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Décisions

TPICE, 1re ch. élargie, 18 septembre 1995, n° T-168/94

TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE DES COMMUNAUTES EUROPEENNES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Blackspur DIY Ltd, Kellar, Cohen (Consorts)

Défendeur :

Conseil de l'Union européenne, Commission des Communautés européennes

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mm. Vilaça

Juges :

M. Barrington, M. Kirschner, M. Kalogeropoulos, Mme Tiili

Avocats :

Mes Lasok, Khan, Rabe, Berrisch

TPICE n° T-168/94

18 septembre 1995

LE TRIBUNAL,

Faits et procédure

1 En 1986, la Commission, sur la base d'une plainte déposée par la Fédération européenne de l'Industrie de la brosse et de la pinceauterie (ci-après "FEIBP"), a engagé une enquête, conformément au règlement (CEE) n° 2176-84 du Conseil, du 23 juillet 1984, relatif à la défense contre les importations qui font l'objet d'un dumping ou de subventions de la part de pays non membres de la Communauté Économique européenne (JO L 46, p. 45, remplacé par le règlement (CEE) n° 2423-88 du Conseil, du 11 juillet 1988, JO L 209, p. 1, ci-après "règlement de base"), concernant les importations de certains types de brosses et de pinceaux originaires de Chine. Les parties intéressées en ont été informées par un avis de la Commission publié au Journal officiel des Communautés européennes, le 30 avril 1986 (JO C 103, p. 2). Suite à un engagement de limitation des exportations souscrit par l'exportateur chinois concerné et accepté par le Conseil, la procédure a été clôturée sans institution d'un droit antidumping par la décision 87-104-CEE du Conseil, du 9 février 1987, portant acceptation d'un engagement souscrit dans le cadre de la procédure antidumping concernant les importations de certaines brosses à peindre, à badigeonner, à vernir et similaires, originaires de la République Populaire de Chine, et portant clôture de l'enquête (JO L 46, p. 45, ci-après "décision 87-104").

2 Cette procédure a été toutefois rouverte par la suite, sur la base d'une nouvelle plainte déposée par la FEIBP en mai 1988, portant, cette fois, sur le non-respect des termes de l'engagement souscrit par l'exportateur chinois. Les parties intéressées en ont été informées par la publication, le 4 octobre 1988, d'un avis annonçant la réouverture d'une procédure de mesures antidumping concernant les importations dans la Communauté de certaines brosses à peindre, à badigeonner, à vernir ou similaires, originaires de la République Populaire de Chine (JO C 257, p. 5). Ayant constaté la violation de cet engagement, la Commission, par le règlement (CEE) n° 3052-88, du 29 septembre 1988, instituant un droit antidumping provisoire sur les importations de certaines brosses à peindre, à badigeonner, à vernir et similaires, originaires de la République Populaire de Chine (JO L 272, p. 16, ci-après "règlement n° 3052-88"), a institué un droit antidumping provisoire au taux de 69 % sur le prix net par pièce des produits en cause. Par décision 88-576-CEE, du 14 novembre 1988, le Conseil a abrogé la décision 87-104 (JO L 312, p. 33) et, le 20 mars 1989, par le règlement (CEE) n° 725-89, instituant un droit antidumping définitif sur les importations de brosses et de pinceaux à peindre, à badigeonner, à vernir ou similaires, originaires de la République Populaire de Chine, et portant perception définitive du droit antidumping provisoire institué sur ces importations (JO L 79, p. 24, ci-après "règlement n° 725-89"), il a institué un droit définitif dont le taux était identique à celui du droit provisoire.

3 Le 22 octobre 1991, la Cour, saisie d'une question préjudicielle, au titre de l'article 177 du traité CEE, par le Finanzgericht Bremen, a déclaré le règlement n° 725-89 invalide, au motif que la valeur normale des produits en cause n'avait pas été déterminée d'une manière appropriée et non déraisonnable, au sens de l'article 2, paragraphe 5, sous A), du règlement de base (arrêt Noelle, C-16-90, Rec. p. I-5163). Dans cet arrêt la Cour a estimé que l'entreprise allemande Noelle, importateur indépendant de brosses et de pinceaux, avait apporté, au cours de la procédure antidumping, des éléments suffisants pour "faire apparaître des doutes sur le caractère approprié et non déraisonnable du choix du Sri Lanka comme pays de référence" pour la détermination de la valeur normale et que la Commission et le Conseil n'avaient pas fait "un effort sérieux et suffisant pour examiner si Taïwan pouvait être considéré comme un pays de référence adéquat", comme Noelle l'avait proposé. Suite à cet arrêt, la Commission a repris l'enquête et, par décision 93-325/CEE, du 18 mai 1993, clôturant la procédure antidumping concernant les importations de brosses et de pinceaux à peindre, à badigeonner, à vernir ou similaires originaires de la République Populaire de Chine (JO L 127, p. 15), a finalement clôturé la procédure sans instituer de droit antidumping.

4 En juillet 1988, à savoir deux mois avant l'imposition du droit antidumping provisoire, Blackspur DIY Ltd (ci-après "Blackspur"), société de droit anglais constituée à la même époque avec un capital d'environ 750 000 UKL et avec pour objet social la vente et la commercialisation d'outils destinés aux bricoleurs amateurs (marché du "do-it-yourself"), a passé une première commande d'importation de brosses en provenance de Chine. Le dédouanement de cette cargaison a eu lieu le 5 octobre 1988, mais les autorités douanières du Royaume Uni n'ont réclamé le paiement du droit antidumping qu'après 17 mois, à savoir le 5 mars 1990. En août 1990, Blackspur a été placée en redressement (receivership), puis en liquidation.

5 C'est dans ces circonstances que Blackspur, ainsi que ses directeurs, actionnaires et garants, MM. Steven Kellar, JMA Glancy et Ronald Cohen, ont, par requête déposée au greffe de la Cour le 10 août 1993, introduit le présent recours, au titre de l'article 215, deuxième alinéa, du traité CEE, pour obtenir réparation du manque à gagner et du préjudice qu'ils ont prétendument subis du fait du comportement illégal de la Communauté dans le cadre de l'institution d'un droit antidumping.

6 En application de l'article 4 de la décision 93-350-Euratom, CECA, CEE du Conseil, du 8 juin 1993, modifiant la décision 88-591-CECA, CEE, Euratom instituant le Tribunal de première instance des Communautés européennes (JO L 144, p. 21), l'affaire a été renvoyée, par ordonnance de la Cour du 18 avril 1994, devant le Tribunal, où elle a été inscrite sous le numéro T-168-94.

7 Par décision du Tribunal du 2 juin 1994, le juge rapporteur a été affecté à la première chambre élargie, à laquelle l'affaire a, par conséquent, été attribuée. Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (première chambre élargie) a décidé d'ouvrir la procédure orale sans procéder à des mesures d'instruction préalables. Toutefois, les parties requérantes ont été invitées à répondre à certaines questions écrites et à produire certains documents. Les parties requérantes ont déféré à cette invitation du Tribunal le 8 mai 1995. Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales du Tribunal lors de l'audience publique qui s'est déroulée le 18 mai 1995.

Conclusions des parties

8 Les parties requérantes concluent à ce qu'il plaise au Tribunal :

° constater que la Communauté économique européenne est tenue d'indemniser les parties requérantes pour les pertes subies ;

° condamner la Communauté économique européenne à payer aux parties requérantes les sommes qu'elles réclament ;

Subsidiairement :

° ordonner aux parties :

i) d'informer le Tribunal, dans un délai raisonnable, à fixer par celui-ci à compter de la date de l'arrêt, du montant de l'indemnisation fixé par elles en accord ou, en l'absence d'accord,

ii) de soumettre au Tribunal, dans le même délai, un état du montant du préjudice estimé par elles, chiffres à l'appui, afin que le Tribunal puisse soit décider du montant de l'indemnisation, soit en confier le soin à des experts indépendants nommés par lui ;

° condamner la Communauté économique européenne à verser aux parties requérantes toute somme qui puisse leur être due sur la base du chef de conclusion précédent ;

° condamner la Communauté économique européenne à payer un intérêt sur les montants à verser aux parties requérantes au taux de 9 % ou, subsidiairement, à un taux fixé par le Tribunal ;

° condamner la Communauté économique européenne aux dépens.

9 Le Conseil conclut à ce qu'il plaise au Tribunal :

° rejeter le recours ;

° condamner les requérants aux dépens.

10 La Commission conclut à ce qu'il plaise au Tribunal :

° déclarer le recours irrecevable dans son ensemble ou, à titre subsidiaire, en ce qu'il concerne les deuxième, troisième et quatrième requérants ;

° à titre subsidiaire, rejeter le recours comme non fondé ;

° condamner les requérants aux dépens de l'instance.

Sur la recevabilité

Moyens et arguments des parties

11 La Commission, de même que le Conseil, estime que les requérants n'apportent aucune preuve à l'appui de leurs allégations quant au caractère prétendument illégal des actes et omissions reprochés aux institutions communautaires, ainsi que quant aux pertes qu'ils affirment avoir subies. La démonstration de l'existence d'un lien de causalité direct entre ces actes prétendument illégaux et le préjudice invoqué ferait aussi défaut. Le lien de causalité étant un élément de droit qui doit être suffisamment étayé (arrêt du Tribunal du 10 juillet 1990, Automec/Commission, T-64-89, Rec. p. II-367), les exigences de l'article 38, paragraphe 1, sous C), du règlement de procédure de la Cour quant à la recevabilité de la requête n'auraient ainsi pas été respectées.

