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Décisions

TPICE, 1re ch. élargie, 11 juillet 1996, n° T-161/94

TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE DES COMMUNAUTES EUROPEENNES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Sinochem Heilongjiang

Défendeur :

Conseil de l'Union européenne, Commission des communautés européennes

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Saggio

Juges :

MM. Bellamy, Kalogeropoulos, Ramos, Mme Tiili

Avocats :

Mes Sinan, Rabe

TPICE n° T-161/94

11 juillet 1996

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (première chambre élargie),

Faits à l'origine du recours

1 En 1982, le Conseil a institué un droit antidumping définitif sur les importations dans la Communauté d'acide oxalique originaires de la République Populaire de Chine et a perçu définitivement les montants garantis à titre de droit provisoire sur l'acide oxalique originaire de la République Populaire de Chine et de la Tchécoslovaquie [règlement (CEE) n° 1283-82, du 17 mai 1982, JO L 148, p. 37].

2 Entamée en 1987, la procédure de réexamen des mesures antidumping s'est achevée le 12 décembre 1988 par la décision 88-623-CEE de la Commission, portant acceptation des engagements souscrits, dans le cadre de la procédure de réexamen concernant les importations d'acide oxalique originaires de Chine et de Tchécoslovaquie (JO L 343, p. 34). L'engagement relatif aux importations d'acide oxalique originaires de la République Populaire de Chine a été pris par la société Sinochem Beijing. Cet engagement couvrait, selon l'interprétation des institutions communautaires, l'ensemble des exportations d'acide oxalique en provenance de la République Populaire de Chine.

3 En 1990, la Commission a reçu une plainte de la société Destilados Agricolos Vimbodi SA (ci-après "DAVSA"), demandant le réexamen des mesures antidumping relatives aux importations d'acide oxalique originaires de la République Populaire de Chine et de la Tchécoslovaquie, ainsi qu'une demande d'ouverture d'une procédure à l'encontre des importations d'acide oxalique originaires de l'Inde.

4 A la suite de cette plainte, la Commission a envoyé un questionnaire aux exportateurs chinois, tchécoslovaques et indiens dont elle connaissait l'existence. Ce questionnaire était accompagné, entre autres, par une lettre avisant les exportateurs qu'au cas où ils ne fourniraient pas les informations demandées la Commission pourrait baser sa décision sur les "données disponibles", au sens de l'article 7, paragraphe 7, sous b), du règlement (CEE) n° 2423-88 du Conseil, du 11 juillet 1988, relatif à la défense contre les importations qui font l'objet d'un dumping ou de subventions de la part de pays non membres de la Communauté Économique européenne (JO L 209, p. 1, ci-après "règlement de base").

5 Les deux seuls exportateurs chinois connus de la Commission étaient China National Medicine and Health Products Import/Export Corporation et Sinochem Beijing. La première société n'a pas répondu au questionnaire. Quant à Sinochem Beijing, elle a informé la Commission que, d'une part, elle n'avait pas enfreint son engagement de 1988, et que, d'autre part, à la suite de la réforme du système du commerce extérieur chinois, de nombreux exportateurs ne dépendaient plus d'elle depuis le début de 1988 et étaient en mesure d'exporter de l'acide oxalique vers la Communauté à des prix qui pouvaient être inférieurs au prix fixé dans l'engagement.

6 A la demande de la Commission d'envoyer le questionnaire aux autres exportateurs, Sinochem Beijing a opposé un refus et a suggéré à la Commission de s'adresser à la chambre de commerce chinoise des importateurs et exportateurs de métaux, de minéraux et de produits chimiques. La Commission a obtenu de la chambre de commerce une liste d'exportateurs et de producteurs d'acide oxalique, auxquels elle a envoyé un questionnaire et une lettre identiques à ceux que Sinochem Beijing avait reçus.

7 La requérante est le seul exportateur chinois qui ait répondu, par lettre datée du 24 décembre 1990. La Commission a réagi par un télex du 27 février 1991 ainsi rédigé: "[C]onsidérant que votre réponse au questionnaire [...] est très incomplète et insuffisante, en particulier sur le point essentiel qui concerne vos ventes à la Communauté pendant les premiers huit mois de l'année 1990 et vos conditions de vente, nous vous informons que la Commission a l'intention de procéder à ses constatations sur la base des faits disponibles, conformément à l'article 7, paragraphe 7, point b) du règlement [de base]". La requérante n'a pas répondu à ce télex.

8 Par le règlement (CEE) n° 1472-91, du 29 mai 1991, la Commission a institué un droit antidumping provisoire sur les importations d'acide oxalique originaires de l'Inde et de la République Populaire de Chine (JO L 138, p. 62, ci-après "règlement n° 1472-91"). Au point 13 de ce règlement, la Commission déclare, avec une référence à l'article 2, paragraphe 5, du règlement de base, qu'elle a dû tenir compte du fait que la République Populaire de Chine n'est pas un pays à économie de marché. Au point 22 du règlement n° 1472-91, la Commission explique que "[s]'agissant de la République Populaire de Chine, en l'absence de réponses satisfaisantes à son questionnaire, la Commission a utilisé comme base de ses déterminations provisoires les données disponibles, à savoir les données figurant dans la plainte, les prix utilisés correspondant à ce qui a été fourni par le seul importateur qui a coopéré", et que "sur cette base, la Commission a constaté une sous-cotation moyenne de 25,05 % au cours des huit premiers mois de 1990". Au point 43, la Commission ajoute que "[s]'agissant de la République Populaire de Chine, la Commission a pris en considération le fait que malgré l'existence d'un engagement, ce pays a continué ses pratiques de dumping, qui ont contribué au préjudice important subi par l'industrie communautaire concernée". En conclusion, l'article 1er du règlement n° 1472-91 fixe à 20,3 % le montant du droit antidumping provisoire pour les importations d'acide oxalique originaires de la République Populaire de Chine. L'article 3 dispose que "sans préjudice des dispositions de l'article 7 paragraphe 4 point b) du règlement (de base), les parties intéressées peuvent faire connaître leur point de vue par écrit et demander à la Commission à être entendues avant l'expiration d'un délai d'un mois à compter de l'entrée en vigueur du présent règlement". En application de son article 4, le règlement n° 1472-91 est entré en vigueur le 2 juin 1991.

9 Par télex du 8 juillet 1991 adressé à la Commission, la requérante a demandé qu'une audition soit organisée au plus tard en septembre. Par le même télex, elle a demandé de pouvoir présenter des observations écrites avant cette audition et de consulter le dossier non confidentiel afin de prendre connaissance des données à partir desquelles la Commission a déterminé la marge des droits antidumping provisoires.

