Livv
Décisions

CA Paris, 1re ch. H, 26 septembre 2006, n° 2005-24285

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Hôtel Le Bristol (SA), Hôtel Concorde (SAS), Hôtel George V (SAS), Hôtel Meurice Spa (Sté), Hôtel Plaza Athénée (Sté), The Ritz Hotel Limited (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Riffault-Silk

Conseillers :

Mmes Horbette, Mouillard

Avoués :

Me Teytaud, SCP Garrabos & Gerigny-Freneaux, SCP Hardouin, SCP Fisselier-Chiloux-Boulay, SCP Duboscq & Pellerin

Avocats :

Mes Debroux, Boccara, Thill-Tayara, Petrignet, Paley-Vincent, Théophile

CA Paris n° 2005-24285

26 septembre 2006

Le 18 novembre 2001 était diffusée par la chaîne de télévision M6, dans le cadre de son émission " Capital ", un reportage ayant pour thème les palaces parisiens, au cours duquel il était notamment indiqué que les responsables commerciaux de ces établissements avaient pour habitude de se réunir régulièrement afin d'échanger des données statistiques d'activité et de s'entendre sur certains tarifs.

La Direction Générale de la Concurrence et de la Consommation ayant diligenté une enquête sur ces faits en application des dispositions de l'article L. 450-4 du Code de commerce, le ministre de l'Economie et des Finances a saisi le Conseil de la concurrence, par lettre enregistrée le 6 janvier 2003 sous le n° 03/0004 F, de pratiques anticoncurrentielles mises en œuvre par les établissements hôteliers Le Bristol, Le Crillon, le Four Seasons Hôtel George V, Le Meurice, le Plaza, Athénée et le Ritz.

Le Conseil de la concurrence s'était lui-même saisi d'office par décision du 4 décembre 2001 sous le n° F 1363, de la situation de la concurrence dans le secteur de l'hôtellerie de luxe.

Les deux procédures ont été jointes par décision du 10 mars 2003 du rapporteur général auprès du Conseil de la concurrence et le 8 janvier 2004 ont été notifiés les griefs suivants :

- aux hôtels Le Bristol Paris, Le Crillon, Le Four Seasons, George V, Le Meurice, Le Plaza Athénée et Le Ritz Paris,

" de s'être, pendant les années 1999, 2000, 2001 et 2002, non couvertes par la prescription, consciemment et librement concertés et de s'être échangé de façon régulière et permanente des informations confidentielles sur leurs activités et résultats respectifs, entre établissements hôteliers en situation de se faire concurrence sur le segment de marché des palaces parisiens et d'avoir ainsi réciproquement bénéficié, grâce à cette concertation, d'informations qui ont orienté leurs politiques et stratégies, les empêchant, dès lors, d'agir de manière autonome sur le marché;

" d'avoir, pendant les années 2001 et 2002, élaboré une offre promotionnelle commune intitulée " Shopping with parisian Palaces " et participé à celle-ci, par laquelle il a été mis à la disposition de la clientèle un volume convenu de chambres, au tarif unique concerté de 590 euro la nuit, fixé de manière non autonome par chaque établissement, indépendamment de leurs coûts respectifs ";

- aux hôtels Le Bristol Paris, Le Crillon, Le Plaza, Athénée, Le Ritz Paris,

"d'avoir, pendant les années 2000 et 2001, élaboré une offre promotionnelle commune intitulée " Best of Paris " et participé à celle-ci, par laquelle il a été mis à la disposition de la clientèle un volume convenu de chambres, au tarif unique concerté de 3 400 F la nuit, fixé de manière non autonome par chaque établissement, indépendamment de leurs coûts respectifs;

" d'avoir, pendant les années 2001 et 2002, élaboré une offre promotionnelle commune intitulée " Best of Paris " et participé à celle-ci, par laquelle il a été mis à la disposition de la clientèle un volume convenu de chambres, au tarif unique concerté de 550 euro la nuit, fixé de manière non autonome par chaque établissement, indépendamment de leurs coûts respectifs ";

Par décision du 25 novembre 2005 enregistrée sous le n° 05-D-64, le Conseil a dit que les offres promotionnelles communes " Best of Paris " 2000-2001, " Best of Paris " 2001/2002 et " Shopping with parisian Palaces " n'ont pas eu d'objet ni d'effet anticoncurrentiel.

