CJCE, 6e ch., 11 août 1995, n° C-432/93
COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Société d'informatique service réalisation organisation
Défendeur :
Ampersand Software BV
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président de chambre :
M. Schockweiler
Avocat général :
M. Léger
Juges :
MM. Mancini, Kakouris, Murray, Hirsch
Avocats :
Mes Marks, Gregory, Rowcliffe & Milners, Paris & Co., Briggs
LA COUR (sixième chambre),
1 Par ordonnance du 14 juillet 1993, parvenue à la Cour le 3 novembre suivant, la Court of Appeal (Civil Division) a posé, en vertu du protocole du 3 juin 1971 relatif à l'interprétation par la Cour de justice de la convention du 27 septembre 1968 concernant la compétence judiciaire et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale (JO 1972, L 299, p. 32), telle que modifiée par la convention du 9 octobre 1978 relative à l'adhésion du Royaume de Danemark, de l'Irlande et du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord ( JO L 304, p.1, et ° texte modifié ° p. 77, ci-après la "convention"), trois questions préjudicielles sur l'interprétation des articles 37, paragraphe 2, et 38, premier alinéa, de cette convention.
2 Ces questions ont été soulevées dans le cadre d'un litige opposant la Société d'informatique service réalisation organisation (ci-après "SISRO"), de droit français et établie en France, à Ampersand Software BV (ci-après "Ampersand"), société de droit néerlandais établie aux Pays-Bas.
3 Il ressort du dossier que, le 8 avril 1987, SISRO a obtenu du Tribunal de grande instance de Paris un jugement exécutoire par provision condamnant Ampersand au paiement de dommages-intérêts pour violation de son droit d'auteur sur un programme informatique.
4 Ampersand a interjeté appel de ce jugement devant la cour d'appel de Paris, en faisant valoir que les juridictions françaises n'étaient pas compétentes pour connaître du litige et que le jugement du 8 avril 1987 avait été rendu sur la base d'un rapport d'expert frauduleux. Cet appel est toujours pendant, la cour d'appel ayant sursis à statuer jusqu'à l'issue des procédures pénales pour faux introduites à la suite de plaintes déposées par certains défendeurs en première instance, autres que Ampersand, contre l'expert désigné par le tribunal de grande instance.
5 Devant la cour d'appel de Paris, Ampersand a introduit successivement deux demandes de sursis à l'exécution du jugement du 8 avril 1987. Ces demandes ont été rejetées, la première pour un motif procédural et la seconde pour des raisons de fond.
6 Le 15 décembre 1987, SISRO a obtenu en Angleterre et au pays de Galles, où Ampersand possède des biens, l'enregistrement de ce jugement en vue de son exécution dans cette partie du Royaume-Uni, conformément à l'article 31 de la convention.
7 Le 8 avril 1988 , Ampersand a formé un recours devant la High Court of Justice contre cette décision, en faisant valoir qu'il était contraire à l'ordre public d'exécuter en Angleterre un jugement étranger obtenu à la suite de fraudes. Bien que le délai de deux mois, prévu par l'article 36, deuxième alinéa, de la convention pour former un tel recours ait expiré, la High Court a déclaré celui-ci recevable en application des règles de procédure nationales.
8 Par ordonnance du 9 octobre 1989, la High Court a, conformément à l'article 38, premier alinéa, de la convention, sursis à statuer sur le recours d'Ampersand contre la décision anglaise d'enregistrement jusqu'à ce que l'appel pendant en France ait été tranché.
9 SISRO a alors formé un recours devant la Court of Appeal contre cette ordonnance. Compte tenu de la seconde décision de la cour d'appel de Paris refusant le sursis à l'exécution du jugement français du 8 avril 1987, la Court of Appeal a autorisé SISRO à demander à la High Court of Justice de lever le sursis à statuer qu'elle avait ordonné le 9 octobre 1989.
10 Ainsi cette dernière juridiction a-t-elle, le 23 janvier 1992, levé le sursis à statuer, en raison du rejet au fond en France de la demande de sursis à l'exécution du jugement du 8 avril 1987. Elle a, par ailleurs, rejeté le recours d'Ampersand contre la décision d'enregistrement de ce jugement en Angleterre, en considérant que cette société disposait en France de voies de recours pour faire établir qu'il avait été obtenu par fraude, et que, dès lors, son exécution en Angleterre n'était pas contraire à l'ordre public.
