CJCE, 6e ch., 19 janvier 1995, n° C-351/93
COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Fitmay Ltd, H. A. van der Linde, Tracotex Holland BV
Défendeur :
Minister van Landbouw, Natuurbeheer en Visserij
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président de chambre :
M. Schockweiler
Avocat général :
M. Gerven
Juges :
MM. Kapteyn, Mancini, Kakouris, Murray
Avocat :
Me Ottervanger
LA COUR (sixième chambre),
1 Par ordonnance du 23 avril 1993 (affaire C-351-93), parvenue à la Cour le 12 juillet suivant, le College van Beroep voor het Bedrijfsleven (Pays-Bas) a posé, en vertu de l'article 177 du traité CEE, deux questions préjudicielles sur l'interprétation et la validité de l'article 2, paragraphe 3, du règlement (CEE) nº 2237-85 de la Commission, du 30 juillet 1985, établissant des modalités particulières d'application du système de prix minimal à l'importation des raisins secs (JO L 209, p. 24), ainsi que sur l'interprétation de l'article 9 du règlement (CEE) nº 426-86 du Conseil, du 24 février 1986, portant organisation commune des marchés dans le secteur des produits transformés à base de fruits et légumes (JO L 49, p. 1).
2 Par ordonnance du 23 avril 1993 (affaire C-352-93), parvenue à la Cour le 12 juillet suivant, rectifiée par ordonnance du 27 octobre 1993, parvenue à la Cour le 12 novembre suivant, le College van Beroep voor het Bedrijfsleven a posé, en vertu de l'article 177 du traité CEE, quatre questions préjudicielles sur l'interprétation du règlement (CEE) nº 994-88 de la Commission, du 15 avril 1988, relatif à l'application d'une taxe compensatoire prévue par le règlement (CEE) nº 2742-82, concernant les mesures de sauvegarde applicables aux importations de raisins secs (JO L 99, p. 12), sur l'interprétation et la validité de l'article 4, paragraphe 3, du règlement (CEE) nº 2742-82 de la Commission, du 13 octobre 1982, relatif à des mesures de sauvegarde applicables aux importations de raisins secs (JO L 290, p. 28), ainsi que sur l'interprétation de l'article 14 du règlement (CEE) nº 516-77 du Conseil, du 14 mars 1977, portant organisation commune des marchés dans le secteur des produits transformés à base de fruits et légumes (JO L 73, p. 1).
3 Par ordonnance du 23 avril 1993 (affaire C-353-93), parvenue à la Cour le 12 juillet suivant, le College van Beroep voor het Bedrijfsleven a posé, en vertu de l'article 177 du traité CEE, trois questions préjudicielles sur l'interprétation et la validité de l'article 3, paragraphe 3, du règlement (CEE) nº 1626-85 de la Commission, du 14 juin 1985, relatif aux mesures de sauvegarde applicables aux importations de certaines griottes (JO L 156, p. 13), ainsi que sur l'interprétation de l'article 18, paragraphe 2, du règlement nº 426-86, précité.
4 Les questions dans les affaires C-351-93 et C-352-93 ont été soulevées dans le cadre de deux litiges opposant notamment H. A. van der Linde, commissionnaire en douane, au Minister van Landbouw, Natuurbeheer en Visserij (ministre de l'Agriculture, du Patrimoine naturel et de la Pêche), au sujet du paiement d'une taxe compensatoire réclamée à Van der Linde au motif que ce dernier n'aurait pas respecté le prix minimal à l'importation de différents lots de raisins secs originaires de Turquie.
5 Les questions dans l'affaire C-353-93 ont été soulevées dans le cadre d'un litige opposant la société "fermée" à responsabilité limitée Tracotex Holland BV (ci-après "Tracotex"), établie à Rotterdam, au Minister van Landbouw, Natuurbeheer en Visserij, au sujet du paiement d'une taxe compensatoire réclamée à Tracotex au motif que cette dernière n'aurait pas respecté le prix minimal à l'importation de certains lots de griottes originaires de l'ex-Yougoslavie.
6 Par ordonnance du 6 septembre 1993, le président de la Cour a décidé, conformément à l'article 43 du règlement de procédure, la jonction des trois affaires, aux fins de la procédure écrite, de la procédure orale et de l'arrêt.
7 Étant donné que certaines des questions posées portent sur des dispositions communautaires entrées successivement en vigueur, il convient d'aborder les trois affaires en suivant l'ordre chronologique de la réglementation communautaire concernée. L'examen de l'affaire C-352-93 précédera donc celui des affaires C-351-93 et C-353-93.
Sur l'affaire C-352-93
La réglementation communautaire
8 Il ressort du dossier que l'importation faisant l'objet du litige au principal a été effectuée en juin 1984. Les dispositions applicables à cette époque étaient les suivantes.
9 L'article 14, paragraphe 1, du règlement n° 516-77, précité, prévoit la possibilité d'appliquer des mesures de sauvegarde appropriées dans les échanges avec les pays tiers si, dans la Communauté, le marché d'un ou de plusieurs produits faisant l'objet du règlement subit ou est menacé de subir, du fait des importations ou des exportations, des perturbations graves susceptibles de mettre en péril les objectifs de l'article 39 du traité. Selon le deuxième alinéa du paragraphe 1, les modalités d'application de cette disposition doivent être arrêtées par le Conseil sur proposition de la Commission.
10 L'article 14, paragraphe 2, du même règlement habilite la Commission à prendre les mesures nécessaires si la situation visée au paragraphe 1 se présente.
11 Sur le fondement de l'article 14, paragraphe 1, a été adopté le règlement (CEE) nº 521-77 du Conseil, du 14 mars 1977, définissant les modalités d'application des mesures de sauvegarde dans le secteur des produits transformés à base de fruits et légumes (JO L 73, p. 28). L'article 2, paragraphe 1, sous c), de ce règlement prévoit que, pour tous les produits, les mesures qui peuvent être prises sont:
"Un système de prix minimaux au-dessous desquels les importations peuvent être soumises à la condition qu'elles se fassent à un prix au moins égal au prix minimal fixé pour le produit en question, la suspension totale ou partielle des exportations".
12 A la suite de perturbations sur le marché des raisins secs lors de la campagne de commercialisation 1981-1982, la Commission a adopté, sur la base de l'article 14, paragraphe 2, du règlement n° 516-77, le règlement nº 2742-82, précité. L'article 2 de ce dernier règlement fixe le prix minimal à l'importation de raisins secs (paragraphe 1) ainsi que le montant, à taux fixe, de la taxe compensatoire applicable si le prix minimal n'est pas respecté (paragraphe 2).
