CJCE, 5e ch., 7 mai 1987, n° 260-84
COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Minebea Company Limited
Défendeur :
Conseil des Communautés européennes, Commission des Communautés européennes, FEBMA
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président de chambre :
M. Galmot
Avocat général :
M. Mancini
Juges :
MM. Schockweiler, Everling, Joliet, de Almeida
Avocats :
Mes Forrester, Ehle, Feldmann, Schiller, Nehm
LA COUR,
1 Par requête déposée au greffe de la Cour le 6 novembre 1984, la Société Minebea Company Limited, Tokyo, Japon (ci-après "Minebea"), a introduit un recours tendant à l'annulation du règlement n° 2089-84 du Conseil, du 19 juillet 1984, instituant un droit antidumping définitif sur les importations de roulements à billes dont le plus grand diamètre extérieur n'excède pas 30 mm, originaires du Japon et de Singapour (JO L 193, p. 1). Le recours tend à l'annulation des dispositions de ce règlement en tant seulement qu'elles visent les importations des micro-roulements à billes en question en provenance du Japon, effectuées par la requérante.
2 En ce qui concerne le cadre réglementaire et les faits du litige, de même que les moyens et arguments des parties, il est renvoyé au rapport d'audience. Les éléments du dossier ne sont repris ci-dessous que dans la mesure nécessaire au raisonnement de la Cour.
3 La requérante invoque plusieurs moyens, qui, eu égard aux différents arguments présentés, doivent être regroupés comme suit :
- Plusieurs moyens sont relatifs à l'illégalité du calcul de la marge de dumping. A cet égard, la requérante invoque :
- Le caractère dissemblable des méthodes retenues pour calculer la valeur normale et le prix à l'exportation ;
- Le caractère inéquitable de la méthode transaction par transaction retenue pour calculer le prix à l'exportation ;
- La motivation insuffisante du choix de cette méthode ;
- L'adoption de cette méthode nouvelle en violation du principe de confiance légitime ;
- Le fait que la marge de dumping a été établie après comparaison des prix de produits non comparables ;
- L'inégalité des ajustements dont la valeur normale et le prix à l'exportation ont fait l'objet ;
- Un moyen est tiré de l'illégalité du refus de prendre en compte les engagements proposés en matière de prix.
I - Sur les moyens tirés de l'illégalité
De la méthode de calcul de la marge de dumping
4 Afin de préciser la portée des moyens et arguments invoqués à cet égard par la requérante, il convient de rappeler tout d'abord que, en vertu de l'article 2, paragraphes 2 et 3, sous A), du règlement n° 3017-79 du Conseil, un produit est considéré comme faisant l'objet d'un dumping lorsque son prix à l'exportation vers la Communauté est inférieur à la valeur normale d'un produit similaire, c'est-à-dire au prix payé, au cours d'opérations commerciales normales, pour ce produit destiné à la consommation dans le pays d'exportation. Ainsi que le précise l'article 2, paragraphe 13, sous A), du règlement de base, il faut entendre par marge de dumping "le montant par lequel la valeur normale dépasse le prix à l'exportation".
5 Il résulte de ces dispositions que le prix à l'exportation et la valeur normale constituent les termes de la comparaison permettant d'établir la marge de dumping. En vertu de l'article 2, paragraphe 13, sous B) et C), du règlement n° 3017-79, "lorsque les prix varient, la marge de dumping peut être établie transaction par transaction ou en se référant aux prix les plus fréquemment constatés, représentatifs ou moyens pondérés ; lorsque les marges de dumping varient, des moyennes pondérées peuvent être établies".
