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Décisions

CJCE, 5e ch., 7 décembre 1995, n° C-17/94

COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Arrêt

PARTIES

Défendeur :

Gervais, Nougaillon, Carrard, Horgue

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président de chambre :

M. Edward

Avocat général :

M. Elmer

Juges :

MM. Moitinho de Almeida, Gulmann, Sevón

Avocats :

Mes Dandine, Lafarge, Paulmier

CJCE n° C-17/94

7 décembre 1995

LA COUR (cinquième chambre),

1 Par ordonnance du 14 janvier 1994, parvenue à la Cour le 17 janvier suivant, le juge d'instruction près le Tribunal de grande instance de Bergerac a posé, en vertu de l'article 177 du traité CE, cinq questions préjudicielles sur l'interprétation des articles 37, 52 et 59 du traité CE, ainsi que des directives du Conseil 77-504-CEE, du 25 juillet 1977, concernant les animaux de l'espèce bovine reproducteurs de race pure (JO L 206, p. 8), 78-1026-CEE, du 18 décembre 1978, visant à la reconnaissance mutuelle des diplômes, certificats et autres titres de vétérinaire et comportant des mesures destinées à faciliter l'exercice effectif du droit d'établissement et de libre prestation de services (JO L 362, p. 1), 78-1027-CEE, du 18 décembre 1978, visant à la coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives concernant les activités du vétérinaire (JO L 362, p. 7), et 87-328-CEE, du 18 juin 1987, relative à l'admission à la reproduction des bovins reproducteurs de race pure (JO L 167, p. 54).

2 Ces questions ont été soulevées dans le cadre d'une procédure pénale engagée à l'encontre de MM. Gervais, Nougaillon, Carrard et Horgue (ci-après les "personnes mises en examen").

3 En mars 1992, la Coopérative périgorde agenaise d'élevage et d'insémination artificielle (CPAEIA), qui s'est constituée partie civile le 18 mars 1993, a porté plainte auprès du procureur de la République de Bergerac contre les personnes mises en examen pour pratique illégale de l'insémination artificielle sur sa zone d'exclusivité.

4 MM. Gervais et Nougaillon se sont vu reprocher d'avoir, de 1989 à 1992, commis une infraction à l'article 5, quatrième alinéa, de la loi n 66-1005, du 28 décembre 1966, sur l'élevage (JORF du 29 décembre 1966, p. 11619), en pratiquant des inséminations sans zone d'attribution, délit réprimé par l'article 9 de cette loi. MM. Carrard et Horgue se sont vu reprocher d'avoir, au cours des mêmes années, exploité, en contravention avec l'article 5, premier alinéa, de la même loi, un centre d'insémination sans autorisation, délit réprimé par l'article 9 de cette loi.

Le droit national

5 En France, l'insémination artificielle des animaux est notamment réglementée par la loi n 66-1005. L'article 5, premier et deuxième alinéas, de cette loi prévoit que l'exploitation d'un centre d'insémination est soumise à autorisation du ministre de l'Agriculture. Cette disposition établit une distinction entre les centres chargés de la production de la semence et ceux qui en assurent la mise en place, mais n'exclut pas qu'un seul centre exerce les deux types d'activités à la fois.

6 Les centres de mise en place peuvent être autorisés à entretenir des dépôts de reproducteurs agréés approvisionnés par des centres de production ; dans ce cas, ils procèdent eux-mêmes à la récolte, au conditionnement et à la conservation de la semence des animaux dépendant de ces dépôts.

7 En vertu de l'article 5, quatrième alinéa, de cette loi, chaque centre de mise en place de la semence dessert une zone à l'intérieur de laquelle il est seul habilité à intervenir. En outre, l'article 9 de la même loi dispose que toute infraction à l'article 5, premier et quatrième alinéas, sera sanctionnée d'une amende de 6 000 à 20 000 FF.

8 Selon l'article 4 de cette loi, les opérations de prélèvement et de conditionnement de la semence sont réservées aux seuls titulaires d'une licence de chef de centre d'insémination ou sous leur contrôle. En outre, la mise en place de la semence ne peut être faite que par les titulaires d'une licence de chef de centre d'insémination ou d'inséminateur.

9 En application de l'article 1er du décret n 69-258, du 22 mars 1969, relatif à l'insémination artificielle (JORF du 23 mars 1969, p. 2948), les opérations d'insémination artificielle, lorsqu'elles supposent l'utilisation des animaux reproducteurs en monte publique, doivent être effectuées sous la direction ou le contrôle de centres d'insémination artificielle autorisés et par des agents titulaires d'une licence soit de chef de centre d'insémination, soit d'inséminateur, ou sous leur contrôle.

