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Décisions

Cass. com., 11 janvier 2000, n° 97-17.542

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

PARTIES

Demandeur :

Uranga

Défendeur :

Palacios

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Dumas

Rapporteur :

Mme Mouillard

Avocat général :

M. Lafortune

Avocats :

Me Foussard, SCP Ancel, Couturier-Heller

Pau, 2e ch., sect. I, du 26 juin 1997

26 juin 1997

LA COUR : - Attendu qu'il résulte de l'arrêt infirmatif attaqué (Pau, 26 juin 1997) que, par acte authentique du 30 mai 1995, Mme Elizabeth Palacios, usufruitière depuis lors décédée, et Mlle Marie-Pierre Palacios, nu-propriétaire, ont vendu à M. Uranga un fonds de commerce de bar-restaurant sis à Saint-Jean de Luz ; que, soutenant que les venderesses lui avaient caché, lors de la vente, que la ville leur demandait depuis de nombreux mois de ne plus utiliser la véranda implantée sur le domaine public à l'usage de cuisine, mais de terrasse couverte de restaurant conformément à l'arrêté de concession, M. Uranga a assigné Mlle Palacios en résolution de la vente sur le fondement de la garantie d'éviction, du dol et du vice caché ;

Sur le premier moyen, pris en sa quatrième branche : - Attendu que M. Uranga fait grief à l'arrêt du rejet de sa demande, alors, selon le pourvoi, qu'à supposer même que la volonté de tromper soit une condition du dol, et notamment de la réticence dolosive, elle n'est pas exigée s'agissant de la garantie des vices cachés ; qu'il suffit en effet que l'acquéreur ait ignoré le vice affectant la chose vendue ; qu'en tant que l'exigence d'une volonté de tromper a été appliquée à la garantie des vices cachés, l'arrêt a été rendu en violation des articles 1641 et suivants du Code civil ;

Mais attendu que la cour d'appel ayant, par le motif critiqué, écarté la demande du chef de dol, le moyen, qui invoque une violation des textes relatifs à la garantie des vices cachés est inopérant ;

Sur le second moyen, pris en ses deux branches : - Attendu que M. Uranga reproche encore à l'arrêt d'avoir statué comme il a fait alors, selon le pourvoi, d'une part, que l'éviction peut résulter du seul fait que le bien ne peut être utilisé, à raison d'une sujétion, conformément à la destination qui avait été initialement envisagée ; qu'en omettant de rechercher si la diminution d'usage, liée aux contraintes administratives, ne justifiait pas la mise en œuvre de la garantie d'éviction, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard de l'article 1626 du Code civil ; et alors, d'autre part, que la garantie d'éviction peut être mise en œuvre, alors même que l'éviction n'est pas encore réalisée, dès lors que sa réalisation est certaine ; qu'en décidant le contraire, les juges du fond ont violé l'article 1626 du Code civil ;

Mais attendu que la cour d'appel a souverainement retenu que M. Uranga ne démontrait pas que "la connaissance des difficultés invoquées, qui ne portaient pas sur un des éléments constitutifs du fonds de commerce mais simplement sur l'emplacement d'un bien d'équipement, certes important mais au demeurant relativement sommaire, l'aurait fait renoncer à cette acquisition" ; que, par ce seul motif, et dès lors que M. Uranga ne demandait que la résolution de la vente, la décision de rejet se trouve justifiée au regard de l'article 1636 du Code civil, et le moyen, qui critique des motifs surabondants de l'arrêt, ne peut être accueilli ;

Mais sur le premier moyen, pris en sa troisième branche : - Vu l'article 1641 du Code civil ; - Attendu que, pour rejeter la demande du chef de la garantie des vices cachés, la cour d'appel retient qu'en sa qualité d'acheteur professionnel, M. Uranga devait se renseigner sur l'étendue des autorisations d'occupation du domaine public dont bénéficiait d'évidence ce fonds de commerce ;

Attendu qu'en se déterminant ainsi, par un motif inopérant, alors qu'un acquéreur, serait-il un professionnel, ne peut légitimement soupçonner l'existence d'un litige entre son vendeur et la ville relativement aux conditions d'occupation par celui-ci d'une terrasse qu'il a installée sur le domaine public en vertu d'un arrêté de concession du maire, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard du texte susvisé ;

Et sur le même moyen, pris en sa cinquième branche : - Vu l'article 1641 du Code civil ; - Attendu que, pour statuer comme elle a fait, la cour d'appel retient aussi que M. Uranga ne démontre pas que "la connaissance des difficultés invoquées, qui ne portaient pas sur un des éléments constitutifs du fonds de commerce mais simplement sur l'emplacement d'un bien d'équipement, certes important mais au demeurant relativement sommaire, l'aurait fait renoncer à cette acquisition" ;

Attendu qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher si le vice allégué ne diminuait pas l'usage du fonds à tel point que, l'ayant connu, M. Uranga n'en aurait donné qu'un moindre prix, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard du texte susvisé ;

Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs ; Casse et annule, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 26 juin 1997, entre les parties, par la Cour d'appel de Pau ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel de Bordeaux.