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Décisions

CA Paris, 5e ch. A, 1 février 2006, n° 04-17225

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

de Neuville (SA)

Défendeur :

Seznec (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Riffault-Silk

Conseillers :

MM. Roche, Zavaro, Mmes Rosenthl-Rolland, Magueur

Avoués :

Me Huyghe, SCP Roblin-Chaix de Lavarene

Avocats :

Mes Seguin, Bellet

T. com. Paris, du 7 juill. 1999

7 juillet 1999

La société de confiserie-chocolaterie de Neuville a conclu le 14 septembre 1992 un contrat de franchise d'une durée de dix ans pour la distribution de ses produits avec la SARL Seznec, constituée à cette fin par Mme Orombel nommée gérante, qui a entièrement financé cette opération et notamment l'acquisition le 11 septembre 1992 du droit au bail de l'emplacement choisi dans le centre de Toulouse, 5 rue de la Pomme, pour un montant global de 1 746 180 F.

L'exploitation du magasin s'étant révélée désastreuse, la SARL Seznec a assigné le 27 avril 1998 sa cocontractante devant le Tribunal de commerce de Paris en résiliation du contrat et en paiement de dommages-intérêts pour compenser les pertes subies et la non-réalisation des marges attendues de l'exploitation de la franchise jusqu'au terme contractuellement fixé, estimant avoir été trompée par les prévisions du potentiel commercial de la franchise qui lui avaient été présentées. La société Seznec a cédé son droit au bail pour 1 629 938 F par acte du 8 mars 1999.

Par jugement contradictoire du 7 juillet 1999, le Tribunal de commerce de Paris a

- prononcé la résiliation du contrat de franchise aux torts de la société de Neuville, cette résiliation prenant effet au prononcé du jugement,

- condamné à société de Neuville à payer à la SARL Seznec 754 094 F en compensation des pertes subies par cette dernière et 400 000 F en compensation des dommages dus à la nécessaire résiliation anticipée du contrat de franchise,

- condamné la SARL Seznec à payer à la SA de Neuville 532 300 F au titre du solde débiteur du compte dans les livres du franchiseur,

- et, compensant ces sommes, dit que la SA de Neuville versera à la SARL Seznec 621 794 F avec intérêts au taux légal à compter du 27 avril 1998, date de l'assignation, eux-mêmes capitalisés en application de l'article 1154 du Code civil,

- condamné la société de Neuville à payer à la SARL Seznec 30 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et aux dépens.

Saisie du recours interjeté par la société de Neuville contre cette décision, la Cour d'appel de Paris, par arrêt contradictoire du 28 juin 2002, a :

- confirmé le jugement seulement sur le principe de la résiliation du contrat de franchise,

- et réformant pour le surplus,

- condamné la SARL Seznec à payer à la société de Neuville 65 160,18 euro (427 422,75 F) avec intérêts au taux légal à compter du 2 avril 1999 et capitalisation selon les modalités de l'article 1154 du Code civil,

- débouté les parties de leurs autres demandes,

- condamné la SARL Seznec aux dépens de première instance et d'appel.

Sur le pourvoi formé contre cet arrêt par la société Seznec, la Chambre commerciale de la Cour de cassation, par arrêt du 7 juillet 2004, a cassé et annulé dans toutes ses dispositions cet arrêt au visa de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile, et pour être fait droit, renvoyé l'affaire devant la Cour d'appel de Paris autrement composée.

Par déclarations des 6 septembre et 6 octobre 2004, la société de Neuville et la société Seznec ont saisi la cour du jugement rendu le 7 juillet 1999 par le Tribunal de commerce de Paris. Les deux procédures ont été jointes par ordonnance du 25 janvier 2005.

