CJCE, 4e ch., 11 juin 1985, n° 49-84
COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Debaecker, Plouvier
Défendeur :
Cornelis Gerrit Bouwman
LA COUR,
1 Par jugement du 17 février 1984, parvenu à la Cour le 24 février suivant, le Hoge Raad des Pays-Bas a posé, en vertu du protocole du 3 juin 1971 concernant l'interprétation par la Cour de justice de la convention du 27 septembre 1968, concernant la compétence judiciaire et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale (ci-après la convention), plusieurs questions préjudicielles relatives à l'interprétation de l'article 27, 2°, de la convention.
2 Ces questions ont été soulevées dans le cadre d'un litige pendant devant ladite juridiction entre les époux Debaecker-Plouvier, d'une part, et M. Bouwman, d'autre part.
3 Les époux Debaecker-Plouvier avaient loué à M. Bouwman, ressortissant néerlandais, pour une période de neuf ans à partir du 15 octobre 1980, un immeuble commercial situé dans la ville d'Anvers. Le 21 septembre 1981, M. Bouwman a quitté les lieux (où il avait fixé son domicile), sans préavis et sans indiquer sa nouvelle adresse. Le 24 septembre 1981, il a été assigné à comparaitre le 1er octobre 1981 devant le juge de paix d'Anvers par exploit d'huissier qui lui a été signifié, conformément à l'article 37 du Code judiciaire belge, au commissariat de police d'Anvers, étant donné qu'il était resté inscrit au registre des habitants de cette ville. Par lettre du 25 septembre 1981, parvenue à l'avocat des demandeurs en cours de procédure, le 28 septembre 1981, M. Bouwman a résilié le bail, remis les clés de l'immeuble et communiqué sa nouvelle adresse, une boite postale à Essen, en Belgique. L'avocat des demandeurs n'ayant effectué aucune démarche pour informer le défendeur à cette nouvelle adresse qu'il était assigné à comparaitre le 1er octobre devant le juge de paix, celui-ci a, le 1er octobre 1981, condamné par défaut M. Bouwman à payer aux époux Debaecker-Plouvier la somme de 1 072 900 BFR à titre d''indemnité de relocation'.
4 Le 30 novembre 1981, le président de l'Arrondissementsrechtbank de Breda, aux Pays-Bas, a rendu, sur demande des époux Debaecker-Plouvier, une ordonnance accordant l'exequatur au jugement par défaut du juge de paix d'Anvers. Cette ordonnance, contre laquelle M. Bouwman a formé opposition le 6 janvier 1982, a été annulée par l'Arrondissementsrechtbank le 12 octobre 1982.
5 Le Hoge Raad, saisi par les demandeurs d'un pourvoi en cassation, a sursis à statuer et a posé à la Cour de justice les questions préjudicielles suivantes :
'1) L'application de l'article 27, 2°, de la convention d'exécution doit-elle être exclue, en ce qui concerne l'obligation qui y est prévue d'une signification ou notification en temps utile de l'acte introductif d'instance, lorsque la signification ou notification a eu lieu en respectant un délai fixé par le juge de l'état d'origine et/ou lorsque le défendeur était domicilié, exclusivement ou non, dans la circonscription ou le pays de ce juge ?
En cas de réponse négative à la première question :
2)
a) Pour apprécier la question de savoir si, dans un cas déterminé, il existe des circonstances exceptionnelles en raison desquelles la signification ou la notification au sens de l'article 27, 2°, bien que régulière, n'a toutefois pas suffi pour faire courir le délai exigé par cette disposition, convient-il de se référer uniquement à des circonstances existant au moment de la signification ou de la notification et dont le demandeur peut tenir compte à ce moment-là ?
En cas de réponse négative à la question 2 a) :
b) Des faits postérieurs à la signification ou à la notification, en particulier le fait que le demandeur a eu connaissance d'une adresse du défendeur, peuvent-il contraindre le demandeur à entreprendre des démarches complémentaires pour informer le défendeur au sujet de la procédure qui est sur le point de s'engager, de telle manière que le délai visé à l'article 27, 2°, ne commence pas à courir si ces démarches n'ont pas été effectuées ?