13 L'article 4, paragraphe 1, du même règlement, tel que modifié par le règlement (CEE) nº 936-84 de la Commission, du 5 avril 1984, (JO L 96, p. 13) dispose que le prix à l'importation est constitué par les facteurs suivants: a) le prix fob dans le pays d'origine et b) les frais de transport et d'assurance jusqu' au lieu d'entrée dans le territoire douanier de la Communauté.
14 L'article 4, paragraphe 3, tel que également modifié par le règlement nº 936-84, précité, énonce:
"Si la facture présentée aux autorités douanières n'a pas été établie par l'exportateur dans le pays dont le produit est originaire ou si les autorités ne sont pas convaincues que le prix mentionné reflète le prix fob dans le pays d'origine, les autorités compétentes de l'État membre prennent les mesures nécessaires pour déterminer le prix, notamment en fonction du prix de revente pratiqué par l'importateur."
15 Le caractère fixe du montant de la taxe compensatoire a été à l'origine de litiges mettant en cause la validité du règlement nº 2742-82. Dans son arrêt du 11 février 1988, National Dried Fruit Trade Association (77-86, Rec. p. 757), la Cour a dit pour droit que le règlement nº 2742-82 était invalide pour autant qu'il a instauré la taxe compensatoire à taux fixe.
16 Par suite de cet arrêt, la Commission a adopté le règlement nº 994-88, précité. Selon l'article 1er de ce règlement, les opérateurs ayant payé la taxe compensatoire fixée par le règlement nº 2742-82 ont droit au remboursement de la différence entre:
"a) le montant de la taxe compensatoire perçu en application du règlement (CEE) nº 2742-82 et de ses modifications ultérieures et b) le montant résultant de la différence entre le prix minimal applicable fixé à l'article 2 paragraphe 1 du règlement précité et le prix à l'importation lors de la mise en libre pratique".
Le litige au principal et les questions préjudicielles
17 Van der Linde, agissant au nom de la société Fitmay Limited, a importé aux Pays-Bas des lots de raisins secs originaires de Turquie. La déclaration d'importation a été faite le 25 juin 1984 et a été acceptée par la douane. Toutefois, après vérification, qui a dû être différée en raison d'une enquête à laquelle il fallait procéder, l'Inspecteur der Invoerrechten en Accijnzen (inspecteur des droits à l'importation et des accises, ci-après l'"inspecteur") a, par décision du 17 février 1989, invité Van der Linde à payer une taxe compensatoire.
18 Cette décision était fondée sur les résultats d'une enquête effectuée en 1984 et 1985 par le FIOD (Fiscale Inlichtingen-en Opsporingsdienst, service de détection et d'information en matière fiscale) au sujet d'une fraude éventuelle à l'importation de raisins secs de Turquie. Il ressort du dossier que selon le défendeur au principal une des raisons qui ont rendu nécessaire cette enquête consistait dans le fait que, lors de l'importation aux Pays-Bas de raisins secs turcs, une taxe compensatoire n'était presque jamais imposée, alors que les prix de marché de ces raisins secs étaient (de loin) inférieurs au prix minimal à l'importation. L'enquête a révélé que différents montages étaient employés pour éluder la taxe compensatoire. Ils consistaient notamment à interposer diverses entreprises étrangères dans le processus de facturation pour créer artificiellement un prix à l'importation élevé dépassant le prix minimal à l'importation. Fitmay Limited était une de ces entreprises étrangères interposées.
19 Plus particulièrement, selon le défendeur au principal, les contrôles effectués avaient démontré que Alpaslan Besikcioglu, exportateur turc de raisins secs, vendait les marchandises à Fitmay Limited, société établie à Londres, à un prix supérieur au prix minimal à l'importation. Cette facture était jointe à la déclaration pour l'importation, faite par Fitmay Limited comme importateur. Après l'importation, les raisins secs étaient revendus à Izmir Fig Packers, firme turque dont 99 % des parts sont détenues par Alpaslan Besikcioglu. Le prix de revente à Izmir Fig Packers était un peu plus élevé que le prix d'achat de Fitmay Limited. Les raisins secs étaient ensuite vendus par Izmir Fig Packers à la société Stolp International, qui est l'un des principaux importateurs de raisins secs aux Pays-Bas, pour un prix de loin inférieur au prix minimal à l'importation. Le prix de revente de Stolp à ses acheteurs était, lui aussi, inférieur au prix minimal à l'importation. Izmir Fig Packers subissait donc des pertes sur ses reventes. Ces pertes étaient couvertes, notamment, par des versements de Alpaslan Besikcioglu sur le compte bancaire de Izmir Fig Packers.
20 Fitmay Limited et Van der Linde ont formé un recours contre la décision de l'inspecteur devant le College van Beroep voor het Bedrijfsleven. Par ce recours, ils ont notamment contesté que le règlement nº 994-88 de la Commission, précité, puisse servir de base juridiquement valable pour le calcul de la taxe compensatoire. Ils ont également mis en cause la validité de l'article 4, paragraphe 3, du règlement nº 2742-82, précité, en ce qu'il charge les autorités des États membres de déterminer elles-mêmes le prix à l'importation, lorsqu'elles ne sont pas convaincues de la véracité du prix déclaré.
21 Dans ces conditions, le College van Beroep voor het Bedrijfsleven a décidé de surseoir à statuer jusqu' à ce que la Cour se soit prononcée à titre préjudiciel sur les questions suivantes:
"1) Le règlement (CEE) nº 994-88 doit-il être interprété en ce sens qu'il doit être qualifié, à la place de la disposition du règlement (CEE) nº 2742-82 déclarée invalide par l'arrêt rendu par la Cour le 11 février 1988 dans l'affaire 77-86, de base juridiquement valable pour le calcul d'une taxe compensatoire qui est imposée pour la première fois?
2) En cas de réponse affirmative à la question 1, le règlement en question doit-il alors être interprété en ce sens que la taxe compensatoire doit être calculée sur la différence entre le prix minimal à l'importation et le prix à l'importation constaté, ou faut-il partir de la base d'imposition forfaitaire déclarée invalide, pour ensuite, si nécessaire, corriger celle-ci en application des dispositions du règlement précité?