Dans ses conclusions enregistrées le 14 novembre 2005, la société anonyme de Neuville, demanderesse, soulève au visa de l'article 564 du nouveau Code de procédure civile, l'irrecevabilité de la demande d'annulation du contrat présentée pour la première fois devant la cour par la société Seznec. Elle prie la cour, réformant partiellement le jugement en ce qu'il a prononcé la résiliation du contrat à ses torts et en ce qu'il l'a condamnée au paiement de diverses sommes, et statuant à nouveau, de :

- prononcer la résiliation du contrat aux torts exclusifs de la société Seznec,

- condamner la société Seznec à lui payer 76 224,51 euro de dommages-intérêts pour résiliation anticipée fautive du contrat de franchise et atteinte à son image de marque,

- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société Seznec à lui payer 81 163,86 euro,

Y ajoutant,

- condamner la société Seznec au paiement des intérêts légaux majorés de 6 points sur les sommes respectivement sollicitées à compter des mises en demeure des 29 juin 1994, 7 avril 1995, 30 août 1995, 30 novembre 1995, 4 juin 1996, 13 novembre 1996, 15 mai 1997 et 4 février 1999,

- ordonner la capitalisation des intérêts en application des dispositions de l'article 1154 du Code civil,

- condamner la société Seznec à lui payer 7 622,45 euro en application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et aux entiers dépens.

Par conclusions déposées le 8 novembre 2005, la SARL Seznec, défenderesse, demande à la cour, vu les articles 1108 et suivants, 1134, 1184, 1382 du Code civil, 1er de la loi du 31 décembre 1989 et son décret d'application du 4 avril 1991, de :

- confirmer le jugement en ce qu'il a jugé que l'étude de marché et les comptes d'exploitation prévisionnels établis par la société de Neuville ont été un élément essentiel dans la décision de Mme Orombel et de la société Seznec de s'engager dans le contrat, et qu'une surestimation des possibilités de vente de près de 50 % était une faute lourde et inexcusable,

- dire et juger que la société de Neuville a commis une faute engageant sa responsabilité en n'établissant pas d'étude de marché préalable pour les produits objet du contrat et leurs perspectives de développement et en communiquant de faux chiffres d'affaires,

- dire et juger que la société de Neuville a violé son obligation d'aide et d'assistance.

- dire et juger que la société de Neuville doit réparer l'intégralité des préjudices commerciaux consécutifs à ses fautes et notamment ceux nés de la rupture anticipée du contrat de franchise.

A titre principal,

- prononcer la nullité du contrat de franchise, replacer les parties dans l'état antérieur à sa signature et ordonner la restitution par la société de Neuville des sommes versées dans le cadre de ce contrat:

* droit d'entrée : 8 994,94 euro,

* remboursement de la somme de 239 874,41 euro correspondant aux marges brutes perdues, déduction faite de la part des pertes dont l'indemnité est demandée ; à défaut de la marge bénéficiaire brute, les pertes d'exploitation: 153 281,23 euro,

* remboursement des investissements spécifiques: 57 539,75 euro,

* 297 508,11 euro à titre d'indemnité au profit de la société Seznec pour que celle-ci puisse rembourser à Mme Orombel le montant des comptes courants qu'elle a engagés dans l'entreprise et qu'elle a entièrement perdu du seul fait de la tromperie de la société de Neuville,

A titre subsidiaire,

- prononcer la résiliation du contrat de franchise aux torts et griefs exclusifs de la société de Neuville et la condamner à verser " à la société Seznec et à Mme Orombel" (sic)

* 153 281,23 euro au titre des pertes d'exploitation,

* 666 105,55 euro de dommages-intérêts pour le manque à gagner correspondant à la différence entre le chiffre d'affaires prévisionnel et le chiffre d'affaires réalisé sur la durée du contrat,

* 733 279,77 euro (4 810 000 F) de dommages-intérêts, correspondant aux marges brutes que la société Seznec avait vocation à réaliser jusqu'au terme du contrat (cinq années jusqu'au 14 septembre 2002), en se basant sur la propre marge brute prévue par le franchiseur en 1995, sans revalorisation,

* 297 508,11 euro de dommages-intérêts, afin de permettre à la société Seznec de rembourser à Mme Orombel le montant des comptes courants qu'elle a engagés dans l'entreprise et qu'elle a entièrement perdus du fait de la tromperie du franchiseur,

- dire que ces condamnations porteront intérêts au taux légal à compter du jour de l'assignation valant mise en demeure avec capitalisation des intérêts échus par application de l'article 1154 du Code civil,

- condamner la société de Neuville au paiement de 15 000 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et aux dépens.

