Cass. 1re civ., 4 juillet 2000, n° 97-22.570
COUR DE CASSATION
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
UAP (Sté), Axa courtage IARD (Sté)
Défendeur :
Novergie exploitation (SA), Sun Alliance assurances (Sté), GAN Incendie Accidents (SA), Lorraine d'études et d'applications des techniques (SARL), Nodée (ès qual.)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Sargos (faisant fonction)
Rapporteur :
Mme Verdun
Avocat général :
M. Gaunet
Avocats :
SCP Célice, Blancpain, Soltner, Me Choucroy, SCP Coutard, Mayer, SCP Defrenois, Levis, SCP Masse-Dessen, Georges, Thouvenin
LA COUR : - Donne acte à la société Axa courtage IARD de sa reprise d'instance ; - Statuant sur le pourvoi principal formé par la compagnie d'assurances UAP, aux droits de laquelle se présente la compagnie Axa courtage IARD, et sur le pourvoi provoqué relevé par la société Sun Alliance assurances ; - Attendu que le SIVOM de Haute-Tarentaise a confié à la société Novergie la construction et l'exploitation d'une usine d'incinération d'ordures ménagères ; que l'unité de refroidissement des fumées a été conçue et réalisée par la société LOREATT ; que des désordres étant apparus quelques mois après la mise en service de l'usine, la société Novergie a saisi le juge des référés aux fins de désignation d'un expert ; qu'après dépôt du rapport d'expertise, la société Novergie a fait assigner en réparation le mandataire liquidateur de la société LOREATT, ainsi que l'UAP, assureur de responsabilité de l'entreprise ; qu'elle a également recherché la garantie de ses propres assureurs, les compagnies Sun Alliance et GAN, auprès desquels elle avait souscrit respectivement une police "tous risques chantiers" et une assurance multi-dommages ; que les trois assureurs ont contesté leur garantie ; que l'arrêt attaqué a condamné les compagnies Sun Alliance et GAN à indemniser la société Novergie de ses dommages, et l'UAP à les garantir de cette condamnation ;
Sur la première branche du moyen unique du pourvoi principal formé par l'UAP : - Attendu que l'UAP, aux droits de laquelle se présente la compagnie Axa courtage IARD, fait grief à la cour d'appel d'avoir écarté la fin de non-recevoir prise de la tardiveté de l'action en garantie des vices cachés intentée contre son assurée en retenant que le bref délai imparti par l'article 1648 du Code civil n'avait commencé à courir que le 6 octobre 1992, date de dépôt du rapport d'expertise judiciaire, sans répondre aux conclusions par lesquelles elle faisait valoir que la société Novergie avait été informée de la nature précise et de l'importance des désordres par une précédente étude de l'APAVE ;
Mais attendu que le contrat par lequel une entreprise confie à une autre la conception et la réalisation d'un lot du marché de travaux dont elle est attributaire constitue non un contrat de vente mais un contrat d'entreprise, exclu du champ d'application de l'article 1648 du Code civil ; que, par ces motifs, substitués à ceux des juges du fond, dans les conditions de l'article 1015 du nouveau Code de procédure civile, l'arrêt se trouve légalement justifié ; d'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
Sur le premier moyen du pourvoi provoqué formé par la société Sun Alliance, pris en ses deux branches, tel qu'il figure au mémoire en demande et est reproduit en annexe au présent arrêt : - Attendu que, pour écarter la fin de non-recevoir prise du défaut de qualité à agir de la société Novergie, celle-ci n'étant pas le propriétaire de la chose assurée au moment du sinistre, et ne justifiant pas des conditions d'une subrogation, la cour d'appel a relevé, par motifs propres et adoptés, que cette société avait remis à l'expert les factures de paiement des travaux de réfection qu'elle a supportés ; d'où il suit que le moyen, qui manque en fait en sa seconde branche, est inopérant, pour le surplus ;
Sur le second moyen du pourvoi provoqué formé par la société Sun Alliance, tel qu'il figure au mémoire en demande et est reproduit en annexe au présent arrêt : - Attendu que ce moyen ne tend qu'à remettre en cause l'appréciation souveraine de l'arrêt attaqué quant au fait que les désordres litigieux résultaient non d'un phénomène de corrosion, exclu de la garantie, mais d'une erreur commise par la société Loreatt dans la nature des aciers mis en œuvre ; qu'il ne peut, dès lors, qu'être écarté ;
