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Décisions

TPICE, 1re ch. élargie, 18 septembre 1995, n° T-167/94

TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE DES COMMUNAUTES EUROPEENNES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Detlef Nölle

Défendeur :

Conseil de l'Union européenne, Commission des Communautés européennes

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Vilaça

Juges :

MM. Barrington, Kirschner, Kalogeropoulos, Mme Tiili

Avocats :

Mes Montag, Priess, Rabe, Berrisch

TPICE n° T-167/94

18 septembre 1995

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (première chambre élargie),

Les faits à l'origine du litige

1 Sur plainte déposée en avril 1986 par la Fédération Européenne de l'Industrie de la Brosse et de la Pinceauterie (ci-après "FEIBP") a été ouverte une procédure antidumping concernant les importations de certains types de brosses et de pinceaux originaires de Chine. L'enquête effectuée par la Commission a été provisoirement clôturée suite à l'engagement de limitation des exportations vers la Communauté souscrit par l'entreprise chinoise China National Native Produce & Animal By-Products Import & Export Corporation (ci-après "China National"). Cet engagement a été accepté par la décision 87-104-CEE du Conseil, du 9 février 1987 (JO L 46, p. 45, ci-après "décision 87-104").

2 Cette procédure ainsi clôturée provisoirement a été rouverte par la Commission suite à une nouvelle plainte déposée par la FEIBP, motivée par le non-respect des termes de l'engagement souscrit par China National. Les parties intéressées en ont été informées par la publication d'un avis annonçant la réouverture d'une procédure de mesures antidumping concernant les importations dans la Communauté de certaines brosses à peindre, à badigeonner, à vernir ou similaires, originaires de la République Populaire de Chine (JO 1988, C 257, p. 5). Ayant constaté que les importations en République Fédérale d'Allemagne et au Royaume-Uni des produits concernés en provenance de Chine avaient dépassé considérablement, à elles seules, la quantité globale des importations fixée dans l'engagement, la Commission, par le règlement (CEE) n° 3052-88, du 29 septembre 1988, instituant un droit antidumping provisoire sur les importations de certaines brosses à peindre, à badigeonner, à vernir et similaires, originaires de la République Populaire de Chine (JO L 272, p. 16, ci-après "règlement n° 3052-88"), a institué un droit antidumping provisoire fixé à un taux ad valorem de 69 % sur le prix net, par pièce, des produits en cause.

3 Le 20 mars 1989, le Conseil a confirmé le droit antidumping provisoire institué par la Commission et, par le règlement (CEE) n° 725-89, de la même date, instituant un droit antidumping définitif sur les importations de brosses et de pinceaux à peindre, à badigeonner, à vernir ou similaires originaires de la République Populaire de Chine, et portant perception définitive du droit antidumping provisoire institué sur ces importations (JO L 79, p. 24, ci-après "règlement n° 725-89"), a institué un droit définitif dont le taux était identique à celui du droit provisoire.

4 Les 21 novembre 1988, 8 février et 14 février 1989, l'entreprise Eugen Noëlle (ci-après "Noëlle") a mis en libre pratique dans la Communauté trois lots de brosses et de pinceaux à peindre et à nettoyer pour lesquels le Hauptzollamt Bremen-Freihafen (ci-après "Hauptzollamt") a réclamé le paiement du droit antidumping provisoire prévu par le règlement n 3052/88. Conformément à l'article 1er, paragraphe 4, dudit règlement, Noëlle a constitué une garantie égale au montant dû, s'élevant à 52 400 DM. Par trois décisions du 14 avril 1989, le Hauptzollamt a exigé de Noëlle le paiement d'un montant de 51 217,40 DM, équivalant au droit antidumping définitif institué par le règlement n° 725-89.

5 Considérant que ces trois décisions étaient illégales au motif que le règlement sur lequel elles étaient fondées avait été adopté en violation de normes communautaires de rang supérieur, Noëlle a d'abord introduit une réclamation auprès du Hauptzollamt, qui a été rejetée, puis un recours en annulation auprès du Finanzgericht Bremen contre ces décisions.

6 Le 22 janvier 1990, la juridiction nationale a saisi la Cour d'une question préjudicielle relative à la validité du règlement n° 725-89. Cette saisine de la Cour, au titre de l'article 177 du traité CEE, a été accompagnée d'un sursis à l'exécution des décisions attaquées.

7 Dans son arrêt, rendu le 22 octobre 1991, la Cour a déclaré le règlement n° 725-89 invalide, au motif que la valeur normale des produits en cause n'avait pas été déterminée "d'une manière appropriée et non déraisonnable" au sens de l'article 2, paragraphe 5, sous a), du règlement (CEE) n° 2423-88 du Conseil, du 11 juillet 1988, relatif à la défense contre les importations qui font l'objet d'un dumping ou de subventions de la part de pays non membres de la Communauté économique européenne (JO L 209, p. 1, ci-après "règlement de base"). Dans cet arrêt, la Cour a estimé que Noëlle avait apporté, au cours de la procédure antidumping, des éléments suffisants pour "faire apparaître des doutes sur le caractère approprié et non déraisonnable du choix du Sri Lanka comme pays de référence" pour la détermination de la valeur normale et que la Commission et le Conseil n'avaient pas fait un "effort sérieux et suffisant pour examiner si Taïwan pouvait être considéré comme un pays de référence adéquat", comme Noëlle l'avait proposé (arrêt Noëlle, C-16-90, Rec. p. I-5163).

8 Suite à l'arrêt de la Cour, le Finanzgericht Bremen a, par ordonnance du 21 janvier 1992, mis fin à l'instance et, par ordonnance du 31 juillet 1992, a condamné le Hauptzollamt aux dépens de l'instance. Ces dépens ont été fixés, selon les dispositions applicables du droit allemand, à 10 941,40 DM, majorés d'intérêts au taux de 4 %, à partir de la date de la présentation de la demande.

9 Par lettre, en date du 30 juin 1992, adressée au Conseil et à la Commission, Noëlle a demandé la réparation du dommage qu'elle prétend avoir subi du fait de l'adoption du règlement n° 725-89, déclaré invalide. Le préjudice prétendument subi aurait consisté, d'une part, dans le paiement d'intérêts bancaires d'un montant de 50 188,15 DM sur les sommes qu'elle aurait empruntées afin d'acquitter le droit antidumping, suite à d'autres décisions de l'administration douanière qui n'ont fait l'objet d'aucune action en justice de sa part, et, d'autre part, dans des frais de représentation en justice estimés à 39 424,88 DM. Par lettres en date, respectivement, du 22 juillet et du 30 novembre 1992, le Conseil et la Commission ont rejeté cette demande.

10 C'est dans ces circonstances que, le 25 juin 1993, Noëlle a introduit le présent recours devant la Cour, inscrit sous le n° C-326-93.

11 En application de l'article 4 de la décision 93-350-Euratom, CECA, CEE du Conseil, du 8 juin 1993, modifiant la décision 88-591-CECA, CEE, Euratom instituant le Tribunal de première instance des Communautés européennes (JO L 144, p. 21), l'affaire a été renvoyée, par ordonnance de la Cour du 18 avril 1994, devant le tribunal, où elle a été inscrite sous le n° T-167-94.

12 Par décision du tribunal du 2 juin 1994, le juge rapporteur a été affecté à la première chambre élargie, à laquelle l'affaire a, par conséquent, été attribuée. Sur rapport du juge rapporteur, le tribunal (première chambre élargie) a décidé d'ouvrir la procédure orale sans procéder à des mesures d'instruction préalables. Toutefois, les parties ont été invitées par le tribunal à répondre à certaines questions écrites. Les parties ont déféré à l'invitation du tribunal, la requérante ayant déposé ses réponses le 19 avril 1994 et les parties défenderesses le 20 avril 1994. Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales du tribunal lors de l'audience publique qui s'est déroulée le 18 mai 1995.