Sur ce,

Sur l'exception d'irrecevabilité opposée par la société de Neuville à la demande d'annulation du contrat

Considérant que selon les dispositions des articles 564 et 565 du nouveau Code de procédure civile, constitue une demande nouvelle, irrecevable devant la cour d'appel, la prétention qui ne tend pas aux mêmes fins que la demande soumise au premier juge, et qui n'est pas l'accessoire, la conséquence ou le complément de celle-ci; que l'action en nullité ou en résolution d'un contrat à durée déterminée, qui a cour objet son anéantissement rétroactif, ne tend pas aux mêmes fins que l'action en résiliation de ce contrat, qui vise sa cessation anticipée;

Qu'il suit qu'est irrecevable la demande d'annulation du contrat de franchise, présentée pour la première fois devant la cour par la société Seznec, alors que le premier juge avait été saisi d'une demande de résiliation de ce contrat dont la validité était alors non contestée;

Sur la demande de résiliation du contrat

Considérant que la société Seznec demande à la cour, subsidiairement, de prononcer la résiliation du contrat aux torts exclusifs du franchiseur; qu'elle estime, en premier lieu, avoir été trompée par les comptes prévisionnels grossièrement erronés que lui a communiqué la société de Neuville le 19 juin 1992, préalablement à la signature du contrat, et ajoute que l'étude de marché prévue par la loi ne lui a pas été remise ; qu'elle reproche à la société de Neuville, en second lieu, d'avoir manqué à son obligation d'aide et d'assistance pendant l'exécution du contrat;

* Sur le manquement à l'obligation d'information préalable

Considérant que selon l'article L. 330-3 du Code de commerce, " Toute personne qui met à la disposition d'une autre personne un nom commercial, une marque ou une enseigne en exigeant d'elle un engagement d'exclusivité ou de quasi-exclusivité pour l'exercice de son activité, est tenue, préalablement à la signature de tout contrat conclu dans l'intérêt commun des deux parties, de fournir à l'autre partie un document contenant des informations sincères, qui lui permette de s'engager en connaissance de cause" ; qu'il est ajouté que ce document, qui doit être communiqué vingt jours au minimum au candidat à la franchise avant la signature du contrat et dont le contenu est fixé par décret, "précise notamment, l'ancienneté et l'expérience de l'entreprise, l'état et les perspectives de développement du marché concernés, l'importance du réseau d'exploitants, la durée, les conditions de renouvellement, de résiliation et de cession du contrat ainsi que le champ des exclusivités" ; que selon l'article 1er du décret du 4 avril 1991 pris pour l'application des dispositions sus rappelées, ces informations doivent inclure " une présentation de l'état général et local du marché des produits ou services devant faire l'objet du contrat et des perspectives de développement de ce marché " ;

Considérant que si ces dispositions légales ne mentionnent pas la remise, par le franchiseur, de comptes prévisionnels relatifs à la franchise envisagée, il résulte des pièces versées aux débats que la société de Neuville s'est contractuellement engagée envers sa future franchisée à lui fournir cette prestation ainsi que d'autres services nécessaires au " lancement" de la franchise, présentés comme faisant partie intégrante de son savoir-faire et rémunérés en tant que tels par une redevance forfaitaire;

Qu'il résulte en effet des pièces versées aux débats que la société de Neuville faisait valoir dans le document de présentation de la franchise, remis à Mme Orombel lors des premiers contacts intervenus en mars 1992, " une forte expérience, un vrai réseau de plus de 85 magasins, une marque noble et reconnue (...) ", et vantait " l'assistance au lancement" fournie par le franchiseur, notamment:

* par le choix du magasin et de son emplacement.

* par l'assistance à la recherche de l'emplacement,

* par le calcul du besoin financier (CEP [compte d'exploitation prévisionnel], prévisions de trésorerie (...) ";

Que selon la définition qui en est donnée en page 4 du contrat de franchise, au point 6 de son préambule, ce savoir-faire désigne en effet " l'ensemble des techniques, des moyens et des méthodes mis au point par le franchiseur " pour, notamment, " créer et exploiter un magasin de Neuville";

Que l'article 4-1 intitulé " Rémunération ", stipule le versement par le franchisé, lors de la signature du contrat, et " en contrepartie de la concession de la franchise exclusive de Neuville pour le Territoire et de la fourniture des prestations, articles et services précisés dans l'annexe 2 ci-après ", la somme forfaitaire de 59 000 F HT (...) ", étant précisé " qu'il est entendu que cette redevance initiale liée au lancement du magasin est forfaitaire, unique et définitive tant pour le franchisé que pour le franchiseur, du moins, en ce qui concerne la rémunération des prestations de services du franchiseur apportées au franchisé pour le "lancement" de son magasin de Neuville ";

Que l'annexe 2 au contrat rappelle dans la rubrique " Dossier financier prévisionnel " que " le franchiseur a établi avec le franchisé et lui a remis préalablement à la signature des présentes, un dossier résumant les études qu'ils ont réalisées ensemble pour estimer le potentiel de succès du point de vente du franchisé à l'intérieur de la zone d'exclusivité du territoire concédé (...)" ; qu'il est ajouté que " ce dossier n'a qu'une valeur indicative prévisionnelle et ne peut en aucun cas engager la responsabilité du franchiseur dans le cas où les prévisions ou estimations faites de bonne foi par les deux parties, ne seraient pas réalisées par le franchisé (...) ", et rappelé que "ces résultats (...) sont en effet fonction de facteurs subjectifs, conjoncturels et matériels qui sont ou seront totalement hors du contrôle et de l'appréhension du franchiseur (...) ", le statut du franchisé, commerçant indépendant, étant souligné;

Qu'après l'envoi de ce dossier le 19 juin 1992, la société de Neuville a demandé par courrier du 14 août 1992 le paiement de ces prestations à la société Seznec, pour 59 000 F HT qui lui ont été versés;

Considérant que le savoir-faire ainsi mis en avant par la société de Neuville, qui constitue un élément essentiel du contrat de franchise, autorisait le candidat qu'était la société Seznec à se fier au choix de l'emplacement du magasin, comme aux prévisions de chiffre d'affaires et de résultat élaborées par le franchiseur; que ces divers services fournis à titre onéreux entrent dans le champ contractuel défini dans le contrat de franchise signé le 14 septembre 1992 ; que contrairement aux affirmations de l'appelante, Mme Orombel comme ses parents ne disposaient d'aucune expérience professionnelle dans ce secteur particulier d'activité pas plus que dans le mode de distribution que constitue la franchise; qu'il résulte des courriers échangés entre les parties et notamment des courriers adressés le 8 avril 1992 et le 19 juin 1992 par la société de Neuville à Mme Orombel que la participation de la société Seznec à l'élaboration de cette " œuvre commune " n'a consisté qu'à indiquer au franchiseur son choix entre les trois modes de financement évoqués dans le premier de ses courriers, soit un autofinancement intégral de cette implantation commerciale ainsi que l'avait recommandé le franchiseur dans son courrier du 8 avril 1992 comme étant " l'étude idéale" parmi les trois " études d'exploitation " qui y étaient mentionnées;

Considérant que le chiffre d'affaires effectivement réalisé par la société Seznec s'est révélé largement inférieur à ces prévisions établies pour trois exercices, ainsi que le confirme le tableau ci-après (en franc):

<emplacement tableau>

Qu'après cinq années d'exploitation et sans nouvelle revalorisation du chiffre d'affaires, les pertes accumulées par la société Seznec se sont élevées à 892 020 F dans les comptes clos au 31 août 1997, au lieu d'un bénéfice espéré de 713 000 F; que les comptes de l'exercice suivant clos le 31 août 1998 accusent une nouvelle perte de 113 439 F;