10 Avec l'accord de la Commission, la requérante a déposé des observations écrites le 2 septembre 1991, et le 4 septembre 1991 une audition a eu lieu. En revanche, la Commission a refusé de donner accès aux informations que la requérante avait demandées, au motif que cette demande n'avait pas été reçue dans le délai fixé par l'article 7, paragraphe 4, sous c), du règlement de base. La Commission a également déclaré qu'elle n'était pas obligée de tenir formellement compte des observations écrites, au motif qu'elle n'avait pas reçu ces observations dans le délai fixé par l'article 3 du règlement n° 1472-91. Néanmoins, elle a accepté, sur la proposition du conseil de la requérante, de considérer les observations écrites comme un "aide-mémoire".

11 A l'audition, ainsi que dans la correspondance échangée entre la mi-septembre et la fin de novembre 1991, la requérante et la Commission ont maintenu leurs positions respectives. La requérante a maintenu qu'elle avait fourni toutes les informations qui entraient raisonnablement dans le cadre du questionnaire, inclus toutes les factures reflétant ses exportations vers la Communauté pendant la période examinée (1er avril 1989 - 31 août 1990). La Commission, pour sa part, a maintenu que la réponse de la requérante au questionnaire était incomplète et que, partant, la requérante avait manqué à son obligation de coopérer.

12 Par le règlement (CEE) n° 2833-91, du 23 septembre 1991, le Conseil a prorogé le droit antidumping provisoire sur les importations d'acide oxalique originaires de l'Inde et de la République Populaire de Chine pour une période n'excédant pas deux mois (JO L 272, p. 2).

13 Le 5 novembre 1991, la Commission a proposé au Conseil d'instituer un droit antidumping définitif sur les importations d'acide oxalique originaire de l'Inde et de la République Populaire de Chine [COM(91) 437 final].

14 Le 25 novembre 1991, le Conseil a institué, par l'acte attaqué, un droit antidumping définitif sur les importations d'acide oxalique originaires de l'Inde et de la République Populaire de Chine, en confirmant intégralement, en ce qui concerne les importations d'acide oxalique originaires de la République Populaire de Chine, les conclusions faites par la Commission au règlement n° 1472-91.

Procédure

15 C'est dans ces circonstances que, par requête déposée au greffe de la Cour le 27 février 1992, la requérante a introduit son recours. Le recours a été enregistré sous le numéro C-61-92.

16 Par ordonnance du 30 septembre 1992, le président de la Cour a admis la Commission à intervenir dans l'affaire à l'appui des conclusions de la défenderesse.

17 Par lettre du 20 janvier 1994, la requérante a transmis une expertise obtenue d'une université chinoise concernant son statut juridique. Elle a demandé à la Cour de verser au dossier cette expertise.

18 La décision 94-149-CECA, CE du Conseil, du 7 mars 1994, portant modification de la décision 93-350-Euratom, CECA, CEE modifiant la décision 88-591-CECA, CEE, Euratom instituant le Tribunal de première instance des Communautés européennes (JO L 66 p. 29), dispose que, à partir du 15 mars 1994, le Tribunal est compétent pour connaître les recours formés par des personnes physiques ou morales en vertu des articles 173, 175 et 178 du traité CE concernant les mesures prises en cas de dumping et de subventions. Pour cette raison, la Cour a, par ordonnance du 18 avril 1994, renvoyé l'affaire C-61-92 au Tribunal. Le recours a été enregistré au greffe du Tribunal sous le numéro T-161-94.

19 Le Tribunal a accepté de verser au dossier l'expertise transmise par la requérante concernant son statut juridique.

20 Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal a décidé d'ouvrir la procédure orale sans procéder à des mesures d'instruction préalables. Dans le cadre des mesures d'organisation de la procédure, les parties ont toutefois été invitées à répondre par écrit à certaines questions avant l'audience.

21 Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales du tribunal lors de l'audience publique du 23 janvier 1996. A la fin de cette audience, le tribunal a invité la partie requérante à faire parvenir au greffe la licence commerciale dont elle était titulaire au moment de l'introduction du recours. Après avoir reçu ledit document ainsi que les observations des parties défenderesse et intervenante s'y rapportant, le Tribunal a clôturé la procédure.

Conclusions des parties

22 Dans sa requête, la partie requérante conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

° annuler le règlement n° 3434-91 du Conseil, du 25 novembre 1991, instituant un droit antidumping définitif sur les importations d'acide oxalique originaires de l'Inde et de la République Populaire de Chine (JO L 326, p. 6, ci-après "règlement n° 3434-91") ;

° condamner la partie défenderesse aux dépens.

23 La partie défenderesse conclut à ce qu'il plaise au Tribunal :

° déclarer le recours irrecevable ;

° rejeter le recours ;

° condamner la partie requérante aux dépens.

24 Dans sa réplique, la partie requérante conclut à ce qu'il plaise au Tribunal :

° déclarer le recours recevable ;

° annuler le règlement n° 3434-91 dans sa totalité ou pour ce qui concerne la requérante ;

° condamner la partie défenderesse aux dépens.

25 La partie intervenante conclut à ce qu'il plaise au Tribunal :

° rejeter le recours comme irrecevable ou, à titre subsidiaire, comme non fondé.

Sur la recevabilité

26 Les parties défenderesse et intervenante invoquent, en substance, deux moyens d'irrecevabilité. Un premier moyen est relatif à la qualité de personne morale de la requérante. Le second moyen est tiré du fait que la requérante ne serait pas individuellement concernée.

Sur le premier moyen d'irrecevabilité

Arguments des parties

27 Le Conseil et la Commission estiment que le recours est irrecevable, tout d'abord au motif que la requérante ne serait pas une personne morale au sens de l'article 173, deuxième alinéa, du traité CEE. Le défaut de personnalité morale ressortirait du fait que la requérante n'est qu'une succursale locale de Sinochem. Ainsi, elle ferait partie de Sinochem Beijing et ne serait donc pas une entité juridique distincte.

28 Les institutions communautaires soulignent, en outre, que, au moment de l'introduction de son recours, la requérante n'a pas présenté de licence commerciale qui établirait, au sens du droit chinois, sa personnalité juridique. De plus, la licence que la requérante a fait parvenir au tribunal à la demande de celui-ci et dont elle disposait vraisemblablement lors de l'introduction de son recours ne vaudrait pas pour autant comme reconnaissance de sa personnalité morale. A cet égard, les institutions communautaires font observer que ladite licence date d'une période antérieure à l'adoption d'une nouvelle loi chinoise relative aux enregistrements d'entreprises en tant que personnes morales.