S'agissant des échanges d'informations reprochés aux entreprises en cause, il a adopté la décision suivante:

Article 1er : Il est établi que les entreprises d'hôtellerie Le Bristol, Hôtels Concorde gestionnaire du Crillon, Le Four Seasons Hôtel George V, Le Meurice, Hôtel Plaza-Athénée et The Ritz Hotel ont enfreint les dispositions de l'article L. 420-1 du Code de commerce.

Article 2 : Sont infligées les sanctions pécuniaires suivantes:

- 81 000 euro à la société Le Bristol,

- 248 000 euro à la société Hôtels Concorde, gestionnaire du Crillon,

- 115 000 euro à la société Hôtel George V SA,

- 55 000 euro à la société Meurice Spa,

-106 000 euro à la société Hôtel Plaza Athénée SA,

-104 000 euro à la société The Ritz Hotel LTD gestionnaire du Ritz.

LA COUR,

Vu les recours déposés au greffe de la Cour d'appel de Paris, respectivement :

- le 21 décembre 2005 par la société des Hôtels Concorde, exploitante de l'hôtel Crillon, aux fins d'annulation et subsidiairement de réformation de la décision,

- le 23 décembre 2005 par la société Hôtel George V SA, aux mêmes fins,

- le 26 décembre 2005 par la société Hôtel Le Bristol, aux mêmes fins

- le 27 décembre 2005 par la société The Ritz Hotel Ltd et la SAS Hôtel Plaza Athénée, aux mêmes fins,

- le 28 décembre 2005 par la société Meurice Spa, aux mêmes fins,

Vu les mémoires déposés au soutien des recours

- le 30 janvier 2006 par la société Meurice Spa,

- le 1er février 2006, respectivement, par les sociétés The Ritz Hotel Ltd, Hôtel Plaza Athénée, Hôtels Concorde, Hôtel George V SA,

- le 13 février 2006 par la société Le Bristol,

soutenus par des mémoires en réplique déposés le 7 juin 2006 par la société Meurice Spa et le 8 juin 2006, respectivement, par les sociétés The Ritz Hotel Ltd, Hôtel Le Bristol, Hôtels Concorde, Hôtel George V SA, Hôtel Plaza Athénée,

par lesquels les requérantes demandent à la cour, ensemble ou séparément, de

Sur la procédure,

- constater que les droits de la défense comme le principe du contradictoire n'ont pas été respectés, la nature et la portée du grief fondé sur l'échange d'information ayant été modifiées au stade du rapport puis dans la décision de sanction elle-même, et prononcer l'annulation de la procédure et de la décision (société Hôtel Le Bristol, société Meurice Spa),

Sur le fond,

- à titre principal, déclarer la décision attaquée infondée en droit et en fait en ce qu'elle déclare les échanges d'information ayant eu lieu entre les palaces entre 1999 et 2002 comme contraires à l'article L. 420-1 du Code de commerce, l'annuler et annuler la sanction pécuniaire infligée à chacune des requérantes,

- à titre subsidiaire, déclarer la décision du Conseil infondée en ce qu'elle a infligé une sanction pécuniaire à chacune des requérantes, la réformer (société Hôtel Plaza Athénée), dire n'y avoir lieu à prononcer une sanction (sociétés Hôtel George V, Meurice Spa) subsidiairement réduire à de justes proportions cette sanction (société Meurice Spa), ramener la sanction pécuniaire à un euro (sociétés Le Bristol, The Hotel Ritz Ltd), réformer la décision en se fondant sur le chiffre d'affaires du seul Hôtel Crillon (société des hôtels Concorde),

- la société Meurice Spa demandant en outre 10 000 euro pour ses frais irrépétibles,

Vu les observations écrites du Conseil de la concurrence du 28 avril 2006,

Vu les observations écrites du ministre chargé de l'Economie, en date du 27 avril 2006, tendant au rejet des recours,

Vu les observations écrites du Ministère public, mises à la disposition des parties à l'audience,

Ouï à l'audience publique du 20 juin 2006, en leurs observations orales, les conseils des requérantes ainsi que le représentant du ministre chargé de l'Economie et le Ministère public, les requérantes ayant été en mesure de répliquer et ayant eu la parole en dernier.