Qu'au-delà d'affirmations non corroborées, la société de Neuville n'établit aucune faute à l'encontre de son ancienne franchisée pouvant expliquer, même partiellement, ces résultats désastreux; qu'il est constant, au contraire, que la société Seznec a respecté en tous points le plan de charge recommandé dans les comptes prévisionnels établis par le franchiseur; que la masse salariale pourtant critiquée par l'appelante comme ayant été excessive, initialement fixée à 282 000 F pour le premier exercice conformément à ces comptes prévisionnels, n'a jamais été augmentée par la société Seznec - contrairement aux prévisions remises -, le montant total des charges de personnel - salaires et charges sociales - ayant été au contraire constamment maintenu en-deçà des sommes retenues dans ce budget prévisionnel; que l'autofinancement intégral de cette implantation commerciale - acquisition du droit au bail et aménagement du local - éliminait toute charge d'emprunt; que les critiques exprimées dans le rapport "Baromètre Qualité Accueil 1997" réalisé dans le courant du 4e trimestre 1997 par la société Présence à la demande du franchiseur, à une date non précisée s'agissant de la société Seznec, après avoir été annoncé par la société de Neuville dans une lettre circulaire adressée à tous les membres du réseau le 13 octobre 1997, sont contredites par les nombreuses lettres (10 février 1993, 19 octobre 1993, 24 janvier 1994, 16 juin 1994 précitée), versées aux débats, dans lesquelles le franchiseur exprimait sa satisfaction, étant encore observé que la rédaction de ce rapport apparaît coïncider avec l'envoi le 28 octobre 1997 d'un courrier de l'avocat de la franchisée, puis le 30 octobre 1997 d'une lettre RAR où la société Seznec faisait part au franchiseur de son mécontentement et lui annonçait la vente de son affaire;

Qu'en outre, l'étude de marché remise le 19 juin 1992 à Mme Orombel, qui est prévue par la loi, se résume à une page mentionnant des données générales réparties en trois à cinq sous-groupes eux-mêmes affectés de coefficients pour chacune de ces rubriques telles que "nombre d'habitants ", "indice de richesse vive ", " type de population ", "habitudes, propension ", " indice environnement ", assorties de quelques données concernant le magasin : " surface ", " vitrine ", " accessibilité ", "visibilité du magasin ", "situation concurrentielle ", sans que soient indiqués sur ce feuillet la ville concernée ni l'emplacement choisi, sans aucune donnée précise relative au marché local des produits considérés et aux entreprises exerçant une activité concurrente, et sans qu'aucune explication soit fournie sur les coefficients retenus par le franchiseur ; que les pièces nouvelles versées au débat par le franchiseur devant la cour, soit des tableaux relatifs à 21 boutiques ouvertes sur le territoire national entre 1986 et 1995, pour lesquelles ne sont mentionnées que la ville concernée, le nombre de ses habitants et le chiffre d'affaires réalisé en 2004 par le franchisé ne sont pas de nature à justifier les comptes prévisionnels remis à la société Seznec, en raison du caractère fragmentaire de ces éléments ; qu'il en est de même de l'étude de marché produite devant la cour, faisant état d'une zone de chalandise très active pour Toulouse et ses environs, alors que le secteur attribué à la société Seznec se situait en plein centre de la ville;

Considérant, dans ces conditions, que l'écart très important entre les chiffres obtenus et ceux contenus dans les comptes prévisionnels, qui atteint en moyenne pour les trois années considérées plus de 45 % des prévisions de chiffre d'affaires, exclut que ces comptes prévisionnels aient été établis de manière rigoureuse ; qu'il suit que le franchiseur, fournisseur à titre onéreux de ces services d'étude comptable et financière comme des renseignements généraux accompagnent ces comptes prévisionnels pour lesquels il étau tenu d'une obligation de moyens, a engagé sa responsabilité contractuelle envers la société Seznec ; que la méthode utilisée " tirée de moyennes et d'extrapolations des résultats connus des magasins de Neuville existant " selon la mention figurant au bas des comptes prévisionnels litigieux sans qu'il soit justifié d'une prise en compte quelconque des données du marché local, comme l'ampleur des écarts constatés, caractérisent la gravité de sa faute et l'erreur grossière commise, la clause d'exonération stipulée in fine de l'annexe 2 au contrat et ci-avant rappelée étant inapplicable ;

Qu'il y a lieu enfin de relever que la société de Neuville était parfaitement informée de ces difficultés rencontrées par un certain nombre de ses franchisés ; qu'il est justifié par l'intimée, et non contesté, que la société Seznec a adressé au franchiseur, chaque semaine, des rapports d'exploitation numérotés retraçant les ventes hebdomadaire réalisées conformément à l'article 7.3.2 du contrat; que la société de Neuville n'a jamais émis aucune réserve concernant une insuffisance des éléments d'information communiqués par sa franchisée, faisant au contraire état dans un courrier du 16 juin 1994 de ce qu'elle disposait des tableaux et statistiques concernant les résultats de sa franchisée, qu'elle avait étudiés;

Que plus encore, et alors que selon les objectifs affichés à l'article 1er du contrat, la franchise de Neuville constitue " une formule originale de coopération contractuelle et commerciale souhaitée et acceptée par les signataires pour une croissance profitable et réciproque de leur entreprise respective ", les " échanges d'expérience " entre le franchiseur et le franchisé devant intervenir " dans le cadre d'une véritable structure de dialogue ", la société de Neuville a brutalement écarté les appels de ses franchisés ; que la société Seznec, à laquelle se sont joints treize autres franchisés, lui a fait part en effet dès le 30 janvier 1994 dans une lettre commune adressée au franchiseur dont copie a été adressée aux membres du réseau, des "problèmes très importants concernant le réseau de Neuville, appelant de sa part une réponse urgente " ; que sur la demande du franchiseur, une liste de ces difficultés lui a été aussitôt adressée le 2 février suivant, mentionnant au premier chef la "Différence entre Compte d'exploitation prévisionnel et réalisé" ainsi que l' " endettement d'un nombre important de franchisés " ; que le franchiseur dans une réponse signée de son président directeur général et adressée à chacun des membres de ce groupe le 4 février 1994, répliquait que cette démarche collective lui apparaissait " en contradiction complète avec l'article 6-2-7 du contrat" (l'article 6 énumérant les obligations générales du franchisé, son paragraphe 6-2-7 lui interdisant notamment tout acte de dénigrement et de malveillance vis-à-vis du franchiseur et " toute action susceptible de [lui] porter atteinte et/ou au réseau de franchise ") ; qu'il annonçait dans ce courrier " réserver tous ses droits quant aux conséquences et leurs suites que le processus (...) engagé engendrera... ", et ce alors qu'il ne pouvait ignorer la légèreté avec laquelle les budgets prévisionnels avaient été établis; que les menaces ainsi exprimées, qui ont porté un coup d'arrêt aux démarches des franchisés, peuvent expliquer au moins partiellement l'absence de toute nouvelle réaction de la société Seznec au cours des années suivantes;

Qu'après avoir à compter d'octobre 1994 laissé en suspens les paiements dus par la société Seznec au titre des royalties, consenti des aides ponctuelles (livraisons gratuites en 1993 de 57 kgs de chocolat, prise en charge de frais de transport, participation à des opérations commerciales notamment) et suggéré diverses opérations de marketing et de publicité restées sans effet, la société de Neuville, pourtant bien informée de l'aggravation de la situation de sa franchisée (cf courrier du 16 juin 1994 précité), a exigé par lettre du 13 novembre 1996 le règlement préalable des commandes par chèque mis à l'encaissement à trente jours, puis par lettre du 15 mai 1997, le compte de la société Seznec étant alors débiteur de 310 039 F, a imposé une majoration de toutes ses commandes de 10 % et ce " afin d'obtenir le règlement des royalties sur [son] chiffre d'affaires futur ", le durcissement de ces conditions de livraison, confirmé par le franchiseur dans deux autres courriers des 13 octobre 1997 et 19 novembre 1997, ayant précipité la rupture;

* Sur les autres manquements reprochés au franchiseur

Considérant que les manquements du franchiseur à son obligation d'aide et d'assistance apparaissent également établis;