29 La requérante réfute la thèse du Conseil et de la Commission selon laquelle elle manquerait d'indépendance pour prendre des décisions en matière commerciale. Elle rappelle que la République Populaire de Chine a connu de profondes mutations économiques qui se sont traduites par une suppression des contrôles que l'État exerçait sur les sociétés effectuant des transactions commerciales. En ce qui concerne le groupe Sinochem, la requérante précise que celui-ci s'est réorganisé en sociétés indépendantes au niveau des provinces, elle-même étant une de ces sociétés, exportant de façon indépendante les produits fabriqués par les usines de la province Heilongjiang à ses propres clients et à des prix qu'elle fixe elle-même, en concurrence avec d'autres sociétés. Il ressortirait d'ailleurs de la procédure administrative à l'origine du recours que la Commission a elle-même considéré la requérante comme un opérateur individuel.

30 Au surplus, la qualité d'entité juridique indépendante de la requérante ressortirait clairement de ses statuts ainsi que de la licence commerciale présentée au tribunal à la demande de celui-ci et datée du 15 avril 1988, à savoir bien avant l'introduction du recours.

Appréciation du tribunal

31 Le tribunal rappelle que la recevabilité d'un recours en annulation, introduit par une entité en vertu de l'article 173 du traité CEE, dépend en premier lieu de sa qualité de personne morale. Il ressort de la jurisprudence de la Cour que, dans le système juridictionnel communautaire, une requérante a la qualité de personne morale si elle a acquis, au plus tard au moment de l'expiration du délai de recours, la personnalité juridique en vertu du droit applicable à sa constitution (arrêt de la Cour du 27 novembre 1984, Bensider e.a./Commission, 50-84, Rec. P. 3991, points 7 et 8), ou si elle a été traitée par les institutions communautaires comme une entité juridique indépendante (arrêts de la Cour du 8 octobre 1974, Union syndicale, Massa et Kortner/Conseil, 175-73, Rec. P. 917, points 11 à 13, et du 8 octobre 1974, Syndicat général du personnel/Commission, 18-74, Rec. P. 933, points 7 à 9).

32 Il convient de rappeler ensuite que l'article 38, paragraphe 5, sous a), du règlement de procédure de la Cour ainsi que l'article 44, paragraphe 5, sous a), du règlement de procédure du Tribunal disposent que si la requérante est une personne morale de droit privé, elle doit joindre à sa requête ses statuts ou un extrait récent du registre du commerce, ou un extrait récent du registre des associations ou toute autre preuve de son existence juridique.

33 Dans le cas d'espèce, la requérante a soumis, à la demande du tribunal, une licence en date du 15 avril 1988 attestant de son enregistrement, par les autorités de la province d'Heilongjiang, en tant qu'entreprise en possession d'un capital propre et d'un système comptable indépendant. Le tribunal estime que ce document a valeur d'extrait apportant la preuve de l'existence juridique de la requérante, au sens des dispositions susmentionnées.

34 A supposer même que, comme l'ont souligné les parties défenderesse et intervenante, seules les entreprises enregistrées conformément à la nouvelle loi chinoise promulguée le 3 juin 1988 et entrée en vigueur le 1er juillet 1988 auraient la personnalité morale, il s'avère néanmoins que la requérante a la qualité de personne morale au sens de l'article 173 du traité CEE, étant donné qu'elle a été traitée par les institutions communautaires comme une entité juridique indépendante lors de la procédure administrative. Ainsi, la Commission a échangé une correspondance abondante avec la requérante et l'a acceptée comme interlocuteur lors de l'audition. Dans ces circonstances, les parties défenderesse et intervenante ne sauraient nier à la requérante, lors de la procédure contentieuse qui a succédé à cette procédure administrative, la qualité de personne juridique indépendante.

35 Il résulte de l'ensemble des éléments susmentionnés que la requérante était, au moment de l'introduction de son recours, une personne morale au sens de l'article 173 du traité CEE.

Sur le second moyen d'irrecevabilité

Arguments des parties

36 Le Conseil et la Commission soutiennent que la requérante n'est pas individuellement concernée par le règlement attaqué, au sens de l'article 173, deuxième alinéa, du traité CEE.

37 A l'appui de cette constatation, ils rappellent que, dans les pays n'ayant pas une économie de marché, les exportateurs dépendent de l'État pour les décisions en matière commerciale, et que, par conséquent, les procédures et les règlements antidumping sont, dans de tels cas, dirigés contre l'État concerné et non contre les différents exportateurs. En effet, l'institution et le calcul des droits antidumping portant sur des produits originaires de pays n'ayant pas une économie de marché ne seraient pas fondés sur les circonstances propres aux exportateurs individuels, mais seulement sur les circonstances propres aux pays concernés. Dans l'hypothèse où l'on déterminerait le droit antidumping pour chaque exportateur individuellement, l'État concerné commencerait aussitôt à exporter exclusivement par l'intermédiaire de l'exportateur qui acquitte le droit antidumping le moins élevé. En l'absence d'un régime individualisé, le Conseil et la Commission estiment que seuls l'État ou les organismes ou entreprises d'État qui sont responsables des exportations du produit en cause peuvent être considérés comme individuellement concernés par l'institution du droit antidumping.

38 Selon la Commission, la requérante ne pourrait échapper à ce principe que dans la mesure où elle démontrerait qu'elle prend, en toute indépendance, les décisions à caractère commercial. Or, les documents que la requérante a joints au recours indiqueraient plutôt le contraire. En particulier, l'article 2 des statuts de la requérante démontrerait que son objectif principal consiste à rapporter à la République Populaire de Chine des devises étrangères. Elle accomplirait donc ses tâches dans le cadre d'une société socialiste, au lieu d'être gérée en fonction des exigences du marché.

39 La Commission ajoute que la participation de la requérante à la procédure antidumping n'est pas suffisante pour faire naître un droit de recours direct devant le juge communautaire. A l'appui de cette thèse, elle cite l'ordonnance du 8 juillet 1987, Sermes/Commission (279-86, Rec. P. 3109, point 19), par laquelle la Cour a jugé que l'argument de la requérante, selon lequel sa participation aux phases successives de l'enquête effectuée par la Commission devrait entraîner la recevabilité de son recours, ne saurait non plus être retenu, dès lors que la distinction entre le règlement et la décision ne peut être fondée que sur la nature de l'acte même et les effets juridiques qu'il produit et non pas sur les modalités de son adoption.

