dépens

38 Aux termes de l'article 87, paragraphe 6, du règlement de procédure, en cas de non-lieu à statuer, le Tribunal règle librement les dépens. Le Tribunal estime qu'il sera fait une juste appréciation des faits de la cause en décidant que chacune des parties supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre élargie)

ordonne:

1) Il n'y a pas lieu de statuer sur le présent recours.

2) Chacune des parties supportera ses propres dépens.