Qu'il est justifié par la société Seznec de la légèreté avec laquelle le franchiseur, informé par elle par un courrier RAR du 5 décembre 1993 - soit dans une période de l'année très importante pour la réalisation de son chiffre d'affaires - de la concurrence qui continuait à lui être faite par M. Bermond, ancien franchisé sur le territoire concédé dont l'activité aurait dû prendre fin en octobre 1992 suite à la résiliation de son contrat par le franchiseur, a laissé perdurer cette situation pendant plus d'un an; que l'établissement d'un constat le 14 février 1995 était à l'évidence insuffisant, et ce alors que la société de Neuville propriétaire exclusif de la marque et de l'enseigne ainsi que le rappelle l'article 1er du contrat, devait protéger sa franchisée contre l'usurpation par un tiers des signes distinctifs du réseau sur le territoire concédé;

Qu'il y a lieu enfin de relever les circonstances dans lesquelles une commande passée le 27 décembre 1997 par la société Seznec et confirmée par le franchiseur le 29 décembre, n'a été livrée que le 2 janvier suivant, motif pris de ce que le règlement correspondant n'était pas parvenu à la société de Neuville, alors que par lettre RAR du 23 janvier 1998, la société de Neuville convenait avoir " exceptionnellement " autorisé cette livraison " sans pour autant que le règlement lui soit parvenu "; que dans un courrier RAR adressé le 5 janvier 1998 au franchiseur, Mme Orombel avait réitéré sa demande de reprise d'une partie des produits en raison des annulations reçues de la part de ses propres clients, ajoutant avoir constaté à l'arrivée des colis que le bon de livraison portait la mention " à préparer mais ne part pas" ; que ces procédés, alors qu'une telle défaillance de la société Seznec, à la veille des fêtes de fin d'année, ne pouvait qu'altérer son image auprès de sa clientèle, dénotent pour le moins de la part du franchiseur une absence totale de prise en compte de l'activité concrète de sa franchisée, justifiant de plus fort la résiliation du contrat;

Sur le préjudice

Considérant que la société Seznec demande à la cour de condamner la société de Neuville à lui payer ainsi qu'à Mme Orombel:

- 153 281,23 euro au titre des pertes d'exploitation,

- 666 105,55 euro de dommages-intérêts en réparation de son manque à gagner " correspondant à la différence entre le chiffre d'affaires prévisionnel et le chiffre d'affaires réalisé sur la durée du contrat ",

- 733 279,77 euro (4 810 000 F) de dommages-intérêts correspondant aux marges brutes que la société Seznec avait vocation à réaliser jusqu'au terme du contrat,

- 297 508,11 euro de dommages-intérêts, afin de permettre à la société Seznec de rembourser à Mme Orombel le montant des comptes courants qu'elle a engagés et perdus dans l'entreprise;

Considérant, d'abord, qu'il résulte des dispositions de l'article 31 du nouveau Code de procédure civile que sauf à méconnaître la règle selon laquelle "nul ne plaide par procureur", sont irrecevables les demande formées par la société Seznec au nom de Mme Orombel qui n'est pas partie à l'instance ; qu'est également irrecevable, pour le même motif, la demande de l'intimée tendant à lui "permettre de rembourser" à Mme Orombel les fonds avancés par cette dernière;

Considérant, ensuite, que selon l'article 1149 du Code civil, les dommages-intérêts dus au créancier de l'obligation inexécutée sont, en général, de la perte qu'il a faite et du gain dont il a été privé ; que le contrat conclu pour une durée déterminée de dix ans devait se prolonger jusqu'au 14 septembre 2002;

Qu'il y a lieu, réformant le jugement, de retenir l'intégralité des pertes d'exploitation réalisées par la société Seznec soit 153 281,23 euro (1 005 459 F) à fin août 1998 ainsi qu'il en est justifié;