40 Le Conseil remarque que, même si la requérante était un organisme d'État, elle ne serait toujours pas individuellement concernée, puisqu'elle n'est, comme elle l'admet elle-même, qu'un intermédiaire commercial qui exporte des produits fabriqués par d'autres sociétés. En tant qu'intermédiaire, la requérante serait indépendante, puisqu'elle n'est pas liée à un producteur particulier. Or, il serait inutile d'imposer des droits antidumping individuels à des entreprises qui ne sont pas de véritables producteurs-exportateurs, à cause des risques de contournement. En effet, les producteurs commenceraient aussitôt à s'adresser à l'intermédiaire soumis au droit le moins élevé.

41 Le Conseil estime, enfin, que le recours est au surplus irrecevable puisque la requérante a demandé l'annulation du règlement n° 3434-91 dans sa totalité, tandis que ce règlement impose plusieurs droits antidumping, notamment sur les importations d'acide oxalique originaires de la République Populaire de Chine et sur les importations d'acide oxalique originaires de l'Inde. Dans ce contexte, le Conseil souligne qu'il est de jurisprudence constante qu'un règlement imposant des droits antidumping différents, à une série d'entreprises, ne concerne individuellement l'une d'entre elles que par ses seules dispositions qui lui imposent un droit antidumping particulier et en fixent le montant (arrêt de la Cour du 10 mars 1992, Ricoh/Conseil, C-174-87, Rec. P. I-1335). Or, la requérante n'aurait même pas demandé à titre subsidiaire d'annuler le règlement dans la mesure où elle est affectée par le droit antidumping imposé sur les importations d'acide oxalique originaires de la République Populaire de Chine.

42 La requérante estime qu'elle est concernée directement et individuellement par le règlement n° 3434-91. Elle se réfère à l'arrêt du 21 février 1984, Allied Corporation e.a./Commission (239-82 et 275-82, Rec. P. 1005, point 12), dans lequel la Cour a jugé que les actes portant institution de droits antidumping sont de nature à concerner directement et individuellement celles des entreprises productrices et exportatrices qui peuvent démontrer qu'elles ont été identifiées dans les actes de la Commission ou du Conseil ou concernées par les enquêtes préparatoires. La requérante admet que, dans l'affaire citée, les informations fournies par l'entreprise avaient été utilisées par la Commission et le Conseil pour déterminer le montant du droit antidumping, ce qui n'est pas le cas en l'espèce. Toutefois, elle souligne, d'une part, qu'elle a toujours été traitée comme une partie à la procédure par les agents de la Commission chargés de l'affaire, et, d'autre part, que c'est précisément le refus de la Commission et du Conseil d'utiliser les informations qu'elle a fournies qui sont à la base du litige. Or, il serait injuste que les institutions communautaires tirent profit de ce refus pour soustraire au contrôle du juge communautaire l'acte définitif pour lequel ledit refus a été déterminant.

43 Concernant l'argumentation du Conseil selon laquelle des intermédiaires commerciaux indépendants ne sont pas individuellement concernés par les règlements antidumping, la requérante fait remarquer qu'un tel principe signifierait que, dans un système où les producteurs et les exportateurs ne sont pas liés, aucun opérateur ne pourrait introduire un recours devant le juge communautaire, sauf ceux qui sont cités par le règlement ou dont les informations ont été utilisées par les institutions communautaires. Or, selon la requérante, ce principe n'existe pas, ce qui serait d'ailleurs démontré par le fait que le Conseil n'a cité aucun précédent à l'appui de son argumentation.

44 En ce qui concerne le reproche adressé à la requérante, par le Conseil d'avoir demandé l'annulation du règlement n° 3434-91 dans sa totalité, la requérante souligne que, dans l'affaire Ricoh/Conseil citée par le Conseil, il s'agissait de sociétés japonaises auxquelles le Conseil avait imposé des droits antidumping calculés individuellement pour chacune d'entre elles. Or, le raisonnement de la Cour selon lequel une société peut seulement demander l'annulation des dispositions qui lui imposent un droit antidumping particulier serait logique et acceptable dans le contexte de l'affaire citée, mais n'aurait aucun sens dans le cas où un droit antidumping concerne des sociétés d'un pays à économie planifiée comme la République Populaire de Chine. En effet, dans les cas portant sur des produits originaires de pays n'ayant pas une économie de marché, les droits antidumping n'auraient presque jamais été calculés et imposés sur une base individuelle. Si, par conséquent, le raisonnement employé par la Cour dans l'affaire Ricoh/Conseil était appliqué aux sociétés des pays n'ayant pas une économie de marché, on parviendrait au résultat inacceptable qu'aucune d'entre elles ne pourrait introduire un recours direct devant le juge communautaire. La requérante conclut qu'elle ne vise rien d'autre que la modification du règlement n° 3434-91 pour autant qu'il la concerne.

Appréciation du tribunal

45 Le tribunal rappelle liminairement que, s'il est vrai qu'au regard des critères de l'article 173, deuxième alinéa, du traité CEE les règlements instituant des droits antidumping ont effectivement, de par leur nature et leur portée, un caractère normatif, en ce qu'ils s'appliquent à la généralité des opérateurs économiques intéressés, il n'est pas exclu pour autant que leurs dispositions puissent concerner individuellement certains opérateurs économiques (voir l'arrêt de la Cour du 16 mai 1991, Extramet Industrie/Conseil, C-358-89, Rec. P. I-2501, point 13).

46 Ainsi, il a été reconnu que les actes portant institution de droits antidumping sont de nature à concerner directement et individuellement les entreprises productrices et exportatrices qui peuvent démontrer qu'elles ont été identifiées dans les actes de la Commission ou du Conseil ou concernées par les enquêtes préparatoires (voir les arrêts de la Cour Allied Corporation e.a./Commission, précité, point 12, du 23 mai 1985, Allied Corporation e.a./Conseil, 53-83, Rec. P. 1621, point 4, et Extramet Industrie/Conseil, précité, point 15), et, plus généralement, chaque opérateur économique qui peut démontrer l'existence de certaines qualités qui lui sont particulières et qui le caractérisent, au regard de la mesure en cause, par rapport à tout autre opérateur économique (voir l'arrêt Extramet Industrie/Conseil, précité, points 16 et 17).