Mais sur la seconde branche du moyen unique du pourvoi principal formé par l'UAP : - Vu les articles 1134 du Code civil et L. 113-1 du Code des assurances ; - Attendu que l'UAP, assureur de la responsabilité civile de la société LOREATT, a contesté sa garantie en se fondant sur la clause 4.9 des conditions particulières de son contrat, qui excluait des risques couverts "les dommages subis par les biens livrés par l'assuré et les frais, y compris de dépose, repose, rappel ou retrait, entraînés par le remboursement, la réparation ou le remplacement de ces biens" ; que, pour rejeter cette exception de non-garantie, la cour d'appel a retenu qu'une telle clause, figurant dans un contrat d'assurance destiné à garantir la responsabilité civile professionnelle de l'assuré, y compris après livraison et réception des travaux, vidait le contrat de sa substance et devait être tenue pour nulle et de nul effet ;
Attendu, cependant, que la clause litigieuse laissait dans le champ de la garantie "après livraison" les dommages corporels, matériels et immatériels consécutifs causés par les produits livrés ; qu'en se déterminant comme elle l'a fait, la cour d'appel a méconnu les clauses du contrat d'assurance, qui ne garantit pas le défaut de conformité des produits livrés, et a ainsi violé les textes susvisés ;
Sur la première branche du troisième moyen du pourvoi provoqué formé par la société Sun Alliance : - Vu les articles 1134 du Code civil et L. 113-1 du Code des assurances ; - Attendu que la compagnie Sun Assurances, assureur de la société Novergie, a dénié sa garantie en se fondant sur l'article I-11 des conditions particulières de sa police "tous risques chantiers", qui excluait de la garantie "les frais occasionnés par la rectification des défauts de conception de matière, de construction, de vices de plans ou d'erreur de calcul" ; que, pour écarter cette exception, la cour d'appel a retenu que la clause invoquée n'était ni claire, ni précise, et qu'elle vidait de son contenu la "garantie après réception" laquelle, aux termes de l'article C 2 du contrat, s'étendait à "tous les dommages matériels quelconques, pertes ou destructions causés aux biens assurés" ;
Attendu, cependant, que la clause litigieuse laissait dans le champ de la garantie après réception "les dommages ou les accidents causés aux biens garantis résultant de ces défauts ou vices" et qu'ainsi, elle ne vidait pas de son contenu la garantie accordée ; qu'en se déterminant comme elle l'a fait, la cour d'appel a méconnu les clauses du contrat d'assurance et a ainsi violé les textes susvisés ;
Et sur la deuxième branche de ce même moyen : - Vu l'article 1134 du Code civil ; - Attendu que, pour dire n'y avoir lieu à application de la clause limitant l'indemnité d'assurance à la valeur de remplacement à neuf des biens sinistrés et condamner l'assureur "tous risques chantiers" à prendre en charge le coût de la mise en conformité de l'ouvrage avec les règles de l'art, la cour d'appel a relevé que cette clause ne pouvait jouer dès lors que, pour les sinistres survenus après réception, la garantie s'étendait à l'ensemble des dommages causés aux biens et résultant de défauts ou d'erreurs de conception ou de construction imputables à l'assuré, ce qui était le cas en l'espèce ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que le plafonnement de garantie ainsi stipulé était conforme aux exigences de l'article L. 121-1 du Code des assurances, la cour d'appel a méconnu les clauses du contrat et violé le texte susvisé ;
Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la troisième branche du troisième moyen du pourvoi provoqué : Casse et annule, mais seulement en ce qu'il a déclaré la compagnie Sun Alliance tenue à garantie à l'égard de la société Novergie et la compagnie UAP à garantir les compagnies Sun Alliance et GAN des condamnations prononcées contre elles, l'arrêt rendu le 29 octobre 1997, entre les parties, par la Cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel de Paris, autrement composée.