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Décisions

CA Paris, 5e ch. B, 23 février 2006, n° 03-21319

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Radio Communication Équipements (SA)

Défendeur :

SFR (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Pimoulle

Conseillers :

MM. Faucher, Remenieras

Avoués :

SCP Arnaudy-Baechlin, SCP Gaultier-Kistner

Avocats :

Mes Berl, Cledat

T. com. Paris, du 23 oct. 2003

23 octobre 2003

Vu l'appel interjeté par la SA Radio Communications Equipements (RCE) du jugement contradictoirement rendu le 23 octobre 2003 par le Tribunal de commerce de Paris qui, dans le litige l'opposant à la SA Société Française de Radiotéléphonie (SFR), a :

- dit que le contrat du 16 janvier 1997 liant les parties n'était pas un contrat d'agent commercial,

- condamné l'intimée, outre aux dépens et au règlement d'une indemnité de 2 000 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, à payer à la société RCE la somme de 2 176,53 euro à titre de commissions correspondant aux contrats réalisés avant le 16 janvier 2002 avec intérêts aux taux légal à compter du 4 décembre 2001.

Vu les dernières conclusions de la société RCE en date du 14 décembre 2005.

Vu les ultimes écritures de la société SFR en date du 30 novembre 2005.

Sur ce,

Considérant qu'il est constant que la société CellCorp a imaginé un "concept de distribution" qui, "permettant d'améliorer la commercialisation des services de radiotéléphonie offerts par SFR", "consiste à fédérer sous une enseigne commune des distributeurs de radiotéléphones mobiles choisis pour leur aptitude particulière à diffuser les services de radiotéléphonie exploités par SFR..." ;

Qu'elle a pour mettre en œuvre ce concept, conclu le 30 avril 1996 un contrat par lequel la SA Société Française de Radiotéléphonie (SFR) lui a confié "la diffusion des services de radiotéléphonie publiques exploités par (elle), ... ainsi que les taches liées à l'enregistrement des demandes d'abonnement aux dits services, ...dans le cadre du Réseau "Espace SFR" ;

Considérant que la société Radio Communications Équipements (RCE), qui possède dans le Nord de la France divers magasins spécialisés "dans la vente, la réparation, l'entretien et la fabrication de matériels électriques, de transmission et de télécommunication", a, pour son point de vente sis à Valenciennes (59300), 34 avenue Georges Clemenceau, signé le 16 janvier 1997 avec la société CellCorp, laquelle a été absorbée par la société SFR dans le courant de l'année 2000, un "contrat partenaire" ;

Considérant que ce contrat, conclu pour une première période de deux ans, prévoyait ensuite un renouvellement "par ladite reconduction par période annuelle, sauf dénonciation par l'une des parties, trois (3) mois avant son terme par lettre recommandée avec accusé de réception" (article 15 consacré à la durée du contrat) ;

Considérant que, faisant application de cette règle, la société SFR a, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 11 octobre 2001, informé sa "partenaire" de ce qu'elle ne souhaitait pas reconduire ce contrat dénoncé avec effet au 16 janvier 2002 ;

Considérant que, suite à cette cessation des relations contractuelles, la société RCE a, par acte d'huissier de justice en date du 4 décembre 2001, fait assigner la société SFR devant le Tribunal de commerce de Paris pour obtenir sa condamnation au paiement d'une indemnité de "rupture" du contrat du 16 janvier 1997 par elle qualifié de "contrat d'agent commercial" et de "mandat d'intérêt commun", de commissions pour les contrats réalisés avant le 16 janvier 2002 et d'une indemnité sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

Considérant que, appelante du jugement l'ayant déboutée de sa demande tendant à obtenir le paiement d'une indemnité de "rupture", la société RCE demande à la cour de juger abusive la dénonciation du "contrat d'agent commercial" et du "mandat d'intérêt commun" conclu le 16 janvier 1997 et de condamner l'intimée, outre aux dépens, à lui payer : 650 000 euro en réparation de son préjudice, 50 000 euro en application de l'article L. 442-6 alinéa 6 du Code de commerce, 350 000 euro à titre de dommages-intérêts pour privation de l' "Air Time", partie variable de sa rémunération, ce avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation et capitalisation de ceux-ci, 6 272,02 euro en règlement de "rémunérations complémentaires" et 10 000 euro au titre de ses frais irrépétibles ;

Que la société SFR conclut à la confirmation du jugement déféré, de sorte qu'elle ne remet pas en cause les condamnations prononcées à son encontre, à l'irrecevabilité ou au mal fondé des demandes de l'appelante et à sa condamnation, outre aux dépens, à lui payer 10 000 euro en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

Considérant, ceci étant, que la société CellCorp a, le 16 janvier 1997, "confi(é) au partenaire (la société RCE), qui (a) accept(é), au nom et pour le compte de SFR, la diffusion des services de radiotéléphonie publique exploités par SFR, tels que définis à l'article 3 ci-dessous, ainsi que les taches liées à l'enregistrement des demandes d'abonnement aux dits services..." (article 2 alinéa 1) en "concéd(ant) à titre gratuit et non exclusif au partenaire le droit d'utiliser la marque et le logo y associé "Espace SFR" à titre d'enseigne" (article 11).

