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Décisions

Cass. crim., 7 février 2006, n° 05-80.083

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Cotte

Rapporteur :

M. Le Corroller

Avocat général :

M. Di Guardia

Avocats :

SCP Boulloche, SCP Thouin-Palat

Riom, ch. corr., du 9 déc. 2004

9 décembre 2004

LA COUR : - Statuant sur le pourvoi formé par : la société W, contre l'arrêt de la Cour d'appel de Riom, chambre correctionnelle, en date du 9 décembre 2004, qui, pour abus de faiblesse, l'a condamnée à 15 000 euro d'amende, a ordonné la publication et l'affichage de la décision, et a prononcé sur les intérêts civils ; - Vu les mémoires produits en demande et en défense ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 121-2 et 223-15-2 du Code pénal ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré la société W coupable d'abus de l'ignorance ou de la faiblesse d'une personne vulnérable et l'a condamnée à une peine d'amende de 15 000 euro outre la publication par extraits de la décision dans le journal la Montagne, toutes éditions, ainsi que l'affichage à la porte de la société pendant un mois ;

"aux motifs que les personnes morales sont responsables pénalement des infractions commises, pour leur compte, par leurs organes ou représentants ; que Dominique X a déclaré être le directeur de développement de la société W qu'il avait créée en juin 1992, appelée CTH Tradition, puis W en octobre 2001 ; que le repreneur, Jacques Y possède d'autres sociétés et n'est pas sur place ; que Dominique X reconnaît qu'il a vu tous les documents et qu'il aurait été dans son pouvoir de les arrêter ; que Dominique X est en conséquence un représentant de la société W au sens de l'article 121-2 du Code pénal et la responsabilité pénale de la société est engagée de son fait ; que Dominique X s'est rendu à plusieurs reprises chez Josette et Roger Z et il ne pouvait lui échapper que ces personnes n'étaient pas en état de prendre des décisions importantes sur le plan financier ; que Dominique X a déclaré être au courant de l'ouverture d'un compte courant à la Poste ; qu'il a déclaré que cette mesure était nécessaire pour que les financiers puissent effectuer les opérations de retraits mensuels ; que les dossiers se sont accumulés de février 2002 à avril 2003 à la société W , 9 dossiers de travaux dont 8 dossiers de crédit aux TEG de plus de 9 % l'an, tous établis intégralement par Michel A, transmis à Dominique X ; que Dominique X ne pouvait ignorer la véritable mainmise opérée par la société W sur ces deux clients manifestement incapables au sens de la législation sur la protection des incapables majeurs, soit des majeurs qu'une altération de leurs facultés personnelles mettent dans l'impossibilité de pourvoir seuls à leurs intérêts ;

"alors que, d'une part, la personne morale ne peut être déclarée responsable que s'il est établi qu'une infraction a été commise, pour son compte, par son organe ou son représentant ; qu'il n'apparaît pas que Dominique X, directeur de développement de la société W , ait été le représentant légal de la société W ; qu'en retenant cependant la responsabilité pénale de la personne morale, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

"alors que, d'autre part, et en tout état de cause, la responsabilité pénale de la personne morale suppose la participation matérielle de son représentant à l'infraction ; qu'en s'abstenant de caractériser en l'espèce la participation active de Dominique X à l'infraction d'abus de faiblesse, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision au regard des textes susvisés" ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure qu'à la suite de la plainte de la curatrice de deux majeurs protégés, le Ministère public a poursuivi du chef d'abus de faiblesse Dominique X ainsi que son employeur, la société Centre technique de rénovation, prise en la personne de son gérant, Jacques Y ; que les deux prévenus ont été condamnés et que seule la personne morale s'est pourvue ;

Attendu que, pour déclarer celle-ci coupable, l'arrêt énonce que l'infraction a été commise, pour le compte de la société, par Dominique X, qui a déclaré y avoir occupé les fonctions de directeur de développement après l'avoir créée, avoir vu tous les documents signés par les victimes et avoir eu le pouvoir de mettre fin à l'exécution de leurs engagements ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations, d'où il résulte que Dominique X, pourvu de la compétence, de l'autorité et des moyens nécessaires, avait reçu une délégation de la part des organes de la personne morale poursuivie, la cour d'appel a justifié sa décision ; que, dès lors, le moyen, inopérant en sa seconde branche, ne saurait être admis ;

Mais sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des Droits de l'Homme, 111-3, 121-2, 223-15-2, 223-15-4, 131-39 du Code pénal ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré la société W coupable d'abus de l'ignorance ou de la faiblesse d'une personne vulnérable et l'a condamnée à une peine d'amende de 15 000 euro, outre la publication par extraits de la décision dans le journal la Montagne, toutes éditions, ainsi que l'affichage à la porte de la société pendant un mois ;

"alors que, nul ne peut être puni d'une peine qui n'est pas prévue par la loi ; que la personne morale déclarée coupable d'abus de faiblesse peut être condamnée à une peine d'affichage de la décision ou de publication de la décision par voie de presse ; que ces deux peines sont alternatives et non pas cumulatives ; qu'en condamnant la société W à une peine de publication par extraits de la décision dans le journal la Montagne, toutes éditions, ainsi que l'affichage à la porte de la société pendant un mois, la cour d'appel a violé les textes susvisés" ;

Vu les article 111-3, 131-39 et 223-15-4 du Code pénal ;

Attendu qu'aux termes de l'article 111-3, alinéa 2, du Code pénal, nul ne peut être puni d'une peine qui n'est pas prévue par la loi ;

Attendu que, par l'arrêt attaqué, la cour d'appel, après avoir condamné la société Centre technique de rénovation pour abus de faiblesse, a ordonné l'affichage de la décision ainsi que sa publication par voie de presse ;

Mais attendu qu'en prononçant ainsi, alors que l'article 223- 15-4, applicable aux personnes morales, renvoie aux dispositions de l'article 131-39 du Code pénal, dont le 9e paragraphe ne prévoit que l'affichage "ou" la diffusion de la décision, l'arrêt a méconnu les textes susvisés et le principe énoncé ci-dessus ; d'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;

Par ces motifs, Casse et annule l'arrêt précité de la Cour d'appel de Riom, en date du 9 décembre 2004, en ses seules dispositions concernant les peines complémentaires, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ; Et pour qu'il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée, Renvoie la cause et les parties devant la Cour d'appel de Lyon, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ; Ordonne l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Riom et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé.