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Décisions

CA Paris, 2e ch. A, 8 septembre 2004, n° 02-19706

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

SEM Plaine Commune de Développement

Défendeur :

Total Fluides (SA), Sari Développement (Sté), Saint-Denis Aubervilliers Lafargue (SCI)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Deslaugiers-Wlache

Conseillers :

Mme Dintilhac, Timsit

Avoués :

SCP Bommart-Forster, SCP Bourdais-Virenque-Oudinot, SCP Fisselier-Chiloux-Boulay

Avocats :

Mes Chetrit, Bourdel, Kremer

TGI Bobigny, 6e ch., sect. 4, du 9 sept.…

9 septembre 2002

Faits et procédure

LA COUR statue sur l'appel relevé par SEM Plaine, du jugement du 9 septembre 2002 du Tribunal de grande instance de Bobigny qui :

- l'a déboutée de toutes ses demandes contre la société Total Solvants,

- a débouté George V Industries, dénommée Sari Développement et Saint-Denis Aubervilliers Lafargue de leurs demandes contre Total Solvants,

- a prononcé la résolution de la vente du 27 avril 1993 entre elle-même et Férinel Industries,

- l'a condamnée à payer à Georges V dénommée Sari Développement la somme de 3 657 910,50 euro avec intérêts légaux du 19 août 1997 avec capitalisation, à SCI Saint-Denis Aubervilliers Lafargue la somme de 1 947 834,20 euro avec intérêts légaux du 15 janvier 1999 avec capitalisation outre 10 671,43 euro du 31 décembre 1999 jusqu'au règlement effectif de la somme de 3 657 910,50 euro et 7 650 euro à Total Solvants, 4 600 euro à Georges V Industries et 4 600 euro à Saint-Denis Aubervilliers Lafargue en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile

- rejeté toute autre demande.

Par dernières conclusions du 31 mars 2004 SEM Plaine, appelante, soutient qu'elle a été trompée par sa venderesse sur l'ampleur de la pollution en profondeur du terrain, que la pollution au toit de la nappe phréatique ne lui a été révélée qu'en 1996, que l'état réel du terrain, caractérisé par une pollution chronique, affecte sa constructibilité ; qu'elle même n'était pas en mesure de se convaincre de l'étendue de cette pollution, parfaitement connue de Total du fait même de l'ancienneté des installations classées sur ce site.

Elle invoque en outre l'erreur substantielle et la garantie pour vice caché et délivrance, ayant ignoré l'ampleur et la gravité de la pollution jusqu'à la lettre du Préfet du 16 juillet 1996 et ne pouvant se maintenir en raison des charges non déclarées au moment de la vente.

A l'égard de Georges V et SCI Saint-Denis, elle soutient avoir rempli son devoir d'information dans la limite toutefois de ce qui lui avait été indiqué pas son vendeur et que si Georges V, qui avait obtenu un permis de construire n'a pas donné suite c'est pour des motifs étrangers à la pollution du site, que la promesse de vente n'est pas caduque, Total restant tenu de réaliser son engagement de dépollution;

Elle fait valoir ses frais financiers, un manque à gagner et l'atteinte à son image.

Au cas où Georges V et SCI Saint-Denis seraient reconnues fondées à avoir réparation d'un préjudice, elle demande que Total Solvants la garantisse de toute condamnation prononcée contre elle de ce chef.

Elle demande, en conséquence,

- de réformer le jugement, à titre principal de prononcer la nullité de l'acte de vente du 23 décembre 1991 entre Total Solvants et elle-même,

- subsidiairement d'en prononcer la résolution,

- en tous cas d'ordonner la restitution du prix, de condamner Total Solvants à lui verser 9 405 862,73 euro pour frais, 1 648 431,22 euro pour manque à gagner, 1 524 490,17 euro pour perte d'image et troubles divers et condamner Total Solvants à la garantir de toute condamnation au profit de tiers en raison de la pollution et de Georges V et Saint-Denis, dire que chaque somme portera intérêts légaux à compter de l'assignation du 23 décembre 1996,

- à titre infiniment subsidiaire, de condamner Total Solvants à lui payer une indemnité égale au prix d'acquisition du terrain et de la condamner à réparer les conséquences de toute nature résultant de la pollution du terrain, notamment de procéder à la dépollution permettant l'opération de construction conforme à l'urbanisme, à l'hygiène et la sécurité, et au coût, de condamner Total Solvants à la garantir,

