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Décisions

CJCE, président, 19 juillet 1983, n° 120-83 R

COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

V/O Razno Import

Défendeur :

Commission des Communautés européennes

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Avocats :

Mes Jacobs, Hall

CJCE n° 120-83 R

19 juillet 1983

LA COUR,

1 Aux termes de l'article 185 du traité CEE, les recours formés devant la Cour n'ont pas d'effet suspensif. Celle-ci peut toutefois, si elle estime que les circonstances l'exigent, ordonner le sursis à l'exécution de la décision attaquée et prescrire toute autre mesure provisoire en application des articles 185 et 186 du traité CEE.

2 Selon une jurisprudence constante, des mesures de ce genre ne sauraient être prises en considération que si les circonstances de fait et de droit invoquées pour les obtenir, justifient, à première vue, leur octroi. Il faut, en outre, qu'elles soient urgentes en ce sens qu'il est nécessaire qu'elles soient édictées et sortent leurs effets dès avant la décision du juge sur le fond pour éviter que la partie qui les sollicite ne subisse un préjudice grave et irréparable. Il faut enfin qu'elles soient provisoires en ce sens qu'elles ne préjugent pas de la décision au fond.

3 La décision attaquée au principal est elle-même une mesure provisoire qui se situe dans le cadre de la procédure aménagée par le règlement n° 3017-79 du Conseil, du 20 décembre 1979, relatif à la défense contre les importations qui font l'objet de 'dumping' ou de subventions de la part de pays non-membres de la Communauté économique européenne (JO L 339 du 31.12.1979, p. 1). Selon ce règlement, la procédure de fixation d'un droit antidumping se déroule en plusieurs phases dont l'une comprend, au terme d'une enquête à laquelle les parties intéressées sont associées, la détermination d'un droit antidumping provisoire.

4 L'instauration de ce droit provisoire se fait elle-même en deux étapes, réglées par les articles 11 et 12 dudit règlement. Le paragraphe 1 de l'article 11 dispose que lorsqu'il ressort d'un examen préliminaire qu'un dumping ou qu'une subvention existe et qu'il y a des éléments de preuve suffisants d'un préjudice causé de ce fait, la Commission, sur demande d'un État membre ou de sa propre initiative, institue, si les intérêts de la Communauté nécessitent une action en vue d'empêcher qu'un préjudice ne soit causé pendant la poursuite de la procédure, un droit antidumping ou compensateur provisoire.

5 Dans ce cas, la mise à la consommation dans la Communauté des produits concernés est subordonnée au dépôt d'une garantie pour le montant du droit provisoire.

6 Selon le paragraphe 5 du même article 11, les droits provisoires sont valables pour une période maximale de quatre mois qui peut, dans certaines conditions, être prorogée pour une nouvelle période de deux mois.

7 Selon l'article 12, paragraphes 2 a) et b), il appartient au Conseil, au moment où il décide de l'instauration d'un droit définitif, de décider également, sur proposition de la Commission, et indépendamment de la décision qu'il prendra en ce qui concerne l'instauration d'un droit définitif, dans quelle mesure le droit provisoire sera ou non définitivement perçu. La perception définitive du droit provisoire ne peut toutefois être décidée s'il ne ressort pas de la constatation définitive des faits qu'il y a dumping ou subvention ainsi qu'un préjudice ou une menace de préjudice important qui se serait transformée en préjudice important si des mesures provisoires n'avaient pas été appliquées. En l'occurrence, cette décision devra intervenir avant le 17 octobre, ou en cas de prolongation du délai, avant le 17 décembre 1983.

8 C'est compte tenu des particularités de la procédure ainsi instituée qu'il y a lieu d'apprécier si se trouvent réunies les conditions auxquelles un sursis à l'exécution de la décision attaquée peut être décidée.