En cas de réponse affirmative à la question 2 b):
c) Quel critère conviendra-t-il d'appliquer à cet égard? En particulier la circonstance que le défendeur est responsable du fait que l'acte régulièrement signifié ou notifié ne lui est pas parvenu fait-elle obstacle à ce que le juge puisse, également à la lumière du fait, par exemple, que le demandeur savait que le défendeur avait quitté son domicile présumé, juger que les démarches complémentaires au sens ci-dessus auraient dû être entreprises ?'
6 Des observations écrites ont été déposées par les parties au principal, par les Gouvernements de la République fédérale d'Allemagne et du Royaume-Uni, et par la Commission des Communautés européennes.
7 Par sa première question, le Hoge Raad vise à savoir si l'application de l'article 27, 2°, de la convention, selon lequel la reconnaissance des décisions est refusée si l'acte introductif d'instance n'a pas été signifié ou notifié au défendeur défaillant régulièrement et en temps utile, doit être exclue en ce qui concerne l'obligation de transmettre l'acte en temps utile, lorsque la signification ou notification a eu lieu en respectant le délai fixé par le juge de l'état d'origine et/ou lorsque le défendeur était domicilié dans cet état.
8 Quant à la première question, les requérants au principal estiment qu'il y a lieu de répondre à cette question que l'application de l'article 27, 2°, de la convention doit être exclue lorsque le défendeur était domicilié, au moment de la signification de l'acte introductif d'instance, dans le pays du juge qui a rendu la décision ou, du moins, lorsque ce domicile était (comme dans la présente affaire) exclusif.
9 Le défendeur au principal conteste cette interprétation en faisant valoir que le texte de l'article 27, 2°, ne permet pas de limiter l'application des règles établies par la convention afin d''assurer les droits de la défense' au seul cas où le défendeur est domicilié dans un état contractant autre que celui auquel appartient le juge d'origine. S'il en était ainsi, le juge requis serait privé de toute marge d'appréciation pour décider si une notification ou signification a été effectuée en temps utile, lorsqu'on lui demande l'exécution d'une décision rendue entre parties domiciliées dans un même état contractant. Le point de vue du défendeur est partagé par la Commission et par le Gouvernement de la République fédérale d'Allemagne, ainsi que par le Gouvernement du Royaume-Uni, qui souligne que dans son arrêt du 16 juin 1981 (Klomps/Michel, 166-80, Rec. p. 1593), la Cour aurait déjà admis, de manière implicite, que l'article 27, 2°, s'applique indépendamment de la question de savoir si les parties résident dans des états différents ou dans le même états.
10 Il convient, tout d'abord, de répondre à la question du Hoge Raad qu'aucun argument en faveur d'une réponse affirmative ne peut être tiré du texte de cet article qui ne pose aucune condition quant au domicile du défendeur. En effet, même si le but de la convention est, ainsi qu'il ressort du préambule de celle-ci, d''assurer la simplification des formalités auxquelles sont subordonnées la reconnaissance et l'exécution réciproques des décisions judiciaires', cet objectif ne saurait toutefois être atteint, comme il ressort de la jurisprudence constante de la Cour, en affaiblissant, de quelque manière que ce soit, les droits de la défense.
11 En ce qui concerne l'article 27 de la convention, il résulte, du libellé même de cet article, que le juge d'un état contractant devant lequel la reconnaissance est invoquée ne peut la rejeter que pour l'un des motifs expressément y prévus. Parmi ces motifs figure celui de l'alinéa 2° visant à assurer la protection adéquate des droits de la défense du défendeur condamné par défaut à l'étranger. En effet, cet alinéa dispose que les décisions ne sont pas reconnues'... si l'acte introductif d'instance n'a pas été signifié ou notifié au défendeur défaillant, régulièrement et en temps utile, pour qu'il puisse se défendre'. Cette disposition tient compte du fait qu'il existe dans les différents états contractants des systèmes de notification fictive, applicables dans le cas où le défendeur n'a pas de domicile connu, qui prévoient des effets fictifs à des degrés variables. La probabilité que le défendeur a effectivement pris connaissance de la notification et qu'il a donc disposé du temps nécessaire pour préparer sa défense peut varier considérablement selon le système de notification fictive prévu par chaque ordre juridique.
12 C'est pour cette raison que l'article 27, 2°, doit être interprété dans le sens qu'il vise à protéger le droit de la défense du défendeur défaillant au stade de la reconnaissance d'une décision rendue dans un autre état contractant même si les règles de signification ou notification de cet état contractant sont respectées.