- enfin de la condamner ainsi que Georges V et SCI Saint-Denis à 53 357,16 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Par dernières conclusions du 6 mai 2004 Total Fluides, anciennement Total Solvants, soutient qu'il est abusif de prétendre qu'elle ait pu " incontestablement " avoir connaissance de l'étendue de la pollution du site, qu'elle ne s'était engagée envers SEM Plaine qu'à réaliser une dépollution " de surface ", que SEM Plaine, constituée par les deux communes de Saint-Denis et d'Aubervilliers avait nécessairement connaissance de l'état du terrain, l'expert judiciaire ayant souligné qu'elle aurait dû faire procéder à un audit préalable à l'acquisition et faire insérer une clause plus complète ; que l'échec de la revente par SEM Plaine à un promoteur est sans lien de causalité avec l'état du terrain mais imputable à la crise de l'immobilier, qu'après avoir exploité dans le respect de la réglementation sur les établissements classés, elle a exécuté toutes les préconisations publiques relatives à la dépollution, le dernier arrêté, excessif, ayant été annulé et que les dernières expertises établissent que le terrain, désormais débarrassé de ses constructions est pleinement constructible, sans risque notable;

Elle se défend de toute manœuvre ou silence dolosif, affirme que SEM Plaine, elle même aménageur professionnel ayant une connaissance certaine du sites pouvait se convaincre du vice caché, que l'immeuble n'est pas impropre à sa destination et qu'en tous cas l'action n'a pas été introduite à bref délai, que SEM Plaine a eu délivrance de l'immeuble, ayant pu y consentir une promesse de vente et n'en a pas été évincée;

Elle réfute toute responsabilité dans la pollution résultant de l'incendie criminel de 1968, imprévisible et irrésistible, et dans la pollution chronique, de notoriété publique et dont les effets restent limités, faisant valoir que SEM Plaine ne la recherche à présent que parce qu'elle ne peut plus poursuivre son projet d'aménagement en raison du retournement du marché financier.

Elle estime que SEM Plaine ne peut réclamer plus que les 22 millions payés pour partie du prix par Georges V d'autant que le prix était pour 55 % affecté au terrain et le solde soit 20 millions aux constructions, que SEM Plaine ne prouve pas l'étendue de son préjudice pour frais financiers, que les " autres frais " sont fantaisistes, que la perte de marge a été écartée par l'expert, que le poste "perte d'image et troubles de toute nature" est farfelu.

Elle soutient que Georges V et SCI Saint-Denis Aubervilliers Lafargue n'ont pas d'action contractuelle contre elle, que SEM Plaine n'a pas communiqué à son acquéreur tous les éléments en sa possession et s'est engagée envers Georges V bien au-delà d'une dépollution de surface et doit seule répondre de tels engagements ; qu'elle n'a commis aucune faute extra-contractuelle envers le promoteur en lien de causalité avec un préjudice, qui ne peut trouver son origine que dans la déprime du marché financier, la concurrence d'une ZAC voisine, le coût de la charge foncière et l'absence d'étude ; que les pertes d'honoraires et de marge sont sans fondement;

En conséquence elle demande de:

- rejeter l'appel de SEM Plaine,

- de la débouter, ainsi que Georges V et SCI de toutes ses prétentions

- de condamner SEM Plaine d'une part, Sari et SCI d'autre part à lui verser chacune 15 000 euro en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Par dernières conclusions du 26 mai 2004 les sociétés Sari aux droits de Georges V Industries, elle-même aux droits de Férinel et Saint-Denis Aubervilliers Lafargue, maître d'ouvrage, maîtrise déléguée à Sari, exposent qu'elles ont toutes deux qualité pour faire valoir leur préjudice indissociablement contre Total Solvants et SEM Plaine;

Elles fondent leur action contre SEM Plaine sur le manquement contractuel du vendeur de céder un terrain dépollué et décontaminé rendant impossible l'opération immobilière projetée et contre Total Solvants sur la responsabilité " de nature contractuelle " résultant du contrat que celle-ci avait passé avec SEM Plaine son propre acquéreur, subsidiairement sur le fondement quasi-délictuel pour faute prouvée.