3) L'article 4, paragraphe 3, du règlement (CEE) nº 2742-82 de la Commission, doit-il être interprété en ce sens que, lorsque les autorités douanières ne sont pas convaincues que le prix mentionné reflète le prix fob dans le pays d'origine,
a) des éléments de fait ne peuvent être rassemblés que pour déterminer le prix à l'importation qui a réellement été stipulé et payé, directement ou indirectement, entre l'exportateur et l'importateur ; ou en ce sens que b) les autorités compétentes sont libres de reconstruire elles-mêmes, pour l'opération concernée, un prix à l'importation, au sens de l'article 4, paragraphe 1, du règlement (CEE) nº 2742-82 et, dans le cadre de cette reconstruction, de tenir compte:
D'autres opérations que celles entre l'exportateur et l'importateur, opérations qui, selon ces autorités, ont pour objectif, exclusivement ou en partie, d'éviter qu'une taxe compensatoire doive être payée à l'occasion de l'importation, ou à tout le moins dont il ne serait pas question si la perception de la taxe compensatoire n'était pas de ce fait rendue impossible en tout ou en partie ; et de l'évolution du prix du produit, telle qu'elle est survenue, après l'importation de celui-ci, à des stades commerciaux ultérieurs?
4) Dans l'hypothèse visée à la question 3, sous b), la disposition précitée est-elle invalide, au motif que le règlement du Conseil ne donne pas à la Commission le pouvoir d'accorder aux autorités nationales compétentes une liberté d'appréciation aussi étendue pour répondre à la question de savoir si le prix à l'importation est ou non, dans une situation donnée, inférieur au prix minimal à l'importation?"
Sur la première question
22 Par sa première question, la juridiction nationale demande quelle est la base juridique pour le calcul d'une taxe compensatoire imposée pour la première fois après l'arrêt du 11 février 1988, National Dried Fruit Trade Association, précité, qui a déclaré partiellement invalide l'article 2, paragraphe 2, du règlement n° 2742-82, étant donné que le règlement nº 994-88, précité, n'a déterminé que le montant à rembourser aux opérateurs ayant acquitté la taxe compensatoire à taux fixe en application de l'article déclaré partiellement invalide.
23 Selon Van der Linde, d'une part, le règlement nº 2742-82 qui a instauré la taxe compensatoire aurait été déclaré invalide par la Cour, d'autre part, il ne serait pas possible de fonder sur un règlement de 1988 une taxe compensatoire imposée pour des marchandises importées en 1984. De plus, un règlement concernant le remboursement du trop-perçu par les États membres ne saurait servir de base juridique à une obligation initiale de paiement.
24 Le Gouvernement néerlandais et la Commission font observer que dans l'arrêt du 11 février 1988, précité, la Cour a déclaré invalide le règlement nº 2742-82, non dans son ensemble, mais seulement dans la mesure où il a instauré la taxe compensatoire à taux fixe. Il en découlerait que l'article 2, paragraphe 2, du règlement nº 2742-82 subsistait en tant que base légale mais devait être appliqué de manière conforme à l'arrêt de la Cour. Le règlement nº 994-88 aurait justement précisé en son article 1er, paragraphe 1, sous b), la manière dont la taxe compensatoire devait être calculée après l'arrêt de la Cour. Par conséquent, la base légale d'une taxe compensatoire imposée pour la première fois après l'arrêt de la Cour serait constituée par la combinaison de l'article 2, paragraphe 2, du règlement nº 2742-82, et de l'article 1er, paragraphe 1, sous b), du règlement nº 994-88.
25 Il convient de relever que dans l'arrêt du 11 février 1988, la Cour, après avoir constaté que l'objectif de la taxe compensatoire est de faire respecter le prix minimal, afin d'assurer la préférence communautaire dans le commerce de raisins secs, et non pas de pénaliser économiquement l'importateur qui a procédé à une opération à un prix au-dessous du prix minimal, a jugé que l'instauration d'une taxe compensatoire à taux fixe, imposée même dans le cas d'une différence minime du prix à l'importation en comparaison avec le prix minimal, constitue une pénalisation économique (point 32 de l'arrêt). Eu égard à ces constatations, la Cour a dit pour droit que le règlement nº 2742-82 était invalide pour autant qu'il a instauré la taxe compensatoire à taux fixe.
26 Il en découle que l'article 2, paragraphe 2, du règlement nº 2742-82 n'a pas été invalidé dans son ensemble mais seulement dans la mesure où le montant fixe de la taxe compensatoire y prévu excédait la différence entre le prix minimal et le prix à l'importation. Dès lors, l'article 2, paragraphe 2, a continué de constituer la base juridique d'une taxe compensatoire égale à la différence entre ces deux prix après l'arrêt de la Cour.
27 Reposant précisément sur cette constatation, le règlement nº 994-88 a prévu le remboursement aux opérateurs qui avaient acquitté la taxe à taux fixe de la partie du montant payé qui excédait la différence entre le prix minimal applicable et le prix à l'importation. Ce règlement n'a donc pas affecté la situation juridique des opérateurs qui, à la date du prononcé de l'arrêt susmentionné de la Cour, n'étaient pas encore soumis au paiement de la taxe compensatoire.
28 Par conséquent, il y a lieu de répondre à la première question que le droit communautaire doit être interprété en ce sens que la base juridique pour le calcul d'une taxe compensatoire imposée pour la première fois après l'arrêt du 11 février 1988, National Dried Fruit Trade Association, précité, est l'article 2, paragraphe 2, du règlement n° 2742-82, pour autant qu'il n'a pas été invalidé par ledit arrêt.
Sur la deuxième question
29 Eu égard à la réponse donnée à la première question, il n'y a pas lieu de répondre à la deuxième question.
Sur la troisième question
30 Par cette question, la juridiction nationale demande si l'article 4, paragraphe 3, du règlement nº 2742-82 doit être interprété en ce sens que, afin de déterminer le prix à l'importation réellement payé, les autorités compétentes peuvent tenir compte non seulement des éléments de fait concernant le prix réellement stipulé et payé entre l'exportateur et l'importateur, mais également d'autres éléments, tels que d'autres opérations effectuées pour éviter le paiement de la taxe compensatoire et l'évolution du prix du produit à des stades de commercialisation postérieurs à l'importation.
