CA Douai, ch. soc., 23 juin 2004, n° 00-01380
DOUAI
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Vienne
Défendeur :
Pierre et Vacances Maeva France (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président de chambre :
M. Morel
Conseillers :
MM. Delhaye, Lebrun
Avocats :
Mes Ducrocq, Courtine
Vu l'appel de Monsieur Vienne d'un jugement rendu le 5 mai 2000 par le Conseil de prud'hommes de Lille, section de l'encadrement, ayant déclaré mal fondées ses demandes à l'encontre de la société Pierre et Vacances Distribution;
Vu les conclusions contradictoirement échangées, visées par le greffier le 19 mars 2004, et soutenues oralement à l'audience auxquelles il est renvoyé quant à l'exposé des moyens de fait et de droit invoqués, aux termes desquelles Monsieur Vienne demande la condamnation de l'intimée à lui verser 137 000 euro à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 22 780 euro à titre d'indemnité de préavis, 2 278 euro à titre de congés payés sur préavis, 57 404 euro à titre d'indemnité spéciale de rupture, 42 714 euro à titre de rappel de commissions, 4 271 euro au titre des congés payés se rapportant à ce rappel, et 2 000 euro en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
Vu les conclusions contradictoirement échangées, visées par le greffier le 7 mai 2004, et soutenues oralement à l'audience, auxquelles il est renvoyé quant à l'exposé des moyens de fait et de droit invoqués, aux termes desquelles la société d'Exploitation Touristique Pierre et Vacances Maeva France auparavant Pierre et Vacances Distribution demande le débouté de Monsieur Vienne et reconventionnellement, la condamnation de celui-ci au règlement de 150 000 euro de dommages et intérêts en réparation du préjudice provoqué par des agissements répréhensibles et 1 500 euro en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile
Sur ce : Décision
Attendu que Monsieur Vienne a été embauché courant 1989 en qualité de VRP multicartes par la société Pierre et Vacances Distribution; qu'à la fin de l'année 1993, il a, de ses propres écritures accepté une affectation à l'agence de Lille de son employeur;
Que l'intimée, dans le cadre d'une réorganisation de l'entreprise lui a demandé, selon courrier du 22 octobre 1998, d'abandonner son statut et d'accepter une modification substantielle de son contrat de travail ; qu'après différentes tractations au déroulement relaté dans ses conclusions Monsieur Vienne a reçu le 1er décembre 1998 une lettre recommandée de la société Pierre et Vacances Distribution l'informant "de la poursuite" de son contrat "aux conditions actuelles";
Que le 12 janvier 1999, la société Pierre et Vacances Distribution a notifié à Monsieur Vienne sa décision de fermer l'agence de Lille, les locaux devant être vacants pour le 31 janvier 1999 ; qu'elle a ajouté "il vous appartient de vous organiser pour libérer les locaux qui étaient mis à votre disposition dans cette boutique prise à bail pour développer nos ventes directes de proximité et qui n'ont pas donné les résultats escomptés";
Que par courrier recommandé du 22 janvier 1999, Monsieur Vienne s'est élevé contre cette mesure, en reprochant à son employeur de lui retirer le minimum qu'un salarié "est en droit d'attendre pour travailler" et, ainsi, de lui supprimer unilatéralement un avantage acquis;
Que par lettre recommandée du 4 février 1999, Monsieur Vienne a notifié à la société Pierre et Vacances Distribution qu'il considérait son contrat de travail comme rompu du fait de celle-ci, en exprimant dans cette correspondance un certain nombre de griefs, un défaut délibéré de convocation à une réunion du 27 novembre 1998 ayant pour objet la présentation du lancement de l'été 99, une exclusion d'une autre réunion tenue à Paris le 8 janvier 1999, particulièrement importante eu égard à son but, notamment "faire connaître aux conseillers commerciaux les nouveaux produits commercialisés", une obligation d'envoi personnel aux clients des documents relatifs à la tacite reconduction, tâche administrative assumée par le service Collectivités l'année précédente, un envoi tardif, le 7 décembre 1999, du "guide été 99", alors que la campagne commençait au début d'octobre, une défaillance dans l'assistanat, des actions entraînant le mécontentement de clients, des suppressions de produits existants effectuées dans l'intention de nuire, la suppression de l'assurance-annulation "pour les contrats linéaires", une défaillance de l'employeur dans son obligation de protection face à la concurrence d'un tiers, la société Nouvelles Générations, qui propose "des linéaires Pierre et Vacances moins chers", des barèmes de commissions restés identiques à ceux de 1998 et la fermeture de l'agence de Lille dans des conditions anormales de soudaineté;