Elles soutiennent que le tribunal s'est contredit en affirmant que le terrain était constructible alors qu'il avait retenu, suivant l'expert que la dépollution était non satisfaisante, y compris en surface, et que toute construction engendrerait un surcoût et des risques ; elles souscrivent aux développements de SEM sur l'ampleur de la pollution et sur la connaissance, sur laquelle le tribunal n'a pas statué, par Total de cette situation, et sa dissimulation, et dont ni elles-mêmes ni SEM ne pouvaient prendre la mesure.

Elles demandent d'ajouter à la réparation prononcée, le coût de la TVA et le préjudice pour non-exécution de l'opération, honoraires et bénéfices;

Elles demandent, en conséquence:

- de prononcer la résolution de la promesse de vente du 27 avril 1993

- de condamner SEM Plaine à payer à Sari Développement 3 657 910,50 euro avec intérêts légaux à compter du 19 août 1997 et capitalisation augmentée de la TVA applicable au jour de l'arrêt, et à SCI Saint-Denis 1 947 834,20 euro avec intérêts légaux du 15 janvier 1999 et capitalisation et TVA en vigueur au jour de l'arrêt outre 10 671 43 euro par mois à compter du 31 décembre 1999 jusqu'au paiement effectif de la somme de 3 657 910,50 euro

- de condamner in solidum Total Solvants au paiement des sommes ci-dessus, sauf l'acompte de 3 353 878,38 euro

- de condamner in solidum SEM Plaine et Total Solvants à leur payer 252 417,46 euro pour honoraires d'intervention qui auraient été facturés et 3 281 769,99 euro pour perte de chance

- de confirmer le jugement sur les condamnations prononcées au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile

- de débouter SEM Plaine de ses prétentions

- de condamner un solidum SEM Plaine et Total solvants à leur payer 100 000 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Sur ce, LA COUR,

Considérant que les qualités des parties sont justifiées et d'ailleurs non contestées;

Considérant que la vente consentie le 23 décembre 1991 par Total Solvants à SEM Plaine portait sur un ensemble immobilier anciennement à usage de stockage d'hydrocarbures situé sur les communes de Saint-Denis et d'Aubervilliers d'une surface d'environ 2 hectares en vue de réaliser une opération de construction après démolition des bâtiments existants;

Qu'il était stipulé dans l'acte que Total Solvants s'engageait à faire réaliser à ses frais et au plus tard pour le 30 juin 1992 la dépollution en surface du terrain ainsi que le dégazage des cuves et la mise sous eau de l'installation;

Que le 27 avril 1993 SEM Plaine a consenti à Férinel, aux droits de qui s'est trouvée Georges V Industries, puis Sari Développement, une promesse de vente pour 9 700 m2 en vue de réaliser un programme de 13 000 m2 de surface HO nette destiné à des activités tertiaires, le terrain devant être dépollué et décontaminé si nécessaire" ;

Considérant que, dès avant la vente à SEM Plaine, Total, pour satisfaire à la réglementation et aux injonctions de l'Administration, s'était engagée envers la préfecture à une dépollution en surface et un contrôle du sous-sol;

Considérant que le 13 avril 1993 SEM Plaine rappelait à Total son engagement de dépollution du terrain, non exécutée encore, le contrôle de qualité reçu le 25 février 1993 mettant en évidence une contamination du terrain, du sol et des eaux souterraines par des hydrocarbures,

Considérant que le 12 juillet 1993 Total a commandé à la société Valtech Industry la mise en œuvre des travaux de dépollution, à hauteur de 80 % ; qu'après examen par le laboratoire central de la préfecture de police, le préfet de Seine-Saint-Denis a notifié le 28 février 1995 un procès-verbal de récolement;

Que celui-ci constatait une pollution résiduelle;

Considérant que suite à de nouvelles recherches, notamment par M. Marsily, professeur d'université, à la demande du préfet en mars 1995, en vue de la construction du stade de France à proximité, un arrêté préfectoral du 16 juillet 1996 demandait une nouvelle étude diagnostic destinée à mesurer la pollution résiduelle du site acquis par SEM Plaine, des travaux de dépollution supplémentaires ou mesures de surveillance pouvant être ensuite prescrites au vu du résultat de cette nouvelle campagne;