31 Van der Linde fait observer que les autorités nationales ne peuvent pas se fonder sur des éléments postérieurs à l'importation pour déterminer le prix à l'importation. La thèse opposée serait contraire aux principes de sécurité juridique et de non-discrimination et aurait pour effet de transformer le mécanisme communautaire relatif au prix minimal à l'importation en un système de prix minimaux du marché, pour les produits importés.
32 Les Gouvernements néerlandais et hellénique ainsi que la Commission, en se fondant à la fois sur le libellé de l'article 4, paragraphe 3, du règlement nº 2742-82 et sur la finalité de la réglementation communautaire considèrent que si les autorités nationales ne sont pas convaincues de la véracité du prix déclaré, elles peuvent prendre toutes les mesures nécessaires, y compris la reconstitution du prix effectivement convenu entre l'exportateur et l'importateur.
33 A titre liminaire, il y a lieu de rappeler que les mesures de sauvegarde doivent être de nature à empêcher que les raisins secs importés soient écoulés à des prix anormalement bas et que cet objectif peut être atteint par l'instauration d'un prix minimal à respecter à l'importation dans la Communauté et par l'application d'une taxe compensatoire aux produits ne respectant pas ce prix (quatrième et cinquième considérants du règlement n° 2742-82).
34 Le règlement visant ainsi à ce que les produits en question soient importés dans la Communauté à un prix au moins égal au prix minimal, c'est le prix réel à l'importation qui revêt une importance fondamentale pour le fonctionnement correct du système mis en place.
35 Il y a lieu de rappeler ensuite que l'article 4, paragraphe 3, du règlement nº 2742-82, tel que modifié par le règlement nº 936-84, prévoit expressément que si les autorités ne sont pas convaincues que le prix mentionné dans la facture présentée reflète le prix fob dans le pays d'origine, "les autorités compétentes prennent les mesures nécessaires pour déterminer ce prix, notamment en fonction du prix de revente pratiqué par l'importateur".
36 Il résulte de cette disposition que si les autorités compétentes ont des doutes sur la réalité du prix déclaré, elles ont le pouvoir d'établir le prix réellement payé en tenant compte de tous les éléments susceptibles d'y contribuer.
37 Eu égard aux considérations qui précèdent, il convient de répondre à la troisième question que l'article 4, paragraphe 3, du règlement nº 2742-82 doit être interprété en ce sens que, lorsque les autorités compétentes ont des doutes quant au caractère réel du prix à l'importation déclaré, elles peuvent prendre toutes les mesures nécessaires pour établir ce prix.
Sur la quatrième question
38 Par cette question, la juridiction nationale demande si, au vu de l'interprétation de l'article 4, paragraphe 3, du règlement nº 2742-82, dégagée ci-dessus, cette disposition est invalide au motif que le règlement n° 516-77, précité, ne donne pas à la Commission le pouvoir de conférer aux autorités nationales une liberté d'appréciation aussi étendue pour établir le prix à l'importation.
39 Van der Linde fait observer que cette disposition est invalide, le règlement de base n° 516-77 n'habilitant pas la Commission à conférer un pouvoir discrétionnaire aux autorités nationales.
40 Les Gouvernements néerlandais et hellénique ainsi que la Commission estiment, au contraire, que la disposition examinée est valide. Ils se fondent notamment sur la nécessité de préserver l'efficacité de la réglementation communautaire relative au prix minimal, face à la multitude des procédés mis en œuvre par les opérateurs pour éluder la taxe compensatoire. La Commission invoque également à l'appui de sa thèse le partage des compétences en cette matière entre la Communauté et les États membres.
41 Il convient de relever à cet égard que, comme il ressort de son deuxième visa, le règlement nº 2742-82 de la Commission a été adopté sur le fondement de l'article 14, paragraphe 2, du règlement nº 516-77, précité. Cette disposition prévoit que si, dans la Communauté, le marché d'un ou de plusieurs produits faisant l'objet du règlement subit ou est menacé de subir, du fait des importations ou des exportations, des perturbations graves susceptibles de mettre en péril les objectifs de l'article 39 du traité, "la Commission, à la demande d'un État membre ou de sa propre initiative, décide des mesures nécessaires, qui sont communiquées aux États membres et qui sont immédiatement applicables".
42 Il n'est pas contesté en l'espèce au principal qu' à l'époque de l'adoption du règlement nº 2742-82, il existait dans le marché communautaire des raisins secs la situation visée à l'article 14, paragraphe 2, du règlement nº 516-77 du Conseil. Il n'est pas contesté non plus que les autorités nationales ont le pouvoir de vérifier si le prix mentionné sur la déclaration de mise en libre pratique reflète le prix réel. La seule question qui se pose est celle de savoir si le pouvoir conféré par la Commission aux autorités nationales d'établir, en cas de doute, le prix à l'importation réellement payé en prenant toutes les mesures nécessaires est une mesure nécessaire au sens de l'article 14, paragraphe 2, du règlement n° 516-77.
43 Eu égard, d'une part, à l'importance que revêt pour le bon fonctionnement du mécanisme de sauvegarde la nécessité d'établir le prix réel d'importation et, d'autre part, à la diversité et à la complexité des situations auxquelles les autorités nationales doivent faire face, le pouvoir conféré par la Commission aux autorités nationales d'établir, le cas échéant, le prix à l'importation constitue, au vu du besoin d'assurer la bonne application des mesures prises pour enrayer la perturbation du marché des raisins secs, une mesure nécessaire au sens de l'article 14, paragraphe 2, du règlement n° 516-77.
44 Par conséquent, il convient de répondre que l'examen de la question posée n'a pas révélé d'éléments de nature à affecter la validité de l'article 4, paragraphe 3, du règlement nº 2742-82.
Sur l'affaire C-351-93
La réglementation communautaire
45 Il ressort du dossier que l'importation faisant l'objet du litige au principal a été effectuée en 1989. Les dispositions applicables à cette époque étaient les suivantes.
46 Le règlement nº 426-86, précité, a remplacé à compter du 1er mars 1986 le règlement de base nº 516-77 du Conseil, précité.
47 L'article 9, paragraphe 1, du règlement nº 426-86 prévoit l'application d'un prix minimal à l'importation pour certains produits, dont les raisins secs. Ce prix n'est plus imposé à titre de mesure de sauvegarde mais de façon permanente. L'article 9, paragraphe 3, prévoit l'application d'une taxe compensatoire en cas de non-respect du prix minimal.
