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Décisions

Cass. com., 3 octobre 2006, n° 04-20.640

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Cosmétique et Parfum International (SA)

Défendeur :

Algotherm Cosmopharm (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Tricot

Rapporteur :

Mme Michel-Amsellem

Avocat général :

M. Lafortune

Avocats :

SCP Bouliez, SCP Delaporte, Briard, Trichet

T. com. Honfleur, du 8 nov. 2002

8 novembre 2002

LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Caen, 21 octobre 2004), que les sociétés Cosmétique et parfums international (la société CPI) et Algotherm Cosmopharm (la société Algotherm) ont mené des pourparlers en vue de la distribution par la première d'une gamme de produits désignés sous le terme Algotherm beauté, fournis par la seconde; que soutenant qu'un contrat de distribution sans exclusivité serait intervenu entre elles et que des pourparlers auraient continué en vue de la signature d'un contrat de distribution exclusive, lesquels auraient été brutalement rompus, de façon abusive, par la société Algotherm, la société CPI l'a poursuivie en réparation du préjudice résultant de cette rupture;

Sur le premier moyen : - Attendu que la société CPI fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté son action en responsabilité formée contre la société Algotherm du fait de la rupture du contrat de distribution sélective qu'elles avaient conclu pour une durée indéterminée par lettre du 3 mars 2000, alors selon le moyen : 1°) que l'accord partiel vaut contrat définitif lorsque les parties se sont entendues sur les éléments essentiels de l'opération qu'elles se proposent de réaliser, à moins qu'elles n'aient exprimé la volonté d'en retarder la formation jusqu'à la fixation des modalités accessoires; qu'en subordonnant la formation d'un contrat de distribution à la condition que les parties aient convenu de toutes ses modalités d'exécution, ou du moins de celles qui sont nécessaires à la réalisation effective de l'opération, sans expliquer en quoi elles avaient fait de ces modalités d'exécution une condition substantielle de leur accord, la cour d'appel a privé se décision de base légale au regard des articles 1101, 1108 et 1134 du Code civil; 2°) que le contrat de distribution sélective est celui par lequel, d'une part, le fournisseur s'engage à approvisionner dans un secteur déterminé, un ou des commerçants sélectionnés en fonction de critères objectifs de caractère qualitatif, sans discrimination, ni limitation quantitative injustifiée, et par lequel, d'autre part, le distributeur est autorisé à vendre des produits concurrents; qu'il résulte des constatations de l'arrêt attaqué, qu'à la suite d'un entretien relatif à la promotion de la gamme Algotherm beauté par la société CPI, dans le réseau de parfumerie sélective, le dirigeant de la société Algotherm a constaté l'accord des parties sur les points suivants, par lettre du 3 mars 2000 : "Produits à promouvoir : Gamme Algotherm beauté selon sélection à déterminer/Modalités : Mise à disposition de la force de vente de 13 à 15 formateurs ou formatrices préalablement formés au Centre de formation Algotherm à Deauville/Produits de vente à promouvoir : Parfumerie sélective/Territoire : France et Suisse avec possibilité [autre] si accord préalable écrit Algotherm/Rémunération : 50 % de la marge s'entendant du chiffre d'affaire remisé net moins le prix de revient usine Algotherm/Avance sur rémunération : 50 000 francs par mois/Promotion Algotherm (échantillons et PLV) : à définir/Supervision : Laurent Yon, en relation avec l'équipe Algotherm et plus particulièrement avec le directeur commercial, Institut de beauté, thalassothérapie et centre de remise en forme, M. J. Jasson/Compte-rendu : hebdomadaire/Durée : du 1er avril 2000 au 31 décembre 2000"; qu'en retenant, pour dénier tout caractère contraignant à la lettre du 3 mars 2000, que l'accord des parties ne portait que sur des points secondaires, quand la société Algotherm a manifesté la volonté de confier sous son contrôle, la distribution des produits d'une gamme déterminée à la société CPI, à un prix et pour une durée déterminée, en France et en Suisse, en contrepartie de la formation d'un personnel qualifié, et d'un compte rendu hebdomadaire, dans un réseau de parfumerie sélective, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations d'où il résultait que les parties avaient arrêté les éléments essentiels d'un contrat de distribution sélective ; qu'ainsi, elle a violé l'article 1134 du Code civil par refus d'application; 3°) que le contrat de distribution sélective crée le cadre juridique au sein duquel viendront se placer les ventes successives, chaque fois que le distributeur passera commande auprès du producteur; qu'il s'ensuit que la seule faculté donnée aux parties de choisir parmi une gamme de produits, celui qu'elles entendent commercialiser, à l'occasion des contrats d'application, n'est pas de nature à retarder la formation du contrat de distribution sélective; qu'il résulte de l'arrêt attaqué que, par lettre du 3 mars 2000, les parties sont convenues de promouvoir dans un réseau de parfumerie sélective, les produits de la gamme Algotherm, selon une sélection à déterminer, tout en se laissant le choix des échantillons et PLV; qu'en retenant, pour dénier tout caractère contraignant à l'accord constaté dans ce courrier, que les parties avaient laissé en suspens les produits de la gamme Algotherm Beauté qu'elles entendaient promouvoir, de même que les échantillons, de sorte que l'accord sur l'objet du contrat n'était pas complet, la cour d'appel a déduit un motif inopérant; qu'ainsi, elle a violé l'article 1134 du Code civil, ensemble les articles 1101 et 1108 du Code civil; 4°) qu'il ressort de la lettre du 3 mars 2000 que la société Algotherm s'engageait à approvisionner la société CPI, sur un territoire déterminé par la France et la Suisse, "avec possibilité autre si accord préalable écrit Algotherm"; qu'en décidant que le secteur géographique était encore imprécis, et qu'il pouvait encore être réduit, compte tenu des exclusivités consenties par le fabricant au profit de tiers, quand la modification du secteur géographique était subordonnée à l'accord écrit de la société Algotherm, la cour d'appel a violé l'article 1134 du Code civil par refus d'application; 5°) que le contrat oblige non seulement à ce qui y est exprimé ainsi qu'aux suites qu'emportent l'équité, l'usage ou la loi mais encore à ce que révèle le comportement prolongé des parties ; que la société CPI rappelait dans ses conclusions (p. 15), que la société Algotherm avait procédé à l'exécution des commandes passées pour son compte, et qu'elle avait inscrit, sans jamais les contester, les factures de la société CPI, dans sa comptabilité; qu'en décidant qu'aucune conclusion ne pouvait en être tirée, la cour d'appel qui s'est déterminée sur cette seule affirmation péremptoire, sans expliquer en quoi l'attitude prolongée des parties ne devait pas être interprétée, dans leur commune intention, comme une précision aux stipulations d'origine de la lettre du 3 mars 2000, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du Code civil; 6°) que le contrat de distribution sélective ne comporte aucune exclusivité; qu'en affirmant qu'il était dans l'intention des parties de conclure un seul contrat de distribution exclusive, quand la lettre du 3 mars 2000 portait seulement sur la distribution des produits de la gamme Algotherm beauté dans un réseau de parfumerie sélective, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations; qu'ainsi, elle a violé l'article 1134 du Code civil par refus d'application ;