Conclusions des parties

13 La partie requérante conclut à ce qu'il plaise au tribunal :

° condamner la Communauté économique européenne au paiement d'une somme de 79 834,45 DM, majorée d'intérêts au taux de 8 % à compter du 3 juillet 1992 ;

° condamner les parties défenderesses aux dépens.

14 Le Conseil conclut à ce qu'il plaise au tribunal :

° rejeter le recours ;

° condamner la requérante aux dépens.

15 La Commission conclut à ce qu'il plaise au tribunal :

° rejeter le recours comme irrecevable ;

° à titre subsidiaire, rejeter le recours comme non fondé ;

° condamner la requérante aux dépens de l'instance.

Sur la recevabilité

Exposé sommaire de l'argumentation des parties

16 Dans leurs mémoires en défense respectifs, la Commission et le Conseil soutiennent que le recours est irrecevable.

17 Selon le Conseil, la requête introductive d'instance ne répond pas aux exigences de l'article 19 du statut (CEE) de la Cour et de l'article 38, paragraphe 1, sous c), de son règlement de procédure, qui prévoient que la requête doit, entre autres, indiquer l'objet du litige et contenir un exposé sommaire des moyens invoqués.

18 Le Conseil invoque l'arrêt du tribunal du 10 juillet 1990, Automec/Commission (T-64-89, Rec. p. II-367), dans lequel le tribunal a jugé qu'une requête visant la réparation de dommages causés par une institution communautaire doit contenir des éléments qui permettent d'identifier le comportement que la partie requérante reproche à l'institution, ainsi que les raisons pour lesquelles elle estime qu'un lien de causalité existe entre le comportement et le préjudice qu'elle prétend avoir subi. Le Conseil considère que le présent recours ne fait pas apparaître de manière claire ni sur quelle action ou omission des institutions communautaires la requérante fonde sa demande de dommages et intérêts ni le lien de causalité entre la prétendue action ou omission alléguée et le préjudice subi. Plus particulièrement, la requête n'indiquerait pas de manière claire et précise si le préjudice allégué est dû à l'adoption du règlement annulé ou au choix erroné du Sri Lanka comme pays de référence ou, encore, au fait que la Commission ait omis de vérifier si Taïwan pouvait être éventuellement un pays de référence plus adéquat.

19 Le Conseil estime, enfin, que la requête ne contient pas le moindre élément tendant à démontrer l'existence d'un lien de causalité entre le comportement des institutions communautaires et le préjudice prétendument subi et que ce n'est qu'au stade de la réplique, en violation de l'article 42, paragraphe 2, premier alinéa, du règlement de procédure de la Cour, que la requérante a invoqué des circonstances justifiant l'existence d'un tel lien, de sorte que la présente requête devrait être rejetée comme irrecevable.

20 La Commission considère, également, que la requête ne satisfait pas aux exigences de l'article 38, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure de la Cour. Selon la Commission, la requérante n'expose nulle part dans sa requête en quoi la violation de la règle de droit qui a motivé la déclaration par la Cour de l'invalidité du règlement n° 725-89 a précisément causé le dommage allégué. Elle relève que la requérante n'a invoqué des circonstances justifiant l'existence d'un lien de causalité entre le préjudice allégué et les fautes reprochées aux parties défenderesses qu'au stade de la réplique, contrairement à ce qui est prévu par l'article 42, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour.

21 La Commission soulève un deuxième moyen à l'encontre de la recevabilité du recours en faisant valoir que les montants dont fait état la requérante en tant que dommage subi par elle ne peuvent pas être réclamés dans le cadre d'un recours au titre de l'article 215, deuxième alinéa, du traité CEE. Selon la Commission, un recours en indemnité basé sur cet article ne saurait être recevable, à moins que la partie requérante n'ait auparavant épuisé les voies de droit prévues par l'ordre juridique national. La Commission estime qu'il doit en être, a fortiori, ainsi lorsque le droit communautaire renvoie en définitive au droit national, ce qui serait le cas en l'espèce.

22 Plus particulièrement, en ce qui concerne la demande de remboursement des dépens exposés par Noëlle devant la juridiction nationale, la Commission invoque l'article 104, paragraphe 5, du règlement de procédure de la Cour, qui prévoit qu'il appartient à la juridiction nationale de statuer sur les dépens de la procédure préjudicielle. La Commission soutient que la question des dépens a ainsi été définitivement réglée par la juridiction allemande. Elle souligne que, comme il ressort du dossier, la requérante a, en fait, obtenu du Hauptzollamt un remboursement des dépens s'élevant à 10 941,40 DM, de sorte que les dépens excédentaires, non remboursés selon la loi applicable dans la procédure judiciaire nationale, ne pourraient pas constituer un préjudice susceptible d'être invoqué dans le cadre d'un recours en indemnité basé sur l'article 215 du traité, sous peine de vider de son sens l'article 104, paragraphe 5, du règlement de procédure de la Cour.

23 La Commission considère que le même raisonnement s'applique, également, au préjudice consistant dans les intérêts que la requérante a dû verser à sa banque pour les facilités de crédit que cette dernière a mises à sa disposition pour le paiement du droit antidumping institué par le règlement n° 725-89. Ainsi qu'il ressortirait du règlement (CEE) n° 1430-79 du Conseil, du 2 juillet 1979, relatif au remboursement ou à la remise des droits à l'importation ou à l'exportation (JO L 175, p. 1 ci-après "règlement n° 1430-79"), ce serait le droit national qui réglerait, de manière exclusive, toute question ayant trait au paiement des intérêts relatifs au remboursement des sommes illégalement perçues. Selon la Commission, cette disposition législative fondamentale constitue un exemple du cas où l'exercice du même droit n'est plus possible au niveau communautaire. Le règlement n° 1430-79 ne prévoyant pas le paiement d'intérêts, la Commission considère que, en l'absence de dispositions spécifiques du droit communautaire, ce sont les dispositions du droit national qui sont applicables en l'espèce (arrêt de la Cour du 12 juin 1980, Express Dairy Foods, 130-79, Rec. p. 1887).

24 Enfin, selon la Commission, l'intérêt général s'opposerait à ce que la requérante puisse, en l'espèce, se pourvoir en justice. Le fait que le recours en indemnité a été introduit le 25 juin 1993, presque six mois après que la Commission eut rejeté sa demande de réparation du dommage allégué (lettre reçue le 17 décembre 1992), soulèverait, en effet, des doutes sur sa recevabilité, eu égard aux dispositions de l'article 43 du statut (CEE) de la Cour. La Commission souligne que, si la Cour a donné dans le passé une autre interprétation dudit article 43 (arrêt du 5 avril 1973, Giordano/Commission, 11-72, Rec. p. 417), une jurisprudence plus récente a, toutefois, souligné avec force le caractère formel et réglementaire des dispositions relatives au délai d'introduction des recours (ordonnance du 15 mai 1991, Emsland-Staerke/Commission, C-122-90, non publiée au Recueil, et du 5 février 1992, France/Commission, C-59-91, Rec. p. I-525). Elle considère que l'application combinée de l'article 43 du statut (CEE) de la Cour et de l'article 173, troisième alinéa, du traité CEE, qui prévoit un délai de deux mois pour l'introduction d'un recours en annulation, fait que la requérante est forclose. Cette solution serait conforme au principe de la sécurité juridique, puisqu'elle mettrait la requérante en situation d'égalité avec tout autre importateur dont la demande de remboursement de droits antidumping est rejetée par la Commission sur la base de l'article 16 du règlement de base, qui ne peut attaquer cette décision de rejet devant le juge communautaire que dans le délai de deux mois prévu par l'article 173, troisième alinéa, du traité.