48 Selon l'article 9, paragraphe 5, du même règlement, les règles générales d'application de cet article sont arrêtées par le Conseil sur proposition de la Commission.
49 Le règlement (CEE) nº 2089-85 du Conseil, du 23 juillet 1985, fixant les règles générales relatives au système de prix minimal à l'importation pour les raisins secs (JO L 197, p. 10), adopté en application de l'ancien règlement de base du Conseil, à savoir le règlement nº 516-77, a été maintenu en vigueur par l'article 25, paragraphe 2, du règlement nº 426-86, selon lequel "les visas et les références se rapportant au règlement (CEE) nº 516-77 doivent s'entendre comme se référant au présent règlement".
50 Selon l'article 1er du règlement nº 2089-85, le prix minimal à l'importation pour les raisins secs est fixé avant le début de la campagne de commercialisation. L'article 2, paragraphe 1, du même règlement énonce que les taxes compensatoires sont fixées par rapport à une échelle de prix à l'importation.
51 Le règlement nº 2237-85 de la Commission, précité, a été adopté sur le fondement de l'ancien règlement de base nº 516-77 du Conseil. Il a été maintenu en vigueur par l'article 25, paragraphe 2, du nouveau règlement de base nº 426-86, susmentionné. Selon l'article 1er, paragraphe 2, du règlement n° 2237-85, les éléments constitutifs du prix à l'importation sont: a) le prix fob dans le pays d'origine; b) le coût du transport et des assurances jusqu' au lieu d'entrée sur le territoire douanier de la Communauté. Le paragraphe 3 de la même disposition définit le "prix fob".
52 L'article 2, paragraphe 2, du règlement prévoit que le prix à l'importation est repris dans la déclaration de mise en libre pratique, la déclaration étant accompagnée de tous les documents nécessaires pour vérifier le prix.
53 L'article 2, paragraphe 3, dispose:
"Dans le cas où:
a) la facture présentée aux autorités douanières n'a pas été établie par l'exportateur dans le pays dont les produits sont originaires, ou
b) les autorités ne sont pas convaincues que le prix repris dans la déclaration reflète le prix réel d'importation ou c) le paiement n'a pas été effectué dans le délai fixé à l'article 1er paragraphe 4, les autorités compétentes prennent les mesures nécessaires pour déterminer le prix d'importation, notamment en se référant au prix de revente pratiqué par l'importateur."
Le litige au principal et les questions préjudicielles
54 Van der Linde, agissant au nom de la société Fitmay Limited, a importé aux Pays-Bas des lots de raisins secs originaires de Turquie. La déclaration d'importation a été faite le 15 février 1989.
55 À la suite d'une vérification, l'inspecteur a, par décision du 21 février 1989, invité Van der Linde à payer une taxe compensatoire. Cette décision se fondait sur les résultats de l'enquête menée par le FIOD (voir points 18 et 19 ci-dessus).
56 Fitmay Limited et Van der Linde ont formé un recours contre la décision de l'inspecteur devant le College van Beroep voor het Bedrijfsleven. En cours de procédure, ils ont notamment mis en cause la validité de l'article 2, paragraphe 3, du règlement nº 2237-85, précité, en ce qu'il charge les autorités des États membres de déterminer elles-mêmes le prix à l'importation, lorsqu'elles ne sont pas convaincues que le prix mentionné sur la déclaration de mise en libre pratique reflète le prix réel à l'importation.
57 Dans ces conditions, le College van Beroep voor het Bedrijfsleven a décidé de surseoir à statuer jusqu' à ce que la Cour se soit prononcée à titre préjudiciel sur les questions suivantes:
"1) L'article 2, paragraphe 3, initio, sous b) et in fine, du règlement (CEE) nº 2237-85 de la Commission, doit-il, compte tenu notamment de l'article 9 du règlement (CEE) nº 426-86 du Conseil, être interprété en ce sens que, lorsque les autorités compétentes ne sont pas convaincues que le prix mentionné sur la déclaration de mise en libre pratique des marchandises reflète le prix réel à l'importation,
a) des éléments de fait ne peuvent être rassemblés que pour déterminer le prix à l'importation qui a réellement été stipulé et payé, directement ou indirectement, entre l'exportateur et l'importateur ; ou en ce sens que b) les autorités compétentes sont libres de reconstruire elles-mêmes, pour l'opération concernée, un prix à l'importation, au sens de l'article 1er, paragraphe 2, du règlement (CEE) nº 2237-85 et, dans le cadre de cette reconstruction, de tenir compte:
D'autres opérations que celles entre l'exportateur et l'importateur, opérations qui, selon ces autorités, ont pour objectif, exclusivement ou en partie, d'éviter qu'une taxe compensatoire doive être payée à l'occasion de l'importation, ou à tout le moins dont il ne serait pas question si la perception de la taxe compensatoire n'était pas de ce fait rendue impossible en tout ou en partie ; et de l'évolution du prix du produit, telle qu'elle est survenue, après l'importation de celui-ci, à des stades commerciaux ultérieurs?
2) Dans l'hypothèse visée à la question 1, sous b), la disposition précitée est-elle invalide, au motif que le règlement du Conseil ne donne pas à la Commission le pouvoir d'accorder aux autorités nationales compétentes une liberté d'appréciation aussi étendue pour répondre à la question de savoir si le prix à l'importation est ou non, dans une situation donnée, inférieur au prix minimal à l'importation?"
Sur la première question
58 À l'exception des dispositions visées, la formulation de cette question et celle de la troisième question dans l'affaire C-352-93 sont similaires. En particulier, les dispositions concernées du règlement n° 2237-85, bien que différentes par rapport à celles visées à la troisième question dans l'affaire C-352-93, sont en substance les mêmes que ces dernières. En tout état de cause, eu égard aux faits des espèces au principal, les quelques différences de rédaction ne sont pas de nature à affecter l'interprétation donnée ci-dessus. C'est la raison pour laquelle chacune des parties a déposé des observations communes pour la troisième question dans l'affaire C-352-93 et pour la présente question.