6 Il ressort du point 11 du règlement attaqué qu'en l'espèce la valeur normale a été calculée sur la base d'une moyenne pondérée des prix pratiqués sur le marché intérieur. Le prix à l'exportation a été, comme l'indique le point 16 du règlement attaqué, calculé selon une formule transaction par transaction. Il ressort du dossier que, en vertu de cette formule, les prix à l'exportation supérieurs à la valeur normale ont été pris en compte après avoir été fictivement ramenés au niveau de la valeur normale et qu'une moyenne pondérée a été établie entre l'ensemble des prix à l'exportation constatés, qu'il s'agisse de prix inferieurs ou de prix égaux à la valeur normale. La marge de dumping a ensuite été établie par comparaison entre la valeur normale calculée selon la méthode de la moyenne pondérée et le prix à l'exportation calculé selon la méthode transaction par transaction.
A - Sur le caractère dissemblable des méthodes retenues pour calculer la valeur normale et le prix à l'exportation
7 La requérante fait valoir que le choix de méthodes différentes pour le calcul de la valeur normale et du prix à l'exportation ne se justifie pas en droit. Elle estime que la possibilité de choix entre les diverses méthodes indiquées à l'article 2, paragraphe 13, du règlement n° 3017-79, précité, pour le calcul de la marge de dumping doit être rapprochée du principe de base qui, énoncé à l'article 2, paragraphe 9, de ce règlement, imposerait, pour permettre une comparaison valable, que la valeur normale et le prix à l'exportation soient calculés selon des méthodes identiques.
8 Il convient de constater, en premier lieu, que les méthodes de calcul de la valeur normale et du prix à l'exportation sont énumérées respectivement aux paragraphes 3 à 8 de l'article 2 du règlement n° 3017-79. Or, ces dispositions prévoient de manière indépendante plusieurs méthodes de calcul non similaires de chacun des termes de la comparaison.
9 Cette indépendance des méthodes de calcul susceptibles d'être retenues est confirmée par les termes précités de l'article 2, paragraphe 13, sous B) et C), du règlement n° 3017-79, qui se limitent à indiquer les différentes possibilités de calculer la marge de dumping sans formuler d'obligation de similitude ou d'identité des méthodes choisies aux fins de calcul de la valeur normale et du prix à l'exportation.
10 Il convient de relever, en second lieu, que, aux termes de l'article 2, paragraphe 9, du règlement n° 3017-79 :
"Afin d'établir une comparaison valable, le prix à l'exportation et la valeur normale doivent être examinés sur une base comparable quant aux caractéristiques physiques du produit, aux quantités et aux conditions de ventes."
11 Il résulte de cette dernière disposition, d'une part, qu'elle vise à définir les ajustements susceptibles d'être apportés à la valeur normale et au prix à l'exportation après que ceux-ci ont déjà été calculés selon les méthodes prévues à cette fin et, d'autre part, que les ajustements prévus portent exclusivement, comme l'indique le huitième considérant du règlement n° 3017-79, sur les différences observées en ce qui concerne les caractéristiques physiques et les quantités de produits, les conditions de vente et le niveau des transactions commerciales, pris en compte sur le marché intérieur et le marché d'exportation.
12 Contrairement à ce qu'affirme la requérante, il en résulte que l'article 2, paragraphe 9, du règlement n'impose pas que la valeur normale et le prix à l'exportation soient calculés selon des méthodes identiques.
13 Il convient, par conséquent, de rejeter le moyen susmentionné.
B - Sur le caractère prétendument inéquitable de la méthode transaction par transaction retenue pour calculer le prix à l'exportation
14 La requérante fait valoir que seule la méthode de la moyenne pondérée permet d'établir le prix représentatif d'un marché tel que celui de l'exportation des micro roulements à billes, ce marché se caractérisant par des différences sensibles tout à la fois de la taille des transactions et des prix pratiqués pour des transactions apparemment semblables. Elle estime que le choix de la méthode transaction par transaction vise à protéger, grâce à la constatation inévitable d'une marge de dumping plus importante, une industrie communautaire peu développée et va à l'encontre de l'objectif de la réglementation antidumping qui tend seulement à corriger les effets préjudiciables d'une politique déloyale des prix à l'exportation.