25 La requérante soutient que sa requête est dépourvue de toute ambiguïté quant à la détermination de la faute des autorités communautaires. Il ressortirait clairement de sa requête que la faute alléguée a traitée à l'adoption du règlement n° 725-89, déclaré invalide par la Cour. Pour ce qui est du lien de causalité, la requérante fait valoir que, dans sa requête, elle a exposé de façon claire et non ambiguë l'existence d'un lien de causalité entre la faute alléguée et le préjudice subi.

26 De plus, la question de savoir si les circonstances exposées dans sa requête sont suffisantes pour établir l'existence d'un lien de causalité serait une question relevant du fond et non de la recevabilité.

27 En ce qui concerne le moyen invoqué par la Commission, visant à déclarer irrecevable la demande de remboursement des dépens qu'elle a exposés et des intérêts bancaires qu'elle a payés, au motif que le juge national se serait déjà prononcé sur ce point, la requérante réplique qu'il s'agit, en l'espèce, d'une question de fond et non de recevabilité. En tout cas, le droit national ne saurait réglementer de façon définitive les droits que la requérante tire de l'article 215, deuxième alinéa, du traité.

28 En outre, dans sa réplique, la requérante souligne que les sommes dont elle demande l'indemnisation ne sauraient en aucune manière être qualifiées exclusivement de frais de représentation en justice, dans la mesure où il ressortirait des factures jointes à sa requête que ses avocats sont également intervenus auprès d'un grand nombre de bureaux de douanes.

29 Quant au moyen tiré de l'introduction tardive du recours, la requérante rappelle que, comme la Commission elle-même l'a reconnu, un tel moyen est en contradiction avec la jurisprudence de la Cour en la matière et devrait, par conséquent, être rejeté.

Appréciation du Tribunal

30 En ce qui concerne, en premier lieu, le moyen d'irrecevabilité soulevé par la Commission, tiré du fait que la requérante ne pouvait pas introduire le présent recours six mois après que sa demande de réparation du préjudice qu'elle estimait avoir subi eut été rejetée, le tribunal rappelle que, selon l'article 43 du statut (CEE) de la Cour, les actions contre la Communauté en matière de responsabilité non contractuelle se prescrivent cinq ans après la survenance du fait qui y donne lieu. Cette prescription est interrompue soit par la requête formée devant la Cour, soit par la demande préalable adressée par la victime à l'institution compétente de la Communauté, sous réserve que, dans ce dernier cas, la requête soit formée dans le délai de deux mois prévu à l'article 173 ou de quatre mois prévu à l'article 175 du traité CEE. Selon une jurisprudence constante de la Cour, l'article 43 n'a pour but, en effet, que de reporter l'expiration du délai de cinq ans lorsque une requête ou une demande préalable, formées dans ce délai, ouvrent les délais prévus aux articles 173 ou 175 et non pas d'abréger la prescription quinquennale établie par cet article, lorsque, comme en l'espèce, la demande d'indemnisation d'un préjudice adressée aux institutions communautaire n'a pas été suivie d'un recours en annulation ou d'un recours en carence dans les délais prévus à cet effet par les articles 173 et 175 du traité (arrêts de la Cour du 14 juillet 1967, Kampffmeyer e.a./Commission, 5-66, 7-66 et 13-66 à 24-66, Rec. p. 317, et Giordano/Commission, précité).

31 Le fait ayant donné lieu au présent recours étant intervenu le 20 mars 1989, date de l'adoption du règlement n° 725-89, c'est-à-dire à moins de cinq ans avant l'introduction dudit recours, celui-ci est donc recevable en ce qui concerne le délai dans lequel il a été introduit (arrêts Kampffmeyer e.a./Commission, précité, p. 337, et Giordano/Commission, précité, point 6).

32 En ce qui concerne, en deuxième lieu, le moyen tiré de la violation de l'article 19, premier alinéa, du statut (CEE) de la Cour, applicable au Tribunal en vertu de l'article 46, premier alinéa, dudit statut, ainsi que de l'article 38, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure de la Cour, le tribunal rappelle que, selon cette disposition, la requête doit contenir, entre autres, l'objet du litige et l'exposé sommaire des moyens invoqués. En particulier, pour satisfaire à ces exigences, une requête visant à la réparation de dommages causés par une institution communautaire doit contenir les éléments qui permettent d'identifier le comportement que le requérant reproche à l'institution, les raisons pour lesquelles il estime qu'un lien de causalité existe entre le comportement et le préjudice qu'il prétend avoir subi ainsi que le caractère et l'étendue de ce préjudice (arrêt de la Cour du 2 décembre 1971, Zuckerfabrik Schoeppenstedt/Conseil, 5-71, Rec. p. 975, arrêt Automec/Commission, précité, point 73).

33 Le tribunal constate qu'en l'espèce la requérante a exposé, à suffisance de droit, dans sa requête que le comportement illégal reproché aux parties défenderesses trouve son origine dans l'adoption du règlement n° 725-89, déclaré invalide par la Cour, et que c'était ce dernier qui a constitué la cause du préjudice invoqué. En effet, il y a lieu de constater que la requérante a fait valoir dans sa requête que le règlement en question a constitué la cause adéquate du dommage allégué. De cette façon, elle a exposé, même de façon sommaire, en quoi consisterait le lien de causalité invoqué pour justifier sa demande en indemnité. Par conséquent, le moyen d'irrecevabilité soulevé par le Conseil et tiré du fait, d'une part, que la requérante n'a pas précisé à quelle action ou omission des institutions communautaires serait dû le préjudice invoqué et, d'autre part, qu'elle n'aurait pas apporté le moindre élément permettant de démontrer l'existence d'un lien de causalité entre le comportement mis en cause et le préjudice subi doit être rejeté.

34 En ce qui concerne, en troisième lieu, le moyen soulevé par la Commission à l'encontre de la recevabilité du recours, tiré du fait que les montants dont fait état la requérante en tant que dommage subi ne sauraient être indemnisés dans le cadre de l'article 215, deuxième alinéa, du traité, le tribunal estime qu'il y a lieu de faire une distinction entre, d'une part, le préjudice qui résulterait pour la requérante du paiement de frais judiciaires non intégralement remboursés suite à la décision du juge national mettant fin à l'instance devant lui et, d'autre part, le préjudice qui résulterait pour elle du paiement d'intérêts bancaires sur les montants qu'elle affirme avoir empruntés afin d'acquitter le droit antidumping institué par le règlement n° 725-89.

35 En ce qui concerne la recevabilité de la demande d'indemnisation du préjudice consistant dans les frais judiciaires demeurés à la charge de la requérante suite à la décision du juge national saisi du contentieux l'ayant opposée au Hauptzollamt, le tribunal rappelle que, selon une jurisprudence constante de la Cour, si l'action en indemnité au titre des articles 178 et 215 du traité a été instituée comme une voie autonome, ayant sa fonction particulière dans le cadre du système des voies de recours et subordonnée à des conditions d'exercice conçues en vue de son objet spécifique, elle doit néanmoins être appréciée au regard de l'ensemble du système de la protection juridictionnelle des particuliers instauré par le traité. Dans le cas où un particulier s'estime lésé par l'application d'un acte normatif communautaire qu'il considère comme illégal, il dispose de la possibilité, lorsque la mise en œuvre de l'acte est confiée aux autorités nationales, de contester, à l'occasion de cette mise en œuvre, la validité de l'acte devant une juridiction nationale dans le cadre d'une litige l'opposant à l'autorité nationale. Cette juridiction peut, ou même doit, dans les conditions de l'article 177 du traité, saisir la Cour d'une question portant sur la validité de l'acte communautaire en cause. Toutefois, l'existence de ce recours n'est de nature à assurer d'une manière efficace la protection des particuliers intéressés que s'il est susceptible d'aboutir à la réparation du dommage allégué (arrêts de la Cour du 25 octobre 1972, Haegeman Commission, 96-71, Rec. p. 1005, du 12 avril 1984, Unifrex/Commission et Conseil, 281-82, Rec. p. 1969, du 29 septembre 1987, De Boer Buizen/Conseil et Commission, 81-86, Rec. p. 3677, et du 13 mars 1992, Vreugdenhil/Commission, C-282-90, Rec. p. I-1937).