Sur les pièces déposées par les requérantes devant la cour

Considérant qu'aux termes de l'article 3 du décret n° 87-849 du 19 octobre 1987 modifié,

" La déclaration de recours mentionne la liste des pièces et documents justificatifs produits. Les pièces et documents mentionnés dans la déclaration sont remis au greffe de la cour d'appel en même temps que la déclaration (...)";

Qu'il s'ensuit que la note commune intitulée " Commentaire économique sur la décision du Conseil de la concurrence dans l'affaire des palaces parisiens par le professeur Damien Neven et CRA International " datée du 27 janvier 2006 et versée aux débats par les requérantes, comme les pièces nouvelles qui y sont annexées doivent être déclarées d'office irrecevables, dès lors que ces pièces et documents n'ont pas été mentionnés sur la liste jointe à chacune des déclarations de recours et que leur production n'est pas, justifiée par le respect des droits de la défense;

Sur l'atteinte aux droits de la défense

Considérant que la société Hôtel Le Bristol et la société Meurice Spa soutiennent que la nature et la portée du grief fondé sur l'échange d'information ont été modifiée au stade du rapport puis dans la décision de sanction elle-même, les pratiques visées dans la notification des griefs, qui portaient sur une entente expresse ayant affecté l'autonomie commerciale des sociétés en cause, n'ayant pas été reprises dans le rapport qui écarte au contraire cette entente expresse et ne vise plus l'altération de l'autonomie commerciale des intéressées pourtant retenue dans la décision du Conseil ; qu'elles font valoir que les droits de la défense comme le principe du contradictoire n'ont pas été respectés par le Conseil et demandent à la cour de prononcer l'annulation de la procédure et de la décision;

Considérant qu'il résulte des principes du contradictoire et du respect des droits de la défense, inscrits dans la CESDH et rappelés à l'article L. 463-1 du Code de commerce aux termes duquel l'instruction et la procédure devant le Conseil sont pleinement contradictoires, comme de la jurisprudence nationale et communautaire, que la communication des griefs visée endroit interne par l'article L. 463-2 du même Code doit contenir un exposé des griefs libellé dans des termes suffisamment clairs, fussent-ils sommaires, pour permettre aux intéressés de prendre effectivement connaissance des comportements qui leur sont reprochés par l'autorité de concurrence, et que cette exigence est respectée lorsque la décision ne met pas à la charge des intéressés des infractions différentes de celles visées dans la communication des griefs et ne retient que des faits sur lesquels les intéressés ont eu l'occasion de s'expliquer; que selon l'article 36 du décret du 30 avril 2002 le rapport prévu à l'article L. 463-2 du Code de commerce, également notifié aux parties qui disposent d'un délai de deux mois pour présenter un mémoire en réponse, soumet au Conseil de la concurrence une analyse des faits et de l'ensemble des griefs notifiés, sur lesquels le Conseil doit de toute façon se prononcer sans être lié par les conclusions du rapport;

Qu'en l'espèce, il ressort de la notification des griefs comme du rapport, que les pratiques reprochées aux six palaces portent sur l'échange régulier d'informations confidentielles sur leurs activités et leurs résultats respectifs, cette concertation au demeurant non qualifiée d'expresse ni de tacite dans la notification de griefs ayant permis aux établissements mis en cause d'orienter leurs politiques et leurs stratégies alors qu'ils étaient en concurrence sur le même segment de marché; que ces documents qui leur ont été régulièrement notifiés leur ont fourni une indication claire de la nature de l'infraction reprochée ainsi que des faits essentiels invoqués à cet égard sur lesquels ils ont été en mesure de faire valoir leurs observations et de défendre leurs droits ; qu'enfin il n'est pas prétendu que la décision se soit fondée sur des éléments qui n'auraient pas été soumis au débat contradictoire;