11 Ampersand a alors attaqué ces deux décisions de la High Court devant la Court of Appeal.
12 Cette dernière a estimé que la décision de la High Court de rejeter le recours contre l'ordonnance d'enregistrement du jugement français en Angleterre n'était pas critiquable, dès lors qu'aucun motif prévu par les articles 27 et 28 de la convention pour refuser l'enregistrement conformément à l'article 34 ne pouvait être invoqué.
13 S'agissant en revanche de la levée du sursis à statuer, la Court of Appeal s'est interrogée sur sa compétence ainsi que sur le point de savoir si et dans quelle mesure le juge de l'État requis doit, pour apprécier l'opportunité d'un sursis à statuer, prendre en compte le sort réservé dans l'État d'origine à une demande de sursis à l'exécution du jugement dont l'exequatur est sollicité et les motifs qui sont à la base de la décision prise à cet égard.
14 Éprouvant des doutes sur l'interprétation à donner à cet égard à la convention, la Court of Appeal a posé à la Cour les trois questions préjudicielles suivantes:
"1) Une personne ayant formé, au Royaume-Uni, un recours au titre de l'article 36 de la convention de 1968 concernant la compétence judiciaire et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale est-elle en droit de demander le remède visé à l'article 38, lorsqu'elle n'est pas en mesure d'invoquer avec succès l'un des motifs, spécifiés aux articles 27 et 28, de refuser de faire droit à une demande d'enregistrement, en vue de son exécution, d'une décision rendue dans un autre État contractant et, dans l'affirmative, quelle est la 'procédure' à l'égard de laquelle un sursis à statuer peut être ordonné?
2) Le fait qu'il y ait eu un refus de suspendre l'exécution d'une décision dans l'État dans lequel cette décision a été rendue est-il:
i) pertinent, et/ou
ii) décisif, en ce qui concerne la manière dont le pouvoir, conféré par l'article 38 de la convention, de surseoir à statuer dans la procédure d'enregistrement doit être exercé?
3) Si, dans le cadre de l'article 36 de la convention, une des juridictions visées au premier alinéa de l'article 37 de la convention:
a) refuse d'accorder un sursis à statuer, ou
b) lève un sursis à statuer précédemment ordonné,
la juridiction devant laquelle est formé un recours sur un point de droit au titre du second alinéa de l'article 37 est-elle compétente pour ordonner, ou pour réordonner, un tel sursis à statuer?"
15 Il convient d'observer, à titre liminaire, que le recours contre la décision d'enregistrement ayant été formé après l'expiration du délai de deux mois prévu par l'article 36, deuxième alinéa, de la convention (voir point 7 du présent arrêt), la Cour répond aux questions posées sans préjudice du point de savoir si la juridiction saisie du recours pouvait néanmoins le déclarer recevable en application des règles de procédure nationales.
16 Il y a lieu de relever ensuite que les articles 36, 37 et 38 de la convention, mentionnés dans les questions préjudicielles, font partie du titre III, section 2, de cette convention concernant l'exécution des décisions judiciaires qui sont exécutoires dans l'État contractant où elles ont été rendues.
17 En vertu de l'article 31 de la convention, de telles décisions sont mises à exécution dans un autre État contractant après y avoir été déclarées exécutoires ou, s'agissant du Royaume-Uni, après y avoir été enregistrées en vue de leur exécution, à la requête de toute partie intéressée, par la juridiction compétente désignée à l'article 32 de la convention et conformément aux règles inscrites aux articles 33 et suivants de cette convention. En Angleterre et au pays de Galles, la requête est présentée à la High Court of Justice, sauf s'il s'agit d'une décision en matière d'obligation alimentaire.
18 Selon l'article 34 de la convention, la partie contre laquelle l'exécution est demandée ne peut pas, à ce stade de la procédure, présenter d'observations. De plus, la requête en exécution ne peut être rejetée que pour l'un des motifs prévus aux articles 27 et 28 de la convention; en aucun cas, la décision étrangère ne peut faire l'objet d'une révision au fond.
19 Lorsque l'exécution est autorisée, la partie contre laquelle l'exécution est demandée peut, conformément à l'article 36 de la convention, former un recours contre cette décision dans le mois de sa signification. Ce délai est de deux mois, si cette partie est domiciliée dans un État contractant autre que l'État d'origine de la décision. Il ne peut pas être prorogé en raison de la distance.