36 A cet égard, le tribunal rappelle que la Cour a jugé que, lorsque l'action en indemnité devant le juge communautaire peut se trouver, dans certains cas, subordonnée à l'épuisement préalable des voies de recours internes qui sont ouvertes pour contester la validité d'une décision communautaire, les litiges relevant de la compétence des juridictions nationales doivent être tranchés par celles-ci en application de leur droit national, dans la mesure où le droit communautaire n'a pas disposé de la matière, et que, à défaut de dispositions communautaires sur ce point, il appartient aux autorités nationales de régler toutes questions accessoires ayant trait au litige principal (arrêt de la Cour du 21 mai 1976, Roquette frères/Commission, 26-74, Rec. p. 677).

37 Il ressort de la jurisprudence précitée que la question du remboursement des dépens, qui est une question accessoire par rapport au litige principal ayant opposé la requérante au Hauptzollamt à propos du paiement du droit antidumping institué par le règlement n° 725-89, déclaré invalide, relève de la compétence exclusive du juge national, ce dernier devant, en l'absence de mesures d'harmonisation communautaires en ce domaine, trancher une telle question, ainsi qu'il l'a d'ailleurs fait, en l'espèce, en application des dispositions du droit national applicable.

38 Il convient d'ajouter que, en tout état de cause, selon l'article 104, paragraphe 5, du règlement de procédure de la Cour, il appartient à la juridiction nationale de statuer sur les dépens de la procédure préjudicielle. En l'espèce, il s'agit d'une demande d'indemnisation d'un préjudice consistant dans la charge de la partie des dépens qui n'a pas été remboursée, conformément à la décision du juge national mettant fin à la procédure pendante devant lui, suite à la réponse donnée par la Cour à la question préjudicielle qu'il lui avait soumise au titre de l'article 177 du traité. Le tribunal considère donc que, dans la mesure où la requérante n'a pas fait valoir que le recours aux voies du droit national n'a pas été susceptible de lui offrir une protection efficace des droits qu'elle tire du droit communautaire, il ne lui appartient pas de mettre en cause, par le truchement d'un recours en indemnité introduit devant lui, l'existence et l'exercice de la compétence exclusive dont jouit en la matière le juge national en vertu de l'article 104, paragraphe 5, du règlement de procédure de la Cour et de priver ainsi cette disposition de tout son effet utile.

39 Par conséquent, en tant qu'il vise la réparation du dommage consistant dans la charge de la partie des dépens non remboursée suite à la décision du Finanzgericht Bremen qui a mis fin au litige portant sur la légalité du règlement n° 725-89, le recours de la requérante est irrecevable, le tribunal n'étant pas compétent pour statuer au titre de l'article 215, deuxième alinéa, du traité sur une telle demande.

40 Quant aux frais exposés par la requérante dans le cadre de diverses interventions de ses avocats auprès d'un grand nombre de bureaux de douanes, à supposer même que la requérante est recevable à demander l'indemnisation d'un tel préjudice au stade de la réplique, le tribunal estime qu'il convient de réserver l'examen de cette demande lors de l'examen au fond du présent recours.

41 En ce qui concerne la demande de la requérante visant à la réparation du préjudice consistant dans le paiement d'intérêts bancaires sur les montants qu'elle affirme avoir empruntés afin d'acquitter le droit antidumping institué par le règlement n° 725-89, le tribunal relève que, ainsi que la requérante l'a exposé dans sa requête et lors de l'audience du 18 mai 1995, sans être contredite à cet égard par les parties défenderesses, aucune voie de droit interne ne lui aurait permis d'obtenir la réparation du préjudice en cause. En effet, l'engagement de la responsabilité des autorités publiques en République Fédérale d'Allemagne étant subordonné à l'établissement d'une faute dans le chef de l'autorité responsable et la déclaration de l'invalidité du règlement n° 725-89 par la Cour étant due au comportement fautif des institutions communautaires et non pas à celui des autorités publiques allemandes, l'épuisement préalable des voies de droit interne ne saurait, en l'espèce, assurer d'une manière efficace la protection des droits subjectifs que la requérante tire du droit communautaire (voir les arrêts de la Cour, Unifrex/Commission et Conseil, précité, point 12, et du 6 juin 1990, AERPO e.a./Commission, C-119-88, Rec. p. I-2189, point 13).

42 Dans ces conditions, ainsi que la Cour l'a jugé dans l'arrêt Vreugdenhil/Commission, précité (points 11 à 15), dans la mesure où c'est le Conseil qui est l'auteur du règlement déclaré invalide qui serait à l'origine du dommage allégué, le Tribunal a compétence exclusive pour statuer au titre des articles 178 et 215 du traité, sur un recours en indemnité tendant à la réparation d'un dommage imputable à la Communauté. Dès lors, le recours de la requérante, en tant qu'il vise à obtenir la réparation du préjudice dû au paiement d'intérêts bancaires sur des montants empruntés dans le cadre de l'application du règlement n° 725-89, déclaré invalide, doit être considéré comme recevable (voir aussi l'arrêt de la Cour du 8 avril 1992, Cato/Commission, C-55-90, Rec. p. I-2533, point 17).

43 Il résulte de ce qui précède que le recours doit être déclaré recevable pour autant qu'il vise à obtenir la réparation du préjudice que la requérante prétend avoir subi du fait des intérêts bancaires qu'elle affirme avoir payés dans le cadre du paiement du droit antidumping institué par le règlement n° 725-89 et être rejeté comme irrecevable pour le surplus.

Sur le fond

Quant à l'origine de la responsabilité extracontractuelle de la Communauté

Exposé sommaire de l'argumentation des parties

44 La requérante fait une distinction entre actes communautaires de nature législative, d'une part, et de caractère administratif, d'autre part, et considère que les mesures antidumping, bien que prises sous la forme d'un règlement, se situent, en fait, entre ces deux catégories. Selon la requérante, une distinction analogue devrait également être faite en ce qui concerne l'origine de la responsabilité de la Communauté du fait de l'adoption de mesures antidumping illégales. La requérante fait ainsi valoir que, lorsque l'illégalité d'un règlement antidumping est due à la violation des règles inhérentes à l'appréciation de faits économiques complexes, ce sont les conditions plus strictes de la responsabilité de la Communauté qui sont applicables, c'est-à-dire celles régissant la responsabilité du fait d'actes normatifs. En revanche, lorsque l'illégalité est due à la violation de règles de procédure ou de nature administrative, ce seraient les conditions dites "simples" qui seraient applicables. Selon la requérante, la présente affaire relève, en principe, du second cas. La faute de la Commission aurait consisté en la violation de la règle procédurale posée par l'article 2, paragraphe 5, sous a), du règlement de base, relatif à la détermination du pays de référence.