Que ce moyen ne peut qu'être rejeté;

Sur le fond

*sur la délimitation du marché

Considérant que le marché pertinent est le lieu sur lequel se rencontrent l'offre et la demande pour des produits ou des services que le consommateur considère comme interchangeables ou substituables en raison de leurs caractéristiques, de leur prix et de l'usage auquel ils sont destinés;

Considérant que les requérantes contestent l'analyse développée par le Conseil pour déterminer le marché pertinent, et soutiennent que ce marché a été restreint à tort aux six établissements en cause, alors que leur situation n'est pas fondamentalement différente de celle des autres établissements classés dans la catégorie "quatre étoiles luxe " à laquelle appartiennent, notamment, le Grand Hôtel, l'Intercontinental, le Prince de Galles, le Royal Monceau, l'hôtel Scribe, le Lancaster et le Raphaël à Paris, ainsi que d'autres établissements hôteliers de luxe en province et dans certaines capitales étrangères, l'étude du marché de produits et services comme celle du marché géographique auxquelles a procédé le Conseil étant entachées d' erreurs de fait et de droit;

Qu'elles font valoir que le Conseil a mal apprécié la substituabilité de la demande, en refusant de tenir compte de la part importante de la clientèle sensible au prix et du fait que mis à part un très petit nombre de produits, non significatifs, la demande qui s'adresse aux six palaces, elle-même très diversifiée, n'est pas fondamentalement différente de celle que connaissent les autres " quatre étoiles luxe ", l'existence d'un continuum de prix entre l'ensemble des établissements quatre étoiles contredisant l'analyse du Conseil ;

Qu'en ce qui concerne la substituabilité de l'offre, les requérantes critiquent la qualification de " palace " empruntée par le Conseil à la segmentation retenue dans les études de marché du cabinet conseil PKF Hotelexperts, alors que cette notion " mouvante et subjective " ne correspondrait à aucune classification officielle ni à aucun critère objectif établi; qu'elles contestent la pertinence du critère tiré du revenu moyen par chambre -soit le rapport du chiffre d'affaires hébergement au nombre moyen de chambres louées au cours d'une période donnée- qualifié d'arbitraire et de trompeur dès lors qu'il permet à l'autorité de concurrence de séparer les palaces de tous les autres établissements de la catégorie quatre étoiles, alors que les services offerts par l'ensemble de ces établissements, et leurs prix, se caractérisent par une extrême diversité et que pour certaines catégories de produits -les chambres doubles en particulier, les tarifs des " quatre étoiles luxe " et ceux des palaces sont au contraire très proches;

Mais considérant que le Conseil a retenu l'existence d'un marché limité aux six palaces parisiens mis en cause, pour la période considérée, par de justes motifs que la cour fait siens ; qu'il a relevé tout d'abord, en se fondant notamment sur l'analyse du cabinet PKF susvisée, que la demande émane majoritairement d'une clientèle " tourisme " le plus souvent étrangère et très fortunée, peu sensible au prix, pour laquelle le prestige, et l'image de luxe de ces établissements jouent un rôle essentiel, et que cette image provient de la conjonction d'un ensemble de caractéristiques que les six établissements en cause étaient alors seuls à pouvoir réunir, soit une adresse prestigieuse, un personnel nombreux dédié au service de la clientèle, un ensemble de services annexes de luxe, un restaurant de prestige, une proportion de suites élevée dont certaines très prestigieuses par leur taille, leur décoration ou leur histoire;

Que les zones de recouvrement constatées dans les prix pratiqués par les palaces et les autres établissements de la catégorie " quatre étoiles luxe ", pour tel ou tel produit comparable, ne sont pas de nature à contredire l'analyse du Conseil, selon laquelle c'est le cumul de ces critères qui caractérise l'offre des palaces et qu'ils sont les seuls à réunir;