Qu'en revanche, le manque à gagner subi par la société Seznec ne saurait être constitue par l'écart constaté entre le chiffre d'affaires prévisionnel et celui qui a été effectivement réalisé, mais seulement par la privation des bénéfices attendus de l'exploitation de la franchise, après déduction des charges d'exploitation; que l'évaluation de ces bénéfices manqués ne peut davantage résulter d'une application stricte des chiffres mentionnés dans le budget prévisionnel établi par le franchiseur, dont l'obligation n'est que de moyens, étant encore rappelé que le franchisé est un commerçant indépendant responsable de sa gestion; que toutefois les manquements ci-avant analysés, commis par le franchiseur pendant toute la durée du contrat, n'ont pu qu'aggraver les difficultés rencontrées par la société Seznec et compromettre ses chances de parvenir à une exploitation rentable de la franchise ; que la cour, faisant usage de son pouvoir souverain d'appréciation, fixera à 60 000 euro le préjudice subi par la société Seznec au titre de la privation des bénéfices qu'elle pouvait attendre de l'exploitation de la franchise jusqu'au terme du contrat;

Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article 1153 du Code civil que tant en matière délictuelle que contractuelle, la créance de réparation ne peut produire d'intérêts que du jour où elle est allouée judiciairement; qu'il suit que ces condamnations seront assorties d'intérêts au taux légal à compter du 7 juillet 1999, date du jugement, intérêts eux-mêmes capitalisés dans les conditions fixées par l'article 1154 du Code civil;

Sur les demandes de la société de Neuville

Considérant que la société de Neuville demande, en premier lieu, la condamnation de la société Seznec à lui payer 76 224,51 euro de dommages-intérêts pour résiliation anticipée fautive du contrat de franchise et atteinte à son image de marque ; que cette demande ne peut qu'être rejetée, la résiliation du contrat étant prononcée aux torts exclusifs du franchiseur;

Que la société de Neuville sollicite, en second lieu, la condamnation de la société Seznec à lui payer 81 163,86 euro en principal, au titre de son solde débiteur dans ses livres;

Mais considérant que cette demande ne peut qu'être rejetée, sauf à remettre en cause la prise en charge, par le franchiseur, de l'intégralité des pertes d'exploitation subies par le franchisé dont il a été vu ci-avant qu'aucune faute ne pouvait lui être reprochée ; qu'il n'y a pas lieu de prendre en compte une plus-value sur éléments d'actifs qu'aurait réalisé la société Seznec lors de la cession du droit au bail, qui s'est au contraire traduite par une moins-value de 37 683 euro (247 188 F) selon l'attestation de son expert-comptable et les pièces justificatives versées aux débats;

Considérant qu'il convient, par motifs propres et adoptés, de confirmer le jugement, mais seulement en ce qu'il a prononcé la résiliation du contrat aux torts de la société de Neuville et condamné la même à payer à la SARL Seznec 30 000 F (4 573,47 euro) au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et aux dépens;

Que l'équité commande, dans les circonstances de l'espèce, d'allouer à la société Seznec 5 000 euro pour ses frais irrépétibles d'appel;

Par ces motifs, Vu l'arrêt rendu le 7 juillet 2004 par la Cour de cassation, cassant et annulant en toutes ses dispositions l'arrêt rendu le 28 juin 2002 par la Cour d'appel de Paris, Déclare irrecevable comme nouvelle la demande de la SARL Seznec tendant à l'annulation du contrat, Déclare irrecevables pour défaut de qualité à agir, les demandes de la société Seznec tendant à la réparation des préjudices subis par Mme Orombel, Sur le fond, Confirme le jugement seulement en ce qu'il a prononcé la résiliation du contrat aux torts exclusifs de la société de Neuville, et statué sur l'application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ainsi que sur les dépens, Réformant pour le surplus et statuant à nouveau. Condamne la société de Neuville à payer à la société Seznec 153 281,23 euro au titre des pertes d'exploitation, et 60 000 euro au titre de la privation des bénéfices attendus de l'exploitation de la franchise jusqu'au terme du contrat, Dit que ces sommes seront majorées d'intérêts au taux légal à compter du 7 juillet 1999, Ordonne la capitalisation des intérêts dans les conditions prévues par l'article 1154 du Code civil, Déboute les parties du surplus de leurs conclusions respectives, Condamne la société de Neuville aux dépens d'appel comprenant ceux de l'arrêt cassé lesquels pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile et à payer à la société Seznec 5 000 euro pour ses frais irrépétibles.