CJCE, 14 juillet 1988, n° 188-85
COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Fédération de l'Industrie de l'Huilerie de la CEE
Défendeur :
Commission des Communautés européennes, Associacao Brasileira das Industrias de Oles Vegetais
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Bosco
Présidents de chambre :
MM. Due, de Almeida, Iglesias
Avocat général :
M. Mancini
Juges :
MM. Koopmans, Everling, Bahlmann, Galmot, Kakouris, Joliet, Schockweiler
Avocats :
Mes Ehle, Feldmann, Schiller, Nehm, Rabe, Van Bael, Bellis
LA COUR,
1 Par requête déposée au greffe de la Cour le 18 juin 1985, la Fédération de l'Industrie de l'Huilerie de la CEE (ci-après "FEDIOL") a introduit, en vertu de l'article 173, alinéa 2, du traité CEE, un recours visant à l'annulation de la décision 85-233 de la Commission, du 16 avril 1985, par laquelle celle-ci a clôturé la procédure antisubventions, ouverte sur plainte de la requérante, concernant les importations de tourteaux de soja originaires du Brésil, pour la période allant du 1er janvier au 31 décembre 1983 (JO L 106, p. 19).
2 La plainte de FEDIOL, déposée par lettre du 6 janvier 1984, conformément à l'article 5 du règlement n° 2176-84 du Conseil, du 23 juillet 1984, relatif à la défense contre les importations qui font l'objet d'un dumping ou de subventions de la part de pays non-membres de la Communauté économique européenne (JO L 201, p. 1), portait sur les pratiques suivantes : a) financement préférentiel des importations de fèves de soja ; b) financement préférentiel des exportations par un programme d'aide au développement des exportations ; c) impôt différentiel à l'exportation des produits du complexe de soja ; d) obstacles à l'exportation de fèves de soja ; e) financement préférentiel du stockage des fèves de soja ; f) financement préférentiel des exportations d'huile de soja ; g) exonération de l'impôt sur le revenu des bénéfices réalisés sur les exportations d'huile de soja ; h) financement préférentiel des exportations de tourteaux de soja ; i) avantages fiscaux accordés aux opérations financières à terme sur les marchés étrangers.
3 Dans sa décision du 16 avril 1985, susmentionnée, la Commission a constaté que les deux premières pratiques, indiquées ci-dessus, n'avaient pas eu lieu pendant la période d'enquête. Pour les pratiques indiquées ci-dessus sous c), d), e), f) et g), la Commission a considéré qu'elles n'avaient pas le caractère de subvention pour les tourteaux de soja. Enfin, pour les deux dernières pratiques indiquées sous h) et i), la Commission a constaté qu'elles constituaient des subventions, mais elle a estimé que les intérêts de la Communauté ne justifiaient pas l'institution de droits compensateurs.
4 Le recours met en cause, d'une part, la partie de la décision du 16 avril 1985 qui concerne le refus de la Commission de qualifier de subventions les pratiques susmentionnées sous c), d), e), f) et g) et, d'autre part, la partie de cette décision où la Commission estime que les deux dernières pratiques susmentionnées ((sous h) et i) )), malgré leur caractère de subvention, ne justifiaient pas l'institution de droits compensateurs.
5 Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des moyens et arguments des parties, il est renvoyé au rapport d'audience. Ces éléments du dossier ne sont repris ci-dessous que dans la mesure nécessaire au raisonnement de la Cour.
Sur la portée du contrôle juridictionnel
6 Eu égard aux observations de la Commission et de la partie intervenante sur les limites éventuelles d'un contrôle juridictionnel de la décision, il convient de constater qu'il ressort de la jurisprudence de la Cour (voir, notamment, l'arrêt du 4 octobre 1983, FEDIOL/Commission, 191-82, Rec. p. 2913) que, même en présence d'un pouvoir discrétionnaire conféré à la Commission dans la matière en cause, la Cour est appelée à vérifier si celle-ci a respecté les garanties procédurales accordées aux plaignants par les dispositions communautaires en question, si elle n'a pas commis d'erreurs manifestes dans son appréciation des faits, ou omis de prendre en considération des éléments essentiels qui seraient de nature à faire croire à l'existence d'un effet de subvention, ou fait entrer dans sa motivation des considérations constitutives d'un détournement de pouvoir.
