CA Nancy, 2e ch. com., 19 février 2003, n° 02-01585
NANCY
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Genocom (SA)
Défendeur :
3 PSM (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Moureu
Conseillers :
MM. JObert, Ruff
Avoués :
SCP Millot-Logier-Fontaine, Bonet-Leinster-Wisniewski
Avocats :
Mes Horber, Laffon
Faits et procédure
Par exploit signifié le 9 janvier 2002, la SA Genocom a assigné la SARL 3 PSM devant le Président du Tribunal de commerce de Nancy, statuant en référé, afin qu'il soit fait interdiction à cette dernière de pratiquer la vente au déballage sur la zone commerciale "Les Baraques" et ce sous astreinte de 762,25 euro par infraction constatée et qu'elle soit condamnée à lui payer la somme de 1 524,49 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
La SARL 3 PSM a conclu au débouté de la demanderesse et a réclamé sa condamnation à lui payer la somme de 1 500 euro de provision pour procédure abusive et la somme de 1 500 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Par ordonnance du 24 avril 2002, le Président du Tribunal de commerce de Nancy, statuant en référé, s'est déclaré incompétent pour connaître de la demande de la SA Genocom et a débouté la SARL 3 PSM de ses demandes de provision et au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Le juge des référés a fait valoir que le litige dont il était saisi posait la question de l'application de l'article L. 310-2 du Code de commerce et de ses conséquences sur la présentation des marchandises, et que l'appréciation de l'existence éventuelle d'un trouble manifestement illicite supposait l'interprétation d'une disposition légale qui échappait à sa compétence.
Par déclaration reçue le 31 mai 2002 au secrétariat greffe de la Cour d'appel de Nancy, la SA Genocom a interjeté appel de ce jugement.
L'appelante a conclu à l'infirmation de l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions.
Elle a demandé à la cour de faire interdiction à la société 3 PSM de pratiquer la vente au déballage sans autorisation sur la zone commerciale "les Baraques" et ce sous astreinte de définitive de 762,25 euro par infraction constatée, de la débouter de toutes demandes, fins et conclusions contraires, de la condamner à lui payer la somme de 524,49 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et à supporter les frais et dépens de la procédure.
A l'appui de son recours, elle a fait valoir que:
- la règle édictée par l'article L. 310-2 du Code de commerce est claire et ne suppose aucune interprétation,
- la situation litigieuse entre dans le champ d'application des dispositions susvisées,
- le déballage de marchandises par la société 3 PSM est prohibé en l'absence d'autorisation préfectorale et constitue un fait de concurrence déloyale,
- il convient de faire cesser ce trouble manifestement illicite,
La cour se réfère au surplus aux prétentions et moyens de l'appelante développés dans ses conclusions récapitulatives du 12 décembre 2002.
La SARL 3 PSM a conclu à la confirmation de l'ordonnance entreprise.
Elle a demandé à la cour de condamner la SARL Genocom à lui payer la somme de 2 000 euro de dommages et intérêts pour procédure abusive, la somme de 2 000 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et à supporter les frais et dépens de la procédure.
L'intimée a rétorqué à l'appelante que:
- l'interprétation d'une disposition légale échappe à la compétence du juge des référés,
- aucune disposition légale n'interdit à un commerçant d'organiser ses ventes dans ses locaux ou sur sa propriété ainsi qu'il l'entend,
- ses présentoirs se trouvaient sur son domaine avec aucune mention de prix,
- la SA Genocom a de son côté violé les dispositions de l'article L. 310-2 du Code de commerce.
La cour se réfère au surplus aux prétentions et moyens de l'intimée développés dans ses conclusions récapitulatives du 17 décembre 2002.