10 L'article 14 de l'arrêté du 17 avril 1969 relatif aux autorisations de fonctionnement des centres d'insémination artificielle (JORF du 30 avril 1969, p. 4349) précise que les opérations de mise en place de la semence sont effectuées par des agents titulaires d'une licence d'inséminateur opérant sous la responsabilité du chef de centre responsable du dépôt à partir duquel sont approvisionnés les agents inséminateurs.

11 L'article 9 du décret n 69-258 dispose que les licences de chef de centre d'insémination ou d'inséminateur sont délivrées par le ministre de l'Agriculture. En vertu de l'article 2 de l'arrêté du 21 novembre 1991 relatif à la formation des inséminateurs et des chefs de centre et à l'attribution des licences correspondantes (JORF du 6 décembre 1991, p. 15936), ces licences peuvent être délivrées sur présentation, pour l'espèce concernée, d'un certificat d'aptitude et d'une attestation signée du directeur d'un centre de mise en place.

Le droit communautaire

12 Quant à la libre circulation des vétérinaires et des services vétérinaires, l'article 2 de la directive 78-1026 prévoit:

"Chaque État membre reconnaît les diplômes, certificats et autres titres délivrés aux ressortissants des États membres par les autres États membres conformément à l'article 1er de la directive 78-1027-CEE et énumérés à l'article 3, en leur donnant, en ce qui concerne l'accès aux activités du vétérinaire et l'exercice de celles-ci, le même effet sur son territoire qu'aux diplômes, certificats et autres titres qu'il délivre."

13 L'article 1er de la directive 78-1027 dispose que les États membres subordonnent l'accès aux activités du vétérinaire et l'exercice de celles-ci à la possession d'un diplôme, certificat ou autre titre de vétérinaire conforme aux exigences prévues dans la directive.

14 Quant à l'harmonisation des normes zootechniques, les États membres, en vertu de l'article 2 de la directive 77-504, veillent à ce que ne soient pas interdits, restreints ou entravés pour des raisons zootechniques notamment les échanges intracommunautaires des bovins reproducteurs de race pure ou de leur sperme.

15 L'article 2 de la directive 87-328, adoptée en exécution de l'article 3 de la directive 77-504, prévoit qu' un État membre ne peut interdire, restreindre ou entraver notamment l'admission à l'insémination artificielle sur son territoire de taureaux de race pure ou l'utilisation de leur semence lorsque ces taureaux ont été admis à l'insémination artificielle dans un État membre sur la base de tests effectués conformément à la décision 86-130-CEE de la Commission, du 11 mars 1986, fixant les méthodes de contrôle des performances et d'appréciation de la valeur génétique des animaux de l'espèce bovine reproducteurs de race pure (JO L 101, p. 37).

16 L'article 4 de la directive 87-328 oblige les États membres à veiller à ce que, pour les échanges intracommunautaires, la semence des taureaux de race pure soit récoltée, traitée et stockée dans un centre d'insémination artificielle officiellement agréé.

Les questions préjudicielles

17 Le juge d'instruction près le Tribunal de grande instance de Bergerac, estimant que l'issue des procédures pénales du litige au principal dépendait de l'interprétation des articles 37, 52 et 59 du traité, ainsi que des directives 77-504, 78-1026, 78-1027 et 87-328, a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

"1) L'article 59 du traité CEE et les directives du Conseil 78-1026-CEE et 78-1027-CEE du 18 décembre 1978, prises pour la mise en œuvre dans le domaine des activités du vétérinaire, ne font-ils pas obstacle à l'application d'une législation nationale qui, en matière d'insémination artificielle des bovins, soumet la délivrance d'une licence d'inséminateur aux vétérinaires à la production d'une attestation du directeur du centre d'insémination artificielle autorisé, certifiant que le demandeur est placé sous son autorité pour ce qui concerne les opérations de mise en place de la semence, interdisant ainsi au vétérinaire sous peine de poursuites pénales la libre prestation de service, restreignant sensiblement du même coup leur activité, au moyen de la reconnaissance d'un monopole territorial d'exercice de cette activité au profit de personnes réunies en 'centres' dits d'insémination artificielle et non nécessairement titulaires du titre de docteur vétérinaire?

