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Décisions

Cass. com., 3 octobre 2006, n° 04-18.039

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Espace Lyonnais (Sté), Socogar Automobiles (Sté), Detroit Motors (EURL), Inter Auto (Sté)

Défendeur :

Daimler Chrysler France (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Tricot

Rapporteur :

Mme Tric

Avocat général :

M. Lafortune

Avocats :

SCP Ghestin, Me Jacoupy

Cass. com. n° 04-18.039

3 octobre 2006

LA COUR : - Donne acte à la société Socogar Automobiles de ce qu'elle se désiste de son pourvoi; - Attendu, selon l'arrêt déféré (Paris, 3 juin 2004), que la société Sonauto, importateur exclusif en France de véhicules automobiles et de pièces de rechange fabriqués par la société Chrysler, a conclu des contrats de concession exclusive à durée indéterminée le 20 février 1996 avec les sociétés Detroit Motors et Inter Auto, et le 6 mars 1996 avec la société Espace Lyonnais; que le 22 mai 1996, elle a cédé son fonds de commerce et les contrats à la société Chrysler France, qui, le 26 septembre 1997, a avisé ses concessionnaires de la mise en place de changements structurels de représentation en France avec un plan de développement ; que le 30 septembre 1997, la société Chrysler France a avisé les concessionnaires en cause de la résiliation de leur contrat à l'issue d'un an à compter de la réception de la lettre; que le 13 novembre 1997, elle a donné son accord à la société Inter Auto pour que celle-ci cesse son activité au 31 décembre 1997 et a conclu avec elle un contrat de service de six mois renouvelable par tacite reconduction ; que le 15 décembre 1997, elle a confirmé à la société Detroit Motors sa décision de mettre un terme définitif à son contrat le 28 octobre 1998; que le 30 mars 1998, elle a fait savoir à la société Espace Lyonnais que son projet retenait son attention, mais que le 28 octobre 1998, elle lui a notifié sa décision de mettre un terme définitif aux relations le 30 octobre 1998 ;

Sur le premier moyen : - Attendu que les sociétés Espace Lyonnais, Detroit Motors et Inter Auto reprochent à l'arrêt d'avoir constaté le respect de la procédure de résiliation des contrats de concession en litige par la société Chrysler France et la nécessité de réorganisation du réseau et d'avoir, en conséquence, rejeté leurs demandes d'indemnisation de leur préjudice, alors, selon le moyen : 1°) que le fournisseur n'est en droit de résilier le contrat de concession automobile moyennant un préavis réduit à un an, en cas de nécessité de réorganiser l'ensemble ou une partie substantielle du réseau que moyennant un système de règlement rapide du litige et sans préjudice pour la partie de saisir le tribunal compétent conformément au droit national applicable; d'où il suit que le fournisseur ne peut faire usage du délai de préavis abrégé qu'en justifiant de la nécessité de réorganisation substantielle de son réseau; qu'en s'abstenant de caractériser la preuve de la nécessité pour la société Chrysler France de réorganiser substantiellement son réseau, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 5-3 du règlement CE 1475-95 du 28 juin 1995 de la Commission, ensemble les articles 1315, 1134 et 1147 du Code civil; 2°) que le juge doit viser et analyser au moins sommairement les pièces sur lesquelles il fonde sa décision ; qu'en estimant que la nécessité par la société Chrysler France de réorganiser le réseau était justifiée "par les pièces produites", sans viser ni analyser les dites pièces, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu que la cour d'appel, qui a retenu que les pièces produites établissent la nécessité de réorganiser le réseau en raison d'une concurrence accrue entre les constructeurs automobiles qui ont, dans leur ensemble, été conduits à s'orienter vers une réduction du nombre des concessionnaires accompagnée d'une extension des territoires concédés et de l'exigence d'investissements accrus destinés à valoriser l'image des marques et partant à favoriser la commercialisation des véhicules n'était pas tenue de s'expliquer davantage sur la nécessité de la réorganisation ni sur les pièces qui l'établissaient dès lors que les conclusions des sociétés concessionnaires, ne critiquaient pas le jugement qui avait fait la même analyse au vu de ces pièces ni ne contestaient les conclusions de la société Chrysler France qui invoquait la nécessité de réorganisation de son réseau; que le moyen n'est pas fondé;

Et sur le second moyen : - Attendu que les sociétés Espace Lyonnais, Detroit Motors et Inter Auto font encore le même reproche à l'arrêt, alors, selon le moyen : 1°) que le concédant qui use de la prérogative exceptionnelle de réduire le délai de préavis à un an en raison des nécessités de réorganiser son réseau ne doit rien faire pour priver ce préavis abrégé de toute son efficacité, de sorte que les concessionnaires puissent opérer leur reconversion ou céder leurs fonds; qu'il résulte des propres constatations de l'arrêt que la société Chrysler France a notifié le 30 septembre 1997 à tous les concessionnaires du réseau la résiliation de leurs contrats en les invitant à présenter des plans d'action, les entretenant ainsi dans l'espoir chimérique de la poursuite des relations contractuelles, pour ne confirmer la résiliation effective de leurs contrats que quelques mois avant l'expiration de leur préavis; qu'en estimant que la société Chrysler France, qui avait ainsi mis les concessionnaires dans l'impossibilité d'opérer leur reconversion ou de céder leurs fonds, n'avait pas commis de faute dans l'exercice de son droit de résiliation abrégé, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations violant l'article 1147 du Code civil; 2°) que dans ses conclusions d'appel, la société Espace Lyonnais avait fait valoir que par lettre du 6 mars 1998, la société Chrysler France l'avait dissuadée de se considérer comme exclue du réseau, l'incitant à présenter un plan d'action pour lui notifier son exclusion du réseau le 10 avril 1998, cinq mois et demi avant l'expiration de son préavis; qu'en estimant que rien ne prouve que la société Chrysler France ait laissé croire ce concessionnaire à la conclusion d'un nouveau contrat, sans répondre à ces conclusions péremptoires, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile; 3°) que dans leurs conclusions d'appel, les concessionnaires évincés avaient fait valoir sans être démentis que la société Chrysler France avait transféré l'intégralité de leurs fichiers clients aux concessionnaires pressentis, spoliant ainsi les concessionnaires évincés d'un élément substantiel de leurs fonds de commerce; qu'en s'abstenant totalement de répondre à ce moyen péremptoire, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile;

Mais attendu que l'arrêt souligne qu'avant même le 30 septembre 1997, les concessionnaires avaient été informés de la résiliation à un an des contrats actuels, suivie de la mise en place d'un plan d'action concession par concession avec cette précision : "Il y aura place dans cette nouvelle structure pour tous les concessionnaires qui seront prêts, en partenariat avec Chrysler, à développer les normes et standards constituant la personnalité de Chrysler et de Jeep" et rappelle que le plan de développement prévoyait la présentation des normes et standards en octobre/novembre 1997; qu'ainsi la cour d'appel, qui n'était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation ni de répondre à de simples allégations, a fait ressortir que les concessionnaires, prévenus qu'ils devraient correspondre aux normes et standards pour être repris, ne pouvaient entretenir l'espoir d'une poursuite des relations contractuelles que s'ils remplissaient ces conditions ; que le moyen n'est pas fondé;

Par ces motifs : Rejette le pourvoi.