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Décisions

Cass. com., 10 mai 2006, n° 05-14.751

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Tricot

Caen, ch. réu., du 3 mars 2005

3 mars 2005

LA COUR : - Sur le moyen unique : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Caen, 3 mars 2005), rendu sur renvoi après cassation (chambre commerciale, financière et économique, 20 mai 2003, pourvois n° 01-16.696 et n° 01-17.268), que par acte du 8 mars 1989, M. X s'est engagé à l'égard de M. Y à acquérir 667 des actions composant le capital de la société Y ; qu'il était convenu que la cession serait réalisée le 1er avril 1992 pour le prix de 1 000 000 francs ; que cet engagement n'ayant pas reçu exécution et M. Y ayant mis en œuvre la procédure d'arbitrage conventionnellement prévue, le tribunal arbitral a, par sentence du 16 mars 1995, condamné M. X à payer à M. Y le prix convenu ; que le 30 avril 1995, les parties ont conclu un accord transactionnel organisant le paiement échelonné de cette dette et précisant que, dès le règlement intégral, M. Y effectuerait le transfert des actions au profit de M. X ; que ce dernier ayant rempli ses obligations et demandé le transfert des titres, il est apparu que la société avait, le 30 décembre 1994, procédé à une réduction de son capital qui s'était traduite par l'annulation de la totalité des actions ; que M. X a demandé que M. Y soit condamné à lui payer des dommages-intérêts ; que M. X étant décédé, la procédure a été reprise par sa veuve, Mme Z ;

Attendu que M. Y fait grief à l'arrêt de l'avoir condamné à payer à Mme Z la somme de 152 449,01 euro alors, selon le moyen : 1°) qu'en vertu de l'article 1476 du nouveau Code de procédure civile, la sentence arbitrale a, dès qu'elle est rendue, l'autorité de la chose jugée relativement à la contestation qu'elle tranche et cette autorité s'impose aux juges étatiques dès lors qu'ils n'ont été saisis d'aucun recours en annulation ou en révision de la sentence ; qu'en l'espèce, il est constant que par sentence du 16 mars 1995 non frappée de recours, M. X a été condamné à payer à M. Y le prix des 667 actions dont il aurait dû s'acquitter dès le 1er avril 1992 date de leur cession devenue définitive selon les arbitres ; que la nullité du protocole du 30 avril 1995 qui avait fixé les modalités d'exécution de cette sentence entre les parties n'a pu remettre en cause cette condamnation concernant l'obligation de paiement des 667 actions de M. X ; qu'en condamnant néanmoins ce dernier à restituer à sa veuve la somme ainsi payée en exécution du protocole et correspondant à cette condamnation prononcée par les arbitres, la cour d'appel a méconnu l'autorité de la chose jugée le 16 mars 1995 et a ainsi violé l'article susvisé ; 2°) qu'en vertu des articles 1138 et 1302 du Code civil, les risques de la perte de la chose pèsent sur le propriétaire qui reste tenu d'en payer le prix nonobstant sa disparition, à moins que la perte ne soit due à la faute du vendeur ; qu'en se bornant à relever, pour caractériser les fautes qu'aurait commises M. Y, le fait que celui-ci était désintéressé de la société Sedap (Y), qu'il n'avait pas souscrit à l'augmentation du capital, ni prévenu M. X de l'objet de l'assemblée générale des actionnaires du 30 décembre 1994 lors de laquelle il fut décidé de l'annulation des 667 actions litigieuses, motifs impropres à caractériser le lien de causalité entre ces fautes et la perte des actions due à une décision souveraine des actionnaires de la société Sedap, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ; 3°) qu'en reprochant à M. Y, pour retenir sa responsabilité dans la nullité du protocole du 30 mars 1995, de ne pas avoir prévenu M. X, qui avait acquis le 8 mars 1989 les 2/3 du capital social de la société Y, de la tenue de l'assemblée générale de cette société le 30 décembre 1994 qui devait conduire à l'annulation des actions litigieuses, sans relever que M. X avait informé M. Y de ce qu'il ne détenait plus aucune participation, directe ou indirecte, dans cette société, de sorte que M. Y pouvait légitimement présumer qu'il était au courant de la situation de la société Sedap (Y), la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ; 4°) qu'en retenant que, par son comportement, M. Y avait rendu impossible la souscription par M. X à l'augmentation du capital décidée lors de l'assemblée générale du 30 décembre 1994, bien qu'elle eût relevé par ailleurs que celui-ci ne détenait plus, depuis 1990, aucune participation directe ou indirecte, dans la société Sedap (Y), ce qui le privait de pouvoir exercer le droit de souscription réservé aux actionnaires, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article 1382 du Code civil ; 5°) qu'il résulte des constatations expresses de l'arrêt que le préjudice subi par M. X et provenant des fautes commises par M. Y consistait dans l'impossibilité pour celui-ci d'avoir pu obtenir les nouvelles actions émises suite à l'augmentation du capital, qui impliquait que ce préjudice ne pouvait en tout état de cause que correspondre à la valeur de ces actions au jour du paiement intégral fait par M. X, dont devait être déduit le montant de leur souscription ; qu'en fixant le montant de l'indemnité due à la veuve de M. X au montant du prix payé par son mari pour l'acquisition des 667 actions annulées, la cour d'appel n'a pas, à cet égard encore, tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a ainsi violé l'article 1382 du Code civil ;

Mais attendu qu'après avoir relevé que M. Y avait eu connaissance de l'annulation des actions au plus tard le 9 janvier 1995, l'arrêt retient que l'accord du 30 avril 1995 ne comporte aucune allusion à cette annulation, que M. X n'était pas informé de l'absence totale de contrepartie du prix qu'il s'engageait à payer, que l'acte stipule un transfert dont seul M. Y savait qu'il était impossible et qu'il est évident que si M. X avait connu la situation, il ne se serait pas engagé ; qu'ayant ainsi caractérisé la dissimulation dolosive de la disparition des actions par M. Y et abstraction faite des motifs surabondants critiqués par les deuxième, troisième et quatrième branches, c'est sans méconnaître l'autorité de la sentence arbitrale que la cour d'appel a pu retenir que le préjudice résultant de cette dissimulation n'était pas la perte de la valeur des actions mais le paiement de leur prix ; que le moyen, non fondé en ses première et cinquième branches, est pour le surplus inopérant ;

Par ces motifs : Rejette le pourvoi.