15 Il convient de noter que le choix entre les différentes méthodes de calcul indiquées à l'article 2, paragraphe 13, sous B), du règlement n° 3017-79 suppose l'appréciation de situations économiques complexes. Or, comme la Cour l'a jugé notamment dans l'arrêt du 11 juillet 1985 (Remia, 42-84, Rec. p. 2545), le juge doit limiter le contrôle qu'il exerce sur une telle appréciation à la vérification du respect des règles de procédure, de l'exactitude matérielle des faits retenus pour opérer le choix contesté, de l'absence d'erreur manifeste dans l'appréciation de ces faits ou de l'absence de détournement de pouvoir.
16 L'argumentation développée par la requérante revient à soutenir que les institutions ont commis une erreur manifeste dans l'appréciation des faits de la cause en retenant une méthode d'évaluation de la marge de dumping qui ne tiendrait aucun compte des spécificités du marché d'exportation et conduirait à un résultat inéquitable.
17 Cette argumentation ne peut être accueillie. Il convient de constater, tout d'abord, que, contrairement à ce que soutient la requérante, la méthode transaction par transaction pratiquée par la Commission permet de tenir compte des caractéristiques du marché d'exportation tenant à des différences dans la taille des transactions et le niveau des prix. En effet, cette méthode comporte également l'établissement d'une moyenne pondérée des prix constatés à l'exportation. Cette méthode diffère de celle dite de la moyenne pondérée par le fait que les prix supérieurs à la valeur normale sont ramenés fictivement au niveau de la valeur normale.
18 Ainsi, l'application de la méthode transaction par transaction ne se borne pas à tenir compte des seules ventes effectuées à prix de dumping. Cette méthode tient compte, au contraire, de l'ensemble des ventes à l'exportation, y compris les ventes effectuées à des prix supérieurs à la valeur normale qui sont ramenés au niveau de la valeur normale. Les ventes en question sont alors intégrées dans le calcul de la moyenne pondérée de l'ensemble des prix pratiqués sur le marché d'exportation.
19 Il convient de souligner, ensuite, que la liberté de choisir l'une des méthodes indiquées à l'article 2, paragraphe 13, sous B), du règlement n° 3017-79 tend précisément à ce que soit retenue la méthode la plus appropriée à l'objet de la procédure d'institution d'un droit antidumping. Selon l'article 2, paragraphe 1, et l'article 4, paragraphe 1, du même règlement, une telle procédure vise à éliminer le préjudice ou la menace de préjudice résultant pour une production établie de la Communauté d'une pratique de dumping.
20 Or, la méthode transaction par transaction est la seule qui permette de faire obstacle à certaines manœuvres qui consistent à dissimuler le dumping grâce à des pratiques de prix différents, tantôt supérieurs et tantôt inférieurs à la valeur normale. L'application, dans un tel contexte, de la méthode de la moyenne pondérée ne répondrait pas à l'objet de la procédure antidumping dans la mesure où cette méthode aurait pour effet essentiel de masquer les ventes effectuées à prix de dumping par celles effectuées à dumping dit "négatif" et laisserait ainsi subsister intégralement le préjudice subi par la production communautaire concernée.
21 Il convient, dès lors, d'admettre que la Commission n'a commis, en l'espèce, aucune erreur manifeste dans l'appréciation des faits de la cause en appliquant, comme elle l'a fait, la méthode transaction par transaction pour le calcul de la marge de dumping et de rejeter le moyen analysé ci-dessus.
C - Sur la motivation prétendument insuffisante du choix de la méthode transaction par transaction
22 La requérante estime que les motifs exposés au point 18 du règlement litigieux sont insuffisants, dans la mesure où ils n'indiquent pas les raisons pour lesquelles le prix à l'exportation n'a pas été établi comme par le passé sur la base d'une moyenne des prix constatés.
