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Décisions

Cass. 2e civ., 8 février 2006, n° 04-19.371

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

PARTIES

Demandeur :

Habitat Rhône Alpes (Sté), Sud Architectes (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Dintilhac

Chambéry, 2e ch., du 2 déc. 2003

2 décembre 2003

LA COUR : - Donne acte de Mlles X et Y Z de ce qu'elles se sont désistées de leur pourvoi en tant que dirigé contre la société Campenon Bernard, la société Bureau Alpes Contrôle, la société Sagena, la société GAN assurances, MM. A et Moussa Z, Mme Louiza Z, M. Mustapha Z, Mmes B, Samia, Assia, Nora Z et M. Chérif Z ; - Dit n'y avoir lieu à mettre hors de cause les sociétés Sud Architectes associés, Axiome et Scic Habitat Rhône Alpes;

Attendu, selon l'arrêt confirmatif attaqué, que Yazid Z, en aidant son voisin M. C à fixer une antenne parabolique sur l'extérieur d'une des fenêtres de son appartement, est tombé avec celui-ci d'une hauteur de dix mètres, le garde-corps ayant cédé sous leur poids ; que tous les deux ont été grièvement blessés, et que Yazid Z est décédé quelques jours plus tard ; que ses ayants droits ont assigné devant le tribunal de grande instance en responsabilité et indemnisation de leurs préjudices la société d'HLM La Sauvegarde immobilière, aux droits de laquelle est venue la société Habitat Rhône Alpes, propriétaire de l'immeuble, et M. C ;

Sur le premier moyen du pourvoi provoqué par le pourvoi principal et sur le moyen unique du pourvoi incident au pourvoi provoqué qui sont identiques : - Attendu que la société Habitat Rhône Alpes et la société Sud Architectes font grief à l'arrêt, la première de l'avoir déclarée responsable du dommage à hauteur des 2/3, sur le fondement des dispositions de l'article 1386 du Code civil, la seconde de l'avoir condamnée à garantir celle-ci, en application des articles 1146 et 1147 du Code civil, alors, selon le moyen, que si le propriétaire des bâtiments est responsable des dommages causés par suite d'un défaut d'entretien ou de construction, la faute de la victime l'exonère de toute responsabilité : que l'article 13 du règlement d'habitation qui avait été porté à la connaissance de M. C et Yazid Z, exposait que "sauf accord écrit du bailleur, il est interdit d'installer une antenne individuelle réceptrice de télévision" ; que la cour d'appel a constaté que l'accident dont M. C et Yazid Z ont été victimes s'est produit alors qu'ils avaient installé une antenne parabolique de 13 kgs et que sous leur poids conjugué à celui de l'antenne, le garde-corps avait cédé ; qu'il résultait de ces constatations que la violation par M. C et Yazid Z du règlement d'habitation était la cause exclusive de l'accident ; qu'en considérant néanmoins que cette faute laisse à leur charge 1/3 de leur préjudice, quand une telle faute exonérait totalement la société Sud Architectes de toute responsabilité, la cour d'appel n'a pas déduit de ses constatations les conséquences légales qui en découlaient et a violé l'article 1386 du Code civil ;

Mais attendu que l'arrêt retient que l'article 13 du règlement d'habitation dont Yazid Z et M. C avaient été destinataires expose :

"sauf accord écrit du bailleur, il est interdit d'installer une antenne individuelle réceptrice de télévision" ; que M. C a procédé à l'installation d'une antenne parabolique pesant 13 kgs qu'il a fixée au bout d'un bras de un mètre cinquante centimètres, fixé lui-même sur le garde-corps ; qu'au moment de l'accident M. C procédait au réglage de l'antenne avec l'aide de son voisin ; que le procès-verbal de gendarmerie établit que le poids des deux adultes, conjugué à celui de l'antenne et de son bras, la pression exercée sur le garde-corps, en sus du vice de construction et d'entretien, ont été la cause du dommage ; que c'est à bon droit que le premier juge a énoncé que Yazid Z et M. C avaient commis une faute exonérant la SCIC Habitat Rhône Alpes à hauteur d'1/3 de sa responsabilité ; que de ces constatations et énonciations, la cour d'appel a pu déduire que Yazid Z et M. C avaient commis une faute dont elle a souverainement apprécié qu'elle exonérait la société Habitat Rhône Alpes à hauteur d'un tiers de sa responsabilité ; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur le second moyen du pourvoi provoqué qui ne serait pas de nature à permettre son admission ;

Mais sur les moyens uniques du pourvoi principal et du pourvoi incident au pourvoi principal, qui sont identiques : - Vu les articles 1386 et 1384, alinéa 1er, du Code civil ; - Attendu que le premier de ces textes n'exclut pas que les dispositions du second soient invoquées à l'encontre du gardien non propriétaire ;

Attendu que pour rejeter la demande formée contre M. C sur le fondement de l'article 1384, alinéa 1er, du Code civil, l'arrêt énonce, par motifs propres et adoptés, que la société d'HLM La Sauvegarde immobilière ayant été reconnue responsable du dommage causé par la ruine du bâtiment, sur le fondement de l'article 1386 du Code civil, l'application simultanée et conjointe de l'article 1384, alinéa 1er, est exclue, même s'agissant du gardien non propriétaire du bâtiment ; qu'en statuant ainsi, alors que les dispositions de l'article 1384, alinéa 1er, du Code civil, peuvent être invoquées à l'encontre du gardien non propriétaire, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Par ces motifs : Casse et annule l'arrêt rendu le 2 décembre 2003 par la Cour d'appel de Chambéry en ce qu'il a débouté les consorts Z de leurs demandes dirigées contre M. C ; remet, en conséquence quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel de Grenoble.