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Décisions

Cass. com., 31 octobre 2006, n° 04-14.988

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Eurotrade International (SARL)

Défendeur :

Sill Dairy Export (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Tricot

Rapporteur :

Mme Beaudonnet

Avocat général :

M. Jobard

Avocats :

SCP Vincent, Ohl, SCP Gatineau

T. com. Paris, 15e ch., du 20 sept. 2002

20 septembre 2002

LA COUR : - Sur le moyen unique : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 28 avril 2004), que, par lettre du 21 août 1997, la société Sill Dairy Export (SDE) a confié à la société Eurotrade International (ETI) la distribution de certains produits laitiers à l'intention exclusive, sur l'Algérie, de deux sociétés de droit algérien, dont la société Sicad, contrôlée par M. Haddou; que cet accord a été modifié le 2 février 2000 par un accord conclu entre les sociétés SDE, ETI et M. Haddou, précisant les quantités et prix des produits achetés à la société SDE par la société ETI au profit de sociétés appartenant au groupe de M. Haddou et les conditions de quantité et de prix des ventes directes réalisées par la société SDE sur le marché algérien; que, reprochant à la société SDE d'avoir rompu de manière fautive et brutale leurs accords afin d'engager des relations directes avec le groupe Haddou et d'avoir commis à son préjudice des actes de concurrence déloyale et parasitaire, la société ETI l'a assignée en dommages-intérêts et en garantie des conséquences pouvant résulter d'un éventuel non-paiement des sommes que lui doivent des sociétés du groupe Haddou ;

Attendu que la société ETI fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté l'ensemble de ses demandes d'indemnisation de son préjudice dirigées contre la société SDE, alors, selon le moyen : 1°) qu'aux termes de l'article 36,5° de l'ordonnance du 1er décembre 1986 (devenu l'article L. 442-6-1, 5° du Code de commerce), dans sa rédaction applicable à la date des faits, engage la responsabilité de son auteur le fait pour tout producteur ou commerçant de rompre brutalement une relation commerciale établie sans préavis écrit tenant compte des relations commerciales antérieurs ou des usages reconnus par des accords interprofessionnels; qu'excepté le cas de force majeure, seule l'inexécution par l'autre partie de ses obligations - qui s'entend nécessairement d'un manquement suffisamment grave de cette partie à ses obligations contractuelles - ouvre la faculté pour l'autre partie de procéder à une résiliation sans préavis; de sorte qu'en statuant comme elle a fait sans constater le caractère de suffisante gravité du manquement reproché à la société ETI, la cour d'appel n'a pas légalement justifié se décision au regard du texte susvisé; 2°) qu'indépendamment de la rupture brutale de leurs relations commerciales, la société ETI reprochait encore à la société SDE de l'avoir délibérément mise dans une situation financière extrêmement difficile et préjudiciable en permettant au "groupe Haddou " d'être directement approvisionné en connaissance de l'encours dont il restait redevable à son égard; qu'en se bornant à opposer à cette prétention le fait que les accords conclus entre les parties n'étaient assortis d'aucun engagement du fournisseur en faveur de la société ETI en cas d'inexécution par le "groupe Haddou " de ses obligations de paiement envers le négociant sans rechercher si la société SDE n'avait pas commis une faute extra-contractuelle en se rendant sciemment complice, après rupture des relations avec sa co-contractante, de l'inexécution par le "groupe Haddou" de ses obligations contractuelles de paiement envers son ancien distributeur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions de l'article 1382 du Code civil;

Mais attendu, d'une part, qu'après avoir, par une interprétation souveraine des accords des parties, relevé que la société ETI ne pouvait ni modifier le prix des produits vendus, ni choisir librement ses propres clients, et après avoir constaté que cette société a décidé au mois de septembre 2000, sans en informer la société SDE, d'augmenter le prix des produits vendus aux sociétés du groupe Haddou en raison de l'importance des encours de ces sociétés, puis avait, le 7 novembre, avisé la société SDE qu'elle ne fournirait plus les sociétés du groupe Haddou jusqu'à régularisation de leur situation financière et passé commande de produits afin de les distribuer "à d'autres clients", commande refusée par la société SDE le 9 novembre, la cour d'appel retient que, "quelle que soit l'étendue du litige l'opposant à son client algérien, la société ETI ne pouvait sans abus modifier unilatéralement les clauses de l'accord de distribution tripartite" conclu en février 2000 avec la société SDE et les sociétés du groupe Haddou, et ce, d'autant moins que cet accord ne comprenait aucun engagement de la société SDE en faveur de la société ETI en cas d'inexécution par les sociétés du groupe Haddou de leurs obligations de paiement envers le négociant ; qu'ayant ainsi fait ressortir que les manquements contractuels de la société ETI présentaient un caractère de gravité suffisant pour dispenser la société SDE de tout préavis, la cour d'appel a légalement justifié sa décision;

Attendu, d'autre part, qu'ayant souverainement retenu que la société SDE n'avait effectué aucune livraison directe au profit des sociétés du groupe Haddou avant que la société ETI ne l'informe de sa décision de ne pas livrer de produits à ces sociétés, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à une recherche qui ne lui était pas demandée relative à une faute délictuelle commise par la société SDE après la rupture des relations commerciales avec la société ETI, a légalement justifié sa décision ; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé;

Par ces motifs : Rejette le pourvoi.