CJCE, 4e ch., 8 juin 2000, n° C-264/99
COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Commission des Communautés européennes
Défendeur :
République italienne
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président de chambre :
M. Edward
Avocat général :
M. Alber
Juges :
MM. La Pergola, Ragnemalm
Avocat :
M. Braguglia
LA COUR (quatrième chambre),
1. Par requête déposée au greffe de la Cour le 16 juillet 1999, la Commission des Communautés européennes a introduit, en vertu de l'article 226 CE, un recours visant à faire constater que, en maintenant une réglementation exigeant des ressortissants communautaires qui exercent l'activité de transitaire en Italie, en qualité de prestataires de services, l'inscription au registre professionnel auprès des chambres de commerce, sous réserve d'une autorisation du ministère de l'Intérieur, la République italienne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 12 CE, 43 CE et 49 CE.
Les dispositions nationales litigieuses
2. La loi italienne n° 1442, du 14 novembre 1941 (GURI n° 6, du 9 janvier 1942), dans sa version applicable au moment de la procédure précontentieuse, établit des listes d'autorisation pour les transitaires.
3. L'article 4 de la loi n° 1442 fait obligation à toute personne physique ou toute société qui exerce l'activité de transitaire de s'inscrire au registre professionnel tenu par la chambre de commerce territorialement compétente. L'article 6 de la loi n° 1442 précise les modalités de la demande d'inscription et dispose notamment que, pour les entreprises et les sociétés étrangères ou, plus généralement, pour les entreprises représentées par des ressortissants étrangers, le demandeur doit produire une autorisation du ministère de l'Intérieur.
La procédure précontentieuse
4. La Commission, considérant que les articles 4 et 6 de la loi n° 1442 sont contraires au droit communautaire, a informé le gouvernement italien, par lettre de mise en demeure du 17 juin 1997, de ses griefs, en l'invitant à lui transmettre ses observations à ce sujet dans le délai de deux mois à compter de la réception de ladite lettre.
5. Le gouvernement italien a, par lettre du 22 août 1997, répondu à la Commission. Cette dernière, n'étant pas satisfaite de cette réponse, a émis, le 18 mai 1998, un avis motivé, invitant la République italienne à adopter les mesures nécessaires pour se conformer à cet avis motivé dans le délai de deux mois à compter de sa réception.
6. La Commission, jugeant insuffisante la réponse du 16 mars 1999 du gouvernement italien à l'avis motivé, a introduit le présent recours.
Sur le fond
Arguments des parties
7. Dans sa requête, la Commission soutient que la loi n° 1442 viole les principes définis aux articles 12 CE, 43 CE et 49 CE.
8. Elle relève que, même si l'obligation d'inscription n'est pas directement discriminatoire, elle constitue pour l'opérateur économique établi dans un État membre autre que la République italienne un obstacle à l'exercice de ses activités dans ce dernier État. Dans la mesure où toute personne qui exerce l'activité de transitaire sans avoir au préalable obtenu l'inscription au registre professionnel est passible de sanctions pénales (article 2 de la loi n° 1442), il en résulterait clairement qu'il s'agit d'une condition essentielle pour pouvoir exercer cette activité sur le territoire italien.
9. Or, selon la Commission, il découle d'une jurisprudence constante que l'article 49 CE exige non seulement l'élimination de toute discrimination à l'encontre du prestataire de services en raison de sa nationalité, mais également la suppression de touterestriction, même si elle s'applique indistinctement aux prestataires nationaux et à ceux des autres États membres, lorsqu'elle est de nature à gêner les activités du prestataire établi dans un autre État membre où il fournit légalement des services analogues (voir arrêt du 25 juillet 1991, Säger, C-76-90, Rec. p. I-4221). En particulier, un État membre ne pourrait pas subordonner la réalisation de la prestation de services sur son territoire à l'observation de toutes les conditions requises pour un établissement, sous peine de priver de tout effet utile les dispositions du traité destinées à assurer la libre prestation des services (voir arrêt du 26 février 1991, Commission/Italie, C-180-89, Rec. p. I-709).
10. La Commission ajoute que l'article 6 de la loi n° 1442, qui précise les modalités de la demande d'inscription, est incompatible avec les principes fondamentaux établis aux articles 12 CE et 43 CE.
11. Dans son mémoire en défense, le gouvernement italien ne conteste pas ces griefs et indique que de nouvelles dispositions nationales sont en préparation, de sorte que ces griefs disparaîtront bientôt.
Appréciation de la Cour
12. Il est constant, ce que le gouvernement italien ne conteste pas, que les articles 4 et 6 de la loi n° 1442 entravent l'activité de transitaire exercée par des ressortissants communautaires en Italie.
13. S'il est vrai qu'il n'est pas exclu que de telles entraves puissent, sous certaines conditions, être justifiées par des raisons impérieuses d'intérêt général, ni le mémoire en défense du gouvernement italien ni les autres pièces du dossier ne font apparaître de telles raisons qui pourraient, en l'espèce, être invoquées.
14. Dès lors, il convient de constater que, en maintenant une réglementation exigeant des ressortissants communautaires qui exercent l'activité de transitaire en Italie, en qualité de prestataires de services, l'inscription au registre professionnel auprès des chambres de commerce, sous réserve d'une autorisation du ministère de l'Intérieur, la République italienne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 12 CE, 43 CE et 49 CE.
Sur les dépens
15. En vertu de l'article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. La Commission ayant conclu à la condamnation de la République italienne et celle-ci ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens.
Par ces motifs,
LA COUR (quatrième chambre)
Déclare et arrête:
1. En maintenant une réglementation exigeant des ressortissants communautaires qui exercent l'activité de transitaire en Italie, en qualité de prestataires de services, l'inscription au registre professionnel auprès des chambres de commerce, sous réserve d'une autorisation du ministère de l'Intérieur, la République italienne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 12 CE, 43 CE et 49 CE.
2. La République italienne est condamnée aux dépens.