Considérant que parallèlement à ses obligations envers les autorités publiques de satisfaire à la réglementation sur les sites classés, Total Fluides avait l'engagement de livrer un immeuble destiné à une opération de construction;

Considérant que l'expert Biseau indique que dès ses premières visites, il a relevé l'absence de végétation, signe habituel d'une pollution de surface ou de faible profondeur; que le bureau d'études Burgeap mandaté par l'expert révèle la présence de surnageant avec des épaisseurs variant de quelques millimètres à 3,80 m ce qui implique que la nappe des calcaires de Saint-Ouen, à 6 m de profondeur est fortement polluée par des hydrocarbures; qu'il est à craindre que la pollution ne se reconstitue à mesure qu'on tentera de l'épuiser par pompage; que l'expert ajoute que les conclusions de Burgeap risquent d'être optimistes dès lors que, par souci d'économie, ses investigations ont été effectuées à partir des piézomètres mis en place à la demande de Total et que ceux-ci auraient dû être crépinés dans les sables de Monceau et non à partir de l'apparition du calcaire de Saint-Ouen;

Considérant qu'après rappel de l'historique du site l'expert mentionne qu'il existe :

- des pollutions chroniques importantes en raison de l'activité exercée depuis 60 ans, du volume de produits pétroliers ayant transité, environ 1 500 000 m3 au total pendant la période, et de l'absence de préoccupation environnementale des industriels avant 1970;

- des pollutions accidentelles liées à 3 incendies, dont le plus important en 1968 ayant entraîné l'explosion de plusieurs bacs dans la zone de stockage, détruite à 80 % et débordements de cuvettes de rétention, avec disparition de 8 000 m3 environ de produits stockés selon les pièces communiquées par Total Solvants elle-même;

Que le volume de produits pétroliers infiltrés dans le sol de manière insidieuse et chronique de 1930 à 1968 est évalué par l'expert à 900 m3, l'ensemble des pollutions correspondant à 3 400 m3 minimum de produits présents dans le sol;

Que les pollutions depuis 1930 ont provoqué une contamination des sols, des nappes superficielles et de la nappe phréatique, l'expert ajoutant que malgré les travaux de dépollution conduits en 1993/1994, le sous-sol reste pollué avec persistance d'hydrocarbures surnageant sur la nappe phréatique, concentration d'hydrocarbures totaux dans les sols excédant plusieurs grammes par kilo en certain points et présence de vapeurs explosives dans le sol;

Que l'affirmation de Total Fluides selon laquelle la pollution serait profonde, limitée et stable est contredite par l'avis de l'expert sur sa remontée à un niveau inquiétant à partir de début 1995;

Que l'expert considère que la pollution actuelle du terrain ne permet pas d'envisager de procéder à l'édification de constructions dans des conditions normales de coût, de sécurité et d'hygiène ; qu'en effet toute opération de construction se heurterait à des risques importants d'accident (explosion) et des risques sanitaires pour les ouvriers du chantier, ainsi que pour les ouvrages construits et de nuisances ultérieures pour leurs utilisateurs ;

Que la solution technique proposée par Socotec, à la demande de Total Fluides, n'excluant pas la possibilité technique de réaliser des travaux en zone contaminée non dépolluée, n'est pas fausse mais qu'elle doit au minimum être complétée par l'installation de dispositifs de ventilation et de drainage, ainsi que des précautions particulières pour le chantier engendrant un surcoût très supérieur à 9 % retenu par Socotec;

Considérant que l'expert est d'avis que GRS Valtech a dépollué superficiellement par 40 puits aboutissant à la récupération de 65 tonnes de gaz et 35 900 litres d'hydrocarbures liquides, mais avec augmentation possible des teneurs en hydrocarbures volatils surtout en cas de construction, en sorte que le procès-verbal de récolement délivré le 6 février 1995 par la préfecture après visite du LCPP a retenu une pollution résiduelle;

Considérant qu'en admettant que les investigations relancées en 1996 à la demande de l'Etat n'aient pas abouti à la mise en cause de Total pour une migration de la pollution vers le terrain acquis pour la construction du Stade de France à 600 m de distance et que des décisions aux fins de recherches complémentaires aient été annulées, il reste que Total Fluides n'a pas apporté satisfait [sic] à son obligation de vendeur en vue d'une opération de construction ;