2) L'article 52 du traité CEE et les directives du Conseil 78-1026-CEE et 78-1027-CEE du 18 décembre 1978, prises pour la mise en œuvre dans le domaine des activités du vétérinaire, ne font-ils pas obstacle à l'application d'une législation nationale qui, en matière d'insémination artificielle des bovins, décide d'octroyer dans certaines conditions une licence d'inséminateur aux docteurs vétérinaires mais leur interdit sous peine de poursuites pénales l'exercice de cette activité, et réduit du même coup à néant leur liberté de s'établir, sauf pour eux à s'établir obligatoirement sous l'autorité d'un centre dit d'insémination artificielle, centre constitué par des personnes non nécessairement titulaires du titre de docteur vétérinaire et à qui est reconnu un monopole territorial d'exercice de cette activité, de sorte que sur l'ensemble du territoire français la liberté de s'établir des docteurs vétérinaires ne peut correctement s'exercer en dehors du rattachement à un centre?

3) Les directives du Conseil respectivement en date du 25 juillet 1977 (77-504-CEE) concernant les animaux de l'espèce bovine reproducteurs de races pures et du 18 juin 1987 (87-328-CEE) relative à l'admission à la reproduction des bovins reproducteurs de race pure prises à des fins de police sanitaire et qui entendent préserver la liberté des échanges intracommunautaires selon ce qu'elles énoncent, doivent-elles s'interpréter comme autorisant une législation nationale à mettre en place un monopole territorial d'exercice de l'insémination artificielle de nature proprement économique au profit de 'centres' réunissant des personnes non nécessairement titulaires du titre de docteur vétérinaire?

4) Une réglementation nationale qui subordonne l'accès à l'activité d'inséminateur à la délivrance d'une licence pour l'insémination artificielle des bovins et qui soumet la délivrance de la licence à la production d'une attestation du directeur du centre d'insémination artificielle autorisé, certifiant que le demandeur est placé sous son autorité pour ce qui concerne les opérations de mise en place de la semence, interdisant ou restreignant ainsi l'exercice de cette activité aux docteurs vétérinaires au motif qu'il doit être placé sous l'autorité du directeur d'un centre dit d'insémination artificielle à qui est octroyé un monopole territorial d'exercice, est-elle compatible avec les dispositions pertinentes des directives du Conseil 77-504-CEE et 87-328-CEE qui ne prévoient aucune restriction à l'établissement et à l'activité des docteurs vétérinaires?

5) Un monopole de prestation de service tel que celui organisé par la loi du 28 décembre 1966 sur l'élevage et les textes pris pour son application est-il compatible avec les articles 37 et 59 du traité CEE en tant qu'il exclurait toute mise en place de semence par des personnes, même dûment qualifiées, et habilitées à intervenir, autres que les personnels des centres d'insémination artificielle qui bénéficient du monopole?"

Sur la recevabilité

18 La Commission et le Gouvernement français soutiennent, à titre liminaire, que la demande préjudicielle est irrecevable dès lors que le juge de renvoi s'est contenté de recopier les questions que le conseil des personnes mises en examen lui avait envoyées et de les adresser à la Cour sans expliquer au préalable le cadre factuel et juridique dans lequel s'insère le litige.

19 Il résulte d'une jurisprudence constante de la Cour que les informations fournies dans l'ordonnance de renvoi ne servent pas seulement à permettre à la Cour de donner des réponses utiles, mais également à donner aux Gouvernements des États membres, ainsi qu'aux autres parties intéressées, la possibilité de présenter des observations (voir, notamment, ordonnance du 23 mars 1995, Saddik, C-458-93, Rec. p. I-511, point 13).

20 Il y a lieu de rappeler que la nécessité de parvenir à une interprétation du droit communautaire qui soit utile pour le juge national exige que celui-ci définisse le cadre factuel et réglementaire dans lequel s'insèrent les questions qu'il pose ou, qu' à tout le moins, il explique les hypothèses factuelles sur lesquelles ces questions sont fondées (voir, plus récemment, ordonnance du 7 avril 1995, Grau Gomis e.a., C-167-94, Rec. p. I-1023, point 8).

21 Il convient cependant de relever que, en l'espèce, les informations nécessaires figurent dans l'ordonnance de renvoi ainsi que dans le dossier transmis à la Cour par la juridiction nationale, complétées par les réponses aux questions que la Cour a posées aux personnes mises en examen quant à leur nationalité, leurs qualifications et le lieu de leur établissement professionnel.

22 Il s'ensuit que les questions sont recevables.

Sur les première et deuxième questions

23 Par ses première et deuxième questions, la juridiction de renvoi se demande si, d'une part, les articles 52 et 59 du traité et, d'autre part, les directives 78-1026 et 78-1027 s'opposent à ce qu'un État membre soumette l'accès à l'activité d'inséminateur à des conditions telles que celles énoncées dans la réglementation française.