9 A cet égard, on ne saurait se dissimuler le caractère sérieux des griefs formulés par la requérante. Mis à part le problème de la recevabilité des recours dirigés contre des décisions de ce type, qui n'a pas encore été entièrement résolu par la jurisprudence de la Cour, il y a un doute sérieux sur le point de savoir si en prenant comme base de référence une valeur construite, alors qu'il semble que les prix soient déterminés par des mécanismes de marché, et en calculant cette valeur construite à partir des coûts de production dans un état tiers dont on peut se demander s'il ne se trouve pas lui-même dans la situation visée par le paragraphe 4 du même article 2 b, la Commission a appliqué les critères du paragraphe 5 de manière appropriée et raisonnable. Un doute existe également, au vu des explications fournies au cours de la procédure en référé, sur les conditions qui ont amené la Commission à fixer le taux du droit provisoire antidumping à 7 %.

10 La première condition à laquelle doit être subordonné l'octroi de mesures provisoires se trouvant ainsi certainement réalisée, il reste à apprécier l'urgence et la nécessité du sursis demandé, en vue d'éviter à la requérante un dommage grave et irréparable, au sens ci-dessus indiqué.

11 Selon la requérante, ce dommage consisterait dans le risque de perturbation des courants commerciaux qu'elle a établis et qui résulterait de l'obligation de constituer caution au moment de la mise à la consommation du nickel sur le marché communautaire pendant la période de validité du droit provisoire.

12 Il y a lieu de souligner que la procédure instituée par le règlement n° 3017-79 implique qu'à brève échéance, le Conseil aura à statuer à la fois sur l'instauration éventuelle d'un droit définitif et sur la perception définitive du droit provisoire. Si cette circonstance n'exclut pas en soi la possibilité de surseoir à l'exécution de la mesure attaquée, le juge du référé doit toutefois prendre en considération les particularités de la procédure en cause et tenir compte des compétences que, dans le délai prévu, le Conseil aura à exercer, après avoir été entièrement informé notamment à la lumière de ce qui est apparu au cours de la présente procédure en référé.

13 Entre-temps, la Commission a non seulement l'obligation de poursuivre son enquête en vue de permettre au Conseil de décider s'il y a oui ou non dumping, mais encore, compte tenu des particularités de l'espèce, de suivre au jour le jour l'évolution des prix sur le marché du produit frappé du droit provisoire, afin de juger de la nécessité du maintien de ce droit ou du taux de celui-ci. Il y a lieu de lui ordonner d'agir dans ce sens.

14 Pour le surplus, il apparait des données fournies au stade du reféré que, compte tenu des caractéristiques du marché du produit en cause, le risque de perturbation durable des courants commerciaux résultant du maintien du droit provisoire est restreint. Il n'est pas établi que la requérante ne pourra éviter ce dommage par des mesures qui ne sortent pas du cadre de l'obligation de coopération qui lui incombe en vue d'une limitation du dommage allégué.

15 Il en résulte que l'entrave aux possibilités de vente de la requérante se borne, en substance, à la charge que signifie la constitution d'une caution. Le coût de cette caution peut, selon les indications des parties, être estimé de 1 à 2 % du montant du droit provisoire qu'il s'agit de garantir. Même si la requérante, seule exportatrice pour la production soviétique, devait provisoirement prendre à sa charge les frais de cette caution pour pouvoir commercialiser ses produits pendant la période d'application du droit provisoire, cet inconvénient ne saurait constituer un dommage grave et irréparable permettant de suspendre l'application d'une décision qui se situe dans un contexte économique complexe. Il s'agit en effet d'un dommage susceptible d'être, le cas échéant, réparé dans le cadre du recours en indemnité introduit par la requérante.

16 Il y a dès lors lieu de rejeter la demande pour le surplus, et il convient, en l'état, de réserver les dépens.

Par ces motifs,

LE PRESIDENT,

Statuant au provisoire,

Ordonne :

1) La Commission a l'obligation de suivre au jour le jour l'évolution des prix sur le marché du produit frappé du droit provisoire afin de juger de la nécessité du maintien de ce droit ou du taux de celui-ci.

2) Le recours est rejeté pour le surplus.

3) Les dépens sont réservés.