Que, de son côté, la société RCE, dont la rémunération mensuelle comportait une partie fixe et une partie variable égale à 3 % du chiffre d'affaires HT encaissé (annexe 6), a, ce même jour, intégré un "réseau constitué de distributeurs de radiotéléphones mobiles..." (préambule) et s'est "engag(ée)" à ce que chaque mois, au moins 80 % du nombre total d'abonnements enregistrés par son point de vente en radiotéléphonie cellulaire en France, soient des abonnements SFR validés par SFR..." (article 2 alinéa 2) ;

Que, de manière plus précise, le partenaire, notamment,

- d'une part, "ven(dait) les matériels nécessaires à l'utilisation des services" (article 5-1) en "veill(ant) à ce que les matériels et logiciels composant les radiotéléphones commercialisés par lui aux abonnés de SFR soient, ..., compatibles avec les spécifications de fonctionnement et d'interconnexion des réseaux que SFR exploite" (article 5-10) et en "propos(ant) uniquement à la clientèle les matériels pour lesquels il a(vait) obtenu des engagements de fourniture et de dépannage de la part des fabricants et fournisseurs concernés ..." (article 5-4),

- d'autre part, assurait les "opérations matérielles liées à la souscription des abonnements (article 6) en s'engage(ant) à n'apporter aucune modification, de quelque nature que ce soit, aux tarifs et conditions fixés par SFR pour la souscription des abonnements aux services" (article 6-1) et "... à enregistrer les demandes d'abonnement et à respecter les procédures établies et communiquées par SFR en matière de prise d'abonnement et de gestion des cartes SIM" avec les précisions suivantes : "Il utilise les formulaires et documents remis par CellCorp. Le cas échéant, il remet les cartes SIM aux abonnés aux services du réseau GSM-F2. A ce titre, il intervient en qualité d'intermédiaire entre l'abonné et SFR et ne peut en aucun cas s'engager vis-à-vis des abonnés de SFR, ou conclure tout contrat, au nom et pour les compte de SFR." (article 6-3),

- en outre, "(était) seul responsable de la programmation des logiciels et matériels vendus" (article 7-1 de l'article 7 sur la "mise en œuvre des abonnements sur le réseau analogique"),

- Par ailleurs, "s'engag(eait) à effectuer directement ou indirectement l'installation des matériels, sur tout type de véhicule, et leur mise en service dans le respect des règles de l'art ..." (article 8-1 de l'article 8 consacré à l' "installation des matériels") et "à assurer le dépannage des matériels vendus par lui ..." avec cette précision que "la mise en œuvre de la garantie desdits matériels (était) assurée par le partenaire qui se charge(ait) des relations avec le fabricant ou le fournisseur (article 9-1 de l'article 9 relatif au "service après-vente des matériels" et qu'il (le partenaire) garanti(ssait) SFR contre toute réclamation concernant les matériels vendus et installés ou non par lui" (article 9-7),

- enfin, "particip(ait) à la promotion des services visés à l'article 5 du présent contrat ..." (Article 10-1), devait "mentionn(er) de manière très visible à l'extérieur et à l'intérieur de ses locaux, l'enseigne "Espace SFR" ..." (article 10-5) et s'engag(eait) "à apporter son concours technique et commercial le plus efficace aux campagnes publicitaires ou opérations promotionnelles organisées par SFR et/ou CellCorp ..." (article 10-9 de l'article 10 sur la "promotion-publicité") ;

Considérant que si la société RCE verse en particulier au débat des factures ou états de rémunération faisant état, pour son point de vente de Valenciennes (59300), 34 avenue Georges Clemenceau, d'une qualité de "distributeur mandataire de SFR", ces documents sont à eux seuls insuffisants pour caractériser, au regard du contrat et de son exécution, l'existence, contestée par l'intimée, d'un mandat permettant l'accomplissement, pour le compte de celle-ci, d'actes juridiques ou d'un contrat d'agent ;

Considérant, en effet, que, contrairement à ce qu'elle affirme, la société RCE ne prouve par avoir reçu de sa contractante un pouvoir de négocier ou de conclure, en son nom et pour son compte, des contrats avec des tiers ;