47 Force est de constater que, en l'espèce, l'entreprise requérante s'est intensivement engagée dans l'enquête préparatoire. Notamment, elle a répondu au questionnaire de la Commission et déposé des observations écrites. En outre, elle s'est déplacée pour se défendre lors d'une audition organisée à cette fin par la Commission. Finalement, elle a échangé une correspondance régulière avec la Commission. Toutes ses informations et arguments ont, par ailleurs, été reçus et évalués par la Commission. Ainsi, il est clair que la requérante a été, tant de son propre point de vue que de celui de la Commission, une partie participante à l'enquête préparatoire et que sa position a été examinée par la Commission dans le cadre de la procédure menant à l'institution du droit antidumping. Contrairement à ce que le Conseil a soutenu lors de l'audience, cette conclusion n'est pas mise en cause par le fait que la Commission a finalement décidé ne pas retenir les informations fournies par la requérante et portant sur le fond de l'affaire.

48 Il résulte de l'ensemble de ces éléments que la requérante a été, au sens de la jurisprudence susmentionnée, concernée par les enquêtes préparatoires. Au surplus, elle est la seule entreprise chinoise à avoir participé à l'enquête, ce qui constitue un élément susceptible de la caractériser, au regard de la mesure issue de l'enquête, par rapport à tout autre opérateur économique.

49 Il ressort de ce qui précède que la requérante est directement et individuellement concernée par le règlement n° 3434-91. Cette conclusion ne saurait être infirmée par le fait que, dans sa requête, la requérante n'a pas explicitement limité son recours à la partie du règlement n° 3434-91 portant sur les importations originaires de la République Populaire de Chine. A cet égard, il convient de constater qu'aucun des moyens et arguments avancés par la requérante ne peut avoir une incidence sur la partie du règlement n° 3434-91 qui concerne les importations originaires de l'Inde. Dans ces circonstances, la requête a implicitement mais clairement comme objet unique l'annulation du règlement n° 3434-91 dans la mesure où la requérante est affectée par le droit antidumping imposé sur les importations d'acide oxalique originaires de la République Populaire de Chine.

50 Il résulte de l'ensemble des considérations qui précèdent que le recours est recevable.

Sur le fond

51 La requérante invoque, en substance, trois moyens. Un premier moyen est tiré d'une violation, par la Commission et le Conseil, des articles 2, paragraphe 8, sous a), et 7, paragraphe 7, sous b), du règlement de base. Un deuxième moyen est tiré d'une violation de l'article 7, paragraphe 4, sous c), du règlement de base et des droits de la défense. Un troisième moyen est tiré d'une violation, par la Commission et le Conseil, de l'article 4, paragraphe 1, du règlement de base.

Premier moyen, tiré d'une violation de l'article 2, paragraphe 8, sous a) du règlement de base et de l'article 7, paragraphe 7, sous b), du règlement de base

Arguments des parties

52 L'article 2, paragraphe 8, sous a), du règlement de base dispose que "[l]e prix à l'exportation est le prix réellement payé ou à payer pour le produit vendu à l'exportation vers la Communauté". L'article 7, paragraphe 7, sous b), du règlement de base prévoit que "[l]orsqu'une partie concernée [...] refuse l'accès aux informations nécessaires ou ne les fournit pas dans un délai raisonnable ou fait obstacle de façon significative à l'enquête, des conclusions préliminaires ou finales, positives ou négatives, peuvent être établies sur la base des données disponibles. Lorsque la Commission constate qu'une partie intéressée [...] l

ui a fourni un renseignement faux ou trompeur, elle peut ne pas tenir compte d'une telle information et rejeter toute demande à laquelle celle-ci se rapporte".

53 La requérante rappelle que sa réponse au questionnaire de la Commission contenait toutes les informations nécessaires, entre autres les factures des ventes effectuées pendant la partie de l'année 1989 qui entrait dans la période de l'enquête, et mentionnait qu'il n'y avait pas eu de ventes en 1990. Par conséquent, la Commission et le Conseil auraient dû déterminer le prix à l'exportation sur la base de l'article 2, paragraphe 8, sous a), du règlement de base, et non sur l'article 7, paragraphe 7, sous b), du règlement de base, qui est seulement applicable si la partie concernée ne coopère pas suffisamment à l'enquête.

54 La requérante estime que chaque exportateur qui a participé à l'enquête a droit à une détermination individuelle, fondée sur les caractéristiques de ses propres ventes à l'exportation. Selon la requérante, le fait que la République Populaire de Chine n'aurait pas une économie de marché ne change rien à ce droit. En effet, la Commission n'aurait jamais été autorisée par une décision du Conseil, prise sur la base de l'article 113 du traité, à poursuivre une politique différente à l'encontre des pays ayant une économie d'État, sauf en ce qui concerne le calcul de la valeur normale, où l'article 2, paragraphe 5, du règlement de base prévoit un traitement différent. Les calculs non individualisés de la Commission produiraient pour certains exportateurs des résultats incompatibles avec l'article 13, paragraphe 3, du règlement de base, qui dispose que le montant du droit antidumping définitif ne peut pas dépasser la marge de dumping établie.

55 En outre, la requérante indique que les "faits disponibles" sur lesquels la Commission et le Conseil se sont basés, à savoir les données figurant dans la plainte, sont inexacts et font preuve de parti pris. Elle précise que, mises à part les données qu'elle a fournies, plusieurs sources, contenant des informations plus exactes et plus objectives que les données contenues dans la plainte, étaient accessibles aux institutions communautaires, à savoir les statistiques d'Eurostat, les données fournies par un importateur, Hunan Bremen, qui a répondu à un questionnaire destiné aux importateurs, et les données fournies par un client, Metallurgie Hoboken Overpelt, qui a répondu au même questionnaire.

56 Le Conseil soutient que la question de savoir si la requérante a coopéré ou non n'est pas pertinente, puisque les institutions communautaires n'étaient en tout cas pas en mesure d'utiliser les informations fournies par la requérante pour déterminer le prix à l'exportation.

57 En effet, les statistiques d'Eurostat indiqueraient qu'il y a eu d'importantes exportations d'acide oxalique de la République Populaire de Chine vers la Communauté en 1990 et que ces exportations se sont effectuées à des prix substantiellement inférieurs à ceux de 1989. Or, vu que la requérante affirme ne pas avoir exporté en 1990 et en l'absence de réponses au questionnaire de la part des autres exportateurs chinois, les institutions communautaires n'auraient simplement pas eu d'autre choix que de déterminer le prix à l'exportation sur la base d'une source non chinoise. Le Conseil soupçonne d'ailleurs que beaucoup d'exportateurs ont décidé de ne pas répondre au questionnaire parce qu'ils espéraient que les institutions communautaires fonderaient leurs conclusions uniquement sur la réponse de la requérante. Le Conseil remarque, en plus, qu'il est douteux que les informations fournies par la requérante soient exactes.