23 Il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, rappelée notamment par l'arrêt du 26 juin 1986 (Nicolet Instrument, 203-85, Rec. p. 2049), la motivation exigée par l'article 190 du traité doit faire apparaitre, d'une façon claire et non équivoque, le raisonnement de l'autorité communautaire, auteur de l'acte incriminé, de façon à permettre aux intéressés de connaitre les justifications de la mesure prise afin de défendre leurs droits et à la Cour d'exercer son contrôle.
24 Cette exigence a été satisfaite en l'espèce par les motifs exposés au point 18 du règlement attaqué, dont il ressort, notamment, que le changement de méthode litigieux a été décidé aux fins d'éliminer le préjudice qui subsistait pour la production communautaire des roulements à billes, du fait de l'application de méthodes de calcul utilisées précédemment, lesquelles permettaient de compenser les ventes effectuées à prix de dumping par les ventes dites à dumping négatif.
25 Le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit, dès lors, être rejeté.
D - Sur les conditions d'adoption de la nouvelle méthode transaction par transaction
26 Selon la requérante, le respect du principe de confiance légitime aurait exigé que le changement de méthode de calcul du prix à l'exportation fut annoncé en temps utile pour que les opérateurs puissent modifier leurs pratiques commerciales de manière à se conformer aux exigences communautaires. Ce changement soudain serait d'autant plus inadmissible qu'il introduit de nouvelles règles avec effet rétroactif.
27 Il convient de rappeler, en premier lieu, que, en vertu de l'article 2, paragraphe 13, sous B), du même règlement, la méthode transaction par transaction est au nombre des méthodes que les institutions ont la possibilité d'adopter pour calculer la marge de dumping lorsque, comme en l'espèce, les prix varient. La requérante n'a apporté aucun élément permettant d'établir que l'adoption de cette nouvelle méthode ait eu des effets rétroactifs.
28 Il y a lieu de rappeler, en second lieu, que, comme la Cour l'a jugé dans l'arrêt du 28 octobre 1982 (Faust/Commission, 52-81, Rec. p. 3745), lorsque les institutions disposent d'une marge d'appréciation pour le choix des moyens nécessaires à la réalisation de leur politique, les opérateurs économiques ne sont pas justifiés à placer leur confiance légitime dans le maintien du moyen initialement choisi, lequel peut être modifié par ces institutions dans le cadre de l'exercice de leur compétence.
29 Le moyen invoqué doit, dès lors, être rejeté.
E - Sur la comparaison des prix de produits non comparables
30 La requérante fait valoir que le principe énoncé à l'article 2, paragraphe 9, du règlement n° 3017-79, précité, n'a pas été respecté, dans la mesure où les modèles retenus aux fins de comparaison n'étaient pas comparables, malgré leur dénomination identique, en l'occurrence SSK-940-ZZ. La comparaison du prix à l'exportation et de la valeur normale aux fins d'établissement de la marge de dumping aurait ainsi été faussée et la marge de dumping surévaluée de 4,72 %.
31 La requérante expose que le roulement exporté est en acier inoxydable et que sa précision atteint le niveau Abec 9 (qualité super-ultra), alors que le roulement de même dénomination, vendu au Japon, est en acier chrome et que sa précision atteint seulement le niveau Abec 5 (qualité de haute précision). Ces différences techniques correspondraient à des utilisations différentes.
32 Il convient d'observer que, en vertu de l'article 2, paragraphe 10, du règlement n° 3017-79, lorsque le prix à l'exportation et la valeur normale ne sont pas comparables, notamment en ce qui concerne les caractéristiques physiques des produits, il doit être tenu compte des différences affectant la comparabilité des prix. Il appartient à la partie qui demande la prise en considération d'une telle différence d'apporter la preuve que sa demande est justifiée.
