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Décisions

CJCE, 6e ch., 7 juillet 1994, n° C-75/92

COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Gao Yao Hua Fa Industrial Co. Ltd

Défendeur :

Conseil de l'Union européenne, Commission des Communautés européennes, Fédération européenne des fabricants de briquets ASBL

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président de chambre :

M. Mancini

Avocat général :

M. Lenz

Juges :

MM. Diez de Velasco, Kakouris, Schockweiler, Kapteyn

Avocats :

Mes Lippens de Cerf, Gudin, Spinoit, Wese, Effinier

CJCE n° C-75/92

7 juillet 1994

LA COUR (sixième chambre),

1 Par requête déposée au greffe de la Cour le 11 mars 1992, Gao Yao (Hong Kong) Hua Fa Industrial Co. Ltd, établie à Hong Kong (ci-après "Gao Yao Hong Kong"), a demandé, en vertu de l'article 173, deuxième alinéa, du traité CEE, l'annulation des articles 1er, 2 et 3 du règlement (CEE) n° 3433-91 du Conseil, du 25 novembre 1991, instituant un droit antidumping définitif sur les importations de briquets de poche avec pierre, à gaz, non rechargeables, originaires du Japon, de la République populaire de Chine, de la République de Corée et de la Thaïlande et portant perception définitive du droit provisoire (JO L 326, p. 1), dans la mesure où ils concernent cette société.

2 Gao Yao Hong Kong est une société constituée le 22 avril 1987 et régie par le droit de Hong Kong. Un extrait du registre des sociétés de Hong Kong, intitulé "The Companies Ordinance", atteste son inscription à ce registre sous le numéro 189024. Cet extrait est accompagné d'un procès-verbal de l'assemblée du conseil d'administration tenue le 9 décembre 1988.

3 En novembre 1989, une plainte a été déposée par la Fédération européenne des fabricants de briquets, qui a demandé l'ouverture d'une procédure antidumping à l'égard des importations dans la Communauté de briquets de poche avec pierre, à gaz, non rechargeables, originaires de la République populaire de Chine, de la République de Corée et de la Thaïlande. La plainte a identifié notamment comme producteur l'entreprise Gao Yao établie en République populaire de Chine (ci-après "Gao Yao Chine").

4 Le 7 avril 1990, la Commission a annoncé l'ouverture de la procédure prévue au règlement (CEE) n° 2423-88 du Conseil, du 11 juillet 1988, relatif à la défense contre les importations qui font l'objet d'un dumping ou de subventions de la part de pays non membres de la Communauté économique européenne (JO L 209, p. 1). Dans l'avis d'ouverture de la procédure (JO 1990, C 89, p. 3), la Commission a invité les parties intéressées à faire connaître leur point de vue, notamment en répondant au questionnaire antidumping. Un de ces questionnaires a été adressé à l'entreprise Gao Yao Hua Fa Industrial, Guangdong, République populaire de Chine.

5 En date du 25 mai 1990, la Commission a reçu une réponse à ce questionnaire, dans laquelle l'entreprise susmentionnée donnait des indications relatives à sa structure et ses activités. Elle y indiquait également son adresse (Guangdong Province, Zhaoging City, Gao Yao County, Jing Dao, People's Republic of China), en précisant qu'elle disposait d'un "Sales Office" (bureau de vente) situé Hillwood Road, Tsim Sha Tsui, Kowloon, Hong Kong. La réponse au questionnaire demandait que, pour plus de facilité, la correspondance soit adressée au Representative Office à Hong Kong à l'attention de M. C. K. Chu, Gao Yao (HK) Hua Fa Industrial Co. Ltd.

6 Le 19 février 1991, la Commission a exposé le résultat de ses investigations aux représentants des entreprises ayant fourni des renseignements. S'agissant de Gao Yao Chine, elle a précisé que seules les ventes de cette entreprise chinoise vers la Communauté avaient été prises en compte et que les ventes sur le marché intérieur de Hong Kong avaient été écartées. La Commission a fixé la marge de dumping pour la Chine à 18,0 %.

7 Le 26 mars 1991, la partie requérante a présenté à la Commission un mémoire accompagné de documents indiquant les éléments qui devaient modifier la méthode de calcul pour la valeur normale du produit concerné et dégager une marge de dumping de l'ordre de 0,6 %.

8 Le règlement (CEE) n° 1386-91 de la Commission, du 23 mai 1991, instituant un droit antidumping provisoire sur les importations de briquets de poche avec pierre, à gaz, non rechargeables, originaires du Japon, de la République populaire de Chine, de la République de Corée et de Thaïlande (JO L 133, p. 20), a fixé à 17,8 % le taux du droit antidumping applicable aux produits originaires de la République populaire de Chine.