Attendu que le contrat de travail de Monsieur Vienne ne comportait aucune obligation de mise à sa disposition d'un local à la charge de la société Pierre et Vacances Distribution ; qu'il n'est justifié, après que l'appelant ait accepté d'exercer son activité professionnelle dans la région Nord, d'aucun engagement en ce sens de l'employeur; qu'un voyageur-représentant amené par sa fonction à effectuer un travail de prospection, cas de Monsieur Vienne qui avait conventionnellement comme tâche de présenter aux collectivités et aux personnes morales privées ou non, la prise en location, tant pour elles-mêmes que pour leurs membres ou adhérents de séjours locatifs en résidence de tourisme commercialisés par Pierre et Vacances Tourisme (devenue ultérieurement Pierre et Vacances Distribution) ne démontre pas avoir eu besoin dans le but d'accroître l'efficacité de son service, d'un poste aménagé situé à l'extérieur de son domicile, que la circonstance que pendant plusieurs années, l'intimée lui a laissé occuper un bureau dans l'agence de Lille, constitue dès lors une tolérance de nature précaire et non un avantage acquis; que les difficultés matérielles décrites dans le procès-verbal de l'huissier de justice qui s'est rendu le 5 février 1999 au domicile de l'appelant sont sans influence sur la légitimité du droit qu'avait l'intimée de résilier la location du local pour un motif d'économie financière dont Monsieur Vienne n'établit pas la fausseté;
Que les reproches relatifs à un défaut de convocation pour des réunions tenues les 27 novembre 1998, et 8 janvier 1999, doivent être écartés par l'observation que ces réunions concernaient seulement des salariés non libres d'organiser leur conditions de travail à la différence des VRP ; qu'une volonté discriminatoire ne ressort pas de ces faits;
Que le contrat de travail de Monsieur Vienne qui définissait en son article 11, la nature et l'étendue de ses activités rend sans fondement le grief de mise à sa charge de l'envoi des documents relatifs à la tacite reconduction;
Que le reproche d'envoi tardif du guide de l'été 99, ne peut être retenu en l'absence d'indices vérifiables et révélateurs d'une intention de nuire de la part de l'employeur, la date à laquelle ce catalogue avait été confectionné restant indéterminée d'ailleurs, que des difficultés se rapportant à des litiges avec des clients ne caractérisent en rien un manquement de l'intimée à ses obligations; qu'il en est de même pour la suppression de produits existants, et de l'assurance-annulation, mesures de portée générale relevant du pouvoir de l'employeur de tenir compte de l'évolution de ses affaires;
Que la circonstance qu'un salarié de l'intimée, Monsieur Bernard, ne pouvait répondre immédiatement à des questions se rapportant à l'assistanat est inopérante;
Que la stabilité de portée générale du barème des commissions "été 99" ne peut constituer un grief valable;
Qu'il ne résulte d'aucun fait que les actes de concurrence réalisés par un tiers soient la manifestation d'un concert entre ce tiers, la société Nouvelles Générations, et l'intimée ;
Attendu que les griefs articulés par Monsieur Vienne sont dépourvus de toute justification; que l'appelant a, cependant, notifié selon courrier du 4 février 1999 à la société Pierre et Vacances Distribution, sa volonté de rompre son contrat de travail avec "effet à compter de la réception de cette correspondance" en invoquant des reproches restés injustifiés ;
Que par courrier du 18 février 1999, l'intimée a notifié à Monsieur Vienne une décision de licenciement "pour faute grave du fait de l'abandon caractérisé de son poste de travail'';
Que le comportement de Monsieur Vienne a constitué effectivement une telle faute, eu égard à son refus inopiné de poursuivre toute activité professionnelle en invoquant des manquements de l'employeur à la réalité non établie, comportement mettant immédiatement et sérieusement en péril les intérêts légitimes de l'intimée;
Qu'il y a lieu en conséquence de débouter Monsieur Vienne de ses demandes de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'indemnité de préavis, de congés payés sur préavis, et d'indemnité spéciale de rupture;
Attendu que Monsieur Vienne ne produit aucun document au contenu démontrant l'existence d'une créance pour rappel de commissions ; que l'attestation de Monsieur Konieczny, secrétaire du Comité d'Etablissement de la Polyclinique de Riaumont à Liévin n'a pas trait directement à l'objet de la réclamation de l'appelant sur ce chef;
Qu'il convient dès lors, de débouter Monsieur Vienne de sa demande de rappel de commissions et de congés payés sur ce rappel;
Attendu que le contrat de travail de Monsieur Vienne ne renfermait aucune clause de non-concurrence; qu'il y a lieu de débouter l'intimée de sa demande de dommages et intérêts pour "détournement systématique" de clientèle ;
Attendu que Monsieur Vienne est reconnu mal fondé en son appel; qu'il convient de le débouter de sa demande au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;
Attendu qu'il n'est pas contraire à l'équité en raison de la situation économique des parties et la demande reconventionnelle de 150 000 euro de dommages et intérêts de l'intimée étant au surplus déclarée injustifiée de laisser à la charge de la société Pierre et Vacances Distribution (actuellement société d'Exploitation Touristique Pierre et Vacances France SAS) les frais de représentation en justice non compris dans les dépens qu'elle a engagés ; qu'il y a lieu de la débouter de sa demande au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;
Par ces motifs, Dit Monsieur Vienne mal fondé en son appel et le déboute de l'ensemble de ses demandes envers l'intimée ; Déboute celle-ci de sa réclamation reconventionnelle de dommages et intérêts et de sa réclamation au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; Condamne Monsieur Vienne aux dépens de première instance et d'appel.