13 Il y a donc lieu de conclure qu'il faut répondre à la première question en ce sens que l'article 27, 2°, de la convention de Bruxelles est également applicable, en ce qui concerne l'obligation qui y est prévue d'une signification ou notification en temps utile de l'acte introductif d'instance, lorsque la signification ou notification a eu lieu en respectant un délai fixé par le juge de l'état d'origine ou lorsque le défendeur était domicilié, exclusivement ou non, dans la circonscription ou l'état de ce juge.
14 Par la première partie de sa deuxième question (question 2 a)), le Hoge Raad demande si, pour apprécier l'existence de circonstances exceptionnelles en raison desquelles la signification ou la notification, bien que régulière, n'aurait toutefois pas suffi pour permettre au défendeur d'assurer sa défense et, partant, pour faire courir le délai exigé par l'article 27, 2°, il convient de se référer uniquement à des circonstances existant au moment de la signification ou de la notification et dont le demandeur peut tenir compte à ce moment-là.
15 Les parties qui ont déposé des observations rappellent à cet égard l'arrêt précité de la Cour du 16 juin 1981, selon lequel, même si le juge requis peut, en règle générale, se borner à examiner si le délai à compter de la date à laquelle la signification ou notification a été faite régulièrement a laissé au défendeur un temps utile pour sa défense, il lui appartient, toutefois, d'apprécier si, dans un cas d'espèce, il existe des circonstances exceptionnelles qui conduiraient à la conclusion que la signification ou la notification, bien que régulière, n'a toutefois pas suffi pour mettre le défendeur en mesure de commencer son action en défense, et, partant, pour faire courir le délai exigé par l'article 27, 2°.
16 Les requérants au principal interprètent cet arrêt en ce sens qu'on ne peut pas tenir compte de circonstances qui n'apparaitraient qu'après la notification, et qu'il n'est pas admissible qu'une notification régulière, que l'on estime suffisante, au moment où elle est effectuée, pour faire courir le délai, compte tenu des circonstances existant à ce moment-là, puisse perdre cet effet juridique en raison de circonstances survenues postérieurement. Cela serait d'autant plus lourd de conséquences que la défense basée sur l'article 27, 2°, peut être invoquée non seulement contre l'exécution, mais aussi contre la reconnaissance d'une décision.
17 L'opinion des requérants au principal est partagée, dans une certaine mesure, par la Commission, pour des raisons tenant à la sécurité juridique, à la nécessité d'une interprétation restrictive de l'article 27, 2°, en tant que disposition dérogeant à la règle générale qui interdit toute nouvelle appréciation de nature factuelle dans le cadre de l'exécution, et au fait que les ordres juridiques nationaux prévoient déjà des garanties dans leurs systèmes de notification. Elle admet, cependant, la possibilité de prendre en considération certaines circonstances tout à fait exceptionnelles survenues après la notification et ne pouvant pas être imputées au défendeur.
18 Le défendeur au principal, le Gouvernement de la République fédérale d'Allemagne et le Gouvernement du Royaume-Uni préconisent par contre une réponse négative, en soulignant, notamment, que la fonction protectrice de l'article 27, 2°, ne pourrait jouer pleinement que si toutes les circonstances, c'est-à-dire également celles survenues après la notification, sont prises en compte.
19 Il y a lieu, en ce qui concerne cette partie de la deuxième question, de considérer que, si l'on limitait les circonstances à prendre en considération à celles connues au moment de la notification, on risquerait d'interpréter la notion de 'temps utile' de manière tellement restrictive et formelle qu'elle coïnciderait en fait avec la condition de la régularité de la notification, ce qui conduirait à éliminer l'une des garanties que la convention établit en faveur du défendeur.
20 Il ressort des considérations qui précèdent que l'exigence du 'temps utile', posée justement en vue d'assurer au défendeur une protection effective de ses droits, doit être appréciée également par rapport à des faits qui, bien que survenus après la notification, peuvent néanmoins empêcher que celle-ci mette effectivement l'intéressé en mesure de préparer sa défense.
21 Cette solution se trouve d'ailleurs confirmée par l'arrêt du 16 juin 1981, précité, dans lequel la Cour a dit qu'afin d'apprécier si la notification a été effectuée en temps utile, on peut tenir compte 'de toute circonstance de l'espèce, y compris du mode de notification ou de signification employé, des rapports entre le demandeur et le défendeur, ou du caractère de l'action qu'il a fallu entreprendre pour éviter une décision par défaut'. Or, l'examen de l'action qu'il aurait fallu entreprendre pour éviter une décision par défaut porte nécessairement sur des éléments postérieurs à la notification.