9 Le 19 juin 1991, lors d'une audition devant la Commission, la partie requérante a fait valoir que Gao Yao Chine ne saurait être considérée comme un exportateur, au vu des dispositions de l'article 2, paragraphe 6, du règlement n° 2423-88, précité, puisque tous les briquets fabriqués en Chine et vendus par Gao Yao Hong Kong sont exportés à partir de Hong-Kong, pays à économie de marché. Selon elle, la valeur normale devait donc être le prix comparable réellement payé pour un produit similaire sur le marché intérieur du pays d'exportation, c'est-à-dire Hong Kong.

10 Le 2 août 1991, la Commission a communiqué à la partie requérante les éléments sur la base desquels elle entendait adopter une position définitive et imposer un droit antidumping de 16,9 %.

11 Le 28 octobre 1991, la Commission a adressé au Conseil une proposition de règlement imposant un droit antidumping de 16,9 % pour les produits originaires de la République populaire de Chine. Ce taux a été effectivement retenu par le règlement n° 3433-91, précité.

12 Gao Yao Hong Kong a introduit le présent recours contre ce règlement.

13 Le Conseil estime que le recours est irrecevable. En effet, la partie requérante se présente comme une entreprise chinoise, c'est-à-dire comme un bureau de vente de la société productrice chinoise, d'une part, et comme une société de Hong Kong, d'autre part, afin d'apparaître comme une société exportatrice formellement indépendante de la société productrice.

14 Le Conseil explique que cette société productrice est une "joint venture" créée en Chine pour y produire en profitant des conditions d'un pays qui continue à ne pas avoir une économie de marché. Cette "joint venture" opère commercialement avec la Communauté à partir de Hong Kong, pays à économie de marché qui est pleinement intégré au système commercial mondial.

15 Le Conseil en conclut qu'il s'agit d'un cas où le pays utilisé comme plate-forme de vente (Hong Kong) n'est pas visé par l'enquête ou par le règlement attaqué et ne fabrique pas non plus le produit concerné.

16 La partie requérante souligne qu'elle est un exportateur non indépendant, intégré au fabricant. Tant la structure du capital que l'accord de vente exclusive l'autorisant à vendre la totalité de la production de l'entreprise chinoise prouvent le lien d'interdépendance entre elle et le producteur chinois.

17 La partie requérante relève que les autorités communautaires ont été informées que l'entreprise de droit chinois assurait en Chine la fabrication des briquets pour la société de Hong Kong, laquelle se chargeait de la vente de ces briquets tant sur le marché domestique de Hong Kong qu'à l'exportation vers la Communauté. L'entreprise productrice, de droit chinois, n'a aucune activité de vente et n'exporte pas vers la Communauté. Toutes ses ventes sont assurées par une société régie par le droit de Hong Kong. Aucune vente n'est conclue avec des tiers indépendants.

18 D'après la partie requérante, elle a été associée à la procédure administrative devant la Commission, identifiée dans le règlement définitif et concernée par les actes préparatoires. De plus, si elle n'était qu'un intermédiaire commercial et si Gao Yao Chine était seule concernée par le règlement, cette dernière n'aurait pas été en mesure de répondre au questionnaire, sauf à dire que la totalité de sa production était expédiée à Hong Kong.

19 La Commission, admise à intervenir à la procédure selon ordonnance du 7 septembre 1992, expose que la partie requérante est une société régie par le droit de Hong Kong qui demande l'annulation d'un règlement concernant des produits originaires de la République populaire de Chine.

20 S'agissant des interventions, dans la procédure administrative, de Gao Yao Hong Kong, la Commission souligne qu'il est de son devoir, lors d'une enquête antidumping, de rechercher toutes les informations nécessaires à l'instruction du dossier et que toute personne a le droit de lui en présenter. L'identité de la personne présentant l'information importe peu si cette information est fiable et pertinente. Dès lors, la Commission n'est normalement pas amenée à examiner l'identité juridique de la personne présentant les informations. Il n'est pas nécessaire qu'elle s'assure du respect des formes conditionnant la recevabilité d'une requête devant la Cour, lorsqu'il s'agit seulement de recueillir des informations dans le cadre d'une enquête antidumping.

21 La Commission relève que la réponse au questionnaire et les autres informations concernant les briquets litigieux étaient présentées par ou pour le compte d'un producteur/exportateur chinois. Même si la partie requérante a participé à l'enquête administrative en tant que fournisseur d'informations, son recours ne remplit pas les conditions de recevabilité exigées par la jurisprudence de la Cour.

