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Décisions

CA Paris, 5e ch. A, 25 février 2004, n° 2002-18992

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Ophée (SA)

Défendeur :

Parfums Christian Dior (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Riffault-Silk

Conseillers :

MM. Picque, Roche

Avoués :

SCP Bernabe-Chardin-Chevillier, SCP Bommart-Forster

Avocats :

Mes Fabignon, Jourde

T. com. Paris, 6e ch., du 12 févr. 2001

12 février 2001

La société Ophée, laquelle exploite un fonds de commerce de produits de beauté, a été entre 1973 et 1992 distributeur agréé de la société Parfums Christian Dior.

Un différend financier a surgi entre les parties en 1992 et, en octobre de la même année, la société Parfums Christian Dior a, par lettre recommandée avec accusé de réception, résilié le contrat de distribution conclu en excipant de factures impayées d'un montant total de 92 474,04 F.

Par la suite la société Ophée était placée en redressement judiciaire par jugement du 24 février 1993 avant de bénéficier d'un plan de continuation pour une durée de 7 ans.

A partir d'octobre 1995 la société Ophée a, à plusieurs reprises, sollicité la possibilité de redevenir distributeur agréé des produits de la société Parfums Christian Dior. Devant le refus de cette dernière d'y faire droit la société Ophée a, par acte du 3 novembre 1998, assigné l'intéressée devant le Tribunal de commerce de Paris afin que soit constaté le caractère abusif de la résiliation du contrat et que la société Christian Dior soit condamnée à reprendre les relations contractuelles.

C'est dans ces conditions qu'est intervenu le jugement présentement déféré du 12 février 2001 par lequel le Tribunal de commerce de Paris a débouté la demanderesse de ses prétentions, en estimant que dès lors qu'une résiliation pour faute était intervenue, la société Ophée pouvait se voir opposer un refus de contracter à nouveau.

La société Ophée a interjeté appel de cette décision et par conclusions enregistrées le 18 octobre 2002 a demandé à la cour de :

- infirmer le jugement en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes,

- ordonner à la société Parfums Christian Dior de la mettre en mesure de passer commande des produits de marque Christian Dior et dire que cette obligation sera assortie d'une astreinte de 1524 euro par jour de retard à compter du prononce de la décision,

- condamner la société Parfums Christian Dior à lui payer une somme de 533 570 euro à titre de dommages et intérêts, aux dépens par application de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile dont distraction au profit de la SCP Bernabé Chardin Cheviller et au paiement d'une somme de 3 810 euro par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

La société Parfums Christian Dior, par conclusions enregistrées le 20 mars 2003, a sollicité, pour sa part, de la cour de :

- confirmer le jugement

y ajoutant

Condamner la société Ophée à lui payer la somme de 20 000 F en vertu de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

- la condamner en tous les dépens avec recouvrement par la SCP Bommart Forster avoué dans les conditions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.

Sur ce,

Sur la résiliation du contrat de distribution agréé liant la société Parfums Christian Dior à la société Ophée

Considérant que si l'appelante soutient que la mise en œuvre de la clause résolutoire expresse insérée dans le contrat de distribution sélective aurait été abusive dès lors que les retards de paiement reprochés avaient pour origine "un litige relatif aux conditions de reprise par la société Parfums Christian Dior de produits supprimés" et que "la seule réaction légitime était de préserver le maintien des relations contractuelles, éventuellement au prix de l'application du système de livraison contre remboursement", il convient, tout d'abord, de relever que pour l'année 1991 il y eut 11 retards de paiement de la part de la société Ophée et que 4 traites sont restées impayées ; que, par ailleurs, l'avoir litigieux dont il est fait état s'élevait à 7 642,34 F et après l'émission de celui-ci le 11 septembre 1992 l'appelante n'a pas davantage réglé les sommes dues, lesquelles s'élevaient après compensation à 92 474,04 F ; que le 22 septembre suivant elle était à nouveau mise en demeure de payer avec indication de la transmission du dossier au service contentieux en cas d'absence de réponse de sa part; qu'eu égard à l'ancienneté des retards de paiement ainsi qu'à l'importance des factures restées impayées malgré relances et mises en demeure la résiliation anticipée du contrat à laquelle a procédé la société intimée ne présente aucun caractère abusif et n'est que la mise en œuvre de la clause résolutoire de plein droit exprimée de manière non équivoque par l'article VI des conditions générales de vente jointes au contrat signé le 17 août 1987 et aux termes duquel "une partie peut à tout moment mettre fin de plein droit au contrat ... en cas d'impayés 8 jours après l'envoi par le service contentieux d'une mise en demeure de payer restée infructueuse";

Que c'est dès lors à bon droit que les premiers juges ont constaté le caractère régulier de la rupture critiquée et débouté l'appelante de sa demande tendant à ce qu'elle soit qualifiée d'abusive;

Sur la nouvelle demande d'ouverture de compte formée par la société Ophée

Considérant qu'ayant résilié à bon droit, ainsi qu'il a été ci-dessus énoncé, le contrat la liant à la société Ophée pour inexécution par celle-ci de ses obligations, la société Parfums Christian Dior ne saurait se voir reprocher par cette dernière son refus de la faire bénéficier d'un nouveau contrat sauf à méconnaître directement la nature de la résiliation régulièrement intervenue et à revenir sur la portée même de celle-ci ; que, par suite, la société Ophée ne saurait utilement critiquer le rejet par l'intimée de sa demande de régulariser un nouveau contrat de distributeur agréé en invoquant un usage prétendument abusif ou discriminatoire de son système de distribution sélective ou solliciter des dommages et intérêts de ce chef;

Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède qu'il y a lieu de confirmer le jugement et de débouter l'appelante dont aucun des moyens n'est fondé de l'ensemble de ses prétentions;

Sur l'application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile

Considérant que l'équité commande que l'appelante, condamnée aux dépens d'appel, verse à l'intimée la somme de 1 500 euro au titre des frais hors dépens exposés en cause d'appel;

Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement et contradictoirement, - Reçoit l'appel jugé régulier en la forme, - Au fond, le rejetant, confirme le jugement, - Déboute la société Ophée de l'ensemble de ses prétentions, - La condamne aux dépens d'appel avec droit de recouvrement direct au profit de la SCP Bommart Forster, avoué, - La condamne aussi à verser à la société Parfums Christian Dior la somme de 1 500 euro au titre des frais hors dépens.