45 A cet égard, la requérante souligne que, si, selon l'arrêt de la Cour du 28 novembre 1989, Epicheiriseon Metalleftikon Viomichanikon kai Naftiliakon e.a./Commission et Conseil (C-122-86, Rec. p. 3959), ce sont les conditions plus strictes de la responsabilité de la Commission du fait d'actes normatifs, impliquant des choix de politique économique, qui s'appliquent lors de la mise en œuvre du règlement de base, il n'en reste pas moins que cette affaire concernait une décision de la Commission de mettre fin à une procédure antidumping, dont le caractère d'acte impliquant un choix de politique économique ne saurait être nié. Dans la présente affaire, en revanche, l'application de l'article 2, paragraphe 5, sous a), du règlement de base n'impliquait guère l'exercice d'un pouvoir d'appréciation en matière de politique économique, mais seulement le respect de règles de procédures administratives, telles que le principe de diligence, l'obligation de motivation prévue à l'article 190 du traité CEE et l'interdiction du détournement de pouvoir.

46 Sur la base de ces considérations, la requérante n'examine qu'à titre subsidiaire les conditions de la responsabilité de la Communauté du fait d'un acte normatif.

47 La Commission fait observer que la requérante essaie d'établir l'existence d'un critère en matière de responsabilité extracontractuelle autre que celui qui prévaut lorsqu'il s'agit d'actes normatifs. Selon la Commission, dans le domaine des mesures antidumping, les requérants ne sont concernés que par le règlement antidumping définitif et une erreur dans l'élaboration de ce règlement doit se refléter dans celui-ci pour qu'un recours en indemnité puisse être introduit avec succès (arrêt de la Cour du 5 octobre 1988, Technointorg/Commission et Conseil, 294-86 et 77-87, Rec. p. 6077). Du moment que seul le règlement définitif peut être la cause d'un préjudice, la responsabilité de la Communauté ne saurait donc être engagée en l'espèce que du fait d'un acte normatif.

48 Le Conseil expose que, puisque la requérante demande réparation pour le dommage qu'elle prétend avoir subi du fait de l'adoption du règlement n° 725-89, la question de la responsabilité de la Communauté ne saurait s'apprécier qu'à la lumière des principes de la responsabilité du fait d'actes normatifs. Il souligne que la thèse de la requérante, qui veut que la responsabilité de la Communauté ne soit pas déterminée en fonction de la nature de l'acte ayant causé le préjudice allégué, mais en fonction de la nature de la violation alléguée, est en contradiction avec la jurisprudence de la Cour (arrêt du 19 mai 1992, Mulder e.a./Conseil et Commission, C-104-89 et C-37-90, Rec. p. I-3061). Le Conseil admet, néanmoins, que, si dans le cadre de la procédure administrative précédant l'adoption d'un règlement antidumping, les institutions communautaires commettent une violation particulière des règles applicables, la personne affectée a la possibilité d'introduire un recours en indemnité, à condition, toutefois, que le comportement irrégulier ait causé à lui seul le préjudice invoqué. D'après le Conseil, la requérante n'a pas, toutefois, prétendu en l'espèce que c'était le choix même du Sri Lanka comme pays de référence ou l'omission des institutions communautaires de ne pas examiner plus précisément si Taïwan pouvait être un pays de référence plus adéquat qui a, en soi, entraîné le préjudice allégué.

49 Enfin, le Conseil souligne que, si la responsabilité de la Communauté devait, en l'espèce, être engagée sur la base de la responsabilité du fait d'un acte administratif, il s'agirait d'un comportement fautif imputable uniquement à la Commission, de sorte que le présent recours n'aurait pas dû être dirigé contre lui.

Appréciation du tribunal

50 Le tribunal relève que la requérante demande réparation pour le dommage qu'elle prétend avoir subi du fait de l'adoption du règlement n° 725-89, déclaré invalide par la Cour.

51 A cet égard, il convient de rappeler que, ainsi que la Cour l'a jugé dans l'arrêt Epicheiriseon Metalleftikon Viomichanikon kai Naftiliakon e.a./Commission et Conseil, précité, les actes du Conseil et de la Commission se rapportant à une procédure tendant à l'éventuelle adoption de mesures antidumping sont des actes normatifs impliquant des choix de politique économique et que, selon une jurisprudence constante, la responsabilité de la Communauté ne saurait être engagée du fait de tels actes qu'en présence d'une violation suffisamment caractérisée d'une règle supérieure de droit protégeant les particuliers (arrêts de la Cour Zuckerfabrik Schoeppenstedt/Conseil, précité, du 2 juin 1976, Kampffmeyer e.a./Conseil et Commission, 56-74 à 60-74, Rec. p. 711, point 13, du 25 mai 1978, HNL e.a./Conseil et Commission, 83-76 et 94-76, 4-77, 15-77 et 40-77, Rec. p. 1209, point 4, et du 4 octobre 1979, Ireks-Arkady/Conseil et Commission, 238-78, Rec. p. 2955, point 9; arrêts du tribunal du 15 décembre 1994, Unifruit Hellas/Commission, T-489-93, Rec. p. II-1201, point 35, et du 21 février 1995, Campo Ebro e.a./Conseil, T-472-93, Rec. p. II-421).

52 Dans ces conditions le tribunal estime que la thèse de la requérante, selon laquelle la responsabilité de la Communauté devrait dans le cas d'espèce se déterminer en fonction de la nature de la violation alléguée (violation des règles de procédure) et non pas en fonction de la nature de l'acte communautaire qui est à l'origine du préjudice allégué, n'est pas fondée et que, dès lors, il y a lieu de rechercher si une violation suffisamment caractérisée d'une règle supérieure de droit protégeant les particuliers a été commise par les institutions défenderesses.

Quant à l'engagement de la responsabilité de la Communauté du fait d'actes normatifs

Sur la faute

53 La requérante reproche aux institutions communautaires d'avoir commis, dans l'application de l'article 2, paragraphe 5, sous a), du règlement de base, quatre fautes susceptibles d'engager la responsabilité de la Communauté, à savoir, en premier lieu, une violation de l'article 190 du traité, en deuxième lieu, une violation des droits de la défense, en troisième lieu, un détournement de pouvoir et, en quatrième lieu, une violation des principes de sollicitude et de bonne administration.

Sur la prétendue violation de l'article 190 du traité

° Exposé sommaire de l'argumentation des parties

54 La requérante relève que dans l'arrêt Noëlle, précité, la Cour a constaté que les affirmations des institutions concernant les caractéristiques du marché de Taïwan n'ont été étayées par aucune précision ni par la présentation d'aucun élément de fait. La requérante se réfère également aux conclusions de l'avocat général dans la même affaire, qui avait considéré, en outre, que le règlement n° 725-89 n'était pas suffisamment motivé du fait qu'il passait sous silence la question de savoir si les producteurs communautaires n'avaient pas, eux aussi, contribué au préjudice de l'industrie communautaire en vendant des brosses en provenance de Chine.

55 La Commission soutient que l'argumentation de la requérante n'est pas fondée, étant donné que, selon une jurisprudence bien établie de la Cour, une violation de l'article 190 du traité n'est pas de nature à engager la responsabilité de la Communauté (arrêt de la Cour du 15 septembre 1982, Kind/CEE, 106-81, Rec. p. 2885).

56 Le Conseil affirme que dans son arrêt Noëlle, précité, la Cour n'a pas constaté, contrairement à ce que la requérante fait valoir, que le règlement n° 725-89 violait l'article 190 du traité ou qu'il n'était pas suffisamment motivé.