22 Selon la Commission, la partie requérante doit établir qu'elle est directement et individuellement concernée autrement que par sa participation à l'enquête administrative ou, à tout le moins, qu'elle aurait dû recevoir un traitement spécial et se voir imposer un droit antidumping individuel.

23 La Commission souligne qu'une procédure antidumping à l'égard d'un pays sans économie de marché conduit normalement, à la différence des procédures antidumping concernant d'autres pays, à la fixation d'un droit antidumping unique pour tout le pays. Cela est dû au fait que la valeur normale pour un tel pays est établie sur la base d'un calcul spécial, cette valeur normale devant s'appliquer à tout le pays, et au fait que, compte tenu du contrôle central exercé sur les exportations, les prix à l'exportation sont présumés coordonnés. La conséquence de la fixation d'un droit antidumping unique pour un tel pays est que seul l'État ou l'organisme étatique responsable des exportations du produit concerné est directement et individuellement concerné par des mesures antidumping. En conséquence, un traitement spécial des exportateurs individuels, c'est-à-dire la fixation de droits antidumping spécifiques pour chaque opérateur économique dans un tel pays, ne devient possible que s'il peut être établi que les exportateurs agissent de façon indépendante.

24 La Fédération européenne des fabricants de briquets, admise à intervenir à la procédure selon ordonnance du 19 février 1993, estime qu'une société de Hong Kong n'est pas recevable à agir en annulation du règlement n° 3433-91, qui concerne des produits originaires de la République populaire de Chine.

25 Le Conseil, la Commission et la Fédération européenne des fabricants de briquets contestant la recevabilité du recours, il convient d'examiner préalablement cette question.

26 S'il est vrai qu'au regard des critères de l'article 173, deuxième alinéa, du traité, les règlements instituant des droits antidumping ont effectivement, par leur nature et leur portée, un caractère normatif, en ce qu'ils s'appliquent à la généralité des opérateurs économiques intéressés, il n'est pas exclu pour autant que leurs dispositions puissent concerner individuellement certains opérateurs économiques (voir arrêts du 21 février 1984, Allied Corporation e.a./Commission, 239-82 et 275-82, Rec. p. 1005, point 11, et du 23 mai 1985, Allied Corporation e.a./Conseil, 53-83, Rec. p. 1621, point 4).

27 La Cour a reconnu que tel était le cas, en général, des entreprises productrices et exportatrices démontrant qu'elles ont été identifiées dans les actes de la Commission ou du Conseil ou concernées par les actes préparatoires, ainsi que des importateurs dont les prix de revente des marchandises en cause servent à la fixation du prix à l'exportation.

28 Il convient de souligner que la partie requérante n'a pas été concernée par les actes préparatoires, dans la mesure où elle est une société établie à Hong Kong, à laquelle la Communauté n'a pas imposé de droits antidumping et qui n'a pas été visée par l'enquête (voir l'avis d'ouverture de la procédure, précité).

29 Il y a lieu de relever également que, selon ses propres dires, la partie requérante est intervenue comme simple organe de transmission établi à Hong Kong pour faciliter la correspondance entre les services de la Commission et Gao Yao Chine. Ainsi, la partie requérante a répondu au questionnaire de la Commission en tant que représentant de cette entreprise.

30 Une telle façon de procéder est d'ailleurs conforme aux principes régissant l'instruction du dossier en matière de dumping, puisque les dispositions du règlement n° 2423-88, précité, exigent que la Commission obtienne toutes les informations nécessaires à l'enquête, quelle que soit la source de ces informations. Le fait d'adresser une correspondance destinée à Gao Yao Chine à une adresse de Hong Kong ne signifie donc pas que Gao Yao Hong Kong, en tant que bureau chargé de la transmission de documents, a été acceptée par la Commission comme interlocuteur en ce qui concerne le fond de l'enquête.

31 Il en découle que, par son intervention en tant que bureau chargé de la transmission de documents, la partie requérante n'était pas concernée par les actes préparatoires au sens de la jurisprudence susmentionnée.

32 Le recours doit donc être déclaré irrecevable.

Sur les dépens

33 La partie requérante ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens, y compris ceux de la Fédération européenne des fabricants de briquets, partie intervenante, en application de l'article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure. Conformément au paragraphe 4 de cet article, la Commission supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LA COUR (sixième chambre),

déclare et arrête:

1) Le recours est rejeté comme irrecevable.

2) La partie requérante est condamnée aux dépens, y compris ceux de la Fédération européenne des fabricants de briquets. La Commission des Communautés européennes supportera ses propres dépens.