58 Quant à la détermination des informations à utiliser, le Conseil rappelle que les institutions communautaires disposent d'une grande marge d'appréciation pour décider quels renseignements sont considérés comme les "données disponibles". De plus, aucune des sources mentionnées par la requérante ne serait fiable. Les prix figurant dans les statistiques d'Eurostat ne correspondraient pas aux prix réels, comme porteraient à croire les éléments de preuve dont dispose la Commission. Les chiffres fournis par Hunan Bremen ne seraient pas représentatifs non plus, puisque cette société n'a qu'un seul fournisseur chinois avec lequel elle forme une entreprise commune. Quant aux prix mentionnés par Metallurgie Hoboken Overpelt, ils ne pourraient pas être qualifiés de prix à l'exportation, puisque ladite société n'achète pas directement aux exportateurs chinois mais à d'autres importateurs communautaires.

59 La Commission soutient, en premier lieu, que la réponse de la requérante au questionnaire est peu fiable vu les nombreuses contradictions qu'elle contient. Elle se réfère à sa lettre du 8 novembre 1991 pour plus d'explications à ce sujet.

60 En second lieu, la Commission ajoute quelques chiffres corroborant l'argumentation du Conseil relative au manque de représentativité des informations fournies par la requérante. Pendant la période d'enquête, 3 505 tonnes d'acide oxalique auraient été exportées par les chinois vers la Communauté. La requérante n'aurait exporté, selon ses propres informations, que 500 tonnes. Or, il serait impossible de faire des calculs sur la base d'un volume aussi partiel.

61 Enfin, pour ce qui est de la détermination de la source à utiliser, la Commission ajoute aux arguments du Conseil que les chiffres sur la valeur de l'acide oxalique figurant dans les statistiques d'Eurostat n'étaient pas utilisables parce que ces chiffres couvrent également d'autres produits que l'acide oxalique.

Appréciation du Tribunal

62 Le tribunal rappelle, tout d'abord, que la Commission a envoyé un questionnaire à tous les exportateurs chinois d'acide oxalique figurant sur la liste qu'elle a obtenue de la Chambre de commerce chinoise des importateurs et exportateurs de métaux, de minéraux et de produits chimiques, et que seul le questionnaire rempli par la requérante lui a été renvoyé.

63 Il y a lieu de constater, ensuite, que les exportations effectuées par la requérante pendant la période d'enquête, et qui ont été déclarées dans sa réponse au questionnaire, ne constituent qu'une proportion limitée par rapport à l'ensemble des exportations effectuées par les entreprises chinoises pendant la même période. Ainsi, la requérante a déclaré avoir exporté 500 tonnes vers la Communauté pour la période d'enquête qui se déroule en 1989 et a nié avoir effectué des exportations en 1990. Compte tenu du fait que le volume total des exportations chinoises pendant la période d'enquête était de l'ordre de plusieurs milliers de tonnes, le Tribunal considère que les informations fournies par la requérante étaient trop peu représentatives pour permettre aux institutions communautaires de faire des appréciations fiables.

64 Tenant compte du refus de coopération à l'enquête de la part de l'ensemble des entreprises exportatrices chinoises à l'exception de la requérante, et du manque de représentativité des données fournies par la requérante, le tribunal estime que les institutions communautaires ont décidé à bon droit de faire application de l'article 7, paragraphe 7, sous b), du règlement de base et de produire des appréciations en se fondant exclusivement sur des données qui étaient réellement utilisables. Il ressort, en plus, des mêmes circonstances que les institutions communautaires n'étaient pas en mesure de calculer et d'instituer un droit antidumping individuel pour chaque exportateur chinois. A supposer même que l'institution d'un droit antidumping individuel à l'égard de la requérante eût été possible, la juxtaposition, dans le règlement attaqué, d'un droit antidumping individuel applicable à la requérante, d'une part, et d'un autre droit antidumping plus élevé applicable à tous les autres exportateurs chinois, d'autre part, n'était pas envisageable considérant le risque de contournement.

65 En ce qui concerne, ensuite, les sources non chinoises, le tribunal estime que les institutions communautaires n'ont pas commis une erreur manifeste d'appréciation en concluant qu'elles n'étaient pas en mesure de faire des constatations fiables sur la base des statistiques d'Eurostat et des chiffres fournis par les entreprises Hunan Bremen et Metallurgie Hoboken Overpelt. A cet égard, il convient de constater que les institutions communautaires ont étudié les statistiques et les chiffres susmentionnés et qu'elles ont remarqué, d'une part, que les statistiques ne contiennent pas de chiffres autonomes pour le produit en cause, et ne reflètent, en outre, pas les prix d'achat auprès des exportateurs chinois, mais les prix de revente dans la Communauté, et, d'autre part, que les chiffres fournis par les entreprises Hunan Bremen et Metallurgie Hoboken Overpelt ne portent pas sur des transactions directes avec des exportateurs chinois. Dans ces circonstances, les institutions communautaires ont pu légalement conclure que les données figurant dans la plainte étaient les seules "données disponibles" au sens de l'article 7, paragraphe 7, sous b), du règlement de base.

66 C'est ainsi que, en basant leurs calculs sur les informations fournies par l'entreprise plaignante et non pas sur la réponse de la requérante au questionnaire et les factures afférentes, les institutions communautaires n'ont enfreint ni l'article 2, paragraphe 8, sous a), du règlement de base, ni l'article 7, paragraphe 7, sous b), du même règlement.

67 Il résulte de ce qui précède que le premier moyen doit être rejeté.

Deuxième moyen, tiré d'une violation de l'article 7, paragraphe 4, sous c), du règlement de base et des droits de la défense

Arguments des parties

68 L'article 7, paragraphe 4, sous b), du règlement de base dispose que "(l)es exportateurs [...] du produit faisant l'objet de l'enquête [...] peuvent demander à être informés des principaux faits et considérations sur la base desquels il est envisagé de recommander l'imposition de droits définitifs". Au même article, sous c), i), aa), il est prévu que les demandes doivent être présentées à la Commission par écrit. Ensuite, sous c), i), cc), il est prévu que les demandes d'information doivent être reçues, en cas d'imposition d'un droit provisoire, au plus tard un mois après la publication de l'institution de ce droit. Finalement, sous c), ii) ainsi que sous c), iii), dudit article, il est stipulé de quelles façons la Commission peut fournir l'information demandée et dans quel délai cela doit être fait.