Mais attendu qu'après avoir relevé que la lettre du 3 mars 2000 n'exprime pas un accord de principe sur la promotion et la distribution de la gamme Algotherm Beauté par la société CPI, mais fait seulement "suite à un entretien" relatif à ce projet et donne une liste de points sur lesquels un accord est intervenu qui ne sont que des points secondaires, l'arrêt précise que les négociations se sont poursuivies postérieurement à mars 2000; qu'il ajoute qu'un projet de contrat de distribution exclusive a été transmis à la société CPI en avril 2000 par la société Algotherm et en déduit que les parties prévoyaient la formalisation de leurs accords futurs et éventuels consistant en un contrat de distribution exclusive; que l'arrêt relève encore qu'il résulte d'un compte-rendu, en date du 28 avril 2000, d'un entretien téléphonique entre le responsable juridique d'Algotherm et le président de la société CPI, dont la véracité n'est pas précisément contestée, qu'à cette date l'accord n'existait toujours pas et que la négociation se poursuivait sur des points essentiels; que c'est par une appréciation souveraine des divers actes et documents qu'elle a été dans la nécessité de rapprocher, que la cour d'appel, qui n'encourt pas les griefs des première et sixième branches a, par une décision légalement justifiée, pu estimer qu'il n'était pas établi et que rien n'indique qu'il y ait eu intention des parties de conclure deux contrats l'un sans exclusivité, puis avec exclusivité ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches;

Et sur le second moyen : - Attendu que ce moyen, pris d'une violation de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile, ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi;

Par ces motifs : Rejette le pourvoi.