24 Selon une jurisprudence constante, les dispositions du traité en matière de liberté d'établissement et de libre prestation de services ne peuvent être appliquées aux activités dont tous les éléments se cantonnent à l'intérieur d'un seul État membre (voir, plus récemment, arrêt du 16 novembre 1995, Van Buynder, C-152-94, non encore publié au Recueil, point 10).

25 En l'espèce, il est constant que les procédures pénales portent sur des ressortissants français qui ont obtenu en France les diplômes et certificats nécessaires pour accéder à la profession de docteur vétérinaire. Enfin, ils sont établis en France en tant que docteurs vétérinaires, par une inscription régulière à l'ordre national, et y exercent exclusivement leur activité professionnelle.

26 Ces situations ne présentent dès lors aucun facteur de rattachement à l'une quelconque des situations envisagées par le droit communautaire, de sorte que les règles sur la liberté d'établissement et sur la libre prestation de services ne sont pas applicables.

27 Quant aux directives 78-1026 et 78-1027, elles concernent la formation des vétérinaires et la reconnaissance des diplômes. Dès lors, elles ne s'appliquent pas à une situation dans laquelle le titulaire d'un diplôme, délivré par l'État membre dont il est ressortissant, entend se servir de ce diplôme aux fins de l'exercice des activités de vétérinaire dans cet État membre.

28 En conséquence, il y a lieu de répondre aux première et deuxième questions que les articles 52 et 59 du traité ainsi que les directives 78-1026 et 78-1027 ne s'appliquent pas à des situations purement internes à un État membre telles que celles de ressortissants d'un État membre qui souhaitent exercer sur le territoire de cet État l'activité d'inséminateur sans avoir précédemment suivi une formation y afférente ni l'avoir exercée dans un autre État membre.

Sur les troisième et quatrième questions

29 Par ses troisième et quatrième questions, la juridiction de renvoi demande si les directives 77-504 et 87-328 s'opposent à une réglementation nationale qui, d'une part, instaure un monopole territorial d'exercice de l'insémination artificielle au profit de centres de mise en place et qui, d'autre part, subordonne l'accès à l'activité d'inséminateur à la délivrance d'une licence de chef de centre d'insémination ou d'inséminateur et soumet la délivrance d'une telle licence à la production d'une attestation d'un directeur d'un centre d'insémination artificielle autorisé.

30 Les personnes mises en examen soutiennent que les directives 77-504 et 87-328 s'opposent à la réglementation française qui confère à certaines entreprises ou à certaines personnes le droit exclusif de se livrer à des activités d'insémination et qui limite le droit d'exercer de telles activités en imposant une autorisation préalable.

31 Cet argument ne saurait être retenu.

32 En effet, il résulte du contenu ainsi que de l'objectif des directives 77-504 et 87-328 qu'elles visent à l'harmonisation des conditions d'admission à la reproduction des bovins reproducteurs de race pure et de leur semence, en vue d'éliminer les entraves zootechniques à la libre circulation des semences bovines. Ces directives ne régissent cependant ni les conditions de mise en place de la semence ou la formation d'inséminateurs ni d'ailleurs la délivrance de certificats ou de licences permettant d'accéder aux fonctions réglementées d'inséminateurs.

33 Il convient donc de répondre aux troisième et quatrième questions que les directives 77-504 et 87-328 ne s'opposent pas à une réglementation nationale qui, d'une part, instaure un monopole territorial d'exercice de l'insémination artificielle au profit de centres de mise en place et qui, d'autre part, subordonne l'accès à l'activité d'inséminateur à la délivrance d'une licence de chef de centre d'insémination ou d'inséminateur et soumet la délivrance d'une telle licence à la production d'une attestation d'un directeur d'un centre d'insémination artificielle autorisé.

Sur la cinquième question

34 Par sa cinquième question, la juridiction de renvoi vise à savoir si un monopole de prestations de services, tel que celui organisé par la réglementation française, est conforme aux articles 37 et 59 du traité, en tant qu'il exclurait toute mise en place de semence par des personnes, même dûment qualifiées, et habilitées à intervenir, autres que les personnels des centres d'insémination artificielle qui en bénéficient.

35 Quant à l'article 37 du traité, il y a lieu de rappeler que, dans l'arrêt du 30 avril 1974, Sacchi (155-73, Rec. p. 409), la Cour a déjà dit pour droit qu'il vise les échanges de marchandises et ne peut concerner un monopole de prestations de services.