20 En application de l'article 37, paragraphe 1, de la convention, ce recours est porté, selon les règles de la procédure contradictoire, en Angleterre et au pays de Galles, devant la High Court of Justice, sauf s'il s'agit d'une décision en matière d'obligation alimentaire. L'article 39 de la convention prévoit que, pendant le délai de ce recours et jusqu'à ce qu'il ait été statué sur celui-ci, il ne peut être procédé qu'à des mesures conservatoires sur les biens de la partie contre laquelle l'exécution est demandée.
21 En vertu de l'article 37, paragraphe 2, de la convention, la décision rendue sur le recours ne peut faire l'objet que d'un pourvoi en cassation ou d'un recours analogue. S'agissant du Royaume-Uni, cette disposition prévoit que ladite décision ne peut faire l'objet "que d'un seul recours sur un point de droit". Conformément au Civil Jurisdiction and Judgments Act 1982 (loi de 1982 sur la compétence et les décisions en matière civile), qui a pour objet de rendre applicable la convention au Royaume-Uni, la juridiction compétente est, en ce qui concerne l'Angleterre, la Court of Appeal.
22 Aux termes de l'article 38 de la convention,
"La juridiction saisie du recours peut, à la requête de la partie qui l'a formé, surseoir à statuer, si la décision étrangère fait, dans l'État d'origine, l'objet d'un recours ordinaire ou si le délai pour le former n'est pas expiré; dans ce dernier cas, la juridiction peut impartir un délai pour former ce recours.
[...]
Cette juridiction peut également subordonner l'exécution à la constitution d'une garantie qu'elle détermine."
23 S'agissant plus particulièrement des conditions dans lesquelles le présent renvoi préjudiciel a été opéré, il y a lieu de relever que la Court of Appeal est saisie, conformément à l'article 37, paragraphe 2, de la convention, d'un "recours sur un point de droit" à l'encontre de la décision de la High Court of Justice rendue sur le recours formé, au titre de l'article 36 de la convention, contre l'enregistrement en vue de l'exécution au Royaume-Uni d'un jugement exécutoire rendu dans un autre État contractant.
24 Dans le cadre de ce recours, la Court of Appeal est invitée par la partie contre laquelle l'exécution est demandée au Royaume-Uni à se prononcer tant sur la légalité du rejet par la High Court of Justice du recours formé contre l'ordonnance d'enregistrement que sur le bien-fondé de la levée par cette juridiction du sursis à statuer précédemment ordonné.
25 La juridiction de renvoi n'éprouve toutefois de doutes sur l'interprétation de la convention qu'à l'égard du sursis à statuer dont il est question à l'article 38, premier alinéa. Ainsi, elle demande à la Cour si la juridiction saisie d'un pourvoi en cassation ou d'un recours similaire sur un point de droit, au sens de l'article 37, paragraphe 2, est compétente pour ordonner ou réordonner un sursis à statuer au titre de l'article 38, premier alinéa (troisième question). Dans l'affirmative, elle l'invite à préciser l'étendue ainsi que les modalités d'exercice du pouvoir d'accorder ou de refuser un tel sursis (première et deuxième questions).
26 Dans ces conditions, il convient d'examiner en premier lieu la troisième question préjudicielle.
Sur la troisième question
27 Par cette question, la juridiction de renvoi cherche, en substance, à savoir si les articles 37, paragraphe 2, et 38, premier alinéa, de la convention doivent être interprétés en ce sens que, d'une part, une décision par laquelle la juridiction d'un État contractant, saisie d'un recours contre l'autorisation d'exécuter une décision judiciaire exécutoire rendue dans un autre État contractant, refuse de surseoir à statuer ou lève un sursis à statuer précédemment ordonné, peut faire l'objet d'un pourvoi en cassation ou d'un recours similaire limité à l'examen des seuls points de droit et que, d'autre part, la juridiction saisie d'un tel recours sur un point de droit, au titre de l'article 37, paragraphe 2, de la convention, est compétente pour ordonner ou réordonner pareil sursis à statuer.
28 Afin de répondre à cette question, il convient de constater d'abord que les rapports d'experts, établis à l'occasion de l'élaboration et de l'adaptation de la convention, ont souligné la nécessité d'une interprétation stricte de l'article 37, paragraphe 2, de la convention. En effet, "la multiplicité des voies de recours, en permettant à la partie perdante de les utiliser à des fins purement dilatoires, constituerait, en définitive, une entrave à la libre circulation des jugements vers laquelle tend la convention" (rapport Jenard, JO 1979, C 59, p. 52). "En vue d'un déroulement rapide de la procédure d'exécution, (la convention) limite le nombre de recours à deux, le premier offrant la possibilité d'un contrôle exhaustif des faits et le second se bornant au contrôle juridique" (rapport Schlosser, JO 1979, C 59, p. 133). "Seule la juridiction saisie de l'opposition", c'est-à-dire du premier recours au titre des articles 36 et 37, paragraphe 1, de la convention "dispose de la faculté de surseoir" (rapport Jenard, p. 52).