22 Il y a donc lieu de répondre à la première partie de la deuxième question (question 2 a)) en ce sens que le juge requis, lorsqu'il examine si la notification a eu lieu en temps utile, peut également tenir compte de faits ou de circonstances exceptionnels intervenus après la notification régulière.
23 La seconde question posée par le Hoge Raad comprend encore deux branches indiquées respectivement comme question 2 b) et question 2 c). Par la première de ces branches, la juridiction nationale demande si des faits postérieurs à la notification ou à la signification peuvent contraindre le demandeur à entreprendre des démarches complémentaires pour informer le défendeur au sujet de la procédure qui est sur le point de s'engager, de telle manière que le délai visé à l'article 27, 2°, ne commence pas à courir si ces démarches n'ont pas été effectuées. Par la deuxième branche, il est demandé si la circonstance que le défendeur est responsable de ce que l'acte régulièrement signifié ou notifié ne lui est pas parvenu fait obstacle à ce que le juge puisse, à la lumière, entre autres, du fait que le demandeur savait que le défendeur avait quitté son domicile présumé, juger que des démarches complémentaires, au sens indiqué à la deuxième partie de la question, auraient dû être entreprises.
24 En ce qui concerne la question 2 b), les requérants au principal observent qu'une telle obligation n'est prévue ni dans la législation nationale applicable ni dans la convention elle-même et estiment qu'une règle de ce type irait à l'encontre de la sécurité juridique dans le domaine procédural. Il n'y aurait d'ailleurs pas de pratique uniforme dans les États membres, d'aucuns étant plus formels et donc moins enclins à accomplir des démarches qui ne seraient pas prescrites par la loi ou par la convention. En tout état de cause, même si on peut apprécier qu'un avocat informe, dans un cas tel que celui de l'espèce, la partie adverse ou fasse suspendre la procédure, on ne saurait adresser des reproches à l'avocat qui ne le ferait pas.
25 La Commission estime, elle aussi, qu'une telle obligation mettrait fortement en péril la sécurité juridique. Aucune conséquence juridique ne devrait donc découler, au niveau de la procédure, du fait que le demandeur n'a pas informé le défendeur lorsqu'il a appris, après la notification, que celui-ci pouvait être joint à une autre adresse.
26 Le défendeur au principal, le Gouvernement de la République fédérale d'Allemagne et le Gouvernement du Royaume-Uni suggèrent, en revanche, une réponse affirmative, en soulignant, entre autres, que l'esprit et la finalité de l'article 27, 2°, sont précisément de garantir, au-delà de la signification ou notification formelle, le respect du droit d'être entendu et, ainsi, la possibilité de se défendre et que, par conséquent, il faudrait tenter d'éviter autant que possible qu'un défendeur soit confronté à une procédure ou à un jugement sans avoir eu l'occasion de se défendre.
27 Il convient de rappeler, pour ce qui est de cette partie de la deuxième question, que le point de savoir si la notification a été effectuée en temps utile relève d'une appréciation factuelle et ne saurait donc être réglé ni sur la base du droit national du juge d'origine, ni sur la base du droit national du juge requis. Des démarches telles que celle mentionnée dans la question préjudicielle ne constituent cependant pas une obligation prévue par la convention à la charge du demandeur. Il s'agit, en réalité, d'un élément de fait dont il faut tenir compte afin d'établir si la notification est intervenue en temps utile.
28 De ce point de vue, la circonstance d'avoir eu connaissance, après la notification, d'une nouvelle adresse du défendeur n'oblige pas le demandeur à effectuer de nouvelles démarches, mais fait en sorte que le comportement ultérieur du demandeur devient important afin d'apprécier si la notification a été effectuée en temps utile. En informant le défendeur à sa nouvelle adresse, le demandeur évite, en effet, que le juge requis puisse qualifier le changement d'adresse intervenu comme une circonstance exceptionnelle qui empêche la notification effectuée à l'ancienne adresse d'être considérée comme étant intervenue en temps utile.