7 C'est dans ce cadre qu'il convient d'examiner les moyens de la requérante selon lesquels la Commission a omis de prendre en considération des éléments essentiels qui seraient de nature à faire croire à l'existence, au sens du règlement n° 2176-84, d'une subvention ainsi que d'un intérêt de la Communauté à l'institution d'un droit compensateur.
Quant à la pratique des impôts différentiels à l'exportation des produits du complexe de soja
8 Dans l'acte attaqué (point 12), la Commission relate que, selon FEDIOL, au cours de la période d'enquête, les taux de l'impôt sur la circulation des marchandises appliqués à l'exportation des produits du complexe de soja étaient de 13 % pour les fèves, de 11,1 % pour les tourteaux et de 8 % pour l'huile ; cette imposition différentielle aurait pour effet de restreindre l'exportation de fèves et de garantir ainsi à l'industrie brésilienne un approvisionnement en matière première à bas prix. Cet avantage, en termes de prix de revient, constituerait un avantage à l'exportation des tourteaux de soja vers la Communauté, auquel s'ajouterait l'avantage à l'exportation résultant de leur taxation inferieure par rapport aux fèves. L'acte attaqué reconnaît que les éléments factuels de l'allégation de FEDIOL étaient exacts.
9 Cependant, selon la motivation sur ce point de l'acte attaqué, "en matière de commerce international, la subvention se caractérise ... par une contribution financière des autorités publiques ..., une charge pour le Trésor public" qui "constitue une condition nécessaire de l'existence de toute subvention ...", et "... Le concept de charge ... inclut la renonciation par les autorités publiques à des impôts ou autres charges dus par un contribuable ..." ; or, en l'espèce, une telle charge n'existerait pas et, en particulier, il n'y aurait pas de renonciation par les autorités publiques brésiliennes à des créances fiscales exigibles.
10 Lors de la procédure devant la Cour, la Commission a expliqué que l'impôt en question n'était pas une taxe à l'exportation, mais la taxe brésilienne sur le chiffre d'affaires (ICM), qui serait, en principe, perçue à tous les stades de la commercialisation ou de la transformation des produits sur le territoire brésilien. En règle générale, les exportations de produits transformés ne seraient pas soumises à l'ICM ; par conséquent, l'ICM ayant frappé les matières premières contenues dans ces produits exportés aurait dû être pris en compte. Toutefois, par exception à la règle générale et à la suite d'une intervention de la Commission, le Brésil aurait, en 1977, consenti à frapper de l'ICM, aux taux respectivement de 11 et de 8 %, l'exportation des produits transformés, à savoir des tourteaux et de l'huile de soja. Selon la Commission, le système de l'ICM constituerait une imposition de portée générale, qui s'appliquerait aux produits du complexe de soja selon des taux différents. De cette imposition différentielle, il ne résulterait pas pour les fèves un avantage pouvant être considéré comme une subvention au sens du règlement n° 2176-84, parce que, en tout état de cause, le Trésor public ne supporterait aucune charge.
11 Selon la requérante, la notion de subvention, au sens de l'article 3 du règlement n° 2176-84, ne supposerait pas nécessairement une charge pour le Trésor public, mais elle devrait être entendue d'une façon large : il y aurait subvention dès lors que l'ensemble des mesures prises auraient pour résultat de procurer un avantage à ses bénéficiaires.
12 Il convient de relever d'abord que la notion de subvention visée à l'article 3 du règlement n° 2176-84 n'est expressément définie ni dans ce règlement ni dans d'autres actes de la Communauté. Toutefois, une "liste exemplative" de subventions à l'exportation, à laquelle se réfère l'article 3, paragraphe 2, dudit règlement, se trouve dans son annexe. Cette liste caractérise, dans son dernier alinéa, comme subvention à l'exportation au sens de l'article XVI du GATT "toute autre charge pour le Trésor public". Il ressort tant des termes de cette disposition générale que des autres exemples mentionnés dans la liste que la notion de subvention à l'exportation a été conçue, par le législateur communautaire, comme impliquant nécessairement une charge financière supportée directement ou indirectement par des organismes publics. Il ressort, en outre, de l'article 3, paragraphe 3, dudit règlement, qui exclut expressément de la notion de subvention l'exonération des marchandises de certaines impositions et impôts à l'occasion de leur exportation, que le concept de charge comprend non seulement l'hypothèse où l'état procède a un versement de fonds, mais aussi celle où il renonce au recouvrement des créances fiscales, en introduisant ainsi une exception à une règle de taxation généralement applicable.