29 Il y a lieu de rappeler ensuite que, à plusieurs reprises, la Cour s'est prononcée en faveur d'une interprétation restrictive de la notion de "décision rendue sur le recours", figurant à l'article 37, paragraphe 2, de la convention.
30 Ainsi, dans l'arrêt du 27 novembre 1984, Brennero/Wendel (258-83, Rec. p. 3971, point 15), elle a considéré que, dans le cadre de l'économie générale de la convention et à la lumière de l'un de ses objectifs principaux, qui est de simplifier les procédures dans l'État où l'exécution est demandée, cette disposition ne saurait être étendue de façon à permettre un pourvoi contre une autre décision que celle statuant sur le recours, comme un pourvoi contre une décision préparatoire ou interlocutoire ordonnant des mesures d'instruction.
31 De même, dans l'arrêt du 4 octobre 1991, Van Dalfsen e. a./Van Loon (C-183-90, Rec. p. I-4743, point 21), la Cour a jugé que, compte tenu du fait que la convention tend à faciliter la libre circulation des jugements, en mettant en place une procédure simple et rapide dans l'État contractant où l'exécution d'une décision étrangère est demandée, l'expression "décision rendue sur le recours", qui figure dans l'article 37, paragraphe 2, de la convention, doit être comprise en ce sens qu'elle ne vise que les décisions qui statuent sur le bien-fondé du recours formé contre une décision accordant l'autorisation d'exécuter une décision judiciaire rendue dans un autre État contractant, à l'exclusion de celles prises au titre de l'article 38 de la convention.
32 Dans le même arrêt, la Cour a, en conséquence, dit pour droit qu'une décision prise au titre de l'article 38 de la convention, par laquelle la juridiction saisie du recours formé contre l'autorisation d'exécuter une décision judiciaire rendue dans un autre État contractant a refusé de surseoir à statuer, ne constitue pas une "décision rendue sur le recours" au sens de l'article 37, paragraphe 2, de la convention et , dès lors, ne peut pas faire l'objet d'un pourvoi en cassation ou d'un recours analogue.
33 Cette interprétation vaut pour toutes les décisions relatives au sursis à statuer prises par une juridiction saisie d'un recours contre une autorisation d'exécution ou contre l'enregistrement en vue de l'exécution d'un jugement rendu dans un autre État contractant, y compris celle de lever un sursis précédemment ordonné.
34 En effet, il ressort tant du libellé que du système de la convention que celle-ci distingue la "juridiction saisie du recours" au sens de l'article 38, premier alinéa, de la juridiction saisie de "la décision rendue sur le recours" au sens de l'article 37, paragraphe 2, la première notion se rapportant aux articles 36 et 37, paragraphe 1, à l'exclusion de l'article 37, paragraphe 2.
35 De surcroît, les incidents de procédure, dès lors qu'ils ont pour effet de retarder l'exécution dans un État contractant d'un jugement rendu dans un autre État contractant, constituent une dérogation à l'objectif de la convention d'instaurer un mécanisme simple et rapide d'exécution des décisions exécutoires dans l'État d'origine, de sorte que les règles qui s'y rapportent doivent faire l'objet d'une interprétation stricte.
36 Pour les mêmes raisons, la juridiction visée à l'article 37, paragraphe 2, de la convention n'est pas compétente pour prendre une décision relative au sursis à statuer au titre de l'article 38.
37 Le Gouvernement du Royaume-Uni fait toutefois observer que cette juridiction doit avoir compétence pour connaître du sursis à statuer prévu par la convention si elle détient ce pouvoir au titre de ses propres règles procédurales. A cet égard, il se fonde sur la spécificité de son ordre juridique. Dans la plupart des États initialement parties à la convention, une juridiction statuant en cassation qui infirmerait la décision d'une juridiction inférieure se limiterait à renvoyer l'affaire devant une autre juridiction pour qu'elle se prononce au fond: cette dernière pourrait alors surseoir à statuer au titre de l'article 38 de la convention. En revanche, au Royaume-Uni, la juridiction supérieure ne pourrait renvoyer l'affaire, mais statuerait toujours au fond. Dès lors, selon le gouvernement de cet État, elle devrait avoir la possibilité de se prononcer elle-même sur le sursis.