29 En ce qui concerne la question 2 c), les requérants au principal estiment que, même si le demandeur était tenu de faire des démarches supplémentaires, le fait de ne pas avoir effectué ces démarches ne comporterait pas obligatoirement le refus de la reconnaissance ou de l'exécution de la décision si c'est au défendeur que doit être imputé le fait que le demandeur ignorait, au moment de la notification, l'adresse à laquelle le défendeur pouvait être atteint. A cet égard, il ne suffirait pas, pour le défendeur, de communiquer un numéro de boite postale. La Commission partage ce point de vue en ce qu'elle estime que, si l'acte régulièrement signifié ou notifié n'est pas parvenu au défendeur par la faute de celui-ci, le demandeur n'a aucun devoir d'entreprendre des démarches complémentaires, même s'il vient par la suite à connaitre la nouvelle adresse du défendeur.
30 Le défendeur au principal, le Gouvernement de la République fédérale d'Allemagne et le Gouvernement du Royaume-Uni estiment que le comportement du défendeur fait également partie des circonstances dont le juge requis peut tenir compte afin d'apprécier si la notification a été effectuée en temps utile, et que l'influence de cet élément devra être appréciée par le juge à la lumière de l'exigence d'une protection effective des droits de la défense.
31 Eu égard à la considération que l'article 27, 2°, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, vise à mettre le défendeur dans la possibilité de se défendre effectivement, il convient d'estimer qu'on ne saurait tirer parti d'un comportement imputable au défendeur pour estimer que la notification a été effectuée en temps utile, même si le demandeur a su, par la suite, que le défendeur pouvait être atteint à une nouvelle adresse. S'il en était ainsi, on admettrait, en effet, la présomption que la notification est intervenue en 'temps utile'. Or, si l'on peut à juste titre présumer qu'une notification a été faite en temps utile lorsqu'on ne savait pas où joindre le défendeur, une telle présomption irait manifestement à l'encontre de la protection des droits de la défense lorsque le demandeur a su, après la notification, où le défendeur pouvait être atteint.
32 Étant ainsi entendu qu'un comportement imputable au défendeur ne peut servir automatiquement pour exclure la prise en considération de circonstances exceptionnelles ayant entrainé l'insuffisance de la notification, un tel comportement pourra être apprécié par le juge requis comme un des éléments à la lumière desquels il peut établir si la notification a été effectuée en temps utile. Il appartiendra donc à ce juge d'évaluer, dans un cas comme celui de l'espèce, dans quelle mesure le comportement imputable au défendeur peut contrebalancer le fait que le demandeur a eu connaissance, après la notification, de la nouvelle adresse du défendeur.
33 Au vu de ces considérations, il y a donc lieu de répondre à la deuxième et à la troisième partie de la seconde question (questions 2 b) et 2 c)) en ce sens que la circonstance que le demandeur a eu connaissance, après la notification, d'une nouvelle adresse du défendeur et la circonstance que le défendeur est responsable du fait que l'acte régulièrement notifié ne lui est pas parvenu constituent des éléments dont le juge requis peut tenir compte afin d'apprécier si la notification a été effectuée en temps utile.
Sur les dépens
34 Les frais exposés par le Gouvernement de la République fédérale d'Allemagne, par le Gouvernement du Royaume-Uni et par la Commission des Communautés européennes, qui ont soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l'objet de remboursement. La procédure revêtant, à l'égard des parties au principal, le caractère d'un incident soulevé devant la juridiction nationale, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.
Par ces motifs,
LA COUR (quatrième chambre),
Statuant sur les questions à elle soumises par le Hoge Raad des Pays-Bas, par jugement du 17 février 1984, dit pour droit :
1) L'article 27, 2°, de la convention de Bruxelles est également applicable, en ce qui concerne l'obligation qui y est prévue d'une signification ou notification en temps utile de l'acte introductif d'instance, lorsque la signification ou notification a eu lieu en respectant un délai fixé par le juge de l'état d'origine où lorsque le défendeur était domicilié, exclusivement ou non, dans la circonscription ou l'état de ce juge.
2) Le juge requis, lorsqu'il examine si la notification a eu lieu en temps utile, peut également tenir compte de faits ou de circonstances exceptionnels intervenus après la notification régulière.
3) La circonstance que le demandeur a eu connaissance, après la notification, d'une nouvelle adresse du défendeur et la circonstance que le défendeur est responsable du fait que l'acte régulièrement notifié ne lui est pas parvenu constituent des éléments dont le juge requis peut tenir compte afin d'apprécier si la notification a été effectuée en temps utile.