Considérant que les opérations d'expertise conduites de manière très complète après consultation des travaux de nettoyage déjà réalisés et de l'ensemble des études et prescriptions ont ainsi mis suffisamment en évidence que le site restait pollué, même en surface, qu'une complète décontamination était au demeurant problématique et que toute opération de construction était risquée;

Considérant qu'il ne peut être retenu que Total Fluides ait dissimulé volontairement à son co-contractant que le terrain vendu était affecté d'une pollution, s'étant expressément engagée à réaliser des travaux dans ce sens; que SEM Plaine n'a pas davantage commis d'erreur excusable quant à l'existence d'une telle pollution, que le rapport CGPF qui lui a été communiqué révélant que cette pollution existait;

Considérant en revanche que l'ampleur de cette pollution, non connue de SEM Plaine et à laquelle il ne pouvait être apporté remède par une simple dépollution de surface, d'ailleurs elle-même non pleinement réalisée, et dont la SEM Plaine aménageur, qui acquérait auprès d'un exploitant nécessairement au fait des répercussions sur le site d'une activité consacrée au stockage d'hydrocarbures depuis de nombreuses années et informé des pollutions accidentelles venues s'ajouter à la pollution chronique, n'avait pas été informée, constitue un vice caché qui rend l'immeuble impropre à sa destination dès lors que toute construction reste risquée pour la santé ou la sécurité tant des participants au chantier que des futurs utilisateurs, ou possible seulement grâce à un surcoût que SEM Plaine n'était pas supposée avoir intégré dans son projet;

Considérant que SEM Plaine avait certes eu connaissance du rapport CGPF préalable aux opérations de dépollution poursuivies de 1993 à 1995, mais qu'il n'est pas justifié qu'elle ait eu communication du rapport Valtech, transmis en mars 1996 au STIIC qui concluait que son objectif de dépollution à 80 % était atteint mais fixait des recommandations telles que la nécessité de se prémunir d'une augmentation de teneurs en hydrocarbures volatils surtout au cas de construction ; qu'un nouveau diagnostic a été établi en avril 1996 à la demande de Georges V par Navobio mettant en évidence la persistance de la pollution superficielle (à moins d'1 mètre) ; que la Préfecture a pris un nouvel arrêté le 16 juillet 1996 imposant à Total Solvants une nouvelle étude diagnostique et une nouvelle campagne de dépollution ; que l'ensemble de ces éléments, alors que SEM Plaine pouvait escompter sur un résultat satisfaisant après la dépollution entreprise, l'a convaincue de l'ampleur de celle-ci en sorte qu'en assignant le 19 décembre 1996 elle a agi à bref délai;

Considérant que la vente du 23 décembre 1991 sera en conséquence résolue, le jugement étant sur ce point infirmé;

Considérant que la remise à l'état antérieur que commande la résolution de la vente impose, avec la restitution à Total Fluides du terrain, la restitution à SEM Plaine du prix d'acquisition, soit 44 MF;

Que si ce prix était, dans l'acte, décomposé en 24 MF pour la valeur du terrain et 20 MF pour celle des constructions, la restitution du prix doit porter sur la totalité de celui-ci dès lors qu'il était convenu que les bâtiments étaient voués à la démolition à laquelle il a été procédé dès après la vente à l'initiative de Total, restée quelques temps sur le site en qualité de locataire de SEM Plaine et que cette démolition, ainsi qu'il résulte de la lettre du 4 août 1992 de SEM Plaine à Total Fluides a été effectuée à frais partagés;

Considérant que SEM Plaine est en outre fondée à avoir remboursement par Total Fluides des dépenses qu'elle a supportées et dont le bénéfice est perdu du fait de la résolution de la vente ; que ces dépenses, vérifiées par l'expert, au vu des justificatifs produits consistent dans les frais d'actes pour 414 607,75 F, l'indemnité d'éviction acquittée par elle à un preneur pour 1 174 613,45 F, les frais d'études pour 311 354 F, de géomètre pour 77 500 F, les frais financiers pour 15 127 971 F, les travaux préparatoires pour 802 630 F, les taxes foncières pour 384 274 F et autres frais divers pour 210 385 F;

