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Décisions

CA Paris, 5e ch. A, 13 septembre 2006, n° 04-12955

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Natalys (SA)

Défendeur :

Daumas

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Riffault-Silk

Conseillers :

MM. Roche, Byk

Avoués :

Me Huyghe, SCP Gerigny-Freneaux

Avocats :

Mes Amsellem Amran, Bento Carreto

TGI Paris, du 30 avr. 2004

30 avril 2004

Estimant que son concours apporté depuis 1992 à la société Natalys pour la création de vêtements pour femmes et enfants caractérisait l'existence de relations commerciales établies auxquelles la société Natalys avait brutalement mis fin en 2002, Jean Rémy Daumas l'a assignée le 21 mai 2003 devant le Tribunal de grande instance de Paris sur le fondement de l'article L. 442-6-1-5° du Code de commerce, en paiement de 25 000 euro de dommages intérêts. La société Natalys s'est opposée à cette demande faisant valoir que ces dispositions étaient en l'espèce inapplicables et demandant 10 000 euro de dommages intérêts pour procédure abusive.

Par jugement contradictoire du 30 avril 2004, le tribunal saisi, faisant droit sur le principe aux demandes de M. Daumas, et partiellement sur le quantum, a condamné la société Natalys à lui payer une indemnité de 7 000 euro et aux dépens.

Régulièrement appelante le 25 mai 2004, la SA Natalys prie la cour, par conclusions enregistrées le 31 janvier 2005, de réformer le jugement en toutes ses dispositions et statuant à nouveau, de :

- dire et juger qu'il n'existe aucune relation commerciale établie ni aucune rupture brutale de la relation commerciale au sens de l'article L. 442-6-1-5° du Code de commerce,

- débouter M. Daumas de toutes ses demandes,

- subsidiairement réduire la durée du préavis et le quantum du préjudice.

- condamner M. Daumas à lui payer 10 000 euro de dommages intérêts pour procédure abusive et 5 000 euro pour ses frais irrépétibles et aux dépens.

Dans ses écritures déposées le 13 décembre 2004, Jean Rémy Paumas, intimé, conclut à la confirmation du jugement et demande à la cour de condamner la société Natalys aux dépens.

Sur ce,

Considérant qu'aux termes de l'article L. 442-6-I-5° du Code de commerce, " Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé, le fait par tout producteur commerçant, industriel (...),

5° - de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels... ";

Qu'entre dans le champ d'application de ces dispositions toute " relation commerciale établie ", que celle-ci porte sur la fourniture de biens, destinés ou non à la revente, ou sur celle de prestations de service; que la succession d'opérations ponctuelles, régulièrement renouvelées caractérise de telles relations;

Considérant que sont versés aux débats les contrats conclus chaque année de 1992 à 1999 entre la société Natalys et " Jean Rémy Daumas concepteur-créateur", pour la création de "silhouettes" destinées au catalogue Natalys pour chacune de ces périodes ; que le 20 décembre 2000 était signé un nouveau contrat confiant à M. Daumas la création de vêtements et d'articles pour enfants pour la saison Hiver 2001-2002 ainsi qu'une "campagne de relations presse autour du thème "fausse fourrure " pour la période d'avril à octobre 2001 ; que suivant bon de commande du 15 décembre 2001, la société Natalys passait enfin à M. Daumas une " commande de concept/création image " comprenant la création du projet " concept image " ainsi que la présentation de croquis et modèles correspondants pour les saisons Eté 2002, Hiver 2002-2003 et Eté 2003 ; que la plupart de ces contrats renouvelés chaque année mentionnent dans leur préambule que " la société Natalys et M. Daumas concepteur créateur se sont réunis pour définir les termes de leur collaboration pour la création de divers produits (...) ";

Considérant que la régularité de cette collaboration renouvelée chaque année depuis plus de dix ans, caractérise la stabilité des relations commerciales entretenues par les parties, peu important que les contrats en cause, conclus pour chaque saison considérée, aient pris fin avec la commercialisation de chacune des collections;

Considérant que les dispositions de l'article L. 442-6-1-5° du Code de commerce sus-rappelées sont d'ordre public, le moyen tiré d'un courrier du 21 décembre 2000 de M. Daumas soit pendant le cours de ces relations contractuelles, remerciant Natalys pour sa confiance " renouvelée cette saison " et se déclarant " disposé pour une collaboration pour l'été" et ajoutant " mais tu le sais tu es maître de cette décision" étant inopérant ; que la société Natalys n'est pas davantage fondée à soutenir que la rupture n'a pas été brutale, dès lors qu'elle ne justifie pas avoir informé son prestataire de ce qu'elle avait décidé de mettre un terme à leur collaboration, son silence après un dernier règlement intervenu le 14 octobre 2002 étant à l'évidence insuffisant ; qu'elle ne saurait soutenir, subsidiairement, que le préavis ne pourrait dépasser six mois puisque cette durée correspond au cycle de production dans l'industrie de l'habillement et de la mode et par suite à la périodicité des relations contractuelles ; que la durée de ce préavis qui doit prendre en compte, notamment, la durée et la fréquence des relations contractuelles eu égard à la spécificité de l'activité considérée, a été justement fixé par les premiers juges à un an;

Considérant qu'il convient de confirmer le jugement;

Que la demande de dommages intérêts pour procédure abusive formée par la société Natalys, qui succombe, sera rejetée;

Par ces motifs, Statuant publiquement et contradictoirement, Reçoit l'appel jugé régulier en la forme, Au fond, le rejetant, Confirme le jugement, Y ajoutant, Déboute la société Natalys de toutes ses demandes, Condamne la société Natalys aux dépens d'appel, avec droit de recouvrement direct pour la SCP Garrabos et Gerigny-Freneaux, avoué.