59 Il convient seulement de signaler la différence suivante. Ainsi que cela résulte de son deuxième visa, le règlement nº 2237-85, dont l'interprétation de l'article 2, paragraphe 3, est demandée, avait été adopté sur le fondement de l'article 4 bis, paragraphe 7, du règlement de base nº 516-77, tel qu'introduit par l'article 1er du règlement (CEE) nº 988-84 du Conseil, du 31 mars 1984, modifiant le règlement (CEE) nº 516-77 portant organisation commune des marchés dans le secteur des produits transformés à base de fruits et légumes et le règlement (CEE) nº 950-68 relatif au tarif douanier commun (JO L 103, p. 11). Lors de l'entrée en vigueur du nouveau règlement de base nº 426-86, la référence à l'article 4 bis du règlement nº 516-77, figurant au deuxième visa du règlement nº 2237-85, a été remplacée par la référence à l'article 9 du règlement nº 426-86, identique quant à son contenu à l'article 4 bis du règlement n° 516-77 (voir l'article 25, paragraphe 2, du règlement nº 426-86 ainsi que le tableau de concordance repris dans l'annexe V au règlement). C'est la raison pour laquelle la question se réfère à l'article 9 du règlement nº 426-86.
60 Dans ces conditions, et pour les motifs indiqués aux points 34 à 36 ci-dessus, qui sont valables mutatis mutandis, l'article 2, paragraphe 3, du règlement nº 2237-85 doit être interprété en ce sens que, lorsque les autorités nationales ont des doutes quant au caractère réel du prix à l'importation déclaré, elles peuvent prendre toutes les mesures nécessaires pour établir ce prix.
Sur la deuxième question
61 A l'exception des dispositions visées, la formulation de cette question est identique à celle de la quatrième question dans l'affaire C-352-93. Chacune des parties a déposé des observations communes pour la quatrième question dans l'affaire C-352-93 et pour la présente question.
62 L'article 9, paragraphe 6, du règlement nº 426-86 dispose que "le prix minimal à l'importation, le montant de la taxe compensatoire et autres
63 La question qui se pose est celle de savoir si l'article 2, paragraphe 3, du règlement nº 2237-85 de la Commission, tel qu'interprété au point 60 ci-dessus, constitue une modalité d'application au sens de l'article 9, paragraphe 6, modalités d'application du présent article sont adoptés selon la procédure prévue à l'article 22". Il s'agit de la procédure dite du "comité de gestion" selon laquelle la Commission arrête des mesures qui sont immédiatement applicables mais qui, si elles ne sont pas conformes à l'avis émis par le comité, sont aussitôt communiquées au Conseil ; ce dernier peut prendre une décision différente dans un délai d'un mois du règlement nº 426-86.
64 Eu égard, d'une part, à l'importance que revêt, pour le bon fonctionnement du système relatif au prix minimal, mis en place par l'article 9 du règlement nº 426-86, la nécessité d'établir le prix réel d'importation, et, d'autre part, à la diversité et à la complexité des situations auxquelles les autorités nationales doivent faire face, le pouvoir conféré par la Commission aux autorités nationales d'établir, le cas échéant, le prix à l'importation constitue, au vu du besoin d'assurer la bonne application des dispositions du règlement n° 426-86 relatives au prix minimal, une modalité d'application au sens de l'article 9, paragraphe 6, de ce règlement.
65 Par conséquent, il convient de répondre que l'examen de la question posée n'a pas révélé d'éléments de nature à affecter la validité de l'article 2, paragraphe 3, du règlement n° 2237-85.
Sur l'affaire C-353-93
La réglementation communautaire
66 Cette affaire concerne l'importation de cerises aigres (griottes), en provenance de l'ex-Yougoslavie, pendant une période allant de décembre 1986 à août 1988. Les dispositions applicables à cette époque étaient les suivantes.
67 L'article 9 du règlement nº 426-86, précité, qui prévoit un prix minimal à l'importation pour certains produits n'est pas applicable aux griottes. Toutefois, l'obligation de respecter un prix minimal à l'importation a été imposée pour les griottes comme une mesure de sauvegarde par les dispositions ci-après.
68 L'article 18, paragraphe 1, et paragraphe 2, premier alinéa, du règlement nº 426-86 prévoit ce qui suit:
"1. Si, dans la Communauté, le marché d'un ou de plusieurs produits visés à l'article 1er subit ou est menacé de subir, du fait des importations ou des exportations, des perturbations graves susceptibles de mettre en péril les objectifs de l'article 39 du traité, des mesures appropriées peuvent être appliquées dans les échanges avec les pays tiers jusqu' à ce que la perturbation ou la menace de perturbation ait disparu.
Le Conseil, statuant à la majorité qualifiée sur proposition de la Commission, arrête les modalités d'application du présent paragraphe et définit les cas et les limites dans lesquels les États membres peuvent prendre des mesures conservatoires.
2. Si la situation visée au paragraphe 1 se présente, la Commission, à la demande d'un État membre ou de sa propre initiative, décide des mesures nécessaires, qui sont communiquées aux États membres et qui sont immédiatement applicables."
69 L'article 25 du même règlement a abrogé le règlement nº 516-77, précité, et a prévu que les visas et les références se rapportant à ce règlement devaient s'entendre comme se référant au règlement nº 426-86.
70 C'est en vertu de cette disposition que l'article 14, paragraphe 2, du règlement n° 516-77, figurant dans le deuxième visa du règlement nº 1626-85, précité, correspond à l'article 18, paragraphe 2, du règlement nº 426-86.
71 L'article 1er du règlement nº 1626-85 fixe le prix minimal à l'importation des griottes (paragraphe 1) et prévoit l'application d'une taxe compensatoire en cas de non-respect du prix minimal (paragraphe 2).
72 L'article 3, paragraphes 1 et 3, du même règlement dispose:
"1. Le prix à l'importation est constitué par les facteurs suivants:
a) le prix fob dans le pays d'origine et b) les frais de transport et d'assurance jusqu' au lieu d'entrée dans le territoire douanier de la Communauté.
2. [...]
3. Si la facture présentée aux autorités douanières n'a pas été établie par l'exportateur dans le pays dont le produit est originaire ou si les autorités ne sont pas convaincues que le prix mentionné reflète le prix fob dans le pays d'origine, les autorités compétentes de l'État membre prennent les mesures nécessaires pour déterminer ce prix, notamment en fonction du prix de revente pratiqué par l'importateur."
Le litige au principal et les questions préjudicielles
73 La société Tracotex a, en qualité de commissionnaire en douane, fait plusieurs déclarations pour la mise en libre pratique de lots de griottes originaires de l'ex-Yougoslavie. Elle a agi pour le compte de la société importatrice De Leeuw' s Handelsonderneming BV, établie à Barendrecht (Pays-Bas).