Que s'agissant des frais de société, demandés pour 3 421 531 F et dénoncés par Total Fluides comme particulièrement excessifs, l'expert relève qu'il ne lui a pas été fourni d'explication particulière sur l'importance de ces frais eu égard à l'absence de concrétisation du projet immobilier;

Que ces frais seront remboursés pour la somme forfaitaire de 1 MF;

Que de l'ensemble de ces frais il convient de déduire la somme de 5 293 000 F, correspondant, selon les dernières écritures de SEM Plaine, aux sommes qu'elle a perçues;

Qu'ainsi le montant des sommes dont SEM Plaine est fondée à demander restitution en sus du prix et en conséquence de la résolution de la vente s'établit donc à 14 210 335 F soit 2 166 351 euro;

Considérant que selon l'expert le calcul d'indemnisation de la perte de commercialisation proposé par SEM Plaine, pour l'échec de tout programme sur le surplus de terrain non vendu à Georges V, basé sur un chiffre d'affaires et non sur une marge ne tient pas compte des frais de réalisation du projet immobilier dont le caractère bénéficiaire n'est pas acquis, faute d'éléments probants;

Que la perte d'image n'est ni explicitée ni caractérisée;

Que ces deux postes de préjudice seront donc rejetés;

Considérant que le vice caché se répercute sur la promesse de vente consentie par SEM Plaine aux sociétés du groupe Georges V, le jugement étant confirmé en ce qu'il a prononcé la résolution de la promesse du 27 avril 1993 et ordonné la restitution à Sari Développement de 3 657 910,50 euro avec intérêts légaux du 19 août 1997 et capitalisation et à SCI Saint-Denis 1 947 834,20 euro pour frais financiers et divers avec intérêts légaux du 15 janvier 1999 et capitalisation, outre 10 671,43 euro par mois à compter du 31 décembre 1999 jusqu'au paiement effectif de la somme de 3 657 910,50 euro pour les frais financiers continuant à courir;

Considérant que les sociétés Sari Développement et SCI Saint-Denis Aubervilliers n'établissent pas qu'elles seraient dans l'impossibilité du fait de l'absence de tout programme immobilier de récupérer la TVA;

Considérant que l'expert a constaté que le groupe Georges V n'avait pas apporté la preuve que la pollution du site ait joué un rôle dans l'échec de la commercialisation, qui pouvait trouver sa source dans l'effondrement du marché financier, que notamment, malgré l'insistance de l'expert il n'a pas été justifié que la pollution soit la cause du choix final d'un autre site par les Banques Populaires; que l'intimée n'a pu justifier une quelconque perte de marge eu égard au prix élevé de l'acquisition;

Que les demandes au titre de pertes d'honoraires et de chance seront rejetées;

Considérant que le sous-acquéreur bénéficiant d'une action contractuelle contre le premier vendeur, les condamnations à paiement, hormis la restitution du prix, seront supportées in solidum par SEM Plaine et Total Fluides;

Que SEM Plaine sera garantie par Total Solvants pour les sommes, hors le prix, qu'elle devra rembourser à Sari Développement et SCI Lafargue;

Considérant que les dépens étant mis à la charge de Total Fluides, celle-ci, en équité, paiera d'une part à SEM Plaine, d'autre part aux Stés Sari développement et Saint-Denis Aubervilliers Lafargue 25 000 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;

Par ces motifs, Réformant pour partie et statuant à nouveau, Prononce la résolution de la vente du 23 décembre 1991 entre Total Fluides et SEM Plaine, Condamne Total Fluides à restituer à SEM Plaine le prix de 6 707 756 euro et à rembourser à celle-ci la somme de 2 166 351 euro ; Dit que ces sommes porteront intérêts légaux à compter du 23 décembre 1996 ; Confirme le jugement pour surplus, Y ajoutant condamne in solidum SEM Plaine et Total Fluides au paiement des condamnations prononcées hormis la restitution du prix de 3 353 878,38 euro, à la charge de SEM Plaine seule; Condamne Total Fluides à garantir SEM Plaine des condamnations prononcées contre elle au profit des sociétés Sari et Saint-Denis Aubervilliers Lafargue ; Condamne Total Fluides aux entiers dépens qui pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du nouveau Code de procédure civile et à payer à SEM Plaine d'une part, Sari Développement et SCI Saint-Denis Aubervilliers Lafargue d'autre part la somme de 25 000 euro par application de l'article 700 du même Code.