° Appréciation du tribunal

57 Le tribunal relève que, dans son arrêt Noëlle, précité, la Cour n'a pas dit pour droit que les institutions communautaires avaient violé l'article 190 du traité ou que le règlement litigieux n'était pas suffisamment motivé. De plus, à supposer même qu'une telle violation puisse être déduite de l'arrêt précité, le tribunal rappelle que, en tout état de cause, selon une jurisprudence constante de la Cour et du tribunal, l'insuffisance de motivation d'un acte réglementaire n'est pas de nature à engager la responsabilité de la Communauté (arrêts Kind/CEE, précité, point 14, AERPO e.a./Commission, précité, point 20, et Unifruit Hellas/Commission, précité, point 41).

58 Dès lors, le premier moyen tiré du défaut de motivation du règlement n° 725-89 doit être rejeté.

Sur la prétendue violation des droits de la défense

° Exposé sommaire de l'argumentation des parties

59 D'après la requérante, il ressort clairement des conclusions de l'avocat général sous l'arrêt Noëlle, précité, que les violations du principe de sollicitude, de l'article 190 du traité et de l'interdiction de l'abus de pouvoir constituent, en dernière analyse, une violation du droit des particuliers à une défense équitable, cette dernière étant une disposition fondamentale, inscrite à l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Elle fait remarquer, à cet égard, que, selon la jurisprudence de la Cour, les droits fondamentaux font partie intégrante des principes généraux du droit dont la Cour assure le respect (arrêt du 27 juin 1991, Al Jubail Fertilizer/Conseil, C-49-88, Rec. p. I-3187).

60 La Commission soutient que les parties concernées par une procédure antidumping ne bénéficient pas toutes de la même protection des droits de la défense, l'étendue de cette protection étant en relation étroite avec leur situation procédurale. Elle rappelle que, selon la jurisprudence de la Cour, seules les personnes auxquelles un acte fait grief peuvent se prévaloir de la protection de tels droits. Or, dans une procédure antidumping, de tels actes ne sont pris qu'à l'encontre des exportateurs et non pas à l'encontre des importateurs comme la requérante.

61 Le Conseil conteste que la requérante ait jouit de la protection des droits de la défense et fait valoir que l'obligation des institutions communautaires de respecter les principes généraux de bonne administration ne vise pas, en l'espèce, à protéger les intérêts de la requérante mais ceux de la collectivité. Il ajoute que le fait que la violation de ce principe puisse aboutir à l'annulation d'un acte ne signifie pas que ces principes aient pour objet la protection des particuliers.

° Appréciation du tribunal

62 Le tribunal rappelle que, selon la jurisprudence de la Cour, la procédure antidumping et les mesures de défense éventuelles adoptées à son issue ne sont dirigées qu'à l'encontre de producteurs et d'exportateurs étrangers ou de pays tiers ainsi que, le cas échéant, d'importateurs liés et non à l'encontre des importateurs indépendants, comme la requérante (arrêt de la Cour du 28 novembre 1991, BEUC/Commission, C-17-89, Rec. p. I-5709)

63 Le tribunal constate qu'en l'espèce la procédure antidumping n'a pas été ouverte à l'encontre de la requérante et ne saurait par conséquent aboutir à un acte lui faisant grief, aucune accusation n'ayant été portée à son encontre. Dès lors, le moyen tiré par la requérante de la prétendue violation des droits de la défense à son égard n'est pas fondé et doit, par conséquent, être rejeté (arrêts de la Cour, BEUC/Commission, précité, points 20 à 23, du 10 juillet 1986, Belgique/Commission, 234-84, Rec. p. 2263, et 40-85, Rec. p. 2321, point 28).

Sur le prétendu détournement de pouvoir

° Exposé sommaire de l'appréciation des parties

64 La requérante soutient que, dans la mesure où la Cour a constaté au point 36 de l'arrêt Noëlle, précité, que les institutions communautaires ont fait un choix déraisonnable et non approprié dans le cadre de la détermination de la valeur normale, il serait également établi que ce même comportement des institutions communautaires aurait, en outre, constitué un détournement de pouvoir.

65 Les parties défenderesses n'ont pas présenté d'observations à cet égard.

° Appréciation du tribunal

66 Le tribunal rappelle qu'il résulte d'une jurisprudence constante qu'une décision ou un acte communautaire n'est entaché de détournement de pouvoir que s'il apparaît, sur la base d'indices objectifs, pertinents et concordants, comme ayant été adopté pour atteindre des fins autres que celles excipées (arrêts de la Cour du 4 juillet 1989, Kerzmann/Cour des comptes, 198-87, Rec. p. 2083, point 2 du sommaire de l'arrêt, et du 11 juillet 1990, Sermes, C-323-88, Rec. p. I-3027, point 33).

67 Le tribunal relève que la requérante s'est limitée à une seule et simple affirmation, sans même essayer d'établir son bien-fondé et sans l'étayer d'un quelconque argument ou d'une quelconque preuve. Dans ces conditions, le tribunal considère que le moyen tiré d'un détournement de pouvoir n'est pas fondé et doit, par conséquent, être rejeté (voir arrêt Sermes, précité, points 35 et 36).

Sur la prétendue violation du principe de sollicitude et des principes de bonne administration

° Exposé sommaire de l'argumentation des parties

68 La requérante rappelle que, dans l'arrêt Noëlle, précité, la Cour a constaté que les institutions communautaires avaient omis de prendre en considération des éléments essentiels et n'avaient pas examiné le dossier avec la diligence requise. Selon la requérante, un tel comportement constitue une violation du principe de sollicitude, qui figure parmi les garanties conférées par l'ordre juridique communautaire dans les procédures administratives (arrêt du 21 novembre 1991, Technische Universitaet Muenchen, C-269-90, Rec. p. I-5469), et une violation du principe d'"Offizialmaxime", connu du droit allemand, selon lequel l'autorité concernée décide de la procédure, de sorte que, en l'espèce, la Commission aurait été tenue, lors de la mise en œuvre de l'article 2, paragraphe 5, sous a), du règlement de base, de respecter les garanties procédurales des particuliers. En outre, la violation du principe de sollicitude aurait constitué, en l'espèce, une violation du droit d'être entendu, prévu par l'article 7, paragraphes 1, sous b), 2, sous a), 4 et 5, du règlement de base, du fait que la Commission a ignoré son argumentation concernant le choix du pays de référence.

69 Quant à l'étendue de la protection conférée par les principes prétendument violés, la requérante invoque, notamment, la jurisprudence de la Cour et du tribunal (arrêts de la Cour du 4 février 1987, Bouteiller/Commission, 324-85, Rec. p. 529, du 11 octobre 1990, FUNOC/Commission, C-200-89, Rec. p. I-3669; arrêt du tribunal du 27 février 1992, BASF e.a./Commission, T-79-89, T-84-89, T-85-89, T-86-89, T-89-89, T-91-89, T-92-89, T-94-89, T-96-89, T-98-89, T-102-89 et T-104-89, Rec. p. II-315), selon laquelle les normes du droit communautaire qui non seulement règlent les modalités de fonctionnement interne des institutions, mais garantissent, aussi, le respect des principes de légalité, de sécurité juridique et de bonne administration, susceptibles d'être invoquées par les personnes physiques et morales, sont "créatrices de droits" et facteur de sécurité juridique pour les personnes concernées, et en conclut que les institutions communautaires, en faisant une application erronée de l'article 2, paragraphe 5, sous a), du règlement de base, ont enfreint des normes qui visent le respect des garanties procédurales des particuliers (principe de sollicitude) et qui constituent le fondement des droits subjectifs que les particuliers peuvent faire valoir à l'encontre de l'administration.