12 A titre subsidiaire, la Commission demande que le recours soit également déclaré irrecevable pour autant qu'il est introduit par les deuxième, troisième et quatrième requérants, en tant qu'associés, directeurs et garants de Blackspur. Elle soutient qu'un lien de causalité entre le préjudice que ces derniers prétendent avoir subi et les actes prétendument illégaux commis par les institutions communautaires fait défaut, dans la mesure où les directeurs de Blackspur n'auraient produit aucune preuve établissant que les pertes qu'ils ont prétendument subies, en leur qualité de créanciers, de garants et d'associés de cette dernière, ont été la conséquence directe et naturelle des actes communautaires incriminés.

13 Les requérants estiment que, dans la mesure où leur requête expose le minimum nécessaire des éléments de fait et de droit invoqués, permettant ainsi aux parties au litige d'adopter une position sur le fond de l'affaire et au Tribunal d'exercer ses pouvoirs, les exigences mises à la recevabilité d'un recours sont respectées en l'espèce.

14 En ce qui concerne l'argument de la Commission tiré de l'absence manifeste de lien de causalité entre les actes et omissions reprochés aux institutions communautaires et les pertes subies par les directeurs de Blackspur, les requérants rétorquent qu'il est difficile de soutenir que les effets négatifs qui ont résulté pour les directeurs de Blackspur de la perte d'une partie significative de l'activité commerciale de cette dernière n'étaient liés, d'aucune façon, à l'institution du droit antidumping, déclaré par la suite invalide par la Cour.

15 Ils ajoutent que, s'ils n'ont pas produit les documents concernant les garanties personnelles accordées à Blackspur par ses directeurs ainsi que d'autres documents pertinents à cet égard, c'est parce que l'existence de ces garanties et des paiements qui ont été faits à ce titre est prouvée par un rapport rédigé par un cabinet d'experts-comptables, joint à la requête, et parce que les termes précis de ces garanties sont sans pertinence à l'égard des diverses questions qui font l'objet du présent litige.

Appréciation du Tribunal

16 Le Tribunal estime que la question de la recevabilité est, en l'espèce, étroitement liée au fond du recours et doit être examinée avec celui-ci.

Sur le fond

Moyens et arguments des parties

Sur la faute

17 Les requérants exposent que la Commission et/ou le Conseil ont commis une série de fautes qui, prises individuellement ou dans leur ensemble, engagent la responsabilité extracontractuelle de la Communauté sur la base de l'article 215, deuxième alinéa, du traité, aussi bien au titre de l'activité administrative des institutions défenderesses qu'au titre de leur activité normative.

18 Les requérants reprochent, d'une part, aux institutions défenderesses d'avoir accepté l'engagement de l'exportateur chinois des produits en cause sur une base fausse et/ou illicite et d'avoir pris des mesures illégales en raison du non-respect de cet engagement. Ils reprochent, d'autre part, à la Commission, en premier lieu, de ne pas les avoir informés en temps utile qu'elle menait une enquête sur l'éventuelle violation par l'exportateur chinois de son engagement et qu'elle était en train d'instituer un droit antidumping provisoire ; en deuxième lieu, de ne pas avoir mené une enquête sérieuse et diligente suite à la plainte déposée par la FEIBP en mai 1988, concernant la violation de l'engagement souscrit par l'exportateur chinois ; en troisième lieu, de ne pas avoir engagé immédiatement la procédure prévue par le règlement de base en cas de violation des engagements souscrits par les exportateurs concernés ; en quatrième lieu, de ne pas avoir respecté un délai suffisant entre la réouverture de la procédure et l'institution du droit antidumping provisoire et, enfin, d'avoir fourni à des entreprises concurrentes, membres de la FEIBP, des renseignements confidentiels relatifs à l'institution du droit antidumping provisoire, ainsi que sur son taux et sur la date de sa mise en œuvre.

19 En outre, ils soutiennent que la responsabilité de la Communauté est également engagée eu égard au fait que le règlement n° 3052-88 ayant institué un droit antidumping provisoire sur les importations de brosses en provenance de Chine ainsi que la proposition de la Commission d'instituer un droit antidumping définitif sur ces importations et le règlement n° 725-89, ayant institué un tel droit, d'une part, étaient fondés sur des erreurs de fait et de droit quant à la détermination de la valeur normale des produits en cause et, d'autre part, ont été adoptés dans les circonstances exposées ci-dessus (voir point 18). Il en serait de même en raison de l'abrogation, dans ces mêmes circonstances, de la décision 87-104, portant acceptation de l'engagement de l'exportateur chinois.

20 Enfin, la responsabilité de la Communauté serait également engagée en raison de la prétendue omission des institutions communautaires de prendre les mesures nécessaires afin d'empêcher que le droit antidumping ainsi institué ne soit pas contourné par des importations de brosses à bas prix en provenance de pays autres que la République Populaire de Chine.