13 La notion de subvention ainsi comprise n'est pas en contradiction avec les obligations de la Communauté découlant du droit international, dont notamment le GATT et les accords conclus en son sein. Il convient d'observer à cet égard que, jusqu'à présent, ni le GATT ni l'accord relatif à l'interprétation et à l'application des articles VI, XVI et XXIII du GATT ne contiennent une définition expresse du terme "subvention", et que la liste mentionnée ci-dessus est une reproduction littérale de la "liste exemplative" annexée à ce dernier accord.
14 Il résulte de ce qui précède que la Commission n'a pas agi de manière erronée ou arbitraire en concluant que la notion de subvention, au sens de l'article 3 du règlement n° 2176-84, présuppose l'octroi d'un avantage économique, au moyen d'une charge pour le Trésor public.
Quant aux obstacles à l'exportation des fèves de soja
15 Dans l'acte attaqué (point 13), il est mentionné qu'une éventuelle restriction à l'exportation de fèves ne constitue pas une subvention aux tourteaux, en raison de l'absence de charge pour le Trésor public.
16 La requérante expose que les exportations de fèves de soja font l'objet, au Brésil, d'un enregistrement dans le cadre d'un régime de quotas et sont, de ce fait, entravées. Cette pratique aurait dès lors des effets similaires et convergents avec ceux de la pratique des impôts différentiels.
17 A cet égard, il suffit de relever que, en avançant ce moyen, la requérante part de la thèse qu'il peut y avoir subvention même en l'absence de charge pour le Trésor public. Cette thèse ayant été réfutée ci-dessus, il y a lieu de rejeter ce moyen.
Quant au financement préférentiel du stockage des fèves de soja
18 Dans l'acte attaqué (point 7), il est constaté que pour financer la préparation et surtout le stockage de 27 produits agricoles de base, le Gouvernement brésilien applique un programme de prêts, octroyés au taux de 45 %, qui est un taux préférentiel, puisqu'il est inférieur aussi bien au coût de l'argent pour le Trésor brésilien qu'au taux du marché. Cette pratique ne constituant pas une subvention directe à l'exportation, l'acte attaqué examine si elle constitue une subvention intérieure.
19 Selon l'acte attaqué, l'existence d'une subvention intérieure suppose que l'intervention étatique, dont elle est le résultat, n'a pas de caractère général, mais vise à accorder un avantage à certaines entreprises seulement, ayant ainsi pour effet une distorsion de concurrence. En l'espèce, le programme des prêts accordés à un taux préférentiel ne bénéficierait pas spécifiquement au secteur du soja, mais couvrirait 27 produits agricoles de base. Même si certains produits agricoles de base ne sont pas couverts par ce programme, celui-ci serait néanmoins appliqué d'une manière générale, puisque tous les produits agricoles de base qui nécessiteraient des aides au stockage ou seraient susceptibles d'en faire l'objet pourraient en bénéficier.
20 Eu égard à ce raisonnement, contenu dans l'acte attaqué, la requérante fait valoir que la pratique en cause à un caractère spécifique, puisqu'elle profite essentiellement aux industries de transformation des produits agricoles, notamment dans le domaine du soja. En refusant de qualifier cette pratique de subvention intérieure, la Commission aurait donc violé les articles 3 et 7 du règlement n° 2176-84. Elle aurait également omis de rechercher et de prendre en compte certains éléments essentiels et commis des erreurs manifestes dans l'appréciation des faits.
21 La Commission soutient surtout que la pratique en question serait dénuée de "spécificité sectorielle" parce qu'elle serait accordée à tous les principaux produits agricoles de base (27 produits) sans profiter spécifiquement aux fèves de soja, qui, représentant les 31,9 % de la production agricole de base, absorberaient les 31,7 % du financement.
22 La thèse de la Commission doit être retenue, étant donné que la requérante n'a pas établi que le financement préférentiel accordé par l'État brésilien tend à favoriser spécifiquement un certain secteur de l'agriculture ou de l'industrie agro-alimentaire. En effet, il ressort du dossier que le financement en cause constitue une mesure générale appliquée à 27 produits agricoles de base.
23 Il y a donc lieu de rejeter ce moyen.
Quant au financement préférentiel des exportations d'huile de soja et à l'exonération de l'impôt sur le revenu des bénéfices réalisés sur de telles exportations
24 Dans l'acte attaqué (point 10), il est constaté qu'en 1983 les sociétés exportatrices brésiliennes ont bénéficié de financements pour l'exportation de certains produits, dont l'huile de soja, à un taux variant entre 40 et 60 %. Ce taux serait préférentiel, puisqu'inférieur au coût de l'argent pour l'état et aux taux disponibles sur le marché. Cet avantage a toutefois été supprimé à partir du 2 janvier 1984.