70 La Commission conteste que la violation alléguée du principe de sollicitude constitue une violation d'une règle de droit protégeant individuellement la requérante et considère que la référence de la requérante à l'arrêt Technische Universitaet Muenchen, précité, n'est pas pertinente en l'espèce, du fait que le rôle joué par un importateur lors de la détermination du pays de référence est différent de celui de l'importateur d'appareils scientifiques, puisque l'importateur indépendant n'a pas un rôle déterminant dans la procédure antidumping et n'est pas directement concerné par la décision prise.

71 La Commission admet que le principe d'"Offizialmaxime" implique qu'elle est tenue de respecter le devoir de sollicitude, mais elle fait valoir que, pour que le principe du respect du devoir de sollicitude puisse faire naître des droits subjectifs, il conviendrait d'examiner si, dans le cadre de l'application de l'article 2, paragraphe 5, sous a) du règlement de base, le particulier a un droit de présenter une demande qui l'autoriserait à orienter l'activité de l'administration dans le sens demandé ou bien si c'est l'administration elle-même qui décide du déroulement de la procédure en cause("Offizialmaxime"). Selon la Commission, c'est bien l'autorité administrative qui décide seule de la mise en œuvre de la disposition en cause, de sorte que la requérante ne jouirait en l'espèce d'aucun droit subjectif. La Commission conteste aussi que l'article 7 du règlement de base offre des garanties procédurales à la requérante, en soulignant que cette disposition n'énonce, d'ailleurs de façon non exhaustive, que les sources d'information auxquelles peuvent avoir recours les institutions communautaires lors de l'ouverture et du déroulement d'une enquête antidumping, les importateurs n'étant, à cet égard, qu'une de ces sources, ne bénéficiant ainsi que des droits qui sont prévus par le règlement de base (arrêt BEUC/Commission, précité).

72 Le Conseil se rallie à l'argumentation de la Commission et soutient que, en admettant même que la Cour ait reconnu que les institutions ont violé le principe de sollicitude, il n'en résulterait pas qu'elles aient violé une règle de droit protégeant les intérêts de la requérante. A cet égard, le Conseil fait valoir que, pour savoir si le principe de sollicitude est une norme protégeant les particuliers, on doit, de prime abord, déterminer si la disposition dont l'application est à l'origine de la prétendue violation de ce principe a un caractère protecteur. Il en conclut que, dans la mesure où l'article 2, paragraphe 5, sous a), du règlement de base, qui est la disposition en cause, ne protège pas les intérêts de la requérante, le principe de sollicitude ne le fait pas non plus.

° Appréciation du tribunal

73 Le tribunal rappelle que, selon la jurisprudence de la Cour, lorsque les institutions communautaires disposent d'un large pouvoir d'appréciation, le respect des garanties conférées par l'ordre juridique communautaire dans les procédures administratives revêt une importance d'autant plus fondamentale et que, parmi ces garanties, figurent, notamment, l'obligation, pour l'institution compétente, d'examiner, avec soin et impartialité, tous les éléments pertinents du cas d'espèce, le droit de l'administré de faire connaître son point de vue ainsi que de voir motiver la décision de façon suffisante (arrêt Technische Universitaet Muenchen, précité, point 14).

74 Le tribunal constate qu'il ressort des points 30 à 32 de l'arrêt Noëlle, précité, que la Cour a déclaré non valide le règlement n° 725-89 en raison du fait que la Commission avait omis de prendre en considération des éléments essentiels en vue d'établir le caractère adéquat du pays de référence choisi et n'avait pas examiné de façon plus approfondie la proposition formulée par la requérante concernant le choix de Taïwan ainsi que ses arguments quant au caractère erroné du choix du Sri Lanka comme pays de référence. En particulier, la Cour a constaté au point 34 de l'arrêt précité, que les affirmations de la Commission, selon lesquelles Taïwan n'a pas été pris en compte comme pays de référence au motif que les caractéristiques physiques et les coûts de production des produits en cause étaient différents et que les producteurs de Taïwan approchés avaient refusé de collaborer, n'avaient été étayées par aucune précision ni par la présentation d'aucun élément de fait.

75 Au vu de ces constatations, le tribunal estime que le comportement des institutions communautaires concernant la détermination du pays de référence, sanctionné par la Cour dans l'arrêt Noëlle, précité, par la déclaration de l'invalidité du règlement n° 725-89, peut être considéré comme ayant constitué une violation du principe de sollicitude.

76 Le tribunal estime, par ailleurs, que le caractère protecteur du principe ainsi violé ne saurait être mis en cause dans le cas d'espèce. En effet, bien que les droits conférés aux parties impliquées dans une procédure antidumping soient fonction du stade de la procédure, de la qualité en laquelle elles y participent (exportateur concerné, importateur lié, importateur indépendant), ainsi que des différentes dispositions du règlement de base, il n'en reste pas moins que, lorsqu'un importateur indépendant fait valoir avec succès un intérêt suffisant, en tant que "partie intéressée", aux fins de sa participation à une procédure antidumping, et que la Commission, malgré les doutes que l'argumentation de ce dernier soulève quant au choix du pays de référence adéquat, s'abstient, en violation de l'obligation qui pèse sur elle, d'examiner de manière sérieuse et approfondie si ses arguments ou propositions sont bien fondés, elle commet une violation du principe de sollicitude qui est une règle protégeant les particuliers.

77 Le tribunal estime qu'il convient d'examiner ensuite la question de savoir si, en l'espèce, il s'est agi d'une violation manifeste et grave de cette règle, sans qu'il soit nécessaire d'examiner si le principe de sollicitude constitue une règle supérieure de droit.

Sur le caractère manifeste et grave de la violation du principe de sollicitude et des principes de bonne administration

° Exposé sommaire de l'argumentation des parties

78 La requérante rappelle que, dans l'arrêt Noëlle, précité, la Cour a constaté que, lors de la procédure concernant la détermination du pays de référence, elle avait fourni à la Commission des éléments susceptibles de faire naître des doutes manifestes quant au choix du Sri Lanka comme pays de référence. Dans la mesure où la Commission a préféré ignorer ces informations sans fournir une justification adéquate, l'attitude des institutions communautaires aurait ainsi été erronée et inexcusable et aurait constitué un excès de pouvoir flagrant, la gravité d'une telle violation résultant du fait que les principes ainsi violés constituent des principes fondamentaux (arrêt du tribunal du 27 juin 1991, Stahlwerke Peine-Salzgitter/Commission, T-120-89, Rec. p. II-279, point 111).

79 En outre, selon la requérante, la gravité de la violation résulterait également de l'étendue du pouvoir d'appréciation que les institutions communautaires disposent dans le cadre de la mise en œuvre de l'article 2, paragraphe 5, sous a), du règlement de base, étant donné que le respect des règles de procédure, au nombre desquelles figurent les principes de sollicitude et de bonne administration, s'impose d'autant plus que les institutions communautaires jouissent en l'espèce d'un large pouvoir d'appréciation. S'il convenait, donc, d'attribuer aux règles violées lors de l'adoption du règlement n° 725-89, un rang particulièrement élevé du fait que l'article 2, paragraphe 5, sous a), du règlement de base confère aux institutions communautaires un large pouvoir d'appréciation, il en découlerait, selon la requérante, que les violations des principes de sollicitude et de bonne administration devraient être qualifiées de graves. Enfin, la requérante soutient que, selon une jurisprudence plus récente de la Cour, le fait que la violation concernée confine à l'arbitraire ne constitue pas une condition nécessaire pour que la responsabilité de la Communauté soit engagée (arrêt du 18 mai 1993, Commission/Stahlwerke Peine-Salzgitter, C-220-91 P, Rec. p. I-2393).