69 La requérante soutient que, en refusant de communiquer tout renseignement sur le calcul de la marge des droits antidumping provisoires, la Commission a violé ladite disposition du règlement de base. Elle se réfère à l'arrêt de la Cour du 27 juin 1991, Al-Jubail Fertilizer et Saudi Arabian Fertilizer/Conseil (C-49-88, Rec. P. I-3187, points 15 à 17), dans lequel la Cour a considéré que "pour interpréter l'article 7, paragraphe 4, du règlement de base, il convient de tenir compte notamment des exigences découlant du respect des droits de la défense, principe dont le caractère fondamental a été souligné à maintes reprises par la jurisprudence de la Cour".

70 Or, la requérante constate que, malgré sa demande, elle n'a reçu aucune information ni sur le prix à l'exportation ni sur la valeur normale et qu'ainsi il était quasi impossible pour elle d'avancer quoi que ce soit afin de se défendre utilement.

71 Pour ce qui est du délai applicable aux demandes d'information et qui court pendant un mois à compter de la publication de l'institution du droit antidumping provisoire, la requérante observe qu'il est excessif de supposer que les chinois ont une connaissance effective d'une décision communautaire à la date de sa publication.

72 Le Conseil rappelle que les droits de la défense doivent être pondérés par l'objectif des institutions communautaires de mener les procédures antidumping de manière efficace et de les clôturer dans des délais raisonnables. Le délai prévu à l'article 7, paragraphe 4, sous c), i), cc), du règlement de base devrait être vu comme une exigence de forme qui garantit précisément la clôture des procédures dans un délai raisonnable.

73 En outre, le Conseil remarque que la divulgation des informations demandées par la requérante n'était pas possible pour des raisons de confidentialité.

74 Dans son mémoire en réplique, la requérante confirme que sa demande d'information a été formulée en dehors du délai prévu à l'article 7, paragraphe 4, sous c), i), cc), du règlement de base. Elle estime toutefois que la Commission aurait pu communiquer les renseignements demandés par simple souci d'équité, en tenant compte notamment de l'éloignement géographique de la requérante, qui rend difficile le respect de délais brefs.

Appréciation du tribunal

75 Le tribunal rappelle que, conformément à une jurisprudence constante, il est satisfait au respect des droits de la défense dès lors que, au cours d'une procédure administrative, l'entreprise intéressée est mise en mesure de faire connaître son point de vue sur la réalité et la pertinence des faits et circonstances allégués ainsi que, le cas échéant, sur les documents retenus (voir, par exemple, les arrêts de la Cour du 13 février 1979, Hoffmann-La Roche/Commission, 85-76, Rec. P. 461, point 11, et du 7 mai 1991, Nakajima/Conseil, C-69-89, Rec. P. I-2069, point 108, ainsi que les arrêts du tribunal du 29 juin 1995, Solvay/Commission, T-30-91, Rec. P. II-1775, point 59, et ICI/Commission, T-36-91, Rec. P. II-1847, point 69).

76 En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que la requérante a été mise en mesure de faire connaître son point de vue. Notamment, l'article 3 du règlement provisoire a invité les parties intéressées à faire connaître leur point de vue par écrit et à demander à la Commission à être entendues avant l'expiration d'un délai de un mois à compter de l'entrée en vigueur du règlement, à savoir du 2 juin 1991.

77 En ce qui concerne la demande de renseignements présentée par la requérante à la Commission et portant sur le calcul de la marge des droits provisoires, le tribunal constate que, après l'institution des droits provisoires sur les importations d'acide oxalique originaires de la République Populaire de Chine, la requérante n'a repris ses contacts avec la Commission que le 8 juillet 1991, soit après l'expiration du délai prévu à l'article 3 du règlement provisoire pour la présentation d'observations et à l'article 7, paragraphe 4, sous c), i), cc), du règlement de base pour la présentation de demandes d'informations. Dans de telles circonstances, une entreprise ne saurait invoquer une violation, par la Commission, de l'article 7, paragraphe 4, sous c), du règlement de base (voir l'arrêt Nakajima/Conseil, précité, point 112).

78 Il s'ensuit que le deuxième moyen doit également être rejeté.

Troisième moyen, tiré d'une violation de l'article 4, paragraphe 1, du règlement de base

Arguments des parties

79 L'article 4, paragraphe 1, du règlement de base dispose qu'"[i]l n'est déterminé de préjudice que si les importations qui font l'objet d'un dumping ou de subventions causent un préjudice, c'est-à-dire causent ou menacent de causer, par les effets du dumping ou de subvention, un préjudice important à une production établie de la Communauté ou retardent sensiblement l'établissement de cette production".

80 La requérante soutient que la Commission et le Conseil ont conclu à tort que les importations d'acide oxalique originaires de la République Populaire de Chine ont causé le préjudice dont DAVSA se plaint. A cet égard, elle fait remarquer, tout d'abord, que les institutions communautaires ont fait une extrapolation à partir des chiffres figurant dans les statistiques d'Eurostat relatives aux huit premiers mois de 1990, tandis qu'au moment de l'institution des droits antidumping définitifs les statistiques d'Eurostat contenaient des chiffres pour toute l'année 1990, qui indiquaient une baisse plus élevée des exportations chinoises. Elle observe également que la Commission a indiqué, dans sa lettre du 20 septembre 1991, que "le préjudice n'est déterminé qu'au regard de l'industrie communautaire plaignante et non par rapport à l'industrie communautaire dans son ensemble". Selon la requérante, cette clarification de la Commission soulève de sérieux doutes vis-à-vis de l'exactitude de la détermination du lien de causalité, puisque la société plaignante ne représente que 20,8 % de l'industrie européenne et ne possède que 8,5 % du marché européen, tandis que ses deux grands concurrents, à savoir les sociétés Hoechst et Rhône-Poulenc, ne se plaignaient pas. En fait, le préjudice subi par DAVSA serait essentiellement causé par l'augmentation énorme des ventes de Hoechst France.

81 La requérante déduit de ces constatations que la Commission a abusé du pouvoir discrétionnaire dont elle dispose pour déterminer le lien de causalité.

82 Le Conseil confirme que le volume des importations d'acide oxalique originaires de la République Populaire de Chine a baissé pendant la période d'enquête, mais souligne que la consommation communautaire d'acide oxalique a baissé encore davantage pendant la même période. Il estime que dans ces circonstances les institutions communautaires avaient raison de conclure que les exportateurs chinois ont, pendant la période d'enquête, pu augmenter leur part sur le marché communautaire. Les institutions communautaires auraient en outre constaté que, en même temps, les exportateurs chinois vendaient à des prix sous-cotés et que, par conséquent, l'industrie communautaire était contrainte de vendre à perte.