Que les requérantes critiquent à tort le critère du revenu moyen par chambre retenu par le Conseil soit la moyenne des prix effectivement payés par les clients, qui corrobore au contraire les performances des six palaces en cause, par une analyse concrète de leur activité prenant en compte non seulement les prix publics pratiqués par chacun des intéressés mais aussi le taux d'occupation effectif des chambres et la politique tarifaire dite " yield management " adoptée par ces établissement hôteliers haut de gamme autrement dit la tarification en temps réel des chambres en fonction de leur taux d'occupation, les prestations en cause étant par nature périssables; que la moyenne ainsi obtenue s'inscrit environ au double de celle des établissements " quatre étoiles luxe " (600 euro pour le premier groupe contre 300 euro pour le second), l'homogénéité de ces chiffres pour chacune de ces catégories devant être à nouveau soulignée;

Que s'agissant d'entreprises hôtelières, la dimension géographique du marché a été justement circonscrite à la ville de Paris où s'exercent les activités des requérantes, la mobilité de la clientèle des palaces, et l'offre mondiale qui leur est adressée par le biais de groupements tels que " The Leading Hotels of the World " ne permettant pas d'en déduire que cette clientèle serait insensible à la destination comme le soutiennent sans en justifier les requérantes, alors qu'ainsi que le rappelle le Conseil, la ville reste le premier critère de choix des clients des hôtels et qu'aucun élément ne vient corroborer l'affirmation qu'il en irait autrement pour la clientèle " tourisme" elle-même majoritaire pour cette catégorie d'établissements;

Qu'enfin force est de relever que selon leurs propres déclarations lors de l'enquête, les responsables des six établissements en cause estiment constituer un ensemble homogène distinct des autres établissements de la catégorie " quatre étoiles luxe ", justifiant leur surveillance réciproque; qu'à cet égard, il est particulièrement significatif de constater que l'échange régulier d'informations confidentielles relevé par le Conseil n'a concerné que ces six établissements ce qu'ils ne contestent pas;

Qu'il y a lieu, dans ces conditions, de considérer comme l'a fait le Conseil que le marché pertinent était alors constitué par les six établissements parisiens en cause;

* sur les pratiques relevées par le Conseil

Considérant que si la transparence entre les acteurs économiques n'est pas susceptible, sur un marché concurrentiel, de restreindre l'autonomie de décision et par suite la concurrence entre les offreurs au sens de l'article L. 420-1 du Code de commerce compte tenu du caractère atomisé de l'offre et de l'incertitude subsistant pour chacun des opérateurs économiques quant au caractère prévisible du comportement de ses concurrents, il en va autrement sur un marché oligopolistique fortement concentré où l'échange régulier entre les acteurs assurant la majeure partie voire la totalité de l'offre, selon une périodicité rapprochée et systématique, d'informations nominatives, précises et non publiques sur le marché est de nature à altérer sensiblement la concurrence qui subsiste entre les opérateurs économiques dès lors que la mise en commun régulière et rapprochée de ces informations a pour effet de révéler périodiquement à l'ensemble des concurrents les positions sur le marché et les stratégies de chacun d'eux;

Considérant que les requérantes critiquent la décision du Conseil en contestant, tout d'abord, la structure oligopolistique du marché en cause, son caractère collusif et la stratégie d'équilibre qui en résulte, faisant valoir que le marché même réduit aux six palaces en cause ne peut être qualifié d'oligopole en raison de l'opacité tarifaire, de l'hétérogénéité des produits, de l'absence d'objectifs communs à une stratégie d'équilibre, de l'instabilité de la demande et de la perméabilité du marché, ajoutant que l'un des éléments essentiels d'un oligopole collusif soit la menace de représailles par les autres membres de l'oligopole, fait également défaut ; qu'elles soutiennent, ensuite, que les informations en cause, constituées de moyennes générales établies a posteriori sans que soient distinguées les catégories de chambres n'ont pas de caractère précis, ni stratégique, ni même sensible, qu'elles ne sont pas davantage confidentielles et ne peuvent être qualifiées de secrets d'affaires puisqu'elles sont disponibles sur Internet et que, dans ces conditions, il n'est pas établi en quoi la transparence du marché aurait été artificiellement augmentée et l'autonomie commerciale des établissements en cause, restreinte ; qu'elles font valoir, enfin, que les informations échangées n'ont eu ni pour effet ni pour objet d'altérer le jeu de la concurrence, du fait en particulier du caractère hétérogène de l'offre, de la variété et de la spécificité des produits offerts sur ce marché et de la faible sensibilité au prix de la clientèle, ajoutant qu'en tout état de cause le seuil de sensibilité ne serait pas atteint du fait du petit nombre de chambres concerné au regard du marché parisien voire mondial des hôtels de luxe;