21 Les requérants soutiennent, à titre subsidiaire, que, dans le cas où la responsabilité de la Communauté ne saurait être engagée, en l'espèce, que si les actes et omissions reprochés aux institutions communautaires ont constitué une violation grave d'une règle de droit supérieure protégeant les intérêts des particuliers, cette condition est également remplie. En particulier, les actes et omissions reprochés aux institutions communautaires (voir ci-dessus points 18 et 19) auraient constitué des violations du règlement de base et notamment de ses articles 4, 7, paragraphes 1 et 5, 11, paragraphe 1, et 12, paragraphe 1, violations qui devraient être regardées comme étant manifestement graves, compte tenu du fait que les institutions communautaires auraient agi en pleine connaissance de la gravité des conséquences qui en découleraient pour les requérants.

22 Le Conseil et la Commission estiment, en revanche, que l'examen du comportement qui leur est reproché ne révèle aucune illégalité susceptible d'engager la responsabilité de la Communauté.

23 En particulier, les institutions défenderesses font valoir que l'acceptation de l'engagement souscrit par l'exportateur chinois ne saurait être la cause du préjudice allégué des requérants dans la mesure où, d'une part, Blackspur n'avait pas encore été constituée à cette date et/ou, d'autre part, la décision portant acceptation dudit engagement est issue d'une procédure différente de celle ayant abouti à l'adoption du règlement n° 725-89, déclaré invalide par la Cour. Elles soulignent que les mesures prises en raison de la violation des termes de l'engagement précité n'avaient rien d'illégal et refusent d'admettre qu'elles avaient une obligation quelconque d'informer Blackspur qu'une enquête avait été ouverte suite à la violation dudit engagement. En ce qui concerne le caractère prétendument tardif de la réouverture de la procédure, elles considèrent qu'une période d'un peu moins de cinq mois, comme celle qui s'est écoulée entre le dépôt de la plainte de la FEIBP et la réouverture de la procédure, ne saurait en aucune manière être considérée comme excessive.

24 En outre, le Conseil et la Commission contestent que l'article 10, paragraphe 6, du règlement de base oblige les institutions communautaires à laisser s'écouler un délai entre la réouverture d'une procédure antidumping et l'institution d'un droit antidumping provisoire. Pour ce qui est de la prétendue divulgation, par les institutions communautaires aux entreprises membres de la FEIBP, d'informations confidentielles concernant l'institution d'un droit antidumping provisoire, le Conseil et la Commission soutiennent que les requérants n'ont étayé leurs affirmations d'aucun élément de preuve.

25 Quant à la prétendue illégalité du règlement n° 3052-88, les institutions communautaires font valoir que cette illégalité ne saurait être déduite de celle du règlement n° 725-89, dès lors que ces deux actes étaient issus de procédures différentes. Ils font valoir, en outre, que la responsabilité extracontractuelle de la Communauté ne saurait être engagée du fait de l'adoption du règlement n° 725-89 parce qu'aucune des conditions permettant d'engager la responsabilité de la Communauté du fait d'un acte normatif n'est remplie en l'espèce. Enfin, quant à la prétendue omission des institutions communautaires de prendre des mesures évitant que le droit antidumping institué sur les brosses en provenance de Chine ne soit contourné, le Conseil et la Commission soulignent que ces allégations ne sont étayées d'aucune preuve et que, en tout état de cause, aucune plainte n'a été déposée à cet effet.

Sur le préjudice

26 Les requérants soutiennent que le préjudice subi par Blackspur correspond aux bénéfices que cette dernière aurait pu réaliser en vendant des brosses originaires de Chine, à savoir, 586 000 UKL, si les institutions communautaires n'avaient pas eu le comportement qui leur est reproché.

27 S'agissant du préjudice subi par les directeurs de Blackspur, les requérants demandent d'abord l'indemnisation de la perte de leurs apports en capital, au total 555 855 UKL, répartie entre eux comme suit: M. Kellar, 460 098 UKL, M. Glancy, 86 026 UKL, et M. Cohen, 9 731 UKL. Ils demandent ensuite que les directeurs de Blackspur soient aussi indemnisés en tant que garants pour les pertes qu'ils ont subies du fait de l'exécution des garanties personnelles données au banquier de Blackspur pour le montant non recouvré de sa dette, à savoir 542 898,68 UKL, majoré des intérêts et des frais liés à la nomination de syndics. Enfin, ils soutiennent que, en tant qu'associés de Blackspur, ils devraient être indemnisés de la perte de la valeur de leur participation à une société qui aurait pu être prospère. Sur la base des bénéfices, avant impôt, estimé en août 1992, pour l'année terminée, à 803 000 UKL, d'un taux d'imposition de 33 % et d'un rapport bénéfices/recettes de 7, les requérants fixent ainsi la valeur de Blackspur à 3 766 000 UKL. A l'appui de leurs calculs, les requérants produisent un rapport établi par un cabinet d'experts-comptables.