83 Le Conseil confirme, ensuite, que les institutions communautaires ont tiré, des chiffres des huit premiers mois de 1990, des chiffres annuels. Il expose que cela avait pour seule finalité la comparaison des résultats avec ceux d'autres années. Le Conseil souligne qu'en tout état de cause les chiffres des quatre derniers mois de 1990 ne devaient pas être pris en compte, puisque ces mois n'étaient pas couverts par la période d'enquête. Les institutions communautaires ne peuvent pas tenir compte de faits se produisant après les périodes d'enquête, puisque cela les obligerait à constamment revoir leurs conclusions en matière de dumping, de préjudice et de lien de causalité. Pour la même raison, les institutions communautaires n'ont pas pu fonder leurs conclusions sur les statistiques d'Eurostat, qui contenaient des chiffres pour l'ensemble de l'année 1990.

84 Le Conseil souligne, finalement, que les institutions communautaires ont soigneusement examiné si les activités de Hoechst et de Rhône-Poulenc avaient contribué au préjudice de DAVSA, et qu'elles ont exprimé leurs conclusions à cet égard respectivement au point 40 du règlement provisoire et au point 22 du règlement définitif. La Commission aurait en outre expliqué ces conclusions à la requérante par ses lettres du 20 septembre et du 11 octobre 1991. Selon le Conseil, la requérante a mal interprété les chiffres de vente et de production de Hoechst qui figurent dans la version non confidentielle de la réponse de Hoechst au questionnaire. En effet, la requérante aurait pensé que les chiffres fournis par Hoechst correspondaient à l'année 1990, tandis qu'en réalité ils correspondent aux 17 mois de la période d'enquête. En vérité, les chiffres montreraient une baisse des ventes de Hoechst et une augmentation très faible de sa production.

85 Quant à la taille de DAVSA, le Conseil remarque que, pendant la période d'enquête, la partie du marché détenue par cette société s'élevait à 16 %. La Commission a spécifié, lors de sa réponse à une question écrite du Tribunal, que DAVSA représentait 35 % de l'industrie communautaire.

Appréciation du tribunal

86 Le tribunal rappelle premièrement que, lors de la détermination du préjudice, le Conseil et la Commission ont, en vertu de l'article 4, paragraphe 1, du règlement de base, l'obligation d'examiner si le préjudice qu'ils entendent retenir découle effectivement des importations qui ont fait l'objet d'un dumping et d'écarter tout préjudice découlant d'autres facteurs, et notamment celui qui aurait sa cause dans le comportement propre des producteurs communautaires (voir l'arrêt de la Cour du 11 juin 1992, Extramet Industrie/Conseil, C-358-89, Rec. P. I-3813, points 15 et 16).

87 En l'espèce, il ressort du point 40 du règlement provisoire ainsi que du point 22 du règlement litigieux que les institutions communautaires ont, à tout le moins, pris en considération les activités, pendant la période d'enquête, des producteurs communautaires. En plus, il est confirmé par la réponse de Hoechst France au questionnaire envoyé par la Commission aux producteurs communautaires que la vente et la production d'acide oxalique de ladite entreprise n'ont pas sensiblement augmenté pendant la période d'enquête. Pour ce qui concerne la vente, par Hoechst, de sa propre production à l'intérieur de la Communauté, une baisse relative doit même être constatée, de 160 tonnes pour l'année 1988 à 190 tonnes pour les 17 mois de la période d'enquête. Ces données contredisent l'allégation de la requérante selon laquelle le préjudice subi par le plaignant a été essentiellement dû à l'activité accrue de Hoechst France.

88 En ce qui concerne, en deuxième lieu, l'extrapolation, décrite aux points 19 à 20, 25 à 27, 33 et 37 du règlement provisoire, qui ont par ailleurs été confirmés par le règlement litigieux, le tribunal constate d'emblée que cette technique a eu uniquement pour but de pouvoir présenter et comparer les chiffres sur une base annuelle et n'a aucunement eu pour effet de rendre inexacts les calculs effectués sur la base des données relevant de la période d'enquête. Les institutions communautaires ne sauraient se voir reprocher, dans ce contexte, de ne pas avoir utilisé les chiffres réels portant sur les quatre derniers mois de l'année 1990. A cet égard, le tribunal relève qu'il ne peut incomber aux institutions communautaires d'incorporer dans leurs calculs des données relevant de la période postérieure à celle de l'enquête, à moins que ces données ne révèlent de nouveaux développements rendant manifestement inadaptée l'institution envisagée du droit antidumping. Or, dans le cas d'espèce, il n'a pas été démontré que des développements d'une telle ampleur ont eu lieu dans les quatre mois qui suivaient la période d'enquête.

89 La requérante ne saurait, finalement, se plaindre du fait que les institutions communautaires ont déterminé le préjudice seulement au regard de l'industrie communautaire plaignante et non pas au regard de l'ensemble des producteurs de la Communauté. A cet égard, il convient de rappeler que l'expression "production communautaire" figurant à l'article 4, paragraphe 1, du règlement de base est définie par le paragraphe 5 de la même disposition comme "l'ensemble des producteurs communautaires [...] ou de ceux d'entre eux dont les productions additionnées constituent une proportion majeure de la production communautaire totale". Il y a lieu de relever que, comme les parties l'ont d'ailleurs soutenu lors de l'audience, l'expression "proportion majeure" ne devrait pas être interprétée comme exigeant une proportion de 50 % ou plus, mais plutôt comme exigeant une proportion de 25 % ou plus. Dans le cas d'espèce, il ressort du tableau annexé aux réponses de la Commission aux questions écrites du tribunal et portant sur la production communautaire d'acide oxalique que, pendant la période d'enquête, l'entreprise plaignante a produit 35 % de la production communautaire totale d'acide oxalique. Il s'ensuit que les institutions communautaires ont valablement pu déterminer le préjudice et, partant, le lien de causalité au regard de l'industrie plaignante seulement.

90 Il ressort des considérations qui précèdent qu'aucun des arguments présentés par la requérante n'est susceptible de démontrer que le raisonnement suivi par les institutions communautaires dans le cadre du règlement litigieux est entaché d'une erreur de fait ou de droit.

91 Le troisième moyen doit dès lors être rejeté.

92 Il résulte de tout ce qui précède que le recours doit être rejeté.

Sur les dépens

93 Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre élargie),

Déclare et arrête :

1) Le recours est rejeté.

2) La requérante est condamnée aux dépens.