38 Cette thèse ne saurait être accueillie.
39 Ainsi que l'avocat général l'a exposé au point 37 de ses conclusions, il ressort de la jurisprudence (voir arrêts du 14 juillet 1977, Eurocontrol, 9-77 et 10-77, Rec. p.1517, point 4, et du 2 juillet 1985, Brasserie du Pêcheur, 148-84, Rec. p. 1981, point 17) que, d'une part, la convention a instauré une procédure d'exequatur qui constitue un système autonome et complet, indépendant des systèmes juridiques des États contractants, et que, d'autre part, le principe de la sécurité juridique dans l'ordre communautaire ainsi que les objectifs de la convention en vertu de l'article 220 du traité CEE, sur lequel elle se fonde, exigent une application uniforme dans tous les États contractants des règles de la convention et de la jurisprudence de la Cour y relative.
40 D'ailleurs, les adaptations nécessaires à l'adhésion du Royaume-Uni à la convention, dues aux spécificités du système juridique de cet État, ont été effectuées par la convention du 9 octobre 1978, précitée.
41 Dans ces conditions, une juridiction du Royaume-Uni statuant sur un recours sur un point de droit, au sens de l'article 37, paragraphe 2, de la convention, ne saurait avoir des compétences plus étendues au titre de l'article 38 de cette convention que celles de toute autre juridiction d'un État contractant qui, en qualité de juridiction de cassation, limite son contrôle à l'examen du droit, sans porter d'appréciation sur les faits du litige. En effet, l'application uniforme de la convention dans tous les États contractants ne permet pas que, dans certains États requis, la partie contre laquelle l'exécution est demandée dispose de moyens procéduraux accrus, par rapport à ceux existant dans d'autres États contractants, pour retarder l'exécution d'un jugement exécutoire rendu dans l'État contractant d'origine.
42 Au vu de l'ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la troisième question que les articles 37, paragraphe 2, et 38, premier alinéa, de la convention doivent être interprétés en ce sens qu'une décision par laquelle la juridiction d'un État contractant, saisie d'un recours contre l'autorisation d'exécuter une décision judiciaire exécutoire rendue dans un autre État contractant, refuse de surseoir à statuer ou lève un sursis à statuer précédemment ordonné, ne peut pas faire l'objet d'un pourvoi en cassation ou d'un recours similaire limité à l'examen des seuls points de droit. De plus, la juridiction saisie d'un tel recours sur un point de droit, au titre de l'article 37, paragraphe 2, de la convention, n'est pas compétente pour ordonner ou réordonner pareil sursis à statuer.
Sur les première et deuxième questions
43 Compte tenu de la réponse donnée à la troisième question préjudicielle, il n'y a plus lieu de statuer sur les première et deuxième questions posées par la juridiction de renvoi.
Sur les dépens
44 Les frais exposés par les Gouvernements allemand et du Royaume-Uni ainsi que par la Commission des Communautés européennes, qui ont soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l'objet d'un remboursement. La procédure revêtant, à l'égard des parties au principal, le caractère d'un incident soulevé devant la juridiction nationale, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.
Par ces motifs,
LA COUR (sixième chambre),
Statuant sur les questions à elle soumises par la Court of Appeal (Civil Division), par ordonnance du 14 juillet 1993, dit pour droit:
Les articles 37, paragraphe 2, et 38, premier alinéa, de la convention du 27 septembre 1968 concernant la compétence judiciaire et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, telle que modifiée par la convention du 9 octobre 1978 relative à l'adhésion du Royaume de Danemark, de l'Irlande et du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord, doivent être interprétés en ce sens qu'une décision par laquelle la juridiction d'un État contractant, saisie d'un recours contre l'autorisation d'exécuter une décision judiciaire exécutoire rendue dans un autre État contractant, refuse de surseoir à statuer ou lève un sursis à statuer précédemment ordonné, ne peut pas faire l'objet d'un pourvoi en cassation ou d'un recours similaire limité à l'examen des seuls points de droit. De plus, la juridiction saisie d'un tel recours sur un point de droit, au titre de l'article 37, paragraphe 2, de la convention, n'est pas compétente pour ordonner ou réordonner pareil sursis à statuer.