74 Les déclarations d'importation ont été faites durant la période comprise entre le 17 décembre 1986 et le 8 août 1988. A une partie de ces déclarations était jointe une facture émanant d'un vendeur non établi dans l'ex-Yougoslavie. Aux autres déclarations était jointe une facture émanant d'un vendeur établi dans l'ex-Yougoslavie mais qui, sur cette facture, demandait que le paiement fût fait sur le compte d'une entreprise tierce, laquelle était établie en Allemagne ou, en tout cas, n'était pas établie en ex-Yougoslavie.
75 Au cours de l'année 1989, le FIOD a ouvert une enquête auprès de la société importatrice. Par décision du 23 novembre 1989, l'inspecteur a invité Tracotex à payer une taxe compensatoire.
76 Cette dernière a formé un recours contre la décision de l'inspecteur devant le College van Beroep voor het Bedrijfsleven. En cours de procédure, Tracotex a notamment mis en cause la validité de l'article 3, paragraphe 3, du règlement nº 1626-85 de la Commission, précité, en ce qu'il charge les autorités des États membres de déterminer elles-mêmes le prix à l'importation, lorsqu'elles ne sont pas convaincues de la véracité du prix déclaré.
77 Dans ces conditions, le College van Beroep voor het Bedrijfsleven, a décidé de surseoir à statuer jusqu' à ce que la Cour de justice se soit prononcée à titre préjudiciel sur les questions suivantes:
"1) L'article 3, paragraphe 3, du règlement (CEE) nº 1626-85 de la Commission, doit-il, compte tenu notamment de l'article 18, paragraphe 2, du règlement (CEE) nº 426-86 du Conseil, être interprété en ce sens que, lorsque les autorités douanières ne sont pas convaincues que le prix mentionné reflète le prix fob dans le pays d'origine,
a) des faits ne peuvent être rassemblés que pour déterminer le prix à l'importation qui a réellement été stipulé et payé, directement ou indirectement, entre l'exportateur et l'importateur ; ou en ce sens que b) les autorités compétentes sont libres de reconstruire elles-mêmes, pour l'opération concernée, un prix à l'importation, au sens de l'article 3, paragraphe 1, du règlement (CEE) nº 1626-85 et, dans le cadre de cette reconstruction, de tenir compte:
D'autres opérations que celles entre l'exportateur et l'importateur, parmi lesquelles, en particulier, des opérations intervenues à des stades commerciaux situés entre l'exportateur et l'importateur, et du prix en échange duquel les marchandises sont revendues par l'importateur, de telle sorte qu'un certain nombre de postes forfaitaires, ne résultant pas de documents émanant de l'importateur et/ou de l'intermédiaire, et représentant des frais (montants fixes par 100 kg/brut) et des bénéfices (8 % lorsqu'il y a une opération intermédiaire), sont déduits de ce prix?
2) Dans l'hypothèse visée à la question 1, sous b), la disposition précitée est-elle invalide, au motif que le règlement du Conseil ne donne pas à la Commission le pouvoir d'accorder aux autorités nationales compétentes une liberté d'appréciation aussi étendue pour répondre à la question de savoir si le prix à l'importation est ou non, dans une situation donnée, inférieur au prix minimal à l'importation?
3) L'article 3, paragraphe 3, du règlement (CEE) nº 1626-85 de la Commission, doit-il être interprété en ce sens que, par les termes 'l'exportateur dans le pays dont le produit est originaire' , il faut exclusivement entendre l'exportateur dont l'entreprise est établie dans le pays d'origine?"
Sur la première question
78 A l'exception des dispositions visées, la formulation de cette question et celle de la troisième question dans l'affaire C-352-93 sont similaires. Les dispositions concernées du règlement de base n 426-86 et du règlement n° 1626-85 ont un contenu identique, respectivement, à celui de l'article 14, paragraphe 2, du règlement de base n 516-77 et de l'article 4, paragraphe 3, du règlement n° 2742-82, tel que modifié par le règlement n° 936-84. La Commission et les Gouvernements néerlandais et hellénique ont déposé, chacun, des observations communes pour la troisième question dans l'affaire C-352-93 et pour la présente question.
79 Au cours de la procédure orale, Tracotex a fait observer que la présente affaire est différente des deux autres. Elle a notamment souligné qu'elle n'est pas liée à l'intermédiaire auquel elle a acheté les griottes et qu'elle n'est pas non plus liée à ses revendeurs. Il serait par ailleurs constant que son donneur d'ordres, la société De Leeuw' s Handelsonderneming, a acheté et revendu les griottes à un prix plus élevé que le prix minimal.
80 Dans son cas, la reconstruction du prix à l'importation aurait été faite non parce qu'il était impossible d'établir le prix réellement payé, mais simplement parce que ce prix était établi par un intermédiaire. Or, cette manière de procéder serait contraire à l'interprétation dégagée par la Cour dans l'arrêt du 2 août 1993, Dinter (C-81-92, Rec. p. I-4601).
81 En tout état de cause, la reconstruction du prix à l'importation devrait être faite de manière raisonnable et non arbitraire. Reconnaître aux autorités douanières une marge tout à fait discrétionnaire à cet égard serait contraire à la sécurité juridique et déplacerait les flux commerciaux.
82 Il convient de rappeler, à titre liminaire, que dans l'arrêt Dinter, précité, la Cour a constaté (points 17 et 18) que la méthode de détermination du prix à l'importation, applicable selon l'article 3, paragraphe 3, du règlement nº 1626-85 lorsque la facture présentée aux autorités douanières n'a pas été établie par l'exportateur dans le pays d'origine du produit, ne vaut qu' en l'absence d'autres éléments ou lorsque les autorités douanières ont des doutes quant au prix figurant sur la facture. Dans le même arrêt, la Cour a dit pour droit que la taxe compensatoire ne peut pas être perçue même dans le cas où les marchandises ont été achetées par l'importateur à un intermédiaire qui n'est pas établi dans le pays d'origine de la marchandise, lorsqu'il est certain que tant le prix payé par l'importateur à l'intermédiaire que le prix de revente pratiqué ensuite par cet importateur sont supérieurs au prix minimal, car dans cette hypothèse l'objectif de protection poursuivi par les mesures de sauvegarde est atteint.