Considérant, à cet égard, que le contrat du 16 janvier 1997, précédemment analysé, fait apparaître l'appelante, chargée "d'assurer, dans le point de vente ..., la diffusion de tous les services lancés par SFR sur le marché" (article 3-3 du contrat), comme revendeur de matériels dont l'installation et le service après-vente lui sont, sous certaines conditions, confiés, et comme un "intermédiaire", ce qui ne signifie pas pour autant "mandataire", tenu des "opérations matérielles liées à la souscription des abonnements", sans pouvoir négocier ou s'engager pour le compte de la société SFR (article 6 du contrat), même si celle-ci "s'engage à satisfaire toute demande d'abonnement souscrite par l'intermédiaire du partenaire, dans la limite de la capacité du système radiotéléphonique concerné par ladite commande, et des contraintes de qualité des services, sous réserve de la conformité de cette demande aux critères définis dans les procédures visées à l'article 6.3 ci-dessus ..." (article 12.1.4) ;

Que l'exemple de "négociation" dont se prévaut la société RCE dans ses écritures et son dossier ne concerne pas une négociation au nom et pour le compte de la société SFR mais une négociation pour son propre compte dans la mesure où, en l'espèce, elle revendait un matériel à elle vendu par l'intimée ;

Que, par ailleurs, les dispositions du "Référentiel de certification de service" précisant que "le vendeur fait au prospect une préconisation et une proposition tarifaire comprenant le mobile, l'abonnement ou le forfait, les options et les frais de mise en service ..." et "remet au client une offre avec proposition argumentée et écrite" ne vont pas à l'encontre des termes clairs de l'article 6 du contrat ;

Considérant en conséquence que la société RCE, qui, au demeurant, a, au regard des dispositions de l'article 2 du contrat litigieux, renoncé à se prévaloir du statut d'agent commercial, ne peut invoquer les dispositions de l'article L. 134-12 du Code de commerce ou un mandat d'intérêt commun, observation étant ici faite que, à supposer même l'existence d'un seul mandat, la réclamation d'une indemnité de rupture n'est pas, en principe, fondée dans la mesure où la société SFR a respecté la règle contractuellement prévue pour la dénonciation du contrat et qu'un abus de droit n'est pas démontré ;

Considérant à cet égard que l'appelante se prévaut d'un non-renouvellement abusif du contrat en arguant que la société Vepecis, dont l'un des administrateurs était directeur commercial de la société SFR et qui exploitait, non loin de son point de vente, un fonds ayant pour activité la vente de "produits de télécommunication" et d'abonnements de téléphones mobiles, a été absorbée le 31 décembre 2001 par la société Corsetel pour devenir la société SFD Groupe, elle-même filiale à 100 % de la société SFR et avoir capté sa clientèle ;

Considérant toutefois que, en dépit de cette situation objective, non sérieusement contestée par l'intimée, la société RCE, dont rien ne démontre qu'elle bénéficiait d'une exclusivité, ne justifie pas de ce que l'absorption de la société Vepecis soit la conséquence de manœuvres destinées à éliminer l'intimée du marché, ce d'autant que, comme l'observe la société SFR, le point de vente de la société SFD n'est devenu "Espace SFR" qu'au mois d'octobre 2002 sans que la cour puisse connaître avec précision la situation de ce point de vente antérieurement à cette date ;

Considérant dès lors que, ne justifiant pas, en dépit de ses résultats honorables, d'un non-renouvellement abusif du contrat, la société RCE ne peut réclamer ni dommages-intérêts pour "privation de l'Air Time" consécutive au non-renouvellement du contrat ou pour violation des dispositions de l'article L. 442-6 alinéa 6 du Code de commerce, la preuve d'un préjudice n'étant pas, à cet égard, rapportée ;

Considérant que la société RCE réclame enfin le paiement, pour une somme de 6 272,02 euro, d'une "rémunération complémentaire" correspondant à un "avoir" qui, consenti par elle à ses clients à titre de "prime de fidélité", lui était remboursé par l'intimée, laquelle s'oppose à cette demande qui constitue, selon elle, une demande nouvelle ;

Considérant que, selon l'article 565 du nouveau Code de procédure civile, "les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge même si le fondement juridique est différent" ;

Considérant en espèce que, devant le tribunal, la société appelante a réclamé le paiement de "commissions dues pour les contrats réalisés avant le 16 janvier 2002" ;

Que, ne tendant pas eux-mêmes fins que la demande en paiement de commissions, la demande en remboursement d' "avoirs" consentis à des clients est nouvelle et, par voie de conséquence, irrecevable en cause d'appel ;

Considérant dès lors qu'il y a lieu de confirmer le jugement déféré et de déclarer irrecevable ou mal fondées les demandes de la société RCE devant la cour ;

Considérant qu'il n'est pas inéquitable de laisser à la charge de la société SFR le montant de ses frais irrépétibles ;

Considérant que, partie perdante en cause d'appel, la société RCE doit être déboutée de sa demande en paiement d'une indemnité sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et condamnée aux dépens d'appel ;

Par ces motifs, Confirme le jugement déféré et déclare irrecevable ou mal fondée les demandes formées par la société RCE en cause d'appel ; Déboute la société SFR de sa demande d'indemnité au titre de ses frais irrépétibles ; Condamne la société RCE aux dépens d'appel et admet la SCP Gaultier Kistner, avoué, au bénéfice des dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.