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Décisions

CJCE, 14 octobre 1976, n° 29-76

COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

LTU Lufttransportunternehmen GmbH & Co. KG

Défendeur :

Eurocontrol

CJCE n° 29-76

14 octobre 1976

LA COUR,

1 Attendu que, par ordonnance du 16 février 1976, parvenue au greffe le 18 mars suivant, l'Oberlandesgericht de Düsseldorf a saisi la Cour de justice, en vertu du protocole du 3 juin 1971 relatif à l'interprétation de la convention du 27 septembre 1968 concernant la compétence judiciaire et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale (appelée ci-après 'la convention'), de la question de savoir si, pour l'interprétation de la notion de 'matière civile et commerciale' au sens de l'article 1, alinéa 1, de la convention, il faut se référer au droit de l'état où le recours a été jugé ou à celui de l'état où a été introduite l'action en délivrance de la formule exécutoire ;

2 Qu'il ressort du dossier que la question est posée dans le cadre d'une procédure en vertu du titre III, section 2, de la convention, où la partie Eurocontrol a demandé aux juridictions allemandes compétentes l'autorisation d'exécution d'une condamnation de la partie LTU, par les juridictions belges à lui payer certaines sommes à titre de redevances dues pour l'utilisation de ses installations et services ;

3 Attendu que, aux termes de son article 1, la convention 's'applique en matière civile et commerciale, et quelle que soit la nature de la juridiction', le second alinéa excluant de son application' 1) l'état et la capacité des personnes physiques, les régimes matrimoniaux, les testaments et les successions ; 2) les faillites, concordats et autres procédures analogues ; 3) la sécurité sociale ; 4) l'arbitrage' ;

Que, tout en indiquant que la convention s'applique quelle que soit la nature de la juridiction saisie et en excluant certaines matières de son champ d'application, l'article 1 ne contient donc pas d'autres précisions sur la signification de la notion dont s'agit ;

Que cet article servant à indiquer le champ d'application de la convention, il importe - en vue d'assurer, dans la mesure du possible, l'égalité et l'uniformité des droits et obligations qui découlent de celle-ci pour les états contractants et les personnes intéressées - de ne pas interpréter les termes de cette disposition comme un simple renvoi au droit interne de l'un ou de l'autre des états concernés ;

Que l'article 1, en précisant que la convention s'applique 'quelle que soit la nature de la juridiction', indique que la notion de matière civile et commerciale ne saurait être interprétée en fonction de la seule répartition de compétences entre les différents ordres juridictionnels existant dans certains états ;

Qu'il y a donc lieu de considérer la notion visée comme une notion autonome qu'il faut interpréter en se référant, d'une part, aux objectifs et au système de la convention, et, d'autre part, aux principes généraux qui se dégagent de l'ensemble des systèmes de droit nationaux ;

4 Attendu que, si l'interprétation de la notion est abordée de telle manière, notamment aux fins de l'application des dispositions du titre III de la convention, certaines catégories de décisions juridictionnelles doivent être considérées comme exclues du champ d'application de la convention, en raison des éléments qui caractérisent la nature des rapports juridiques entre les parties au litige ou l'objet de celui-ci ;

Que si certaines décisions rendues dans des litiges opposant une autorité publique à une personne de droit privé, peuvent entrer dans le champ d'application de la convention, il en est autrement lorsque l'autorité publique agit dans l'exercice de la puissance publique ;

Que tel est le cas dans un litige qui, comme celui engagé entre les parties au principal, concerne le recouvrement de redevances dues par une personne de droit privé à un organisme national ou international de droit public en vertu de l'utilisation des installations et services de celui-ci, notamment lorsque cette utilisation est obligatoire et exclusive ;

Qu'il en est d'autant plus ainsi lorsque le taux des redevances, les modes de calcul et les procédures de perception sont fixés de manière unilatérale vis-à-vis des usagers, comme c'est le cas dans l'espèce, où l'organisme a unilatéralement fixé le lieu d'exécution de l'obligation à son siège et choisi les juridictions nationales compétentes pour juger de son exécution ;

5 Attendu qu'il y a donc lieu de répondre à la question posée, que pour l'interprétation de la notion de 'matière civile et commerciale' aux fins de l'application de la convention, notamment de son titre III, il convient de se référer non au droit d'un quelconque des états concernés, mais, d'une part, aux objectifs et au système de la convention et, d'autre part, aux principes généraux qui se dégagent de l'ensemble des systèmes de droit nationaux ;

Qu'en vertu de ces critères doit être exclue du champ d'application de la convention une décision rendue dans un litige, opposant une autorité publique à une personne privée, où l'autorité publique a agi dans l'exercice de la puissance publique ;

Quant aux dépens

6 Attendu que les frais exposés par le Gouvernement de la République fédérale d'Allemagne, le Gouvernement de la République italienne et la Commission des Communautés européennes, qui ont soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l'objet d'un remboursement ;

Que la procédure revêtant à l'égard des parties au principal le caractère d'un incident soulevé au cours du litige devant l'Oberlandesgericht de Düsseldorf, il appartient à celui-ci de statuer sur les dépens ;

Par ces motifs,

LA COUR,

Statuant sur la question à elle soumise par l'Oberlandesgericht de Düsseldorf, par ordonnance du 16 février 1976, dit pour droit :

1) Pour l'interprétation de la notion de 'matière civile et commerciale' aux fins de l'application de la convention du 27 septembre 1968 concernant la compétence judiciaire et l'exécution en matière civile et commerciale, notamment de son titre III, il convient de se référer non au droit d'un quelconque des états concernés, mais, d'une part, aux objectifs et au système de la convention et, d'autre part, aux principes généraux qui se dégagent de l'ensemble des systèmes de droit nationaux ;

2) Est exclue du champ d'application de la convention une décision rendue dans un litige, opposant une autorité publique à une personne privée, où l'autorité publique a agi dans l'exercice de la puissance publique.