CJCE, 30 novembre 1976, n° 42-76
COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Dde Wolf
Défendeur :
Harry Cox BV (Sté)
LA COUR,
1 Attendu que, par décision du 7 mai 1976, parvenue au greffe de la Cour le 14 mai suivant, le Hoge Raad des Pays-Bas a soumis à celle-ci, en vertu du protocole du 13 juin 1971, une question relative à l'interprétation, notamment, de l'article 31 de la convention concernant la compétence judiciaire et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, du 27 septembre 1968, ci-après dénommée 'la convention' ;
2 Attendu qu'il ressort du dossier que le demandeur au principal, résidant en Belgique, après avoir obtenu une décision du juge de paix de Turnhout (Belgique) condamnant le défendeur au principal, résidant aux Pays-Bas, au paiement d'une facture, a ensuite saisi le Kantonrechter (juge de paix) de Boxmeer (Pays-Bas) d'un recours dirigé contre le même défendeur et ayant le même objet ;
3 Que le Kantonrechter, après avoir entendu le défendeur, a admis le recours et statué, quant au fond, dans le même sens que la juridiction belge ;
4 Que, ce faisant, la juridiction néerlandaise a notamment considéré que, d'une part, elle serait tenue de reconnaitre le jugement belge en vertu de l'article 26 de la convention mais que, d'autre part, selon la législation néerlandaise, la voie procédurale choisie par le requérant serait moins couteuse pour les parties que ne l'aurait été une procédure engagée conformément aux articles 31 et suivants de la convention, à savoir la présentation, au président de l'Arrondissementsrechtbank compétent, d'une requête tendant à ce que la décision rendue par la juridiction belge fut revêtue de la formule exécutoire ;
5 Que le procureur général près le Hoge Raad a saisi cette juridiction d'un pourvoi en cassation du jugement du Kantonrechter, motif pris de ce que celui-ci aurait dû déclarer le recours irrecevable, la procédure de l'article 31 de la convention étant le seul moyen dont disposerait le requérant aux fins de la mise à exécution de la décision du juge belge ;
6 Que le Hoge Raad demande à la Cour, en substance, de dire si la convention fait obstacle à ce que le demandeur qui a obtenu dans un État membre contractant une décision judiciaire en sa faveur, laquelle peut être revêtue de la formule exécutoire en vertu de l'article 31 de la convention dans un autre état contractant, demande à une juridiction de celui-ci de condamner l'autre partie à ce à quoi elle a été condamnée dans le premier état ;
7 Attendu qu'aux termes de l'article 26, alinéa 1, de la convention, 'les décisions rendues dans un état contractant sont reconnues dans les autres états contractants, sans qu'il soit nécessaire de recourir à aucune procédure' ;
8 Que, si les articles 27 et 28 prévoient certaines exceptions à cette obligation de reconnaissance, l'article 29 n'en dispose pas moins que, 'en aucun cas, la décision étrangère ne peut faire l'objet d'une révision au fond' ;
9 Attendu que, dès lors qu'un recours au fond est déclaré recevable, la juridiction saisie est tenue de statuer sur son bien-fondé, situation qui pourrait l'amener à se mettre en contradiction avec un jugement étranger antérieur et, dès lors, à méconnaître l'obligation de reconnaitre celui-ci ;
10 Qu'il serait donc incompatible avec le sens des dispositions citées d'admettre un recours ayant le même objet et formé entre les mêmes parties qu'un recours déjà tranché par une juridiction d'un autre état contractant ;
11 Attendu que l'incompatibilité, avec les objectifs de la convention, d'une procédure telle que celle engagée devant le Kantonrechter de Boxmeer résulte également de l'article 21 de la convention, visant le cas où des demandes 'ayant le même objet et la même cause sont formées entre les mêmes parties devant des juridictions d'états contractants différents' et faisant obligation à la juridiction saisie en second lieu de se dessaisir en faveur du tribunal premier saisi ;
12 Que cette disposition démontre le souci d'éviter que les juridictions de deux états contractants statuent respectivement sur un seul et même litige ;
13 Attendu, enfin, qu'admettre le dédoublement de litiges au principal tel qu'il s'est produit en l'espèce, pourrait conduire à munir le créancier de deux titres exécutoires en raison d'une seule et même créance ;
14 Attendu que ces considérations ne sont pas infirmées par la circonstance qu'à l'occasion, selon la législation nationale applicable, la procédure visée aux articles 31 et suivants de la convention pourrait s'avérer plus coûteuse qu'une nouvelle procédure engagée sur le fond ;
15 Qu'à cet égard, il y a lieu d'observer que la convention, visant, aux termes de son préambule, 'à assurer la simplification des formalités auxquelles sont subordonnées la reconnaissance et l'exécution réciproques des décisions judiciaires', devrait amener les états contractants à veiller à ce que les frais de la procédure indiquée par la convention soient fixés de manière à répondre à ce souci de simplification ;
16 Attendu qu'il convient donc de répondre affirmativement à la question soulevée par le Hoge Raad des Pays-Bas ;
Quant aux dépens
17 Attendu que les frais exposés par le Gouvernement de la République fédérale d'Allemagne et la Commission des Communautés européennes, qui ont soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l'objet d'un remboursement ;
18 Que la procédure revêtant à l'égard des parties au principal le caractère d'un incident soulevé au cours du litige pendant devant le Hoge Raad des Pays-Bas, il appartient à celui-ci de statuer sur les dépens ;
Par ces motifs,
LA COUR
Statuant sur la question à elle soumise par le Hoge Raad des Pays-Bas par décision du 7 mai 1976, dit pour droit :
Les dispositions de la convention concernant la compétence judiciaire et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, du 27 septembre 1968, font obstacle à ce que la partie qui a obtenu dans un état contractant une décision judiciaire en sa faveur, laquelle peut être revêtue de la formule exécutoire en vertu de l'article 31 de la convention dans un autre état contractant, demande à une juridiction de celui-ci de condamner l'autre partie à ce à quoi elle a été condamnée dans le premier état.