28 La Commission conteste le droit des requérants d'être indemnisés en faisant valoir que, selon la jurisprudence de la Cour, les pertes qui découlent d'un dépôt de bilan constituent un préjudice trop éloigné du comportement prétendument illégal des institutions communautaires pour être réparées au titre de l'article 215, deuxième alinéa, du traité (arrêt de la Cour du 4 octobre 1979, Dumortier frères EA/Conseil, 64-76 et 113-76, 167-78 et 239-78, 27-79, 28-79 et 45-79, Rec. p. 3091). En outre, même s'il était établi que l'institution du droit antidumping a pu avoir un effet négatif sur les activités de Blackspur, ce serait d'autres facteurs qui auraient finalement contraint Blackspur à cesser ses activités.

29 En ce qui concerne les pertes qu'auraient subies les directeurs de Blackspur, la Commission souligne qu'il s'agit de pertes découlant de l'incapacité de Blackspur d'honorer ses dettes, de sorte qu'un tel préjudice ne serait qu'une conséquence indirecte de l'institution du droit antidumping en cause.

30 Par ailleurs, la Commission souligne que, dans le cas où les pertes prétendument subies par Blackspur seraient indemnisées, ses associés ainsi que ses garants en bénéficieraient en fonction de leurs droits sur ses actifs. Si les demandes de dommages et intérêts formés par les deuxième, troisième et quatrième requérants étaient accueillies, ces pertes seraient donc indemnisées plus d'une fois. Leurs demandes de dommages et intérêts ne sauraient donc être accueillies.

31 Quant au montant du préjudice, la Commission soutient, en ce qui concerne Blackspur, que les requérants n'ont produit aucune preuve pour démontrer que cette dernière aurait pu vendre les brosses importées et réaliser une marge de bénéfice brut de 40 %. Elle rappelle ensuite que des bénéfices à caractère aléatoire et spéculatif ne sauraient être pris en compte pour le calcul des dommages et intérêts (arrêt de la Cour du 14 juillet 1967, Kampffmeyer E.A./Commission, 5-66, 7-66 et 13-66 à 24-66, Rec. p. 317). Enfin, selon la Commission, les requérants devraient, de toute façon, déduire de leur demande de dommages et intérêts les sommes qu'ils auraient pu obtenir en important des brosses d'autres pays ou en s'orientant vers d'autres activités (arrêt de la Cour du 19 mai 1992, Mulder E.A./Conseil et Commission, C-104-89 et C-37-90, Rec. p. I-3061).

32 Le Conseil conteste la valeur probante du rapport rédigé par le cabinet d'experts-comptables qu'ont produit les requérants, au motif qu'il a été établi uniquement sur la base d'informations fournies par la direction de Blackspur. Il souligne, en outre, de même que la Commission, que les requérants n'expliquent pas sur quelles bases repose le calcul de la marge bénéficiaire qui a été retenue de 40 % ainsi que celui de la valeur commerciale de Blackspur.

33 Les requérants répliquent que le principe défini par la Cour dans l'arrêt Dumortier frères E.A./Conseil, précité, ne s'applique pas dans la présente affaire, parce que le préjudice qu'ils ont subi est une conséquence suffisamment directe des comportements incriminés des institutions défenderesses. Quant aux estimations contenues dans le rapport du cabinet d'experts-comptables qu'ils produisent, les requérants invitent le Tribunal à ordonner les mesures d'instruction nécessaires afin de vérifier leur exactitude.

Sur le lien de causalité

34 Les requérants soutiennent que c'est en raison de l'institution du droit antidumping provisoire dans les conditions décrites ci-dessus (voir points 18 et 19) que Blackspur a été, finalement, écartée du marché, étant donné que le développement des ventes de ses autres lignes de produits n'a pas été suffisant pour compenser les pertes qu'elle a subies dans le secteur des brosses à peindre originaires de Chine et pour empêcher son banquier, suite aux mauvais résultats qu'elle a enregistrés, de demander la nomination de syndics, en août 1990, pour procéder à sa liquidation.

35 En particulier, les requérants considèrent que, dans la mesure où le plan commercial de Blackspur prévoyait une marge bénéficiaire brute de 40 % sur les ventes des brosses originaires de Chine, l'institution d'un droit antidumping au taux de 69 % ne pouvait que rendre déficitaires ces ventes. Il incomberait ainsi aux institutions défenderesses de prouver l'existence d'une autre raison quelconque qui aurait provoqué les pertes subies par Blackspur.

36 Le Conseil fait observer que Blackspur n'a, en réalité, importé qu'un seul lot de brosses originaires de Chine, qui a été dédouané le 5 octobre 1988. En particulier, le Conseil se réfère à une lettre adressée par le troisième requérant à un membre du Parlement européen, dont il ressortirait que Blackspur avait décidé d'importer des brosses en provenance de Chine en contrepartie d'un excédent commercial qu'elle connaissait avec ses partenaires chinois. Le Conseil en conclut que Blackspur ne s'est jamais engagée réellement dans l'importation de brosses en provenance de Chine et attire l'attention sur le fait que les requérants n'ont pas expliqué quelles ont été les activités de Blackspur entre octobre 1988 et août 1990.