Mais considérant que le Conseil a fait une exacte analyse du marché pertinent ainsi qu'il a été vu ci-avant et décidé, par de justes motifs que la cour adopte, qu'il avait la structure d'un oligopole fortement " concentré" ; qu'il a relevé, en particulier, le faible nombre de ses acteurs qui ont tous participé aux pratiques relevées dans la décision attaquée, la stabilité de leurs positions sur ce marché, l'homogénéité des produits et services offerts, l'existence d'une structure de coûts similaire caractérisée par des coûts fixes élevés, ainsi que celle de fortes barrières à l'entrée, ne serait-ce qu'en raison du coût représenté par la création d'un établissement de même catégorie offrant un ensemble de prestations similaires et du temps nécessaire à la construction d'une image de marque;

Que les informations échangées entre les seuls palaces parisiens mis en cause, nominatives et non publiques, ne pouvaient être assimilées aux données agrégées publiées par les professionnels du secteur; que le caractère systématique, régulier et rapproché de ces échanges hebdomadaires et mensuels, voire annuels, confirmé par les documents saisis lors de l'enquête (points 61 à 63 de la décision) ne fait pas l'objet de contestations, les périodes concernées par certains de ces documents ayant établi l'ancienneté de ces pratiques que les données échangées, qui concernaient l'activité de chacun des palaces (points 51 à 60 de la décision) et portaient notamment sur leur taux d'occupation, sur le prix moyen par chambre louée -soit le rapport entre le chiffre d'affaires hébergement HT et le nombre de chambre louées-, et sur le revenu moyen par chambre disponible (revpar) -soit le rapport entre le chiffre d'affaires hébergement ht et le nombre de chambres disponibles-, étaient confidentielles; qu'elles avaient un caractère stratégique en ce qu'elles permettaient à chacun des membres de l'oligopole de connaître d'une manière précise et immédiate non seulement les performances de ses concurrents, mais aussi les modifications éventuelles de leur politique commerciale, réduisant ainsi de manière significative la concurrence subsistant sur ce marché ainsi que le relève le Conseil (points 230 à 264 de la décision) qu'en particulier, les tableaux récapitulatifs saisis dans les locaux de l'hôtel Meurice, reprenant ces informations pour chacun des six palaces pour les mois de novembre et décembre 2000 ainsi que pour janvier, février et octobre 2001, établissent sa participation aux faits relevés après la réouverture de l'établissement en juillet 2000, et l'exploitation par cette entreprise des données échangées, la directrice commerciale du Meurice ayant confirmé le caractère "quasiment ancestral " de cette pratique (points 73 à 75 de la décision) ; que la critique des requérantes fondée sur l'absence de constatation par le Conseil de "menaces de représailles" prétendument essentielles à sa démonstration, n'est pas pertinente, dès lors que ces échanges, librement consentis, permettaient à chacun des membres de l'oligopole d'exercer une surveillance sur les cinq autres ainsi que le relève justement l'autorité de régulation et n'avaient jamais été remis en cause jusqu'à l'ouverture de l'enquête;

Que la mise en commun de ces données non publiques a assuré une transparence artificielle des paramètres du marché, dès lors caractérisé par un équilibre collusif que souligne la convergence des évolutions du prix moyen des établissements au cours de la même période, constatée par le Conseil dans la décision attaquée (points 267 à 278 de la décision), l'objet et l'effet anticoncurrentiel des pratiques qu'il a relevées étant établis;