83 En revanche, en cas de doute quant à la réalité du prix déclaré, eu égard à l'identité de contenu de l'article 3, paragraphe 3, du règlement nº 1626-85 et de l'article 4, paragraphe 3, du règlement nº 2742-82, les motifs qui sous-tendent l'interprétation donnée à cette dernière disposition (voir notamment points 34 et 36 ci-dessus) sont également valables pour la première.
84 Dès lors, il y a lieu de répondre à cette question que l'article 3, paragraphe 3, du règlement nº 1626-85 doit être interprété en ce sens que, lorsque les autorités compétentes ont des doutes quant au caractère réel du prix à l'importation déclaré, elles peuvent prendre toutes les mesures nécessaires pour établir ce prix.
Sur la deuxième question
85 À l'exception des dispositions visées, cette question est identique à la quatrième question dans l'affaire C-352-93. Les dispositions concernées du règlement de base n 426-86 et du règlement n° 1626-85 ont également un contenu identique à celui des dispositions correspondantes visées dans cette quatrième question. La Commission et les Gouvernements néerlandais et hellénique ont déposé, chacun, des observations communes pour la quatrième question dans l'affaire C-352-93 et pour la présente question.
86 Au cours de la procédure orale, Tracotex a fait observer que le règlement nº 426-86 ne permet pas à la Commission de conférer aux autorités nationales un pouvoir aussi étendu en ce qui concerne la détermination du prix à l'importation.
87 Eu égard aux motifs figurant aux points 41 à 43 ci-dessus, qui sont valables mutatis mutandis, il convient de répondre que l'examen de la question posée n'a pas révélé d'éléments de nature à affecter la validité de l'article 3, paragraphe 3, du règlement nº 1626-85.
Sur la troisième question
88 Le Gouvernement néerlandais et la Commission estiment que l'exportateur visé par l'article 3, paragraphe 3, du règlement n° 1626-85 ne peut être que celui qui est établi dans le pays d'origine des marchandises.
89 Tracotex propose de répondre par la négative à cette question. Elle affirme que, eu égard à la finalité du règlement nº 1626-85 et à l'arrêt Dinter, le lieu d'établissement de l'intermédiaire n'est pas un critère pertinent pour l'application de l'article 3, paragraphe 3, s'il est établi que l'importateur a acheté et revendu la marchandise à un prix supérieur au prix minimal.
90 Cette objection repose sur l'interprétation selon laquelle il suffit que l'exportateur ne soit pas établi dans le pays d'origine du produit pour qu'une taxe compensatoire soit appliquée. Or, cette interprétation n'est pas exacte. En effet, ainsi qu'il ressort de l'arrêt Dinter, précité, la taxe compensatoire ne peut pas être perçue, lorsqu'il est certain que tant le prix payé par l'importateur à l'intermédiaire que le prix de revente pratiqué ensuite par cet importateur sont supérieurs au prix minimal (voir point 82 ci-dessus).
91 Pour le reste, il suffit de relever qu'au vu des termes clairs et non ambigus de l'article 3, paragraphe 3, du règlement nº 1626-85, le membre de phrase "l'exportateur dans le pays dont le produit est originaire" ne peut viser que l'exportateur dont l'entreprise est établie dans le pays d'origine de la marchandise.
92 Par conséquent, il convient de répondre à cette question que l'article 3, paragraphe 3, du règlement nº 1626-85 doit être interprété en ce sens que par les termes "l'exportateur dans le pays dont le produit est originaire" il faut exclusivement entendre l'exportateur dont l'entreprise est établie dans le pays d'origine de la marchandise.
Sur les dépens
93 Les frais exposés par les Gouvernements néerlandais et hellénique ainsi que par la Commission des Communautés européennes, qui ont soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l'objet d'un remboursement. La procédure revêtant, à l'égard des parties au principal, le caractère d'un incident soulevé devant la juridiction nationale, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.
Par ces motifs,
LA COUR (sixième chambre),
statuant sur les questions à elle soumises par le College van Beroep voor het Bedrijfsleven, par trois ordonnances du 23 avril 1993, dit pour droit:
Dans l'affaire C-352-93
1) Le droit communautaire doit être interprété en ce sens que la base juridique pour le calcul d'une taxe compensatoire imposée pour la première fois après l'arrêt du 11 février 1988, National Dried Fruit Trade Association (77-86, Rec. p. 757) est l'article 2, paragraphe 2, du règlement (CEE) n 2742-82 de la Commission, du 13 octobre 1982, relatif à des mesures de sauvegarde applicables aux importations de raisins secs, pour autant qu'il n'a pas été invalidé par ledit arrêt.
2) L'article 4, paragraphe 3, du règlement nº 2742-82 doit être interprété en ce sens que, lorsque les autorités compétentes ont des doutes quant au caractère réel du prix à l'importation déclaré, elles peuvent prendre toutes les mesures nécessaires pour établir ce prix.
3) L'examen de la question posée n'a pas révélé d'éléments de nature à affecter la validité de l'article 4, paragraphe 3, du règlement nº 2742-82.
Dans l'affaire C-351-93
1) L'article 2, paragraphe 3, du règlement (CEE) nº 2237-85 de la Commission, du 30 juillet 1985, établissant des modalités particulières d'application du système de prix minimal à l'importation des raisins secs, doit être interprété en ce sens que, lorsque les autorités nationales ont des doutes quant au caractère réel du prix à l'importation déclaré, elles peuvent prendre toutes les mesures nécessaires pour établir ce prix.
2) L'examen de la question posée n'a pas révélé d'éléments de nature à affecter la validité de l'article 2, paragraphe 3, du règlement n° 2237-85.
Dans l'affaire C-353-93
1) L'article 3, paragraphe 3, du règlement (CEE) nº 1626-85 de la Commission, du 14 juin 1985, relatif aux mesures de sauvegarde applicables aux importations de certaines griottes, doit être interprété en ce sens que, lorsque les autorités compétentes ont des doutes quant au caractère réel du prix à l'importation déclaré, elles peuvent prendre toutes les mesures nécessaires pour établir ce prix.
2) L'examen de la question posée n'a pas révélé d'éléments de nature à affecter la validité de l'article 3, paragraphe 3, du règlement nº 1626-85.
3) L'article 3, paragraphe 3, du règlement nº 1626-85 doit être interprété en ce sens que par les termes "l'exportateur dans le pays dont le produit est originaire" il faut exclusivement entendre l'exportateur dont l'entreprise est établie dans le pays d'origine de la marchandise.