37 Enfin, le Conseil se demande pourquoi Blackspur n'a pas cherché à substituer des importations de brosses bon marché en provenance d'autres pays à ses importations de brosses originaires de Chine, comme ses concurrents l'auraient fait, et conclut qu'il n'existe ainsi aucun lien de causalité entre les mauvais résultats enregistrés par Blackspur et l'institution du droit antidumping provisoire.

Appréciation du Tribunal

38 Le Tribunal rappelle, à titre liminaire, que, selon une jurisprudence constante, l'engagement de la responsabilité de la Communauté dans le cadre de l'article 215, deuxième alinéa, du traité est subordonnée à la réunion d'un ensemble de conditions en ce qui concerne l'illégalité du comportement reproché aux institutions communautaires, la réalité du dommage et l'existence d'un lien de causalité entre le comportement de l'institution concerné et le préjudice allégué (voir les arrêts de la Cour du 27 mars 1990, Grifoni/CEEA, C-308-87, Rec. p. I-1203, point 6, du 7 mai 1992, Pesquerias De Bermeo et Naviera Laida/Commission, C-258-90 et C-259-90, Rec. p. I-2901, point 42, et du 15 septembre 1994, KYDEP/Conseil et Commission, C-146-91, Rec. p. I-4199, point 19).

39 Le Tribunal estime que, en l'espèce, il convient de commencer son examen par la question de l'existence d'un lien de causalité entre le comportement prétendument illégal des institutions communautaires et le préjudice invoqué par les requérants.

40 A cet égard, le Tribunal rappelle que, selon la jurisprudence de la Cour, un lien de causalité au sens de l'article 215, deuxième alinéa, du traité, est admis lorsqu'il existe un lien direct de cause à effet entre la faute commise par l'institution concernée et le préjudice invoqué, lien dont il appartient aux requérants d'apporter la preuve (voir les arrêts de la Cour du 14 juillet 1961, Société commerciale Antoine Vloeberghs/Haute Autorité, 9-60 et 12-60, Rec. p. 391, du 12 juillet 1962, Worms/Haute Autorité, 18-60, Rec. p. 377, 401, du 16 décembre 1963, Société des Aciéries du Temple/Haute Autorité, 36-62, Rec. p. 583, 601, 602, du 4 octobre 1979, DGV e.a./Conseil et Commission, 241-78, 242-78, 245-78 à 250-78, Rec. p. 3017, 3040 et suivantes, du 30 janvier 1992, Finsider e.a./Commission, C-363-88 et C-364-88, Rec. p. I-359, point 25, et du 18 mai 1993, Commission/Stahlwerke Peine-Salzgitter, C-220-91 P, Rec. p. I-2393).

41 En l'espèce, les requérants soutiennent que le préjudice subi par la requérante Blackspur, qu'ils estiment à 586 000 UKL, consiste dans la perte des bénéfices qu'elle aurait réalisés sur les ventes de brosses en provenance de Chine, lesquelles représentaient la moitié de son chiffre d'affaires, si elle n'avait pas été mise en liquidation en raison du comportement prétendument fautif des institutions communautaires et, en particulier, en raison de l'institution d'un droit antidumping d'un taux supérieur à celui de la marge de bénéfice qu'elle réalisait sur ces ventes (voir ci-dessus point 35).

42 Le Tribunal estime que les allégations des requérants, selon lesquelles les ventes de brosses à bas prix en provenance de Chine représentaient la moitié du chiffre d'affaires de Blackspur et que la perte de ce débouché commercial a été la cause principale des mauvais résultats financiers qu'elle a enregistrés et qui l'ont conduite à sa liquidation, ne peuvent pas être accueillies.

43 A cet égard, le Tribunal relève, à titre liminaire, que, en réponse à sa demande de produire les bilans de Blackspur pour les années 1988-1989 et 1989-1990 afin d'établir le bien-fondé de ces allégations, les requérants ont répondu qu'ils n'étaient "plus en possession des documents concernant le chiffre d'affaires de Blackspur". Le Tribunal considère que, si les directeurs et associés de Blackspur pouvaient, éventuellement, faire valoir qu'ils n'étaient plus en possession des documents pertinents concernant le chiffre d'affaires de Blackspur pour les années en cause, compte tenu de la nomination de syndics et de la poursuite de la procédure de liquidation, il n'en va pas de même pour la partie requérante Blackspur. En effet, le tribunal relève que, par lettre en date du 25 mars 1993, le cabinet en charge de la liquidation de Blackspur a consenti à ce que les avocats de cette dernière introduisent en son nom, en tant que liquidateur de Blackspur, le présent recours. Dans ce cas, on ne saurait accepter que le liquidateur de la requérante Blackspur n'ait pas été en mesure de produire les documents concernant la situation financière de la requérante, et il ne saurait incomber au Tribunal de se substituer à celle-ci en ordonnant la production de tels éléments de preuve.