Qu'enfin la décision attaquée a relevé, dans ses motifs, que les échanges d'information reprochés avaient pris fin à la suite des visites et saisies effectuées le 4 décembre 2001, aucun grief n'ayant été retenu par le Conseil à ce titre à l'encontre des requérantes pour l'année 2002;

Que les moyens développés par les requérantes ne peuvent qu'être rejetés;

Sur les sanctions

Considérant que la sanction prononcée en application de l'article L. 464-2 du Code de commerce dans sa rédaction issue de la loi du 15 mai 2001, applicable lors des faits, doit prendre en compte, au titre de sa motivation, la gravité des faits reprochés, l'importance du dommage causé à l'économie, la situation individuelle de l'entreprise sanctionnée ; que son montant peut être porté, pour une entreprise, jusqu'à 10 % du chiffre d'affaires mondial hors taxe le plus élevé réalisé au cours de l'un des exercices clos depuis, l'exercice précédant celui au cours duquel les pratiques ont été mises en œuvre;

Considérant que les sociétés Hôtel George V, Hôtel Le Bristol, The Hotel Ritz Limited, Hôtels Concorde et Meurice Spa critiquent les sanctions pécuniaires prononcées à leur encontre; qu'elles font valoir, d'une manière générale, que les six palaces n'ont jamais été sanctionnés antérieurement, que le dommage à l'économie n'est pas établi, la clientèle concernée étant majoritairement étrangère et l'étendue du marché géographique, limitée à la dimension parisienne ; que la société Hôtels Concorde soutient qu'il devait être tenu compte uniquement du chiffre d'affaires réalisé par le Crillon et qu'aucun débat contradictoire n'a eu lieu sur ce point; que la société Meurice Spa rappelle que l'établissement a été fermé en 1999 et au premier semestre 2000;

Mais considérant que les principes d'individualisation de la sanction et de proportionnalité susvisés ont été justement appréciés par le Conseil qui a pris en compte dans sa décision la gravité des pratiques qu'il a constatées, qualifiée de relative en ce que ces pratiques se distinguaient d'une entente expresse sur les prix ou d'une répartition de marchés, et la modération du dommage causé à l'économie en raison de la faible sensibilité des clients des palaces au prix ; qu'il a toutefois relevé en regard de ces éléments propres à modérer le montant des sanctions, l'ancienneté de ces pratiques qui portent sur une période de trois ans non couverte par la prescription;

Que les sanctions prononcées par le Conseil, calculées sur la base du chiffre d'affaires de chacune des sociétés visées dont elles représentent 0,20 % pour quatre d'entre elles et dans le cas de l'hôtel Meurice et du George V, 0,15 %, ont pris en compte leur situation individuelle; qu'il a été tenu compte, en particulier, de la plus faible participation aux pratiques sanctionnées du George V et de l'hôtel Meurice, qui ont été fermés pendant une partie de la période visée par la décision attaquée, le premier jusqu'en décembre 1999, le second jusqu'en juillet 2000;

Qu'enfin la société Hôtels Concorde soutient à tort que seul le chiffre d'affaires de l'hôtel Crillon, qu'elle exploite, devrait être l'assiette du calcul de la sanction prononcée à son encontre et qu'elle a été privée d'un débat contradictoire à cet égard, alors qu'elle ne justifie ni même n'allègue que le Crillon se serait comporté de manière autonome sur le marché, que seul doit être pris en compte le chiffre d'affaires global hors taxe mentionné sur le compte de résultat de l'entreprise et qu'enfin la requérante à laquelle a été demandée la communication de son chiffre d'affaires lors de l'enquête, a été en mesure de faire valoir ses observations sur le montant de la sanction susceptible d'être prononcée parle Conseil, le principe du contradictoire ayant été respecté;

Considérant qu'il convient de rejeter les recours ; que la demande formée par la société Meurice Spa au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ne peut qu'être rejetée;

Par ces motifs, Rejette les recours, Condamne les sociétés requérantes aux dépens.