33 Il ressort des pièces versées au dossier et des débats menés devant la Cour que le Conseil a procédé à des ajustements afin de tenir compte des différences ci-dessus mentionnées. La société requérante n'a pas apporté la preuve que ces ajustements aient été insuffisants pour rétablir la comparabilité des prix.
34 Le moyen doit donc être rejeté.
F - Sur l'inégalité des ajustements dont la valeur normale et le prix à l'exportation ont fait l'objet
35 La requérante fait valoir que, en violation de l'article 2, paragraphe 9, du règlement n° 3017-79, la valeur normale et le prix à l'exportation n'ont pas été établis sur une base comparable, eu égard à l'inégalité des ajustements dont ces prix ont fait l'objet.
36 Elle expose que la construction du prix à l'exportation a conduit à pratiquer des ajustements qui ont tenu compte "de tous les frais intervenus entre l'importation et la revente", alors que pour la valeur normale seules des dépenses liées aux conditions de vente ont été retenues. Il en est résulté une asymétrie de traitement qui aurait conduit à surévaluer la valeur normale et, par suite, la marge de dumping. Cette situation serait d'autant plus injuste que les filiales européennes et japonaises de Minebea se trouveraient dans une situation identique par rapport à Minebea, dont le siège est à Singapour. Il aurait été nécessaire, pour éviter ce résultat, soit de ne pas retenir tous les frais pour établir le prix à l'exportation, soit de pratiquer des ajustements, au titre de l'article 2, paragraphe 10, permettant de calculer la valeur normale sur la même base.
37 Il convient de souligner, en premier lieu, que, en vertu de l'article 2, paragraphe 8, sous B), du règlement n° 3017-79, le prix à l'exportation est établi selon une valeur construite lorsque le prix convenu pour les ventes à l'exportation ne peut servir de référence : il en est ainsi, notamment, lorsque, comme en l'espèce, les transactions sont effectuées entre parties associées ou liées par un arrangement de compensation. Le prix à l'exportation est alors constitué sur la base du prix auquel le produit importé est revendu pour la première fois à un acheteur indépendant ou sur toute base raisonnable. Dans ce cas, des ajustements sont opérés pour tenir compte "de tous les frais intervenus entre l'importation et la revente".
38 Il y a donc lieu de constater que la déduction de l'intégralité des frais exposés par les filiales européennes de Minebea dans le cadre de la constitution des prix à l'exportation fait une application correcte des dispositions du règlement n° 3017-79.
39 Il est vrai que, selon l'article 2, paragraphe 10, du règlement n° 3017-79, lorsque le prix à l'exportation et la valeur normale ne sont pas comparables en ce qui concerne les caractéristiques indiquées au paragraphe 9, précité, de cette même disposition, il est tenu compte des différences qui affectent la comparabilité des prix. Il en va ainsi notamment des différences dans les conditions de vente. A cet égard, l'article 2, paragraphe 10, sous C), prévoit que les ajustements sont :
"limités en général aux différences qui ont une relation directe avec les ventes considérées et comprennent, par exemple, les différences de droits et taxes indirectes, les conditions de crédit, cautions, garanties, modalités, services après-vente, commissions ou salaires payés aux vendeurs, emballage, transport ... ; en règle générale, aucun ajustement (n'est) accordé pour des différences dans les frais administratifs et généraux, y compris les frais de recherche et de développement ou de publicité ...".
40 Sur la base de cette disposition, Minebea soutient que les frais généraux supportés par sa filiale japonaise auraient également dû être déduits de la valeur normale.
41 Il y a lieu d'observer, à cet égard, que les ajustements effectués au titre de l'article 2, paragraphe 10, sous C), du règlement n° 3017-79 se distinguent, tant par leur objectif que par leurs conditions d'application, des ajustements opérés dans le cadre de la constitution du prix à l'exportation.