44 Toutefois, le Tribunal constate que les requérants ont produit, en revanche, une lettre concernant les résultats financiers de Blackspur pour les périodes 1988-1989 et 1989-1990, rédigée par un cabinet d'experts-comptables, à l'attention de la deuxième partie requérante M. Kellar, directeur de Blackspur. En admettant que ce document puisse être regardé comme reflétant fidèlement la situation financière de Blackspur pour les périodes concernées, telle qu'elle résulterait d'un bilan établi en bonne et due forme, il convient d'examiner si les allégations des requérants en ce qui concerne la cause du préjudice prétendument subi par Blackspur sont suffisamment étayées par le contenu de ce document.

45 En ce qui concerne, en premier lieu, l'allégation selon laquelle les ventes de brosses importées de Chine auraient représenté la moitié du chiffre d'affaires de Blackspur, le Tribunal constate qu'il ressort de l'annexe 22 à la réplique, consistant en un résumé des positions de Blackspur concernant ses importations en provenance de Chine, que, d'une part, entre la date de sa constitution, en juillet 1988, et août 1990, date de l'ouverture de la procédure ayant conduit à sa mise en liquidation, Blackspur n'a importé qu'un seul lot de brosses en provenance de Chine, au mois de juillet 1988, d'une valeur totale de 40 948,38 UKL, pour lequel le droit antidumping provisoire à acquitter était de l'ordre de 18 116,83 UKL. D'autre part, ainsi qu'il ressort de la lettre susmentionnée du cabinet d'experts-comptables, pendant la période allant du 1er juillet 1988 au 31 août 1989, Blackspur a réalisé un chiffre d'affaires de 1 435 384 UKL.

46 Il ressort ainsi des pièces versées au dossier que Blackspur n'a pas effectué d'importations de brosses en provenance de Chine avant l'institution du droit antidumping litigieux et que l'affirmation de la requérante, selon laquelle les importations de brosses en provenance de Chine constituaient, pendant la période ayant précédé l'imposition du droit antidumping, la moitié de son chiffre d'affaires n'est corroborée par aucun élément de preuve. Dans ces conditions, on ne saurait admettre que c'est la perte alléguée du débouché commercial représenté par les ventes de brosses originaires de Chine qui aurait été la cause principale des mauvais résultats financiers ayant conduit Blackspur à sa mise en liquidation.

47 Toutefois, à supposer même que cette affirmation de la requérante puisse être retenue aux fins de la suite du raisonnement du Tribunal, celui-ci constate que, ainsi qu'il ressort de la lettre susmentionnée du cabinet d'experts-comptables, 40,44 % du chiffre d'affaires que Blackspur a réalisé pendant la période du 1er juillet 1988 au 31 août 1989 (1 435 384 UKL) provenait des ventes de brosses d'une valeur totale de 580 503 UKL. Le Tribunal relève que cette constatation est en contradiction avec l'affirmation des requérants, selon laquelle c'est en raison de l'institution du droit antidumping que Blackspur n'a pas pu trouver d'autres sources d'approvisionnement alternatives et s'est vue, par conséquent, contrainte de se retirer du marché des ventes de brosses à bas prix. Il ressort également de la lettre susmentionnée que, si, pendant la période suivante (du 1er septembre 1989 au 31 juillet 1990), le pourcentage des ventes de brosses a baissé, passant de 40,44 à 3,01 %, le chiffre d'affaires de Blackspur a, en revanche, connu une augmentation significative de l'ordre de 30 %, ayant atteint 1 864 016 UKL.

48 Il résulte de ce qui précède que la perte alléguée du débouché commercial représenté par la vente de brosses originaires de Chine, même si elle a pu avoir comme effet de réduire le chiffre d'affaires réalisé sur ce produit lors de l'exercice 1989-1990, n'a aucunement empêché, en fait, Blackspur de poursuivre ses activités commerciales et même d'accroître considérablement son chiffre d'affaires lors de l'exercice 1989-1990, période qui a immédiatement précédé l'ouverture de la procédure ayant conduit à sa mise en liquidation. Le Tribunal constate que la lettre susmentionnée du cabinet d'experts-comptables ne contient aucune référence, indication ou explication, de nature à lui permettre de déterminer dans quelle mesure les résultats financiers enregistrés par Blackspur pendant la période 1988-1989 ont été influencés, ainsi qu'elle l'allègue, par la perte du marché des brosses à bas prix ni les raisons pour lesquelles le chiffre d'affaires que Blackspur a réalisé pendant les années 1988-1989 et 1989-1990 n'a pas été suffisant pour lui permettre d'exécuter le plan commercial approuvé par son banquier et d'éviter ainsi que ce dernier demande la nomination de syndics. Dès lors, et en l'absence de tout autre élément de preuve apporté par les requérants duquel ressortiraient les causes des mauvais résultats financiers prétendument enregistrés par Blackspur ainsi que les motifs précis de l'ouverture, en août 1990, à la demande de son banquier, d'une procédure ayant conduit à la mise en liquidation de Blackspur, il ne saurait être admis que la mise en liquidation de cette dernière ait été due à de mauvais résultats financiers entraînés par la cessation de ses ventes de brosses originaires de Chine, qui l'aurait privée de bénéfices estimés par les requérants à 586 000 UKL, à la suite de l'institution d'un droit antidumping sur ces brosses, et, encore moins, aux comportements prétendument fautifs des institutions défenderesses dans le cadre de l'institution de ce droit.