25 Selon l'acte attaqué, ce financement préférentiel ne pourrait pas être considéré comme une subvention aux tourteaux de soja, pour la raison qu'il vise à la promotion des exportations d'huile de soja et que son bénéfice est attribué selon les quantités d'huile effectivement exportées. De plus, l'influence que ce bénéfice pourrait avoir sur les exportations des tourteaux de soja n'aurait pas été établie lors de l'enquête, et, enfin, il s'agirait d'une influence indirecte et impossible à démontrer.
26 En outre, l'acte attaqué (point 11) relate que les allégations de Fediol, selon lesquelles les bénéfices réalisés à l'exportation d'huile de soja sont exonérés de l'impôt sur le revenu, sont fondées. Le Gouvernement brésilien aurait d'ailleurs confirmé l'existence de cette pratique. Cependant, la pratique en cause ne constituerait pas une subvention à l'exportation des tourteaux, mais une subvention à l'exportation de l'huile de soja.
27 La requérante fait grief à la Commission d'avoir violé les articles 3 et 7 du règlement n° 2176-84, en ne recherchant pas les effets précis produits, pour les tourteaux, par la subvention et par l'exonération de l'impôt accordés à l'huile de soja. En particulier, la requérante soutient que les exportateurs Brésiliens ont la possibilité de reporter le bénéfice tiré de la subvention et de l'exonération, concernant l'huile, sur le produit associé que sont les tourteaux (exportés à 80 %, contre 40 % pour l'huile), qui bénéficieraient ainsi d'une subvention indirecte.
28 Il suffit de relever, à cet égard, que le fait que l'opérateur économique tire des bénéfices dans le cadre de l'ensemble des activités de son entreprise, en profitant, entre autres, du taux préférentiel des financements accordés à l'exportation d'huile de soja et de l'exonération de l'impôt, n'implique pas que ces bénéfices profitent spécifiquement aux tourteaux. Par conséquent, le moyen doit être rejeté.
Quant aux deux pratiques reconnues comme subventions
29 Dans l'acte attaqué (points 5 et 6), la Commission a reconnu l'existence de deux subventions effectuées : a) au moyen d'un financement préférentiel des exportations de tourteaux de soja consistant en l'octroi de prêts à des taux préférentiels de 40 % (60 % depuis le 10 juin 1983), alors que le coût de l'argent pour l'état était de 156,6 %, et b) au moyen d'avantages fiscaux accordés aux opérations boursières à terme sur les marchés étrangers (opérations "hedging"), effectuées par les exportateurs de tourteaux. Le montant de la première des subventions a été évalué par la Commission à 7,66 % et celui de la seconde à 0,09 % de la valeur FOB des exportations de tourteaux (7,75 % au total).
30 La Commission a également constaté dans l'acte attaqué l'existence d'un préjudice important subi par l'industrie de l'huilerie européenne en raison des bas prix des tourteaux Brésiliens, entraînés par les deux subventions ci-dessus.
31 Elle a toutefois estimé que les intérêts de la Communauté ne nécessitaient pas l'institution de droits compensateurs, parce que le premier avantage, qui représentait la quasi-totalité du montant de la subvention et du préjudice subséquent subi par l'industrie européenne, a été supprimé pour les tourteaux de soja à partir du 14 septembre 1983.
32 La requérante avance contre cette partie de l'acte attaqué les moyens suivants.
33 Par le premier moyen, la requérante soutient que la Commission n'a pas la compétence de clôturer la procédure sans proposer des mesures antisubventions, en invoquant le motif tiré des "intérêts de la Communauté". Après la constatation définitive de l'existence de la subvention et du préjudice en résultant, les intérêts de la Communauté ne pourraient être examinés et pris en compte que par le Conseil seul, dans le cadre de l'article 12 du règlement n° 2176-84, en vue de l'institution des droits compensateurs définitifs. La Commission pourrait, elle aussi, examiner les "intérêts de la Communauté", mais seulement pour instaurer des droits provisoires, conformément à l'article 11 du règlement n° 2176-84, et non pas pour clôturer la procédure.