36 Toutefois, il ne saurait être exclu qu'un monopole de prestations de services puisse avoir une influence indirecte sur les échanges de marchandises entre les États membres. La Cour a dit pour droit, dans l'arrêt du 28 juin 1983, Société coopérative d'amélioration de l'élevage et d'insémination artificielle du Béarn (271-81, Rec. p. 2057, ci-après l'"arrêt Mialocq"), dans lequel il a été déjà examiné la réglementation en cause dans l'affaire au principal, que l'article 37 du traité ne concerne pas un monopole de prestations de services, même si un tel monopole permet à l'État membre concerné d'assumer la direction d'une branche de l'économie nationale, à condition qu'il ne contrevienne pas au principe de la libre circulation des marchandises en discriminant les produits importés au profit des produits d'origine nationale.

37 Il y a lieu, à cet égard, de rappeler que, dans l'arrêt Mialocq, précité, points 11 et 12, concernant la même réglementation que celle en cause dans l'affaire au principal, la Cour a constaté que les circonstances relevées par le jugement de renvoi et celles apparues au cours de la procédure devant elle ne suffisaient pas pour considérer qu' une telle réglementation instituait de façon indirecte une monopolisation qui entravait la libre circulation des marchandises, tout éleveur individuel étant libre de demander, au centre de mise en place dont il dépendait, de lui fournir de la semence provenant du centre de production de son choix, en France ou à l'étranger.

38 Il y a lieu cependant d'ajouter que la question de savoir si le fonctionnement des centres agréés aboutit en pratique à créer une discrimination à l'égard de la semence bovine importée devrait être appréciée à la lumière de l'article 30 du traité CE. L'appréciation des faits pertinents relève de la compétence de la juridiction de renvoi (voir, à cet égard, arrêt du 5 octobre 1994, Centre d'insémination de la Crespelle, C-323-93, Rec. p. I-5077, point 39).

39 Quant à l'article 59 du traité, étant donné la réponse à la première question, il n'y a pas lieu de répondre à cet aspect de la cinquième question.

40 Il convient donc de répondre à la cinquième question que l'article 37 du traité ne concerne pas un monopole de prestations de services, même si un tel monopole exclut toute mise en place de semence par des personnes, même dûment qualifiées, et habilitées à intervenir, autres que les personnels des centres d'insémination artificielle qui en bénéficient, à condition qu'il ne contrevienne pas au principe de la libre circulation des marchandises en créant une discrimination entre les produits importés et les produits d'origine nationale au profit de ces derniers.

Sur les dépens

41 Les frais exposés par le Gouvernement français et par la Commission des Communautés européennes, qui ont soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l'objet d'un remboursement. La procédure revêtant, à l'égard des parties au principal, le caractère d'un incident soulevé devant la juridiction nationale, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.

Par ces motifs,

LA COUR (cinquième chambre),

Statuant sur les questions à elle soumises par le Tribunal de grande instance de Bergerac, par ordonnance du 14 janvier 1994, dit pour droit:

1) Les articles 52 et 59 du traité CE, la directive 78-1026-CEE du Conseil, du 18 décembre 1978, visant à la reconnaissance mutuelle des diplômes, certificats et autres titres de vétérinaire et comportant des mesures destinées à faciliter l'exercice effectif du droit d'établissement et de libre prestation de services, et la directive 78-1027-CEE du Conseil, du 18 décembre 1978, visant à la coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives concernant les activités du vétérinaire, ne s'appliquent pas à des situations purement internes à un État membre telles que celles de ressortissants d'un État membre qui souhaitent exercer sur le territoire de cet État l'activité d'inséminateur sans avoir précédemment suivi une formation y afférente ni l'avoir exercée dans un autre État membre.

2) La directive 77-504-CEE du Conseil, du 25 juillet 1977, concernant les animaux de l'espèce bovine reproducteurs de race pure, et la directive 87-328-CEE du Conseil, du 18 juin 1987, relative à l'admission à la reproduction des bovins reproducteurs de race pure, ne s'opposent pas à une réglementation nationale qui, d'une part, instaure un monopole territorial d'exercice de l'insémination artificielle au profit de centres de mise en place et qui, d'autre part, subordonne l'accès à l'activité d'inséminateur à la délivrance d'une licence de chef de centre d'insémination ou d'inséminateur et soumet la délivrance d'une telle licence à la production d'une attestation d'un directeur d'un centre d'insémination artificielle autorisé.

3) L'article 37 du traité CE ne concerne pas un monopole de prestations de services, même si un tel monopole exclut toute mise en place de semence par des personnes, même dûment qualifiées, et habilitées à intervenir, autres que les personnels des centres d'insémination artificielle qui en bénéficient, à condition qu'il ne contrevienne pas au principe de la libre circulation des marchandises en créant une discrimination entre les produits importés et les produits d'origine nationale au profit de ces derniers.