80 La Commission précise que, dans l'arrêt Noëlle, la Cour s'est référée uniquement au fait que Noëlle avait porté à la connaissance de la Commission des éléments suffisants pour faire apparaître des doutes sur le caractère approprié et non déraisonnable du choix du Sri Lanka comme pays de référence. Pour que la responsabilité de la Communauté du fait d'un acte normatif soit engagée, il faudrait, selon la Commission, qu'il y ait une violation suffisamment caractérisée, c'est-à-dire grave et manifeste et confinant à l'arbitraire. Or, d'après la Commission, ce qui est douteux est le contraire de ce qui est manifeste et arbitraire.

81 La Commission s'oppose également à ce que la violation alléguée de l'article 2, paragraphe 5, sous a), du règlement de base soit qualifiée de grave. Elle rappelle que, selon la jurisprudence de la Cour, l'étendue de la protection des droits procéduraux des particuliers impliqués dans une procédure antidumping dépend de leur position procédurale. La Commission considère que la requérante ne saurait se prévaloir d'une violation grave de ses droits procéduraux en invoquant l'existence d'une relation étroite entre les marges d'appréciation dont jouit la Commission dans la mise en œuvre des dispositions du règlement de base et le strict respect qu'elle doit aux droits procéduraux des parties concernées, car la requérante ne devrait pas être considérée comme une partie concernée selon la jurisprudence de la Cour (arrêt BEUC/Commission, précité).

82 Le Conseil soutient que la thèse de la requérante, selon laquelle un comportement confinant à l'arbitraire n'est plus une condition nécessaire pour que la responsabilité de la Communauté soit engagée, ne trouve, en fait, aucun appui dans la jurisprudence.

83 Le Conseil fait remarquer que les institutions communautaires n'ont pas agi de manière arbitraire mais qu'elles ont, simplement, mal évalué l'étendue de leurs devoirs d'investigation lors de la mise en œuvre de l'article 2, paragraphe 5, sous a), du règlement de base.

84 Le Conseil rejette également la thèse de la requérante selon laquelle la violation d'une règle de droit impliquant l'exercice d'un pouvoir d'appréciation relativement large est, automatiquement, considérée comme grave. Selon le Conseil, une telle appréciation dépend des circonstances particulières du cas d'espèce. Or, la requérante n'aurait pas expliqué pourquoi la violation de l'article 2, paragraphe 5, sous a), du règlement de base devrait être considérée comme grave. Enfin, le Conseil expose qu'on ne saurait pas, non plus, conclure à la gravité de la violation de la disposition en cause du fait de la violation des principes fondamentaux qui sous-tendent sa mise en œuvre car il n'y aurait eu en l'espèce aucune violation de tels principes.

° Appréciation du tribunal

85 Le tribunal rappelle que, selon une jurisprudence constante, une violation suffisamment caractérisée d'une disposition implique, dans un contexte normatif comme celui de l'espèce, caractérisé par l'exercice d'un large pouvoir d'appréciation qui est indispensable à la mise en œuvre de la politique commerciale commune, que la responsabilité de la Communauté ne puisse être engagée que si l'institution concernée a méconnu, de manière manifeste et grave, les limites qui s'imposent à l'exercice de ses pouvoirs (voir les arrêts HNL e.a./Conseil et Commission, Mulder e.a./Conseil et Commission, Campo Ebro e.a./Conseil, précités).

86 Le tribunal relève, que dans son arrêt Noëlle, précité, la Cour a constaté que "Noëlle a apporté des éléments suffisants, qui étaient déjà connus de la Commission et du Conseil au cours de la procédure antidumping, pour faire apparaître des doutes sur le caractère approprié et non déraisonnable du choix du Sri Lanka comme pays de référence" et que, "si les institutions ne sont pas tenues de prendre en considération tous les pays de référence proposés par les parties dans le cadre d'une procédure antidumping, les doutes apparus en l'espèce quant au choix du Sri Lanka auraient dû amener la Commission à examiner de façon plus approfondie la proposition formulée par le requérant" (points 30 et 32 de l'arrêt précité).

87 Il convient donc de constater que, ainsi qu'il ressort de ces considérations exposées par la Cour dans son arrêt Noëlle, précité, celle-ci n'a pas dit pour droit que le choix du Sri Lanka comme pays de référence était un choix erroné en soi et qu'elle a, simplement, constaté que, face aux doutes soulevés par la requérante, la Commission aurait dû mener une enquête plus approfondie afin d'examiner si, ainsi que la requérante l'avait fait valoir, Taïwan pouvait être un choix plus adéquat. Or, comme la Commission le souligne par ailleurs, à juste titre, ce qui est douteux est loin d'être manifeste et arbitraire.

88 En effet, il y a lieu de relever à cet égard que, face aux doutes soulevés par les arguments de la requérante quant au choix approprié du Sri Lanka comme pays de référence, la Commission ne s'est pas abstenue d'examiner si Taïwan pouvait, en revanche, être un pays de référence plus adéquat, comportement qui, dans un tel cas, aurait été susceptible de constituer une méconnaissance grave de ses obligations de bonne administration à l'égard des parties participant à la procédure, mais qu'elle n'a pas fait un effort sérieux et suffisant à cet égard. Cela ressort clairement du point 34 de l'arrêt Noëlle, où la Cour a constaté que la lettre que la Commission avait adressée aux deux principaux producteurs de Taïwan dans le cadre de la détermination du pays de référence ne pouvait pas être considérée comme une tentative suffisante pour obtenir des renseignements, eu égard à la teneur de cette lettre et à l'extrême brièveté du délai de réponse imparti, qui rendaient pratiquement impossible la coopération des producteurs en question.

89 Il en résulte que, dans la mesure où les institutions communautaires n'ont pas complètement méconnu leur devoir de sollicitude et de bonne administration envers la requérante mais, simplement, mal apprécié l'étendue de leurs obligations découlant de ce principe, la violation du principe de sollicitude ne saurait être qualifiée en l'espèce de violation suffisamment caractérisée ou de violation manifeste et grave au sens de la jurisprudence de la Cour (voir les arrêts de la Cour HNL e.a./Conseil et Commission, précité, du 5 décembre 1979, Amylum et Tunnel Refineries/Conseil et Commission, 116-77 et 124-77, Rec. p. 3497, et Koninklijke Scholten-Honig/Conseil et Commission, 143-77, Rec. p. 3583).

90 Il convient, en tout état de cause, d'ajouter que, même si la Commission avait effectué un examen plus sérieux de la question de savoir si Taïwan pourrait être un pays de référence adéquat, rien ne saurait empêcher qu'à l'issue d'un tel examen le Sri Lanka puisse se révéler être un choix approprié et raisonnable au sens de l'article 2, paragraphe 5, sous a), du règlement de base.

91 Dès lors, en l'absence d'une violation suffisamment caractérisée d'une règle de droit protégeant la requérante, sans qu'il soit besoin d'examiner si les autres conditions pour que la responsabilité de la Communauté soit engagée sont réunies en l'espèce, il y a lieu de rejeter le recours comme non fondé, aussi bien en ce qui concerne la demande d'indemnisation pour les intérêts bancaires que la requérante a dû payer sur les montants qu'elle a empruntés dans le cadre du paiement du droit antidumping institué par le règlement n° 725-89, qu'en ce qui concerne la demande d'indemnisation pour les frais exposés dans le cadre des diverses interventions de ses avocats auprès des bureaux de douanes.

Sur les dépens

92 Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. Le requérant ayant succombé en ses conclusions, il y a lieu de le condamner à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par le Conseil et la Commission, qui ont conclu en ce sens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre élargie)

Déclare et arrête :

1) Le recours est rejeté.

2) La partie requérante est condamnée aux dépens.