Motifs :
Attendu que le Président du Tribunal de commerce de Nancy, statuant en référé, a fait valoir que l'interprétation des dispositions de l'article L. 310-2 du Code de commerce échappait à sa compétence;
Attendu que l'interprétation de dispositions légales ne fait obstacle à l'exercice de ses pouvoirs par le juge des référés que dans les domaines où il ne peut prendre que des mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse, les incertitudes sur l'interprétation et la portée de dispositions légales étant une contestation sérieuse;
Attendu toutefois en l'espèce que la mesure sollicitée auprès du juge des référés était fondée sur l'article 873 du nouveau Code de procédure civile qui l'autorise à prendre les mesures nécessaires pour prévenir un dommage imminent ou pour faire cesser un trouble manifestement illicite, même en présence d'une contestation sérieuse;
Attendu dès lors que les éventuelles incertitudes existant au sujet de l'interprétation de l'article L. 310-2 du Code de commerce, n'empêchaient pas le Président du Tribunal de commerce de Nancy de statuer en référé;
Attendu que c'est à tort qu'il s'est déclaré incompétent;
Attendu en conséquence que l'ordonnance entreprise doit donc être infirmée en toutes ses dispositions;
Attendu que l'article L. 310-2 du Code de commerce est parfaitement clair et ne nécessite aucune interprétation sur son sens et sa portée;
Attendu que son alinéa 1 définit la vente au déballage comme celle qui se déroule dans des locaux ou des emplacements qui ne sont pas affectés à la vente au public de marchandises;
Attendu que contrairement à ce que l'intimée a affirmé, un commerçant n'est pas libre d'utiliser à sa guise les locaux dont il est propriétaire et qui ne sont pas destinés aux activités de vente au public de marchandises;
Attendu que lesdits locaux ne peuvent servir à la vente au public de marchandises que pour une durée maximum de deux mois dans l'année et sur autorisation préalable du préfet du département;
Attendu qu'il ressort du procès-verbal de constat de Maître François-Xavier Velev, huissier de justice, en date du 18 avril 2002, que ce jour, la SARL 3 PSM vendait au public des marchandises sur des présentoirs mis en place à l'extérieur du local de vente sur son parking;
Attendu qu'une telle situation est incontestablement une vente au déballage au sens de l'article L. 310-2 du Code de commerce;
Attendu à cet égard qu'il importe peu que le prix des marchandises exposées dans les présentoirs sur le parking de la SA Genocom n'ait pas été indiqué;
Attendu qu'il suffit que ces marchandises aient été offertes à la vente au public;
Attendu qu'il est constant que l'intimée n'avait pas obtenu une autorisation préalable du préfet;
Attendu qu'en utilisant un tel procédé de vente, la SARL 3 PSM crée des distorsions de concurrence en accroissant sa surface de vente d'une part et la visibilité et l'attractivité des produits qu'elle vend d'autre part;
Attendu qu'il s'agit donc bien d'un trouble manifestement illicite au sens de l'article 873 du nouveau Code de procédure civile, qu'il convient de faire cesser en interdisant à la SARL 3 PSM de vendre au public des marchandises en dehors de ses locaux ou emplacements réservés à la vente sis dans la zone commerciale "Les Baraques" à Champigneulles, sans autorisation préfectorale préalable et ce sous peine d'une astreinte provisoire de 750 euro par infraction constatée;
Attendu que l'équité commande que l'intimée soit condamnée à payer à l'appelante la somme de 750 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;
Attendu que l'intimée, partie succombante, supportera les frais et dépens de première instance et d'appel;
Par ces motifs, LA COUR statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort : Infirme l'ordonnance rendue 24 avril 2002 par le Président du Tribunal de commerce de Nancy, statuant en référé, en toutes ses dispositions; Statuant à nouveau : Fait défense à la SARL 3 PSM de procéder à la vente au déballage au public de marchandises en dehors de ses locaux ou emplacements réservés à la vente sis dans la zone commerciale "Les Baraques" à Champigneulles, sans autorisation préfectorale préalable et ce sous peine d'une astreinte provisoire de sept cent cinquante euro (750 euro) par infraction constatée; Condamne la SARL 3 PSM à payer à la SA Genocom la somme de sept cent cinquante euro (750 euro) sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile; Condamne la SARL 3 PSM aux frais et dépens de première instance et d'appel et autorise la SCP Millot, Logier & Fontaine, avoués associés, à recouvrer ceux dont elle a fait l'avance conformément à l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.