34 Selon le deuxième moyen, la Commission, ayant elle-même admis la nécessite d'instituer des droits compensateurs et ayant ainsi proposé au Conseil, le 4 janvier 1985, l'institution d'un droit compensateur de 7,27 %, dont l'application serait suspendue, ne pouvait plus retirer cette proposition et empêcher ainsi le Conseil de prendre une décision à ce sujet.
35 Il convient d'observer, en ce qui concerne la compétence de la Commission, que le règlement n° 2176-84 prévoit en son article 9, paragraphe 1, que la procédure est close "lorsque, après consultation, aucune mesure de défense ne se révèle nécessaire et si aucune objection n'a été exprimée à cet égard au sein du Comité consultatif". Cette disposition ne prescrit pas à la Commission de clôturer la procédure seulement dans le cas où l'existence d'une subvention ou d'un préjudice n'a pas été constatée, mais dans tous les cas où l'adoption de mesures de défense ne s'avère pas nécessaire, et donc également dans le cas où l'appréciation des intérêts de la Communauté fait apparaitre que l'adoption de mesures de défense est inopportune.
36 Cette interprétation de l'article 9, paragraphe 1, ne saurait être contredite par le fait que, selon l'article 12, il appartient au Conseil de décider, sur proposition de la Commission, s'il y a lieu ou non de prendre des mesures de défense, parce que cette disposition ne vise qu'à conférer au seul Conseil le pouvoir de se prononcer, à titre définitif, sur l'adoption de mesures de défense, et seulement dans le cas où la Commission, estimant nécessaire l'adoption de telles mesures, a soumis au Conseil une proposition dans ce sens.
37 Par ailleurs, la Commission est libre de retirer ou de modifier sa proposition aussi longtemps que le Conseil n'a pas statué, si, suite à une nouvelle appréciation des intérêts de la Communauté, elle estime superflue l'adoption de mesures de défense.
38 Par un troisième moyen, la requérante soutient que, au vu des articles 7, paragraphe 1, sous c), et 12, paragraphe 1, du règlement n° 2176-84, la constatation d'une subvention et du préjudice subi par l'industrie communautaire à un caractère déterminant et ne saurait être anéantie par la suppression ultérieure de la subvention. La notion d'intérêts de la Communauté, en tant que critère de décision, ne pourrait pas avoir un contenu aussi étendu permettant de ne pas tenir compte de l'existence d'un préjudice réel, du maintien de la subvention et de la probabilité de sa réintroduction après sa suppression.
39 En l'espèce, les constatations effectuées lors de l'enquête démontreraient la nécessité de l'adoption de mesures de défense, au sens de l'article 9, paragraphe 1, du règlement n° 2176-84, et toute autre décision serait entachée de détournement de pouvoir, la pratique du gouvernement brésilien consistant en l'octroi de subventions cumulées et camouflées, sans cesse retirées et réintroduites sous diverses formes.
40 Il convient d'observer à cet égard que si la Commission a l'obligation de constater de manière objective les faits relatifs à l'existence de pratiques de subventions et au préjudice qui peut en résulter pour les entreprises de la Communauté, elle dispose d'un large pouvoir discrétionnaire pour décider, en fonction des intérêts de la Communauté, s'il y a lieu de clôturer la procédure, conformément à l'article 9, paragraphe 1, du règlement n° 2176-84 (voir arrêt du 4 octobre 1983, Fediol/Commission, précité).
41 En l'espèce, la Commission a estimé que les intérêts de la Communauté ne justifiaient pas l'adoption de mesures de défense, étant donné que le Gouvernement brésilien avait supprimé, au cours de la période de référence, le financement préférentiel en question constituant la quasi-totalité du montant de la subvention qui avait causé le préjudice subi par l'industrie communautaire concernée. Cette appréciation n'excède pas le pouvoir conféré à la Commission par l'article 9, paragraphe 1, du règlement n° 2176-84 et ne saurait être considérée comme constitutive de détournement de pouvoir.
42 Il en résulte que les moyens avancés par la requérante quant aux deux subventions constatées doivent être rejetés.
43 Pour l'ensemble des motifs qui précèdent, il y a lieu de rejeter le recours.
Sur les dépens
44 Aux termes de l'article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens. La requérante ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens, y compris ceux de la partie intervenante.
Par ces motifs,
LA COUR,
Déclare et arrête :
1) Le recours est rejeté.
2) La requérante est condamnée aux dépens, y compris ceux de la partie intervenante.