42 D'une part, en effet, alors que ces derniers ajustements visent à déterminer le prix à l'exportation correspondant à des conditions commerciales normales, les ajustements effectués au titre de l'article 2, paragraphe 10, précité, tendent à redresser le prix à l'exportation ou la valeur normale déjà calculés en application des règles fixées par l'article 2, paragraphes 3 à 8. Ces ajustements prévus par l'article 2, paragraphe 10, sont opérés en fonction d'éléments objectifs qui, énumérés notamment au point C) de cette même disposition, correspondent aux particularités de chaque marché (d'origine et d'exportation), se répercutent de manière inégale sur les conditions de vente et affectent en conséquence la comparabilité des prix.
43 D'autre part, alors que les ajustements relatifs à la constitution du prix à l'exportation sont opérés d'office par les institutions communautaires en application des dispositions de l'article 2, paragraphe 8, du règlement n° 3017-79, les ajustements visés par l'article 2, paragraphe 10, peuvent l'être également sur la demande d'une partie intéressée. Cette partie doit alors apporter la preuve que sa demande est justifiée, c'est-à-dire que la différence dont elle se prévaut concerne l'un des facteurs énumérés par l'article 2, paragraphe 9, que cette différence affecte la comparabilité des prix et, enfin, s'agissant plus particulièrement de différences dans les conditions de vente, que ces différences ont une relation directe avec les ventes considérées.
44 Il ne ressort, en l'espèce, ni des pièces du dossier ni des débats menés devant la Cour que Minebea ait apporté la preuve que sa demande d'ajustements au titre de l'article 2, paragraphe 10, sous C), du règlement n° 3017-79 ait réuni les conditions exigées par ces dispositions.
45 En effet, selon les propres allégations de Minebea, les frais dont elle demande la déduction de la valeur normale ont le caractère de frais généraux. Les dispositions précitées de l'article 2, paragraphe 10, excluent "en général" tout ajustement à ce titre, et la requérante n'a prouvé l'existence d'aucune circonstance particulière de nature à justifier une dérogation à la règle générale ainsi posée.
46 Il résulte de ce qui précède que le moyen relatif à l'inégalité des ajustements apportés à la valeur normale et aux prix à l'exportation doit être rejeté.
II - Sur le moyen tiré de l'illégalité du refus de prendre en compte les engagements proposés en matière de prix
47 La requérante fait valoir que le principe de proportionnalité impose aux organes administratifs le devoir de prendre des mesures de manière que les buts poursuivis puissent être atteints avec le moins de sacrifices possible pour les entreprises concernées. Aussi, les institutions ne sauraient-elles refuser les engagements proposés que lorsqu'ils sont manifestement inacceptables.
48 Il convient de souligner, tout d'abord, qu'aucune disposition du règlement n° 3017-79 ne fait obligation aux institutions d'accepter des propositions d'engagements en matière de prix. Il résulte, bien au contraire, de l'article 10 de ce règlement que le caractère acceptable de tels engagements est défini par les institutions dans le cadre de leur pouvoir d'appréciation. Or, Minebea n'a pas démontré que les motifs du refus de prendre en compte les propositions d'engagements qu'elle avait formulées, exposés au point 24 du règlement litigieux et précisés par le Conseil dans ses mémoires écrits, excédaient la marge d'appréciation reconnue aux institutions.
49 En particulier, la requérante n'a pas réfuté les arguments du Conseil, selon lesquels elle aurait exclu certaines ventes des augmentations immédiates de prix proposés, elle n'aurait pas proposé de réajuster les prix dans des délais rapides et elle n'aurait pas prévu d'appliquer un prix unique de vente sur tous les marchés de la Communauté.
50 Le dernier moyen invoqué par Minebea doit, dès lors, être rejeté ainsi que l'ensemble du recours.
Sur les dépens
51 Aux termes de l'article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens. La requérante ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens.
Par ces motifs,
LA COUR (cinquième chambre),
Déclare et arrête :
1) Le recours est rejeté.
2) La partie requérante supportera les dépens, y compris ceux exposés par les parties intervenantes.