49 Enfin, il ne saurait, en tout état de cause, être sérieusement soutenu qu'un lien de causalité direct puisse exister entre la dette douanière de 18 116,83 UKL due au titre du droit antidumping appliqué au lot de brosses importées par Blackspur en juillet 1988, en provenance de Chine, et la mise en liquidation de celle-ci, les requérants n'ayant fourni, au cours de la procédure devant le Tribunal, aucune explication plausible du fait que cette dette d'un montant peu élevé a pu conduire à la liquidation judiciaire d'une société constituée par des apports en capital représentant environ 750 000 UKL (voir ci-dessus point 4).

50 Par conséquent, le Tribunal estime que la mise en liquidation de Blackspur ainsi que le préjudice qui a pu en découler ne sauraient être liés de façon causale à l'institution d'un droit antidumping sur les brosses en provenance de Chine et aux diverses illégalités qui, selon les requérants, auraient été commises par les institutions défenderesses dans le cadre de la procédure antidumping concernée. Dès lors, en l'absence manifeste d'un lien de causalité, établi par les requérants, entre le préjudice allégué et le comportement prétendument fautif des institutions communautaires, le recours en indemnité de Blackspur doit être rejeté, sans qu'il soit nécessaire de se prononcer sur sa recevabilité et sur la réunion, en l'espèce, des autres conditions nécessaires pour que la responsabilité extracontractuelle de la Communauté soit engagée.

51 Il convient d'examiner, ensuite, la demande de réparation du préjudice que prétendent avoir subi les autres requérants, en leur qualité de directeurs de Blackspur, en raison de la perte de leur apport en capital à cette société à cause de sa mise en liquidation, en leur qualité de garants de celle-ci, du fait que, à la suite de la liquidation de Blackspur, ils ont été appelés à honorer les garanties personnelles qu'ils auraient consenties à leur société pour le montant non recouvré de sa dette ainsi qu'en leur qualité d'associés de Blackspur, en raison de la perte de valeur de leur participation au capital d'une société qui aurait pu être prospère.

52 A cet égard le Tribunal estime que, dans la mesure où, ainsi qu'il vient d'être constaté, il n'est pas établi que la mise en liquidation de Blackspur présente un lien causal direct avec le comportement prétendument fautif des institutions défenderesses, il ne peut, non plus, exister un lien de causalité direct entre les préjudices que les requérants susmentionnés font valoir et le comportement fautif reproché aux institutions communautaires. Il convient d'ajouter que, ainsi qu'il résulte, par ailleurs, de la jurisprudence de la Cour, les pertes entraînées par un dépôt de bilan constituent un préjudice indirect et éloigné, de sorte que la Communauté ne serait tenue de réparer toute conséquence qui en découle (arrêt Dumortier frères e.a./Conseil, précité, point 21).

53 Par conséquent, en l'absence d'un lien de causalité direct suffisamment établi entre le comportement reproché par les requérants aux institutions défenderesses et les préjudices allégués, le recours en indemnité introduit par les deuxième, troisième et quatrième requérants, en leur qualité de directeurs, associés et garants de Blackspur, doit être, également, rejeté, sans qu'il soit, non plus, nécessaire (voir ci-dessus point 50) d'examiner si leur recours est recevable et si les autres conditions requises pour que la responsabilité extracontractuelle de la Communauté puisse être engagée, à savoir, l'illégalité du comportement reproché aux institutions communautaires et la réalité du dommage invoqué, sont réunies en l'espèce.

54 Il résulte de ce qui précède que le recours doit être rejeté dans son ensemble.

Sur les dépens

55 Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. Les requérants ayant succombé en leurs conclusions, il y a lieu de les condamner à supporter leurs propres dépens ainsi que ceux exposés par le Conseil et la Commission qui ont conclu en ce sens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre élargie)

Déclare et arrête :

1) Le recours est rejeté.

2) Les requérants sont condamnés solidairement aux dépens.